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Déclaration de la CODP : La lutte contre la COVID 19 dépend de la collecte de données démographiques

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Avril 30, 2020

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Il y a deux semaines, la Commission ontarienne des droits de la personne (CODP) écrivait à la ministre de la Santé de l’Ontario pour l’encourager à exiger la collecte et la transmission de données démographiques essentielles à la lutte efficace contre la pandémie de COVID‑19. Près de trois années s’étaient déjà écoulées depuis que la CODP avait exhorté le gouvernement à exiger que les organismes de soins de santé recueillent, analysent et transmettent des données relatives à la race aux termes de la Loi contre le racisme.

La semaine dernière, le premier ministre et le médecin hygiéniste en chef de l’Ontario ont tous les deux confirmé publiquement que la province ne recueillait pas de données relatives à la race. Plus inquiétant encore, ils ont tous les deux mis en doute l’importance de telles données et laissé entendre que leur collecte n’était pas nécessaire du point de vue de la santé publique.

L’importance de ces données ne peut être sujette à discussion. Les experts des droits de la personne et de la santé publique s’entendent sur le fait que la prise de décisions éclairées dépend de la collecte de données démographiques, y compris des données relatives à la race, au statut socio-économique et au handicap, jumelées aux données sur le sexe et l’âge. La collecte de données démographiques constitue une pratique exemplaire.

La collecte de données rigoureuses permet aux autorités sanitaires de repérer les populations à risque élevé d’infection et de transmission, d'octroyer de façon efficace les ressources limitées en santé et d’assurer à toute la population ontarienne un accès équitable aux mesures de protection de la santé publique. Si nos efforts en vue d’aplatir la courbe négligent une population quelconque, nous risquons de prolonger la pandémie ou d’occasionner la réapparition de la COVID-19.

Malheureusement, contrairement à bien d’autres territoires, l’Ontario a décidé de ne pas exiger la collecte de données démographiques rigoureuses dans le secteur des soins de santé. Cette décision doit être annulée rapidement et définitivement. La prise en compte de données sur l’identité — y compris des données relatives à la race, au statut socio-économique et au handicap — en contexte de soins de santé assurés (comme l’Assurance-santé de l’Ontario) faciliterait l’analyse des disparités observées à l’échelle du système sur le plan des résultats en matière de santé. Ces données ne nous éclaireraient pas davantage sur la situation au sein de certains groupes non assurés vulnérables, mais représenteraient une amélioration par rapport au statu quo.

La perfection ne peut pas se faire l’ennemi du progrès, surtout en cette période sans précédent. La mise en œuvre d’une initiative ambitieuse, quoique nécessaire, à l’échelle du système prendrait des années, et c’est pourquoi la CODP encourage tous les paliers de gouvernement à suivre l’exemple du Toronto Public Health et à mettre en œuvre des projets pilotes à court terme de collecte de données durant la crise actuelle.

De tels projets pourraient inclure la collecte de données démographiques au moment du dépistage, quand les bureaux de santé publique locaux font la déclaration des cas positifs, au moment de l’admission à l’hôpital ou aux soins intensifs et (ou) quand la province rapporte les cas de décès des suites de la COVID‑19. Le gouvernement doit également recueillir des données pour cerner et régler rapidement les cas éventuels de profilage racial ou social liés à l’application des ordonnances d’urgence et de santé publique.

Les groupes traditionnellement marginalisés ont raison d’accueillir avec scepticisme les politiques relatives à la santé qui ne sont pas fondées sur des données liées à l’identité. Le bilan du Canada en matière de protection des groupes traditionnellement défavorisés contre les maladies infectieuses n’est pas reluisant. Au dix-neuvième siècle, les peuples autochtones affichaient le plus haut taux de mortalité des suites de la tuberculose, toutes populations humaines confondues, en grande partie en raison de politiques systémiques racistes. Encore aujourd’hui, les communautés inuites affichent des taux extrêmement élevés de tuberculose. Plus récemment, des chercheurs de l’Ontario ont déterminé que l’ethnicité avait constitué un facteur de risque durant la pandémie de H1N1 de 2009.

Durant la pandémie de COVID‑19, des personnes hébergées dans des refuges, établissements de santé mentale et prisons, des personnes aux prises avec des handicaps et des dépendances, des personnes autochtones et racialisées, des personnes sans hébergement sécuritaire et des travailleurs essentiels occupant des emplois précaires ou peu rémunérés nous ont déjà fait part de situations troublantes.

La politique de l’autruche ne résoudra pas les préoccupations relatives aux disparités observées sur le plan des résultats en matière de santé et ne libérera pas le gouvernement de ses responsabilités envers l’élimination de la discrimination systémique liée à sa gestion de la pandémie de COVID‑19. En l’absence de données rigoureuses sur la situation en Ontario, le gouvernement doit prendre en compte les données qui ont été recueillies dans des territoires comparables, comme les États-Unis, et montrent par exemple que les personnes noires ou issues d’autres groupes vulnérables affichent des taux de mortalité disproportionnés des suites de la COVID‑19. L’Ontario doit s’appuyer sur ces données pour adopter des plans d’action relatifs aux groupes vulnérables qui incluent des mesures de dépistage agressives.

Pour la CODP, la nouvelle plateforme de données sur la santé du gouvernement et le plan d’action de la province touchant les résidents de foyers de soins de longue durée sont des mesures encourageantes. Des plans semblables devraient être mis en œuvre pour d’autres groupes vulnérables. Ces plans devraient être élaborés en collaboration avec des experts de la santé publique et des droits de la personne, des intervenants de première ligne et des personnes touchées, et donner la priorité aux mesures de santé publique plutôt qu’aux mesures d’application de la loi.

Jusqu’à présent, la population ontarienne appuie la façon dont le gouvernement de l’Ontario gère la pandémie de COVID‑19. Tous les paliers de gouvernement ont fait preuve de transparence, suivi les conseils des experts et mis en œuvre des mesures judicieuses pour protéger les groupes vulnérables. Conséquemment, l’Ontario a commencé à aplatir sa courbe et les Ontariennes et Ontariens continuent d’appuyer l’approche équilibrée et bienveillante adoptée. La CODP encourage le gouvernement à suivre une fois de plus les conseils des experts de la santé et des droits de la personne qui s’entendent sur le fait que l’Ontario doit se doter de données démographiques pour lutter efficacement contre la COVID‑19.

Renu Mandhane
Commissaire en chef