Politique sur les droits de la personne contradictoires

Sommaire

À mesure que les gens comprennent mieux leurs droits et entendent les exercer, il peut arriver que certains de ces droits entrent en conflit avec les droits d’autrui. Cela s’applique tout particulièrement à la société de plus en plus diversifiée et complexe de l’Ontario. Des conflits peuvent survenir lorsqu’une personne ou un groupe tente de se prévaloir d’un droit ou d’agir selon des valeurs ou des intérêts précis dans un contexte organisationnel (p. ex. école, emploi, logement). Parfois, ces revendications peuvent être en conflit avec celles d’autres personnes, ou sembler l’être. Selon les circonstances, par exemple, les droits de ne pas subir de discrimination fondée sur la croyance, l’orientation sexuelle ou le sexe peuvent entrer en opposition les uns avec les autres, ou avec d’autres droits, lois et pratiques. Est-ce qu’une organisation religieuse peut exiger que ses employés s’engagent moralement à ne pas s’adonner à certains actes sexuels? Est-ce qu’une femme qui a porté une accusation contre quelqu’un peut témoigner durant son procès vêtue d’un niqab (voile couvrant le visage que l’on porte pour des motifs religieux)? Que fait-on quand le chien d’assistance d’une enseignante cause de graves réactions allergiques à une étudiante?

La Charte canadienne des droits et libertés, les lois provinciales en matière de droits de la personne (y compris le Code des droits de la personne de l’Ontario) et les tribunaux reconnaissent qu’aucun droit n’est absolu et qu’aucun droit particulier n’est plus important qu’un autre. Nos lois garantissent certains droits comme le droit à la liberté d’expression et nous protègent contre la discrimination et le harcèlement fondés sur divers motifs, dont, entre autres, le sexe, la croyance, l’orientation sexuelle et le handicap. Elles exigent que nous donnions à tous les droits une considération égale. La loi reconnaît également que les droits peuvent être restreints dans certaines situations où ils peuvent entraver de manière importante les droits d’autrui.

Les tribunaux ont conclu qu’il fallait procéder au cas par cas pour trouver des solutions permettant de concilier les droits contradictoires et d’offrir des mesures d’adaptation aux personnes et aux groupes, dans la mesure du possible. Cette recherche de solutions peut présenter des défis de taille, prêter à controverse et mécontenter parfois une partie ou l’autre. Mais c’est une responsabilité commune qu’il est plus facile d’assumer lorsque nous comprenons mieux la nature des droits et obligations de chacun et faisons preuve de respect mutuel pour la dignité et la valeur de toutes les parties intéressées. Pour trouver la meilleure solution susceptible d’assurer l’exercice optimal des droits de chacun, il est nécessaire d’ouvrir la porte au dialogue, voire au débat d’idées.

Selon le Code des droits de la personne de l’Ontario, le mandat de la Commission ontarienne des droits de la personne (CODP) inclut le fait de réduire les tensions et conflits dans les collectivités ontariennes et de promouvoir et de coordonner les plans, programmes et activités qui permettront d’y parvenir. La CODP a élaboré la Politique sur les droits de la personne contradictoires pour aider les organisations et la population à résoudre des situations complexes de droits contradictoires.

Objectifs de la politique

La Politique sur les droits de la personne contradictoires a été conçue pour procurer à la population et aux organisations un outil utile de résolution de différents types de conflits. Elle établit un processus d’analyse et de conciliation des droits contradictoires qui s’articule autour d’objectifs et de considérations spécifiques.

Par exemple, toutes les parties concernées devraient :

  • promouvoir la dignité et le respect mutuel
  • encourager la reconnaissance mutuelle des intérêts, des droits et des obligations
  • faciliter la reconnaissance maximale des droits dans la mesure du possible
  • aider chacun à comprendre la portée de ses droits et obligations
  • éliminer les stigmates d’infériorité et déséquilibres de pouvoir, et aider à donner
  • voix au chapitre aux personnes et groupes marginalisés
  •  encourager la collaboration et la responsabilité commune en matière de recherche de solutions convenables permettant de maximiser l’exercice des droits.

L’approche sur laquelle repose la politique peut aider les organisations et les décisionnaires à résoudre des conflits, voire à en éviter complètement. Dans les cas où une intervention devant un tribunal est inévitable, la politique comprend un cadre analytique que peuvent utiliser les tribunaux judiciaires et administratifs pour résoudre ce genre de conflits.

Mesures pratiques visant à réduire le potentiel de conflits

En bout de ligne, il incombe aux employeurs, fournisseurs de logements, éducateurs et autres parties responsables visées par le Code des droits de la personne de l’Ontario
de maintenir un environnement inclusif libre de discrimination et de harcèlement, qui respecte les droits de la personne de tous. Par conséquent, les organisations et groupements qui mènent des activités en Ontario sont tenus, selon la loi, de prendre des mesures pour prévenir les situations de droits contradictoires, et régler celles qui surviennent.

Les organisations peuvent réduire le nombre éventuel de conflits relatifs à des droits de la personne et de situations de droits contradictoires en :

  • se familiarisant avec le Code des droits de la personne de l’Ontario et avec
  • leurs obligations aux termes de celui-ci
  •  prenant des mesures pour éduquer et former des personnes responsables à
  • propos des situations de droits contradictoires et de la Politique sur les droits
  • de la personne contradictoires de la CODP
  • mettant en place une politique claire et exhaustive sur les droits contradictoires qui :
  • établit le processus à suivre quand survient une situation de droits contradictoires
  • informe toutes les parties de leurs droits, rôles et responsabilités
  • engage l’organisation à résoudre les questions de droits contradictoires rapidement et de façon efficace.

Le fait de prendre des mesures proactives et efficaces pour résoudre les questions de droits contradictoires aidera à protéger les organisations de toute responsabilité si elles sont, un jour, citées comme intimé dans une affaire de revendication de droits de la personne faisant intervenir des droits contradictoires.

Qu’entend-on par droits contradictoires?

En général, les questions de droits de la personne contradictoires émanent de situations où des parties à un conflit prétendent que le fait qu’une personne ou qu’un groupe exerce des libertés ou des droits protégés par la loi porterait atteinte aux droits et libertés d’autres personnes. Cela complique l’approche de résolution des conflits relatifs aux droits de la personne, qui vise les cas où l’atteinte concerne les droits de la personne d’une partie uniquement. Dans certains cas, un seul groupe dépose une requête en matière de droits de la personne, mais cette requête concerne des droits reconnus par la loi d’une autre ou de plusieurs autres parties.

Bien que de nombreuses situations puissent sembler à première vue opposer des droits contradictoires, il faut comprendre que toutes les revendications de droits n’auront pas le même poids au regard de la loi. Certains droits bénéficient d’un statut juridique plus élevé et d’une plus grande protection que d’autres. Par exemple, les conventions internationales, la Charte canadienne des droits et libertés, les lois provinciales en matière de droits de la personne et les décisions juridiques rendues reconnaissent toutes l’importance primordiale et le statut particulier des droits de la personne.

Il arrive aussi que la législation protège d’autres droits ne constituant pas des droits de la personne, sans par contre leur accorder nécessairement le même statut que les droits de la personne. Certaines requêtes peuvent également concerner les intérêts et valeurs de personnes ou de groupes.

Bien que de nombreuses situations puissent donner l’impression de créer des conflits de droits, d’intérêts et de valeurs, les droits de la personne et autres droits protégés par la loi jouissent habituellement d’un statut plus élevé, au moment d’établir l’état de la situation, que les intérêts et valeurs. La Politique sur les droits de la personne contradictoires de la CODP a été conçue principalement pour servir d’outil de résolution des situations opposant des droits de la personne et d’autres droits protégés par la loi.

Exemples de situations de droits contradictoires[1]

On assiste à une situation de droits de la personne contradictoires lorsque les revendications de chacune des parties ont trait à des droits protégés par la loi, et que les revendications d’au moins une partie ont trait à des droits protégés par la législation sur les droits de la personne. Selon cette définition, les allégations de scénarios de droits de la personne contradictoires pourraient opposer les droits suivants :

  1. Droit protégé par le Code c. droit protégé par le Code
  2. Droit protégé par le Code c. défense prévue par le Code
  3. Droit protégé par le Code c. droit protégé par une autre loi
  4. Droit protégé par le Code c. droit garanti par la Charte
  5. Droit protégé par le Code c. droit reconnu par la common law
  6. Droit reconnu par un traité international c. défense prévue par
    le Code ou la Charte
  7. Droit garanti par la Charte c. droit garanti par la Charte

Principes juridiques clés[2]

Les tribunaux judiciaires n’ont pas établi de formule ou d’approche analytique claire en vue de la résolution des situations de droits contradictoires, mais ont rendu des décisions qui établissent un certain nombre de principes fondamentaux offrant des indications sur la façon de régler ce type de scénarios et sur les situations à éviter. Les tribunaux judiciaires ont aussi reconnu que la solution apportée dépendra souvent des faits spécifiques de l’affaire, et que les revendications de droits devraient être abordées au cas par cas. Au moment de concilier des droits contradictoires, les organisations doivent avant tout tenir compte des principes juridiques suivants :

  1. aucun droit n’est absolu
  2. il n’y a pas de hiérarchie entre les droits
  3. la portée des droits peut être moindre que ce qui est revendiqué
  4. l’examen doit prendre en compte le contexte dans son ensemble et tous les faits et valeurs constitutionnelles en jeu
  5. l’examen doit mesurer l’étendue de l’entrave (un conflit n’existe qu’en cas d’atteinte réelle à un autre droit)
  6. les éléments fondamentaux d’un droit bénéficient d’une plus grande protection que ses éléments périphériques
  7. le but est de respecter les deux catégories de droits en jeu
  8. les défenses légales peuvent restreindre les droits d’un groupe et accorder des droits à un autre.

Analyse en vue de résoudre les situations de droits de la personne contradictoires

La Politique sur les droits de la personne contradictoires comprend un cadre analytique de résolution des situations de droits contradictoires que la CODP a élaboré en se fondant sur les principes internationaux de droits de la personne, la jurisprudence, la recherche en sciences sociales et ses consultations avec des partenaires communautaires et intervenants[3]. Le tableau suivant résume le processus de reconnaissance et de conciliation des droits de la personne contradictoires du cadre analytique, qui compte trois phases et cinq étapes :

Processus permettant de résoudre les situations de droits contradictoires

Première phase : Reconnaître les droits contradictoires

     Étape 1 : Sur quoi portent les revendications?

     Étape 2 : Les revendications concernent-elles des droits légitimes?

(a)   Les revendications concernent-elles des personnes ou des
groupes, plutôt que des intérêts opérationnels?

(b)   Les revendications concernent-elles des droits de la personne, d’autres droits reconnus par la loi ou des intérêts raisonnables
et de bonne foi?

(c)   Compte tenu du contexte, les protections consenties aux droits invoqués s’étendent-elles à la présente situation?

     Étape 3: La situation constitue-t-elle davantage qu’une atteinte minimale
                   aux droits?

Deuxième phase: Concilier les droits contradictoires

     Étape 4 : Existe-t-il une solution assurant la jouissance de chacun des droits?

     Étape 5 : S’il en n’existe pas, y a-t-il une solution de remplacement?

Troisième phase : Prendre des décisions

  • Les décisions prises doivent respecter les lois relatives aux droits de la personne et autres, les décisions rendues par les tribunaux et les principes de droits de la personne, et prendre en compte la politique de la CODP.
  • Au moins un des droits revendiqués doit relever du Code des droits de la personne de l’Ontario pour faire l’objet d’une requête auprès du Tribunal des droits de la personne de l’Ontario.

En adoptant l’approche proposée de la CODP, les organisations peuvent être confiantes d’avoir adopté un processus de résolution des confits qui respecte les principes de droits de la personne.

Processus organisationnel de conciliation des droits contradictoires[4]

Il est possible de résoudre rapidement de nombreuses situations de droits contradictoires par l’entremise d’un processus non structuré d’une ou deux rencontres, au plus. Dans un premier temps, les organisations devraient déterminer si la situation convient à l’adoption d’un processus non structuré et accéléré. Par exemple, les faits entourant l’affaire et la délimitation de chacune des revendications pourraient être simples et incontestés. Les parties pourraient déjà connaître clairement leurs revendications, droits et obligations mutuels. Elles pourraient avoir fait preuve de respect envers leurs intérêts mutuels et être prêtes à entamer sans délai des discussions à propos de solutions.

Lorsqu’on entreprend un processus accéléré, on analyse généralement rapidement la situation avec les deux parties. Ici, le but n’est pas tant de procéder à une analyse précise des droits en jeu, mais de trouver des solutions qui conviennent à toutes les parties et respectent les droits de la personne. Si le processus non structuré accéléré ne résout pas la situation, l’organisation peut alors décider d’entreprendre un processus plus structuré complet. Cependant, il est important d’envisager dans un premier temps un processus accéléré puisqu’il est possible de trouver une solution pratique rapide à la plupart des cas de situations de droits contradictoires.

Lorsqu’on entreprend un processus plus structuré et complet, on applique plus rigoureusement la première phase du cadre analytique pour déterminer si on assiste bel et bien à une situation de droits de la personne contradictoires. Si, après avoir franchi la première phase, l’organisation conclut qu’on assiste bien à une situation de droits de la personne contradictoires, la deuxième phase du cadre l’aidera à concilier les droits contradictoires. La Politique sur les droits de la personne contradictoires propose un modèle de règlement extrajudiciaire des différends (RED) pour aider les organisations à effectuer l’analyse en trois phases.

Conclusion

Des situations de droits de la personne contradictoires surviendront inévitablement dans une grande variété de contextes, y compris le milieu de travail, le logement et le milieu scolaire. En suivant l’approche présentée dans la Politique sur les droits de la personne contradictoires, les organisations pourraient être en mesure de régler rapidement les tensions et les conflits qui surviennent entre différentes parties. La résolution rapide des conflits aide les organisations à composer avec différentes situations avant qu’elles ne s’enveniment et ne s’enlisent. Cela contribue à la santé et au bon fonctionnement de l’organisation, et peut prévenir des interventions coûteuses en temps et en argent devant un tribunal.


[1] Voir la rubrique 4.2 de la Politique sur les droits de la personne contradictoires pour obtenir des exemples et des renseignements supplémentaires sur chacune de ces situations.

[2] Voir la rubrique 5 de la Politique sur les droits de la personne contradictoires pour obtenir des
exemples et des renseignements supplémentaires sur chacun de ces principes.

[3] L’Annexe C de la Politique sur les droits de la personne contradictoires contient un tableau récapitulatif du cadre analytique. Voir la rubrique 6 de la politique pour obtenir des renseignements détaillés sur l’analyse qui sous-tend le cadre.

[4] Les exemples de cas fournis à l’Annexe D peuvent aider les organisations qui traversent cette phase
du processus. Ces exemples sont présentés sous forme de tableau d’analyse pouvant aider les organisations à cadrer les problèmes et à évaluer les considérations pertinentes.

 

ISBN/ISSN: 
978-1-4435-9249-9 (HTML)
Resource Type: 
Discrimination Type: 
Organizational responsibility: 

1. Introduction

« Tous les êtres humains naissent libres et égaux en dignité et en droits. »[5]       

Dans le cadre de leurs interactions, les personnes et organisations devront composer avec des situations de tension et de conflit. Cela s’applique tout particulièrement à

la société de plus en plus diversifiée et complexe de l’Ontario. Des conflits peuvent survenir lorsqu’une personne ou un groupe tente de se prévaloir d’un droit ou d’agir selon des valeurs ou des intérêts précis dans un contexte organisationnel (p. ex. école, emploi, logement). Parfois, ces revendications peuvent être en conflit avec celles d’autres personnes, ou sembler l’être. Selon les circonstances, par exemple, les droits de ne pas subir de discrimination fondée sur la croyance, l’orientation sexuelle ou le sexe peuvent entrer en opposition les uns avec les autres, ou avec d’autres droits, lois et pratiques. Est-ce qu’une organisation religieuse peut exiger que ses employés s’engagent moralement à ne pas s’adonner à certains actes sexuels? Est-ce qu’une femme qui a porté une accusation contre quelqu’un peut témoigner durant son procès vêtue d’un niqab (voile couvrant le visage que l’on porte pour des motifs religieux)? Que fait-on quand le chien d’assistance d’une enseignante cause de graves réactions allergiques à une étudiante?

La Charte canadienne des droits et libertés (la Charte), les lois provinciales en matière de droits de la personne et les tribunaux judiciaires reconnaissent qu’aucun droit n’est absolu et qu’aucun droit particulier n’est plus important qu’un autre. Nos lois garantissent certains droits comme le droit à la liberté d’expression et nous protègent contre la discrimination et le harcèlement fondés sur divers motifs, dont, entre autres, le sexe, la croyance, l’orientation sexuelle et le handicap. Elles exigent que nous donnions à tous les droits une considération égale. La loi reconnaît également que les droits peuvent être restreints dans certaines situations où ils peuvent entraver de manière importante les droits d’autrui.

Ces dernières années, les commissions des droits de la personne de l’ensemble du pays ont dû résoudre des cas complexes de droits de la personne contradictoires. La Commission ontarienne des droits de la personne (CODP) a constaté que les revendications de droits de la personne ont de plus en plus trait à des situations complexes opposant des droits multiples. Par exemple, un plaignant pourrait faire valoir que ses droits de la personne protégés par la loi ont été bafoués par un intimé qui, en retour, invoque une défense également prévue dans les lois régissant les droits de la personne. Les motifs de discrimination interdits les plus couramment cités dans le cadre de revendications de droits de la personne contradictoires comprennent le sexe, la croyance, l’orientation sexuelle et le handicap, bien que d’autres motifs et droits légaux aient aussi été invoqués.

Le Code des droits de la personne de l’Ontario (le Code) indique que le mandat de la CODP inclut de réduire les tensions et conflits dans les collectivités ontariennes et de promouvoir et de coordonner les plans, programmes et activités qui permettront d’y parvenir. La CODP a élaboré cette politique pour aider à résoudre des situations complexes opposant des droits contradictoires.

La jurisprudence relative à la conciliation de droits de la personne contradictoires prend tranquillement forme au Canada. Les tribunaux judiciaires ont conclu qu’il fallait procéder au cas par cas pour trouver des solutions permettant de concilier les droits contradictoires et offrir des mesures d’adaptation aux personnes et aux groupes, dans la mesure du possible. Cette recherche de solutions peut présenter des défis de taille, prêter à controverse et mécontenter parfois une partie ou l’autre. Mais c’est une responsabilité commune qu’il est plus facile d’assumer lorsque nous comprenons mieux la nature des droits et obligations de chacun et faisons preuve de respect mutuel pour la dignité et la valeur de toutes les parties intéressées. Pour trouver la meilleure solution susceptible d’assurer l’exercice optimal des droits de chacun, il est nécessaire d’ouvrir la porte au dialogue, voire au débat d’idées. À cette fin, nous avons clairement besoin d’orientations stratégiques en matière de droits de la personne pour accompagner les interprétations des tribunaux.

La CODP a constaté que les débats publics sur les droits contradictoires ont souvent trait à la présence de communautés minoritaires et aux mesures d’adaptation que la culture dominante prévoit à l’égard de leurs droits. Par exemple, à l’ère post-11 septembre, différentes pratiques religieuses et culturelles musulmanes ont été qualifiées d'« inappropriées » ou d’« inacceptables » par des éléments de la culture dominante. De tels scénarios ont couramment été caractérisés par les médias de questions de « droits contradictoires ». D’autres débats ont porté sur la place que devraient accorder les écoles financées par les fonds publics à la diversité sexuelle, y compris aux divers types d’unités familiales comme les familles composées de parents de même sexe.

La très honorable Beverley McLachlin, juge en chef de la Cour suprême du Canada, a une vaste expérience des droits de la personne et de droits garantis par la Charte. Elle écrit :

Nous avons besoin de droits de la personne. Que nous aimions cela ou non, la diversité religieuse, ethnique et culturelle fait partie de notre monde moderne et fait de plus en plus partie de notre réalité nationale et communautaire. Notre meilleur espoir de concilier les conflits qu’engendra sûrement cette diversité demeurent les droits de la personne et le respect de toutes les personnes qu’ils touchent. Si nous voulons cohabiter dans la paix et l’harmonie, au sein de notre nation et en tant que nation dans le monde, nous devons trouver des façons de nous accommoder les uns aux autres. [6]

La CODP a effectué un travail de terrain considérable pour élaborer cette politique. En plus de mener des recherches dans le domaine juridique et le domaine des sciences sociales, la CODP a effectué une analyse détaillée de la jurisprudence sur les droits contradictoires.[7] La CODP a aussi rencontré une variété de personnes et d’organisations qui traitent directement de situations de droits contradictoires ou ont une expertise considérable dans le domaine. Pour obtenir davantage d’information sur le processus d’élaboration de la politique, consultez l’Annexe B.

 

 

[5] Assemblée générale des Nations Unies, Déclaration universelle des droits de l’homme, 10 décembre 1948, 217 A (III), Article 1; disponible à l’adresse : www.unhcr.org/cgi-bin/texis/vtx/refworld/rwmain/opendocpdf.pdf?reldoc=y&docid=47a080c92 [consulté le 17 janvier 2012].

[6] La très honorable Beverley McLachlin, C.P., juge en chef du Canada, « Human Rights Protection in Canada », Osgoode Hall Review of Law and Policy, vol. 2, no 1, 2009, p. 20.

[7] Voir L’ombre de la loi : Survol de la jurisprudence relative à la conciliation de droits contradictoires.  On peut consulter cette publication à l’adresse www.ohrc.on.ca/fr/issues/conciliation/shadow/view.

 

2. Mesures pratiques en vue de réduire le potentiel de conflits

Il incombe aux employeurs, fournisseurs de logements, éducateurs et autres parties responsables visés par le Code des droits de la personne de l’Ontario de maintenir un environnement inclusif libre de discrimination et de harcèlement, qui respecte les droits de la personne de tous. Les organisations et groupements qui mènent des activités en Ontario sont tenus, selon la loi, de prendre des mesures pour prévenir les situations de droits contradictoires, et régler celles qui surviennent.

Il existe des mesures proactives et pratiques que les organisations devraient prendre pour aider à réduire le potentiel de conflits relatifs à des droits de la personne et les situations de droits contradictoires. Les organisations devraient bien connaître le Code et leurs obligations en vertu de celui-ci. Elles devraient prendre des mesures pour éduquer et former les personnes responsables à propos des situations de droits contradictoires et de la Politique sur les droits de la personne contradictoires de la CODP.

Il pourrait être utile pour les organisations d’établir un parallèle entre leurs obligations envers la résolution des questions de droits contradictoires et leurs responsabilités existantes en matière d’accommodement des droits de la personne. Ces organisations pourraient aussi envisager d’attribuer la responsabilité de la conciliation des droits contradictoires aux personnes qui sont déjà responsables de résoudre les questions d’accommodement. Ces personnes pourraient être chargées d’éduquer et de former d’autres personnes (y compris le nouveau personnel), en vue de surveiller leur environnement et de détecter, entre autres, les tendances relatives aux droits contradictoires.

Les employeurs, fournisseurs de logements, éducateurs et autres parties responsables peuvent aider à promouvoir un environnement sain et inclusif à l’intention des personnes dont les droits sont protégés aux termes du Code en se dotant d’une politique claire et exhaustive en matière de droits contradictoires. La politique devrait présenter la démarche à suivre quand survient une situation de droits contradictoires, aviser chacune des parties de ses droits, rôles et responsabilités, et engager l’organisation à régler les questions de droits contradictoires rapidement et de façon efficace. Pour être efficace, la politique sur les droits contradictoires doit appuyer les objectifs de l’organisation ou de l’établissement en matière d’équité et de diversité, et être bien pensée du point de vue des affaires. Pour obtenir des suggestions de contenu à inclure à une politique interne, consultez l'Annexe E de cette politique.

Tous les membres d’une organisation devraient connaître la politique et les étapes à suivre pour résoudre les plaintes. On peut les en informer de la façon suivante :

  • distribuer les politiques à tous dès leur instauration
  • sensibiliser les employés, locataires, élèves et autres personnes aux politiques
  • en incluant ces politiques dans les documents d’orientation
  • donner une formation sur le contenu des politiques aux personnes, particulièrement celles qui sont en position de responsabilité, et offrir une éducation continue en matière de droits contradictoires.

Les tribunaux judiciaires et administratifs rendent souvent des organisations responsables et fixent des dommages-intérêts en fonction du manque d’intervention appropriée de l’organisation en vue de régler la situation de discrimination ou de harcèlement. Au moment de déterminer si une organisation a respecté son devoir d’intervention pour régler des questions de droits de la personne, il est nécessaire d’examiner les questions suivantes :

  • Quelles procédures étaient en place pour résoudre les cas de discrimination et de harcèlement?
  • L’organisation est-elle intervenue rapidement?
  • La plainte a-t-elle été traitée avec sérieux?
  • Des ressources suffisantes ont-elles été affectées au règlement
  • de la plainte?
  • L’organisation a-t-elle créé un environnement sain pour la personne
  • qui s’est plainte?
  •  Dans quelle mesure a-t-on informé la personne qui s’est plainte des
  • mesures correctives adoptées?

Le fait de prendre des mesures proactives et efficaces pour résoudre les questions de droits contradictoires aidera à protéger les organisations de toute responsabilité si elles sont, un jour, citées comme intimé dans une affaire de revendications de droits de la personne opposant des droits contradictoires.[8]

 

[8] Les Directives concernant l’élaboration de politiques et de procédures en matière de droits de la personne de la CODP fournissent plus de renseignements pour aider les organisations à remplir leurs obligations en matière de droits de la personne et à prendre des mesures proactives pour veiller à ce que leurs environnements demeurent libres de discrimination et de harcèlement. Les directives sont disponibles à l’adresse : www.ohrc.on.ca/fr/resources/policies/gdpp.

3. Objectifs de cette politique

L’objectif principal de cette politique est de produire des indications claires et conviviales à l’intention des organismes, décisionnaires, parties à un différend, arbitres et autres décideurs sur la façon d’évaluer, de traiter et de résoudre des situations de droits contradictoires. La politique aidera divers secteurs, organisations et particuliers à faire face à des situations courantes de droits contradictoires et à éviter de consacrer temps et argent au dépôt d’un recours judiciaire devant une entité chargée de trancher en matière de droits de la personne.

La mise en place de mécanismes efficaces de résolution d’une variété de conflits va dans le sens du maintien de l’harmonie sociale. Cette politique offre un cadre d’intervention en situation de droits contradictoires pouvant être utilisé dans sa forme actuelle ou adapté aux besoins spécifiques de différentes organisations.

Les tribunaux judiciaires ont indiqué clairement que l’examen du contexte est un élément crucial de la résolution des cas de droits contradictoires et que chaque situation doit être évaluée au cas par cas. Cette politique se veut un outil pratique d’aide aux personnes et organisations qui tentent de résoudre différents types de conflits.

Elle établit un processus d’analyse et de conciliation des droits contradictoires fondé sur la jurisprudence actuelle. Il s’agit d’un processus souple pouvant s’appliquer à n’importe quelle situation opposant des droits garantis par la Charte canadienne des droits et libertés, par des lois provinciales ou fédérales en matière de droits de la personne ou par toute autre mesure législative.

Le processus comprend des objectifs et considérations spécifiques à l’intention des organisations et personnes concernées. Les parties en jeu devraient :

  • promouvoir la dignité et le respect mutuel
  • encourager la reconnaissance mutuelle des intérêts, des droits et des obligations
  • faciliter la reconnaissance maximale des droits dans la mesure du possible
  • aider chacun à comprendre la portée de ses droits et obligations
  • éliminer les stigmates d’infériorité et déséquilibres de pouvoir, et aider à donner voix au chapitre aux personnes et groupes marginalisés
  • encourager la collaboration et la responsabilité commune en matière de recherche de solutions convenables permettant de maximiser l’exercice des droits.

L’approche prévue dans cette politique peut aider les organisations et décisionnaires à résoudre des conflits semblant opposer des droits, voire d’en éviter complètement. Dans certains cas, par contre, il peut être impossible d’éviter une intervention devant un tribunal, surtout quand la situation s’avère trop complexe pour se régler de façon non structurée, quand les parties n’acceptent pas de participer au processus de conciliation ou quand toutes les parties concernées aimeraient saisir un tribunal de la situation.

4. Qu’entend-on par droits contradictoires?

En général, les questions de droits de la personne contradictoires émanent de situations où des parties à un conflit prétendent que le fait qu’une personne ou qu’un groupe exerce des libertés ou des droits protégés par la loi porterait atteinte aux droits et libertés d’autres personnes. Cela complique l’approche de résolution des conflits relatifs aux droits de la personne, qui vise les cas où l’atteinte concerne les droits de la personne d’une partie uniquement. Dans certains cas, un seul groupe dépose une requête en matière de droits de la personne, mais cette requête concerne des droits reconnus par la loi d’une autre ou de plusieurs autres parties.

4.1 Définition des termes

Bien que de nombreuses situations puissent sembler à première vue opposer des droits contradictoires, il faut comprendre que toutes les revendications de droits n’auront pas le même poids au regard de la loi. Certains droits bénéficient d’un statut juridique plus élevé et d’une plus grande protection que d’autres. Par exemple, à la suite de la Seconde Guerre mondiale, les Nations Unies ont garanti l’importance primordiale des droits de la personne dans la Déclaration universelle des droits de l’homme. La Déclaration ouvre sur les mots suivants :

Considérant que la reconnaissance de la dignité inhérente à tous les membres de la famille humaine et de leurs droits égaux et inaliénables constitue le fondement de la liberté, de la justice et de la paix dans le monde […][9]

Les systèmes judiciaires du monde entier ont réagi à cet engagement universel envers la paix dans le monde en accordant des protections spéciales aux droits de la personne. Le Canada reconnaît le statut unique des droits de la personne dans sa Charte des droits et libertés, une liste exhaustive de droits et de libertés fondamentales enchâssés dans la Constitution du Canada qui a pour but d'unifier les Canadiens autour d'un ensemble de valeurs qui incarnent ces droits.

En Ontario, l’assemblée législative a inclut au Code des droits de la personne de la province une disposition lui donnant prépondérance sur toute autre loi provinciale. Les tribunaux judiciaires ont également commenté le statut « quasi-constitutionnel » des lois sur les droits de la personne et affirmé l’importance de donner aux droits garantis l’interprétation large et positive la plus susceptible d’aider la société à atteindre ses objectifs en matière de prévention de la discrimination.

Les définitions des termes fréquemment utilisés ci-après sont offertes dans le but de montrer comment ces termes se distinguent les uns des autres.

Droits de la personne

Les droits de la personne sont des droits inaliénables, indivisibles et universels codifiés dans des lois nationales et supranationales. Au Canada, ces droits sont protégés et interprétés par l’entremise des instruments suivants :

  • la Charte canadienne des droits et libertés

  • les lois des provinces et des territoires en matière de droits de la personne

  • les décisions des tribunaux administratifs et judiciaires

  • les déclarations de principes, interventions et autres fonctions mandatées
    des commissions des droits de la personne

  • les instruments de droit international (traités ratifiés, commentaires et
    décisions des organismes créés en vertu de traités et les décisions des
    tribunaux internationaux et tribunaux d’autres compétences).

Aux droits de la personne garantis par la loi s’ajoutent aussi des défenses prévues dans les lois sur les droits de la personne et dans certains articles de la Charte. Par exemple, le droit à la liberté d’expression garanti à l’alinéa 2b) de la Charte peut être circonscrit à l’aide de limites raisonnables envisagées à l’article 1 de la Charte.[10] Le droit à la liberté d’expression d’une personne peut être restreint, par exemple, si les opinions qu’elle exprime incitent à la haine à l’égard d’un groupe identifiable.

Droits reconnus par la loi

Pour les besoins de cette politique, « droits reconnus par la loi » fait référence aux droits qui ne constituent pas des droits de la personne et qui sont codifiés dans la loi (p. ex. Loi sur la santé et la sécurité au travail et Loi sur la location à usage d’habitation) et la common law (c’est-à-dire jurisprudence). Ces droits confèrent un droit d’action. Par exemple, l’atteinte au droit d’une personne à la « jouissance raisonnable » de son logement locatif peut faire l’objet d’un recours devant la Commission de la location immobilière de l’Ontario, l’organisme d’arbitrage qui administre la Loi sur la location à usage d’habitation.

Intérêts

Un intérêt est une question qui importe à quelqu’un, le concerne ou lui rapporte personnellement. Les intérêts peuvent être de type sociétal ou personnel. Bien qu’ils ne constituent pas des droits légaux, les intérêts sont souvent mal compris et qualifiés à tort de droits. Dans certains cas, un intérêt peut être élevé au statut de droit s’il est validé par une entité juridique. Par exemple, un tribunal judiciaire ou administratif pourrait déclarer qu’un intérêt est justifié (de bonne foi) et raisonnable dans les circonstances. « Le meilleur intérêt de l’enfant » a obtenu un statut juridique élevé et est utilisé par les tribunaux judiciaires et administratifs pour résoudre une grande variété de questions touchant les enfants. Un tribunal judiciaire pourrait également déterminer qu’un intérêt est si considérable qu’il peut raisonnablement limiter un droit aux termes de l’article 1 de la Charte. Par exemple, la Cour suprême du Canada a déterminé que l’exigence selon laquelle tous les titulaires d’un permis de conduire devaient se faire photographier était justifiée aux termes de l’article 1 de la Charte en raison de l’intérêt de l’État envers la prévention du vol d’identité et de la fraude, et ce, même si cela portait atteinte au droit à la liberté de religion des Huttériens.[11]

Valeurs

Les valeurs sont des normes ou principes moraux, ou des éléments qu’une personne (ou un groupe) croit indispensable à l’atteinte du « bien » ou de l’excellence dans une sphère de la vie quelconque. Certaines valeurs peuvent se refléter dans la législation. Par exemple, le préambule du Code repose sur les principes de respect mutuel et de reconnaissance de la dignité et de la valeur de toutes les personnes. Règle générale, cependant, les valeurs sont subjectives et ne confèrent pas de droit d’action sur le plan juridique. Le fait de comprendre les valeurs individuelles ou sociétales pouvant sous-tendre une revendication de droits de la personne aidera les parties et pourrait orienter la solution finale.

Par exemple, dans Ross c. Conseil scolaire du district nº 15 du Nouveau-Brunswick, la Cour suprême du Canada a accordé une reconnaissance spéciale à l’importance de l’éducation publique et à la vulnérabilité des enfants lorsqu’elle a confirmé à l’unanimité le jugement d’une commission d’enquête sur les droits de la personne, selon lequel les propos antisémites exprimés par un enseignant dans ses temps libres nuisaient à sa capacité d’exercer ses fonctions d’enseignant. Selon la Cour, la commission d’enquête avait eu raison de conclure que son maintien en poste à titre d’enseignant constituait de la discrimination en matière d’éducation publique.[12]

Bien des situations semblent opposer des droits, des intérêts et des valeurs. Au moment d’évaluer des situations de droits de la personne contradictoires, les droits de la personne et les autres droits reconnus par la loi ont généralement préséance sur les intérêts et valeurs. Cependant, dans certaines circonstances, les intérêts et les valeurs peuvent constituer des limites raisonnables aux droits et droits de la personne, comme le prévoit l’article 1 de la Charte. Cette politique a été conçue principalement pour servir d’outil de résolution des situations de conflits entre des droits de la personne ou d’autres droits protégés par la loi.

4.2 Exemples de situations de droits contradictoires

On assiste à une situation de droits de la personne contradictoires lorsque les revendications de chacune des deux parties ont trait à des droits protégés par la loi, et que les revendications d’au moins une des parties ont trait à des droits protégés par la législation sur les droits de la personne. Selon cette définition, les allégations de scénarios de droits de la personne contradictoires pourraient inclure ce qui suit :

4.2.1 Droit protégé par le Code c. droit protégé par le Code

Le Code des droits de la personne de l’Ontario interdit la discrimination fondée sur 15 motifs : la race, l’ascendance, le lieu d’origine, la couleur, l’origine ethnique, la citoyenneté, la croyance, le sexe, l’orientation sexuelle, l’âge, l’état matrimonial, l’état familial, le handicap, l’état d’assisté social (logement seulement) ou le casier judiciaire (emploi seulement). Tous les motifs de discrimination interdits aux termes de la Charte pourraient éventuellement donner lieu à des revendications de droits contradictoires. Cependant, les conflits opposant des droits font souvent intervenir les motifs que sont la croyance, le sexe, l’identité sexuelle, l’orientation sexuelle, l’état matrimonial ou le handicap.

Exemple : Un commissaire de mariage civil s’oppose au fait de devoir célébrer un mariage entre conjoints de même sexe, alléguant que cela porte atteinte à ses croyances religieuses. Selon lui, il a le droit de vivre à l’abri de la discrimination fondée sur la religion dans son milieu de travail aux termes du Code. Le couple qui désire obtenir ses services allègue que le refus du commissaire porte atteinte à son droit de vivre à l’abri de la discrimination fondée sur l’orientation sexuelle en matière de service.[13]

Des revendications de droits contradictoires peuvent également porter sur le même motif de discrimination.

Exemple : Le chien d’assistance d’une professeure d’université nuit considérablement à une étudiante qui a une très forte allergie aux chiens. Les deux parties pourraient déposer une revendication de droits de la personne fondée sur le handicap.

4.2.2 Droit protégé par le Code c. défense prévue par le Code

En plus d’offrir une protection contre la discrimination fondée sur des motifs précis, le Code prévoit des exemptions qui pourraient servir de défense en cas de plainte pour discrimination. Dans bien des cas, ces exemptions sont le résultat de tentatives délibérées de la part des personnes qui ont rédigé les lois en vue d’aborder et d’aider à régler des situations possibles de droits contradictoires.[14]

Exemple : Une organisation religieuse qui exploite des foyers résidentiels pour personnes de toutes les confessions ayant une déficience exige que son personnel respecte un Code de conduite religieux. L’organisation a congédié une préposée aux services de soutien après avoir appris qu’elle avait une conjointe de même sexe. La préposée congédiée pourrait déposer une plainte pour discrimination fondée sur l’orientation sexuelle, dont pourrait se défendre l’organisation religieuse en citant l’alinéa 24(1)a) du Code, lequel prévoit des exemptions en matière de modalités d’emploi applicables aux organisations religieuses et à d’autres organisations dans certaines circonstances.[15]

4.2.3 Droit protégé par le Code c. droit protégé par une autre loi   

Dans certains cas, des revendications de droits contradictoires pourraient porter sur des motifs de discrimination interdits par le Code et d’autres droits reconnus par la loi.

Exemple : Certains parents voudraient que le ministère de l’Éducation modifie son programme d’éducation sexuelle pour éviter qu’il n’aille à l’encontre de leurs croyances. Dans certains cas, il s’agit de croyances religieuses et dans d’autres, de croyances personnelles. D’autres parents appuient les changements récemment apportés au programme scolaire pour les motifs d’état familial et d’orientation sexuelle protégés par le Code. D’autres encore appuient le nouveau programme scolaire en raison du droit à l’éducation publique que confère la loi. Les parents qui s’opposent à certaines formes d’éducation sexuelle en raison de leurs croyances pourraient alléguer faire l’objet de discrimination fondée sur la croyance, un motif interdit par le Code. Les parents qui les appuient pourraient revendiquer des droits sur la base de l’état familial, de l’orientation sexuelle ou du droit que confère la loi à un programme scolaire basé sur l’objectif plus vaste et les exigences de la Loi sur l’éducation.

4.2.4 Droit protégé par le Code c. droit garanti par la Charte

Dans certaines situations, des droits protégés par le Code pourraient se heurter à des droits garantis par la Charte.

Exemple : Un homme qui se décrit comme un chrétien « nouvellement converti » discute souvent de son nouvel enthousiasme religieux avec ses employés. Il a tenté à plusieurs reprises d’encourager des travailleurs à l’accompagner à des rencontres paroissiales et offre en cadeau une bible à chaque employé à Noël. Des employés lui ont clairement indiqué qu’ils n’accueillaient ou n’appréciaient pas ses commentaires et sa conduite au sein de leur milieu de travail non confessionnel.

Les employés pourraient soutenir que le droit de vivre à l’abri de la discrimination fondée sur la croyance que prévoit le Code inclut le droit de ne pas faire l’objet de prosélytisme au travail. L’employeur pourrait soutenir qu’il exerce ses droits à la liberté d’expression conformément à la Charte.

4.2.5 Droit protégé par le Code c. droit reconnu par la common law

Dans certains cas, un droit protégé par le Code pourrait se heurter à un droit reconnu par la common law.

Exemple : Une association de copropriétaires demande à une famille juive de retirer une souccah temporaire qu’elle a placée sur le balcon pour célébrer une fête religieuse, parce que la souccah ne respecte pas les règlements de la copropriété et qu’elle empêcherait les voisins d’avoir la pleine jouissance de leur balcon. La famille juive se plaint de discrimination fondée sur la croyance. Pour leur part, les copropriétaires pourraient faire valoir un droit à la jouissance paisible de leur bien-fonds aux termes de la common law.[16]

4.2.6 Droit reconnu par un traité international c. défense prévue par le Code ou la Charte

Le Canada a signé et ratifié une variété de conventions internationales des droits de la personne, dont certaines incluent des mécanismes de dépôt de plaintes. Il peut arriver que les droits établis dans ces traités entrent en conflit avec les droits et obligations prévus au Canada.

Exemple : Des personnes qui inscrivent leurs enfants dans des écoles confessionnelles non catholiques allèguent avoir le droit au financement non discriminatoire de leurs écoles confessionnelles aux termes du Pacte international relatif aux droits civils et politiques des Nations Unies. [17] L’organisme des Nations Unies responsable du suivi du pacte a qualifié de discriminatoire le financement octroyé par l’Ontario au système scolaire catholique à l’exclusion de toutes les autres écoles confessionnelles.[18] Pour se défendre, le gouvernement de l’Ontario a invoqué des dispositions de la Loi sur l’éducation, une exemption prévue dans le Code des droits de la personne, la Charte et la jurisprudence connexe.

4.2.7 Droit garanti par la Charte c. droit garanti par la Charte

Dans certaines situations, les droits d’une personne en vertu de la Charte pourraient entrer en conflit avec ceux d’une autre personne en vertu de la Charte.

Exemple : Une variété de décisions traitant de la production de dossiers délicats d’ordre médical ou autre au cours d’instances devant des tribunaux judiciaires ou administratifs ont porté sur la relation entre les droits à la vie privée et à l’égalité, d’une part, et le droit à une défense pleine et entière, de l’autre, tous des droits garantis par la Charte. Dans R. c. O’Connor, une affaire mettant en scène une personne accusée d’une variété de crimes sexuels, la Cour suprême du Canada a établi une procédure afin de déterminer quand les dossiers médicaux et thérapeutiques de la victime, dont dispose des tierces parties comme des médecins, doivent être remis à une personne accusée, afin qu’elle puisse assurer sa défense pleine et entière.[19]

 

[9] Déclaration universelle des droits de l’hommesupra, note 5.

[10] L'article 1 de la Charte indique ce qui suit : « La Charte canadienne des droits et libertés garantit les droits et libertés qui y sont énoncés. Ces droits et libertés ne peuvent être restreints que par une règle de droit, dans des limites qui soient raisonnables et dont la justification puisse se démontrer dans le cadre d'une société libre et démocratique. » Loi constitutionnelle de 1982 (R-U), constituant l'annexe B de la Loi de 1982 sur le Canada (R-U), 1982, c 11.

[11] Alberta c. Hutterian Brethren of Wilson Colony, 2009 CSC 37.

[12] Ross c. Conseil scolaire du district nº 15 du Nouveau-Brunswick, [1996] 1 R.C.S. 825.

[13] La Cour d’appel de la Saskatchewan s’est récemment demandé si les commissaires de mariage civil devraient avoir le droit de refuser de célébrer des mariages entre conjoints de même sexe en raison de leurs croyances religieuses. Commissaires aux mariages nommés en vertu de la Loi de 1995 sur le mariage (Renvoi), 2011, SKCA 3 (CanLII). Dans deux décisions distinctes, les cinq juges de la Cour ont déterminé que les modifications proposées à la loi sur le mariage de la Saskatchewan de 1995 qui auraient permis aux commissaires de mariage civil de refuser de célébrer des mariages si ces mariages étaient contraires à leurs croyances religieuses, portaient atteintes aux dispositions sur le droit à l’égalité (art. 15) de la Charte. Conformément à l’approche générale de conciliation des droits contradictoires prévue par la Charte, les deux décisions ont cherché à établir un équilibre entre le droit de vivre à l’abri de la discrimination fondée sur l’orientation sexuelle et les droits religieux des commissaires de mariage civil aux termes de l’art. 1 de la Charte. Dans les deux cas, les juges en sont venus à conclure, pour des raisons légèrement différentes, que l’atteinte au droit à l’égalité n’était pas justifiable malgré l’objectif visé de respecter les objections des commissaires pour des motifs religieux. Voir aussi Nichols v. M.J.2009 SKQB 299 (CanLII).

[14] Voir la rubrique 5.8 de cette politique intitulée Pouvoir des défenses légales de restreindre des droits, pour obtenir des renseignements supplémentaires.

[15] L’affaire Commission ontarienne des droits de la personne c. Christian Horizons, 2010 ONSC 2105 (CanLII) traitait de la capacité d’une organisation religieuse qui exploite des foyers résidentiels et des colonies de vacances pour personnes ayant une déficience de se prévaloir de la défense spéciale prévue à l’alinéa 24(1)(a) du Code pour répondre à des accusations de discrimination fondée sur l’orientation sexuelle. Connie Heintz, préposée aux services de soutien dans un foyer exploité par Christian Horizons, avait signé une déclaration de style de vie et de bonnes mœurs, comme l’exigeait Christian Horizons. Entre autres, la déclaration qualifiait les « relations entre personnes de même sexe » de comportements inappropriés rejetés par Christian Horizons. Plusieurs années après avoir débuté son emploi, Mme Heintz en est venue à mieux comprendre son orientation sexuelle et a entrepris une relation avec une personne de même sexe. Quand son employeur a pris connaissance de cela, il lui a offert du counseling pour l’aider à se conformer à la déclaration de style de vie et de bonnes mœurs interdisant l’« homosexualité ». Par la suite, Mme Heintz allègue qu’elle a fait l’objet de mesures disciplinaires injustes concernant son attitude et son rendement, et a été exposée à un climat de travail empoisonné. Pour avoir recours à cette défense, Christian Horizons devait montrer (1) qu’il s'agit d'un « organisme ou un groupement religieux », (2) que son « principal objectif est de servir les intérêts des personnes identifiées par » leur croyance et que l'organisation n’emploie que des personnes ainsi identifiées, et (3) que l'adhérence religieuse est une qualité requise et exigée de façon raisonnable et de bonne foi compte tenu de la nature de l’emploi. L’affaire a été portée en appel et, d’avis que Christian Horizons n’avait pas été en mesure d’établir la troisième exigence d’une défense fondée sur l’alinéa 24(1)(a), la Cour divisionnaire a conclu qu’il y avait eu discrimination.

[16] Syndicat Northcrest c. Amselem, 2004 SCC 47

[17] Assemblée générale des Nations Unies, Pacte international relatif aux droits civils et politiques, 16 décembre 1966, Nations Unies, Recueil des traités, vol. 999, p. 171, disponible à l’adresse : www.unhcr.org/refworld/docid/3ae6b3aa0.html [consulté le 17 janvier 2012].

[18] Examen des rapports présentés par les États parties en vertu de l’article 40 du Pacte, Observations finales du Comité des droits de l’homme, Canada, CPR/C/CAN/CO/5, 20 avril 2006, au par. 21 : Le Comité est préoccupé par la réponse de l’État partie concernant les constatations du Comité dans l’affaire Waldman c. Canada (communication no 694/1996, constatations adoptées le 3 novembre 1999), demandant qu’un recours utile soit assuré à l’auteur de la communication, afin d’éliminer la discrimination fondée sur la religion dans l’allocation de subventions aux établissements scolaires (art. 2, 18 et 26). L’État partie devrait adopter des mesures pour éliminer la discrimination fondée sur la religion dans le financement des écoles dans l’Ontario. Il est à noter cependant que dans Adler c. Ontario, [1996] 3 R.C.S. 609, la Cour suprême du Canada s’est penchée sur l’obligation constitutionnelle de financer l’éducation privée confessionnelle et a déterminé que la Loi sur l’éducation ne contrevenait pas à l’alinéa 2a) et au paragraphe15(1) de la Charte canadienne des droits et libertés.

[19] R. c. O’Connor, [1995] 4 R.C.S. 411.

 

Discrimination Type: 

5. Principes juridiques clés [20]

Les tribunaux judiciaires n’ont pas fixé de formule ou d’approche analytique claire pour traiter des droits contradictoires, mais ont fourni certaines indications à ce chapitre. En |cas de conflit apparent entre des droits, les principes de la Charte exigent que les décisionnaires tentent de « concilier » les deux catégories de droits concernées. Il n'existe aucune formule ou « règle nette »[21] pour régler un conflit de droits contradictoires. Les décisions des tribunaux ont plutôt établi un certain nombre de principes fondamentaux qui donnent des indications sur l'approche à adopter et les mécanismes à éviter en cas de plaintes relatives à des droits contradictoires.[22] Les tribunaux judiciaires ont reconnu que les faits spécifiques d’une affaire en détermineront souvent le dénouement. Un grand nombre de ces principes sont donc abstraits, ce qui procure une certaine souplesse en vue du règlement des différends au cas par cas. Et bien qu’ils soient souvent soulevés dans le contexte de litiges faisant intervenir la Charte, ces principes procurent aussi des indications sur la façon de régler d’autres types de conflits relatifs à des droits de la personne :

  1. aucun droit n’est absolu
  2. il n’y a pas de hiérarchie entre les droits
  3. la portée des droits peut être moindre que ce qui est revendiqué
  4. l’examen doit prendre en compte le contexte dans son ensemble et tous les faits et valeurs constitutionnelles en jeu
  5. l’examen doit mesurer l’étendue de l’entrave (un conflit n’existe qu’en cas d’atteinte réelle à un autre droit)
  6. les éléments fondamentaux d’un droit bénéficient d’une plus grande protection que ses éléments périphériques
  7. le but est de respecter les deux catégories de droits en jeu
  8. les défenses légales peuvent restreindre les droits d’un groupe et accorder des droits à un autre.

Les organisations doivent tenir compte de ces principes juridiques lorsqu’elles composent avec des situations de droits contradictoires.

5.1 Aucun droit absolu

La jurisprudence rappelle constamment le principe selon lequel les droits légaux n’ont pas de caractère absolu mais comportent des limites inhérentes découlant des droits et libertés d’autrui.[23] Dans R. c. Mills, la juge McLachlin de la Cour suprême du Canada (plus tard juge en chef) et le juge Iacobucci de la Cour suprême du Canada ont affirmé :

Trois principes étayés par des dispositions particulières de la Charte sont en jeu dans le présent pourvoi. Ce sont les principes de la défense pleine et entière, de la vie privée et de l’égalité. Aucun de ces principes n’est absolu et n’est susceptible de l’emporter sur les autres; tous doivent être définis à la lumière de revendications opposées. Comme le juge en chef Lamer l’a dit dans l’arrêt Dagenais, « Lorsque les droits de deux individus sont en conflit […], les principes de la Charte commandent un équilibre qui respecte pleinement l’importance des deux catégories de droits. » Cela montre l’importance de donner aux droits une interprétation fondée sur le contexte – non parce qu’ils ont une importance sporadique, mais parce qu’ils sous-tendent ou s’inspirent souvent d’autres droits ou valeurs aussi louables qui sont en jeu dans des circonstances particulières.[24]

Le juge Iacobucci réitère ce point dans un article intitulé Reconciling Rights:The Supreme Court of Canada's Approach to Competing Charter Rights lorsqu’il affirme : « un droit particulier garanti par la Charte doit être défini en relation à d’autres droits et dans l’optique du contexte dans lequel est survenu le conflit apparent. »[25]

Exemple : Une personne a le droit à la liberté d’expression aux termes de la Charte, mais n’a pas le droit de concevoir du matériel de pornographie juvénile.

Dans le contexte de la liberté de croyance ou de religion, les tribunaux judiciaires ont conclu que « la liberté de croyance est plus large que la liberté d’agir sur la foi d’une croyance », lorsque cette dernière empiéterait sur les droits d’autrui.[26]

Le Code des droits de la personne de l’Ontario offre une protection contre la discrimination fondée sur la croyance. Mais cette protection ne s’étend pas aux croyances religieuses qui incitent à la haine ou à la violence contre d’autres groupes ou personnes, ni aux pratiques et observances qui prétendent avoir un fondement religieux mais qui contreviennent au Code criminel ou aux normes internationales en matière de droits de la personne.

Autres exemples : Limiter le droit à la liberté d'expression garanti par l'alinéa 2b) de la Charte, si cette liberté aurait pour effet de compromettre le droit à un procès équitable garanti par l'alinéa 11d) et l'article 7 de la Charte,[27] d’inciter à la haine, au sens du Code criminel du Canada et de certaines lois sur les droits de la personne,[28] ou de causer de la discrimination contre un groupe minoritaire de la société.[29]

5.2 Aucune hiérarchie entre les droits

La Cour suprême du Canada a aussi indiqué clairement qu’il n’existait aucune hiérarchie de droits[30] — les droits méritent tous le même respect et il faut éviter une approche qui placerait certains droits au-devant d'autres.[31] Aucun droit n’est intrinsèquement supérieur à un autre.[32]

Exemple : Dans Dagenais c. Société Radio-Canada, la Cour suprême du Canada a reçu une requête d’ordonnance d’interdiction de publication. L’interdiction aurait empêché la Société Radio-Canada de diffuser une minisérie télévisée décrivant le récit fictif d’abus physiques et sexuels commis sur de jeunes garçons dans un établissement scolaire catholique pour garçons de Terre-Neuve durant le procès de plusieurs membres d’un ordre catholique religieux. Les membres de l’ordre étaient accusés d’avoir abusé physiquement et sexuellement de jeunes garçons confiés à leurs soins dans des écoles de l’Ontario. Pour décider d’émettre ou non une ordonnance d’interdiction de publication, la cour devait concilier deux catégories de droits constitutionnels clés, soit les droits à la libre expression [alinéa 2b) de la Charte] et le droit à un procès équitable [par. 11(d)]. Le juge en chef Lamer a affirmé ce qui suit :

Il faut se garder d’adopter une conception hiérarchique qui donne préséance à certains droits au détriment d’autres droits, tant dans l’interprétation de la Charte que dans l’élaboration de la common law. Lorsque les droits de deux individus sont en conflit […], les principes de la Charte commandent un équilibre qui respecte pleinement l’importance des deux catégories de droits.[33]

5.3 Portée des droits parfois moindre que ce qui est revendiqué

Lorsqu’elles font face à un scénario de droits contradictoires, les organisations doivent évaluer si oui ou non la portée des droits est aussi vaste que ne le prétendent les parties. Ce processus de validation compte deux composantes principales :

  1. La situation fait-elle intervenir un droit légal existant?

  2. Après examen des preuves, l’auteur de la revendication peut-il démontrer
    que le droit invoqué s’applique à sa personne?[34]

Les tribunaux judiciaires ont laissé entendre que, pour qu’il y ait scénario de droits contradictoires, il doit avant tout y avoir un droit légal.[35] Lorsque les faits et les dispositions légales applicables sont isolés clairement et mis en contexte, il se peut que la revendication des droits ne soit pas valide sur le plan juridique.

Les tribunaux des droits de la personne ont étudié et rejeté plusieurs justifications de conduite discriminatoire qui pourraient sembler constituer des situations de droits contradictoires. Par exemple, des décisionnaires n’ont pas accepté d’inclure « la préférence du client » ou des « intérêts commerciaux ou économiques » parmi les droits contradictoires valides dans des affaires de discrimination contraire à la législation sur les droits de la personne.[36]

Exemple : Des organisations et des personnes qui s’opposent à l’allaitement dans les lieux publics ont allégué avoir le « droit » de demander à une femme qui allaite de se recouvrir, d’aller dans un lieu privé ou autre. Ce droit a parfois été articulé sous forme de revendication du droit à la liberté d’expression. À première vue, il semblerait y avoir un conflit entre le droit à la liberté d’expression et le droit à vivre à l’abri de la discrimination fondée sur le sexe. Mais un examen attentif de la situation nous entraîne dans une autre direction. Les décisions des tribunaux judiciaires et administratifs ont clairement établi le droit des femmes à allaiter en public.[37] Selon ces décisions, toute action qui empêche une femme d’allaiter en public est discriminatoire. Ces précédents signifient qu’en l’absence d’un droit contradictoire irréfutable et tout aussi valide (ou une défense prévue au Code comme la santé et la sécurité), une femme a entièrement le droit d’allaiter en public. On ne peut pas ici revendiquer le droit contradictoire à la liberté d’expression parce que la préférence personnelle ne constitue pas un droit légal positif. Autrement dit, vous pouvez avoir une opinion sur le fait qu’une femme allaite en public, mais vous ne pouvez pas vous baser sur cette préférence pour empêcher une activité déjà reconnue comme constituant un droit à l’égalité établi.

Si la revendication porte sur un droit légal, il faut établir si, en fonction des faits de l’espèce, la personne peut faire la preuve de l’application du droit à sa personne. Il pourrait être nécessaire de produire des éléments de preuve démontrant que la revendication entre dans le champ d’application des paramètres du droit, à moins que l’applicabilité du droit ressorte clairement des circonstances.[38]

Dans le cas de Grant v. Willcock, le droit à la liberté garanti à l’article 7 de la Charte ne pouvait pas servir à justifier le refus de vendre un bien-fonds à une personne racialisée. Un tribunal des droits de la personne (anciennement la « commission d’enquête ») a conclu que, dans les circonstances de l’espèce, le droit à la liberté n’englobait pas la liberté de faire de la discrimination fondée sur un motif interdit dans le contexte d’une vente publique d’un bien privé.[39]

5.4 Prise en compte du contexte dans son ensemble et de tous les faits et valeurs constitutionnelles en jeu

5.4.1 Contexte et faits

Une fois les droits contradictoires établis et décrits, il reste à les définir les uns par rapport aux autres en examinant le contexte sous-jacent au conflit apparent.[40] Cette approche est indispensable, car les tribunaux ont réitéré à plusieurs reprises que les droits garantis par la Charte et les droits de la personne n’existaient pas dans l’abstrait et qu’ils devaient être analysés en fonction de leur contexte pour pouvoir être conciliés.

Exemple : La Cour d’appel de l’Ontario a indiqué clairement dans R. c. N.S. : « La conciliation de valeurs contradictoires enchâssées dans la Charte doit nécessairement s’inspirer des faits de l’affaire. Le contexte est essentiel et le contexte est variable. »[41]

Le juge Frank Iacobucci de la Cour suprême du Canada a exprimé un point de vue semblable :

À mon avis, la clé de la conciliation de droits repose sur l’appréciation fondamentale du contexte. Les droits garantis dans la Charte ne sont pas définis dans l’abstrait, mais en fonction de la matrice factuelle particulière dans laquelle ils surviennent.[42]

Les trbunaux juridiques doivent avoir une grande sensibilité au contexte, et aborder l’analyse de la Charte avec souplesse, avec l’objectif d’accorder à tous les droits en jeu leur pleine expression.[43]

Même de petites variations de contexte peuvent avoir une incidence déterminante sur la façon de concilier les droits. Par exemple, dans une affaire qui évalue les répercussions du droit à la liberté d’expression sur un groupe vulnérable, le ton, le contenu et le mode de diffusion précis du message contesté ont tous une incidence considérable sur l’évaluation de son effet et du degré de protection constitutionnelle qu’on devrait lui accorder. Comme le fait remarquer la juge Rosalie Abella dans son avis minoritaire dans Bou Malhab c. Diffusion Métromédia CMR Inc., « crier "au feu" dans une salle
de théâtre bondée et crier "théâtre" dans un poste d’incendie bondé sont deux choses différentes. »[44]

5.4.2 Valeurs constitutionnelles et sociétales sous-jacentes

Pour comprendre le contexte, il faut cerner et comprendre toutes les valeurs constitutionnelles sociétales en jeu.[45] Cet examen de la portée des droits permet de résoudre certains conflits de droits.

Plusieurs facteurs doivent être pris en considération pour délimiter la portée des droits. L’analyse contextuelle inclut souvent la pondération des valeurs sous-jacentes de la société canadienne, lesquelles sont enchâssées dans une variété d’instruments légaux et dans la jurisprudence. Par exemple, comme l’a indiqué la Cour suprême du Canada dans l’arrêt R. c. Oakes, qui énonce les critères à appliquer pour déterminer si une atteinte aux droits garantis par la Charte peut être justifiée dans une société libre et démocratique :

[L]es tribunaux doivent être guidés par des valeurs et des principes essentiels à une société libre et démocratique, lesquels comprennent, selon moi, le respect de la dignité inhérente de l’être humain, la promotion de la justice et de l’égalité sociales, l’acceptation d’une grande diversité de croyances, le respect de chaque culture et de chaque groupe et la foi dans les institutions sociales et politiques qui favorisent la participation des particuliers et des groupes dans la société.

Les valeurs et principes sous-jacents d’une société libre et démocratique sont la genèse des droits et libertés garantis par la Charte et constituent la norme ultime à utiliser pour déterminer si, malgré ses effets, la restriction d’un droit est raisonnable et justifiée.[46]

Le préambule du Code des droits de la personne de l’Ontario, adapté de la Déclaration universelle des droits de l’homme, reflète aussi les valeurs de la société relatives aux droits de la personne et à l’égalité. C’est pourquoi le préambule établit quatre principes clés :

  1. reconnaître la dignité et la valeur intrinsèques de chacun
  2. assurer à tous les mêmes droits et les mêmes chances, sans
  3. discrimination contraire à la loi
  4. établir un climat de compréhension et de respect mutuel
  5. afin que chaque personne puisse ressentir un sentiment d’appartenance
  6. à la collectivité et contribuer pleinement à son avancement et à son bien-être,
  7. et à ceux de la province.

Au cœur de ces valeurs figure l’atteinte d’un équilibre[47] entre les droits des personnes et des groupes. Le préambule décrit un système de droits relationnels où l’égalité de chaque personne et le développement et le bien-être de la collectivité se côtoient. Ces valeurs ne sont pas considérées comme hiérarchiques; l’une établit l’autre et lui donne son sens. Autrement dit, la création d’un climat de respect mutuel favorise l’accès de chacun à l’égalité. En même temps, la reconnaissance de la dignité inhérente à toutes les personnes améliore la collectivité. Le préambule indique clairement que les lois sur les droits de la personne ne traitent pas uniquement des atteintes aux droits à l’égalité. Elles sont aussi conçues pour favoriser un climat inclusif de respect mutuel.[48]

Le droit international en matière de droits de la personne peut aussi servir d’indicateur des valeurs sous-jacentes d’une société. Par exemple, lorsqu’il appuie une convention internationale, le Canada affirme publiquement qu’il s’engage envers le respect des valeurs enchâssées dans cette convention.[49]

Dans certains cas, les objections d’une personne à ce qu’elle juge être une atteinte à ses droits n’ont pas donné de résultats parce que le point de vue de la personne ne correspond pas aux valeurs sous-jacentes de la société en matière de droits de la personne et d’égalité. Les décisionnaires devraient effectuer une analyse contextuelle qui tient compte des valeurs constitutionnelles et intérêts de la société, dont les droits à l’égalité des femmes, l’attribution de stéréotypes négatifs aux groupes minoritaires, l’accès à la justice et la confiance du public dans le système de justice.[50]

Exemple : Dans l’affaire Chamberlain c. Surrey School District No. 36[51], les requérants contestaient la décision d’un conseil scolaire de ne pas approuver trois livres montrant des familles composées de parents de même sexe, à titre de ressources complémentaires pour l’enseignement du programme d’éducation à la vie familiale. Selon la Cour suprême du Canada, les préoccupations d’ordre religieux de certains parents pouvaient faire partie des considérations, mais ne pouvaient pas servir à refuser à d’autres membres de la collectivité une reconnaissance et un respect égaux. La décision majoritaire soulignait le droit d’embrasser des convictions religieuses, y compris le droit de désapprouver des pratiques d’autrui. Pour favoriser un climat de tolérance et de respect à l’école, elles reconnaissaient par contre que ces convictions ne pouvaient pas constituer les bases des politiques scolaires.

Dans Bruker c. Marcovitz[52], la Cour suprême du Canada s’est penchée sur la relation entre la liberté de religion et les droits à l’égalité des sexes. Une dispute conjugale est survenue en raison du refus d’un époux d’accorder un divorce religieux à son épouse. Le couple avait signé une entente sur la façon de régler leurs conflits matrimoniaux, qui incluait l’obligation de l’époux d’accorder le get à sa femme.[53] Cependant, l’époux a refusé pendant plus de 15 ans d’assumer son engagement à accorder le get dans le cadre de l’entente, en soutenant qu’un tribunal judiciaire civil ne pouvait pas imposer l’application de l’entente qu’il avait signée sans enfreindre ses droits religieux. La majorité des juges de la Cour suprême du Canada voyaient la situation différemment. La Cour a conclu que le contrat représentait une obligation valide et exécutoire et que l’époux n’était pas exonéré de toute responsabilité pour ne pas avoir respecté son obligation au motif de sa liberté de religion. Ainsi, la Cour suprême a laissé entendre que, non seulement les droits de la femme étaient un facteur, mais l’étaient également les valeurs fondamentales canadiennes. [54] Les juges ont fait remarquer que l’époux avait « bien peu à mettre dans la balance », à la fois parce qu’il avait de plein gré conclu une obligation contractuelle qu’il qualifiait maintenant d’atteinte à ses droits et parce que le fait de le laisser se désister de sa promesse serait contraire à l’ordre public :

L’intérêt que porte le public à la protection des droits à l’égalité et de la dignité des femmes juives dans l’exercice indépendant de leur capacité de divorcer et se remarier conformément à leurs croyances, tout comme l’avantage pour le public d’assurer le respect des obligations contractuelles valides et exécutoires, comptent parmi les intérêts et les valeurs qui l’emportent sur la prétention de M. Marcovitz, selon laquelle l’exécution de l’entente pourrait restreindre sa liberté de religion.

Les décisions en matière de droits contradictoires ne concernent pas toutes directement des questions de discrimination. Mais un grand nombre de valeurs à la base des protections des droits de la personne, dont le respect pour la dignité humaine, l’engagement envers la justice sociale et l’égalité, la prise en compte de diverses croyances et circonstances, ainsi que la protection des personnes vulnérables et des groupes minoritaires, sont importantes lorsqu’il s’agit de concilier ou de limiter des droits de façon appropriée.

5.5 Examen de la portée de l’entrave

Lorsqu’il semble y avoir un conflit de droits, il est important de déterminer s’il y a eu entrave d’un droit sur un autre, et dans quelle mesure. Si l’entrave est mineure ou insignifiante, le droit ne va probablement pas bénéficier de beaucoup de protection, ni même de protection quelle qu’elle soit.

Exemple : Dans Syndicat Northcrest c. Amselem, un syndicat de copropriétaires a demandé à une famille juive de retirer une souccah (une structure temporaire placée sur le balcon pour célébrer une fête religieuse) parce qu’elle ne respectait pas les règlements de la copropriété et nuisait à la jouissance par les voisins de leur balcon. La Cour suprême s’est refusée à opposer la liberté de religion aux droits à la jouissance paisible et à la libre disposition des biens puisque, dans l’optique de la Cour, les incidences sur la famille juive étaient considérables tandis que les incidences sur les copropriétaires étaient jugées « tout au plus minimes ». L’entrave à la liberté de religion n’était donc pas justifiée.[55]

À moins qu’il n’y ait atteinte considérable à d’autres droits, il n’est pas nécessaire de poursuivre le processus de résolution.

Exemple : Il a été déterminé que la distribution d’autocollants arc-en-ciel (pour montrer son appui aux personnes lesbiennes, gaies, bisexuelles, transsexuelles, transgenres, intersexes, queer, en questionnement, bispirituelles et leurs alliées) à une enseignante qui pouvait choisir ou non d’afficher l’autocollant ne créait pas de fardeau ou de préjudice relativement aux droits religieux.[56]

La reconnaissance des droits d’un groupe (p. ex. la légalisation du mariage entre des personnes de même sexe) ne peut pas en soi porter atteinte aux droits garantis à un autre groupe (p. ex. les groupes religieux qui ne reconnaissent pas le droit de personnes de même sexe de se marier), à moins qu’une atteinte réelle n’ait été portée aux droits de quelqu’un (p. ex. un officiel religieux à qui on demande de célébrer un mariage entre personnes de même sexe). Dans Renvoi relatif au mariage entre personnes de même sexe, la Cour suprême du Canada a affirmé :

[L]a simple reconnaissance du droit à l’égalité d’un groupe ne peut, en soi, porter atteinte aux droits d’un autre groupe. L’avancement des droits et valeurs consacrés par la Charte profite à l’ensemble de la société et l’affirmation de ces droits ne peut à elle seule aller à l’encontre des principes mêmes que la Charte est censée promouvoir.[57]

De façon similaire, il n’est pas suffisant d’avancer comme hypothèse qu’une atteinte à un droit pourrait avoir lieu. Il faut des preuves, et non seulement une présomption non étayée, que la jouissance d’un droit aura un effet nuisible sur la jouissance d’un autre droit.

Exemple : Exiger d’étudiants inscrits à un programme de formation d’enseignants d’une université chrétienne qu’ils adhèrent à des « normes communautaires » qui interdisent les « activités homosexuelles » ne signifie pas que les diplômés du programme feront preuve de discrimination ou d’intolérance fondée sur l’orientation sexuelle à l’égard de leurs élèves.[58]

5.6 Plus grande protection des éléments fondamentaux du droit que de ces éléments périphériques

Si l’incidence sur les droits en question est importante, il faut procéder à une pondération ou à une conciliation des droits; un droit doit primer sur un autre, ou les deux doivent être compromis. La loi semble privilégier la restriction d’une catégorie de droits dans le cas d’activités qui seraient contraire à l’élément fondamental, ou central, du droit d’une autre personne. Par exemple, les tribunaux ont indiqué que le fait de permettre à des autorités religieuses de ne pas célébrer des mariages de même sexe qui sont contraires à leurs croyances religieuses[59] est différent du fait de permettre à une personne qui exploite une entreprise de refuser d’offrir ses services d’impression à une organisation à l’intention des personnes homosexuelles sur la base que cela porte atteinte à ses droits religieux. Dans cette dernière affaire, le tribunal a fait observer qu’une entreprise commerciale se trouve à la « périphérie » de la liberté de religion et qu’en conséquence, les droits religieux devaient céder la place au droit de vivre à l’abri de la discrimination fondée sur l’orientation sexuelle.[60]

Le tribunal a affirmé :

Plus une activité s’éloigne des éléments fondamentaux de la liberté en jeu, plus elle a de risques d’avoir des répercussions sur autrui et de ne pas mériter de protection. Les services d’impression commerciale fournis par M. Brockie ont été jugés à la périphérie des activités protégées au nom de la liberté de religion.[61]

Les tribunaux judiciaires ont constamment reconnu que les personnes sont libres d’adhérer aux croyances religieuses de leur choix ou d’exprimer leur opinion, mais ont également affirmé clairement qu’il y avait des limites à l’exercice de ces croyances et de cette liberté d’expression, si cet exercice nie le droit à l’égalité et au respect de membres marginalisés de la société. Pour y parvenir, on attribue habituellement plus de protection à l’exercice d’un droit en privé qu’à son exercice en public.

Exemple : Les droits à la liberté d’expression et de religion peuvent être restreints lorsque leur exercice porte considérablement atteinte à la dignité inhérente et à l’égalité des personnes protégées par la législation sur les droits de la personne, comme lorsque les publications d’un enseignant ont été jugées préjudiciables à l’environnement d’étude de ses élèves de confession juive.[62]

Pour qu’un droit ait préséance sur un autre, on doit pouvoir montrer que l’atteinte à l’élément fondamental du droit est réelle et considérable dans les circonstances. Mais même lorsqu’on démontre ce genre d’atteinte, l’obligation d’accommoder le plus possible le droit que l’on restreint demeure.

5.7 Respect de l’importance des deux catégories de droits

En cas de conflit apparent entre des droits, les principes de la Charte exigent d’adopter une approche qui respecte le plus possible l’importance des deux catégories de droits concernés.[63] Comme le juge Frank Iacobbuci de la Cour suprême du Canada l’explique dans son article, que la Cour d’appel de l’Ontario cite avec autorisation :[64]

…Il est approprié pour les tribunaux d’interpréter dans leur sens le plus large tous les droits garantis par la Charte, en tenant compte du contexte factuel ainsi que des autres droits constitutionnels en jeu. [65]

Cependant, des compromis potentiels aux deux catégories de droits, décrits récemment par la Cour d’appel de l’Ontario comme des « compromis constructifs », sont des solutions possibles dans le cadre de l’effort de conciliation. Ces compromis « peuvent minimiser des conflits apparents […] et créer un processus dans le cadre duquel les deux valeurs peuvent être protégées et respectées. »[66] La recherche d’un compromis inclut l’examen de mesures qui pourrait atténuer le préjudice causé à chaque catégorie de droits.

L’effort déployé pour trouver des options de conciliation des droits contradictoires est semblable à l’analyse énoncée à l’article 1 de la Charte et au processus à suivre dans le cadre de l’obligation d’accommodement dans le contexte des droits de la personne. Ainsi, dans des cas comme Dagenais c. Société Radio-Canada.,[67] la Cour suprême a ordonné aux tribunaux examinant une demande d’interdiction de publication qu’ils trouvent « d’autres mesures raisonnables et efficaces » pour atteindre les importants objectifs en jeu.

Lorsqu’un conflit réel de droits existe, un certain équilibrage peut s’avérer nécessaire. Un droit peut devoir céder la place à un autre, ou on peut en venir à des compromis constructifs touchant les deux catégories de droits. Dans R. c. O’Connor,[68] une affaire opposant le droit d’une victime à la protection du caractère privé de ses dossiers médicaux au droit de l’accusé à une défense pleine et entière, un compromis a été réalisé par la décision de soumettre en premier les dossiers à l’examen du tribunal.

Dans de rares cas, il peut s’avérer impossible de concilier des droits. Par exemple, dans R. c. N.S.,[69] la Cour d’appel de l’Ontario a reconnu que, malgré le besoin de traiter équitablement les différents droits au début du processus, un droit peut devoir céder la place à un autre si la conciliation devient impossible. Par exemple, si un conflit porte véritablement atteinte au droit d’une personne accusée d’un acte criminel à une défense pleine et entière, aux termes de la Charte, ce droit l’emporte. Le droit opposé devra céder la place, car notre système de justice a toujours considéré que le risque de déclarer coupable un innocent était un élément central des principes de justice fondamentale.[70]

5.8 Pouvoir des défenses légales de restreindre des droits

Les lois sur les droits de la personne et la Charte prévoient des exceptions permettant un traitement différentiel dans certaines situations. Dans bien des cas, les défenses légales sont une tentative d’enchâsser dans la loi la reconnaissance de droits contradictoires et peuvent refléter les efforts déployés par les législateurs pour concilier différents droits contradictoires. [71]

Souvent, les défenses légales ont pour but de protéger les droits collectifs.[72] Ces défenses traitent habituellement de questions comme l’éducation religieuse, la capacité de certains types d’organisations représentant les intérêts d’un groupe particulier de limiter l’adhésion aux personnes qui appartiennent à ce groupe, la capacité de limiter l’accès à certaines installations et types d’hébergement partagés selon le sexe, et le droit de dirigeants religieux de refuser de célébrer des mariages qui sont contraires à leurs croyances religieuses.

Le Code des droits de la personne de l’Ontario comprend aussi des dispositions qui semblent constituer des tentatives de la part des législateurs en vue de réduire les conflits de droits. Le préambule du Code offre des indications initiales sur la façon d’aborder les droits contradictoires en prenant en compte les valeurs qui sous-tendent le Code et les lois sur les droits de la personne en général. Le Code contient aussi plusieurs exceptions qui aident à éviter les situations éventuelles de droits contradictoires. Les exceptions prévues au Code le plus souvent citées lors d’affaires de droits contradictoires sont tirées des articles 13, 18, 18.1 et 24 et du paragraphe 20(3) du Code. Le critère d’admissibilité prévu dans chacune de ces dispositions restreint la portée de ces exceptions, tant sur le plan des personnes que des situations auxquelles elles s’appliquent.

Par exemple, l’article 13 du Code tente d’atteindre un équilibre entre l’interdiction d’une intention annoncée de faire de la discrimination et le droit à la libre expression de ses opinions.

 13. (1) Constitue une atteinte à un droit reconnu dans la partie I le fait de publier ou d’exposer ou de faire publier ou exposer en public un avis, un écriteau, un symbole, un emblème ou une autre représentation analogue qui indique l’intention de porter atteinte à un tel droit ou qui a pour objet d’inciter à une telle atteinte.

(2) Le paragraphe (1) n’entrave pas la libre expression d’opinions.

En reconnaissance de l’importance de la liberté d’expression, telle que convenue dans la présente section, la CODP est intervenue devant le Tribunal des droits de la personne de l’Ontario dans l’affaire Whiteley v. Osprey Media Publishing Inc. and Sun Media Corporation. Dans cette affaire, on alléguait qu’un éditorial paru dans le County Weekly News était discriminatoire envers les personnes venues d’ailleurs qui se sont installées dans le comté de Prince Edward. Le requérant soutenait qu’il avait fait l’objet de discrimination fondée sur le lieu d’origine en matière de services. La CODP soutenait que l’article 13 du Code ne restreint pas le droit des journaux d’imprimer des opinions qui pourraient ne pas plaire à certaines personnes. Le tribunal s’est prononcé en accord avec la CODP, affirmant que « la publication d'une opinion dans les médias est au cœur de la liberté d'expression et de la liberté de la presse dans une société démocratique. »[73]

Dans un autre exemple, l’article 18 du Code porte sur les « organisations à vocation particulière » :

Ne constitue pas une atteinte aux droits, reconnus dans la partie I, à un traitement égal en matière de services et d’installations, avec ou sans adaptation, le fait qu’un organisme ou un groupement religieux, philanthropique, éducatif, de secours mutuel ou social dont le principal objectif est de servir les intérêts de personnes identifiées par un motif interdit de discrimination, n’accepte que des personnes ainsi identifiées comme membres ou participants.

Cette section s’applique uniquement aux services et aux installations qui sont limités par l’adhésion ou la participation à un organisme qui dessert principalement les intérêts de personnes identifiées par un motif interdit de discrimination. (p. ex. club pour personnes âgées italiennes). Afin d’être admissible à une exception en vertu de cet article, l’adhésion et la participation doivent être limitées à des personnes qui servent les principaux intérêts de l’organisme. Par conséquent, cette disposition tient compte des libertés religieuses en autorisant les groupements religieux à accorder la préférence sur le plan de leurs politiques d’admission ou de l’adhésion aux personnes de même confession religieuse.[74] L’interprétation de cet article dans la jurisprudence établit un équilibre entre la liberté d’association et les droits à l’égalité. Comme chacune des dispositions prévoyant une exception, cet article tient compte de la relation entre les sphères publique et privée. Le droit du public de vivre à l’abri de la discrimination doit être pris en compte à la lumière du droit d’un organisme privé de limiter ses membres
à un groupe identifié.[75]

L’article 1 est la principale disposition conciliatoire de la Charte. Connue aussi sous le nom de « clause des limites raisonnables », cette disposition permet au gouvernement de limiter les droits garantis par la Charte d’une personne. Lorsque le gouvernement a limité les droits d’une personne, il a la responsabilité de démontrer, selon la prépondérance des probabilités, que cette restriction du droit est conforme à la loi et constitue une limite raisonnable au sein d’une société libre et démocratique. Pour ce faire, il doit appliquer les critères établis dans l’affaire Oakes. Le test Oakes prend en considération les éléments suivants :

1. s’il y a un objectif gouvernemental sérieux et important

2. si le gouvernement tente d’atteindre cet objectif de façon proportionnelle
    (raisonnable et justifiée). Cela permet de déterminer si :

(a)    les mesures du gouvernement ont été conçues soigneusement pour atteindre cet objectif

(b)   l’approche utilisée porte le moins possible atteinte aux droits en jeu

(c)    les effets bénéfiques des mesures du gouvernement surpassent la
gravité des effets préjudiciables sur les droits.[76]

En situation de droits contradictoires, les critères établis dans l’affaire Oakes devraient être appliqués de façon souple afin d’atteindre un équilibre entre le droit auquel on a porté atteinte et le droit que l’État espère favoriser par cette atteinte. Encore une fois, cela exige d’examiner dans son entier le contexte des circonstances particulières du cas devant les tribunaux.

Exemple : La majorité des juges de la Cour suprême ont déterminé dans B. (R.) v. Children’s Aid Society [77] que la liberté de religion protégeait la décision des parents de refuser qu’on fasse subir à leur nourrisson une transfusion sanguine qui pourrait potentiellement lui sauver la vie. Grâce à un processus prévu par la Child Welfare Act, la tutelle de l’enfant avait été confiée temporairement à la société d’aide à l’enfance, qui avait consenti à la transfusion sanguine. L’article 1 de la Charte justifiait l’atteinte grave aux droits des parents prévus à l’alinéa 2a). La Cour a opposé l’intérêt de l’État envers la protection des enfants à risque aux droits des parents, et jugé que l’intérêt de l’État prédominait.

Plusieurs éléments ressortent clairement de l’examen des décisions qui ont pris en compte des défenses prévues dans les lois sur les droits de la personne pour justifier la discrimination. Premièrement, à la différence des défenses qui justifient une atteinte à des droits de la personne en raison d’autres intérêts (par exemple un préjudice financier injustifié[78]), il ne faut pas interpréter trop étroitement les défenses qui reconnaissent aussi les droits contradictoires d’autres groupes de la société et en font la promotion. Deuxièmement, malgré ce mode d’interprétation, on doit aussi faire la preuve que la défense s’applique bel et bien à l’affaire en jeu. Enfin, on doit aussi considérer pleinement le contexte en fonction des éléments de preuve de l’affaire. Surtout, l’organisation tentant de se prévaloir de la défense doit pouvoir établir, au moyen d’éléments de preuve objectifs, un lien entre les actions ayant un impact discriminatoire sur autrui et sa jouissance du droit de son groupe.

 

 

[20] L’information fournie dans cette section est adaptée de la publication de la CODP intitulée L’ombre de la loi : Survol de la jurisprudence relative à la conciliation de droits contradictoiressupra, note 7, qui fournit une discussion plus détaillée de la jurisprudence concernant les droits contradictoires.

[21] R. c. N.S., 2010 ONCA 670au par. 97. Droit accordé de faire appel de la décision devant la Cour suprême : 2011 Can LII 14361 (CSC). L’appel a été entendu par la Cour suprême le 8 décembre 2011.

[22] Exemples de ce qu'il ne faut pas faire dans une situation de droits contradictoires : (1) traiter le droit comme absolu; (2) traiter un droit comme intrinsèquement supérieur à un autre; (3) accepter une hiérarchie des droits; et (4) examiner les droits d'une façon abstraite sans tenir compte des faits.

[23] Trinity Western University c. British Columbia College of Teachers, [2001] 1 R.C.S. 772, au par. 29; P. (D.) c. S. (C.), [1993] 4 R.C.S. 141, au par. 182; B. (R.) v. Children’s Aid Society of Metropolitan Toronto, [1995] 1 S.C.R. 315, au par226.

[24] R. c. Mills, [1999] CanLII 637 (CSC), au par. 61.

[25] L’honorable juge Frank Iacobucci, « Reconciling Rights: The Supreme Court of Canada’s Approach to Competing Charter Rights », Supreme Court Law Review, 20 S.C.L.R. (2e édition), 2003, p. 137-139.

[26] Trinity Western, supra, note 23, au par. 29.

[27] Dagenais c. Société Radio-Canada, [1994] 3 R.C.S. 835.

[28] Commission canadienne des droits de la personne c. Taylor, [1990] 3 R.C.S. 892; R. c. Keegstra, [1990] 3 R.C.S. 697.

[29] Ross, supra, note 12.

[30] Veuillez noter qu’il peut exister une hiérarchie de droits entre des droits garantis par la Charte et d’autres droits, et entre des droits protégés par le Code et d’autres droits. La Charte a primauté sur toutes les lois du Canada. Par ailleurs, les droits quasi-constitutionnels prévus dans les lois sur les droits de la personne l'emportent généralement sur les droits légaux non constitutionnels [voir par exemple le paragraphe 47(2) du Code des droits de la personne de l'Ontario, L.R.O. 1990, Chap. H. 19].

[31] Dagenais, supra, note 27; Mills, supra, note 24, au par. 61.

[32] R. c. N.S., supra, note 21 au par. 48. Voir aussi Mills, ibid.; Dagenais, ibid. à 877; R. c. Crawford, [1995] 1 R.C.S. 858, au par. 34.

[33] Dagenaisibid.

[34] Par exemple, une plainte pour atteinte à la liberté de religion peut ne pas être légitime si, selon les faits de l’espèce et le contexte pertinent, la croyance religieuse invoquée n’est pas sincère. Dans l'arrêt Bothwell v. Ontario (Minister of Transportation), 2005 CanLII 1066 (ON S.C.D.C.), le tribunal a examiné tous les éléments de preuve concernant l'objection du requérant à la prise d'une photo numérique pour le permis de conduire pour des motifs religieux, et conclu que le requérant n'avait pas réussi à établir une croyance religieuse sincère comme prévue dans la décision de la Cour suprême du Canada, à l'arrêt Amselemsupra, note 16. Le tribunal a tenu compte, en partie, du fait que le requérant avait soulevé plusieurs points relatifs à la protection de la vie privée, plutôt que d’ordre religieux, et que ses actions étaient contraires aux croyances religieuses qu’il avait fait valoir. Autre exemple d’omission de prouver que le droit s’applique à sa personne : si le droit revendiqué à la liberté d’expression concerne une activité qui (a) ne transmet pas ni ne tente de transmettre une signification et est donc une expression sans contenu, ou (b) qui transmet une signification par une forme d’expression violente; voir Irwin Toy Ltd. c. Procureur général du Québec, [1989] 1 R.C.S. 927.

[35] R. c. N.S.supra, note 21, aux par. 49 et 65.

[36] Voir par exemple : Giguere v. Popeye Restaurant2008 HRTO 2 (CanLII) qui cite plusieurs décisions en matière de droits de la personne. Dans Giguere, le Tribunal a affirmé ce qui suit au par. 77 : « Les droits et intérêts économiques ne priment pas sur les droits de la personne, à moins qu’il existe une exemption spécifique dans la loi. »

[37] Voir, par exemple, Québec et Giguère c. Montréal (Ville) (2003) 47 C.H.R.R. D/67.

[38] Dans R c. N.S., le tribunal a souligné que, contrairement au droit de l’accusé de présenter une défense pleine et entière dans un procès équitable, le droit d’un témoin à la liberté de religion ne découle pas intrinsèquement de sa participation à une instance criminelle. Le témoin qui veut exercer une pratique religieuse tout en témoignant doit établir que la pratique relève du droit à la liberté de religion. À cette fin, il est presque inévitable d’appeler ce témoin à démontrer le lien entre la pratique et ses croyances religieuses, bien que dans la plupart des cas l’interrogatoire sera relativement simple; R. c. N.S., supra, note 21, aux par. 65-66. Dans une décision du Tribunal des droits de la personne de la C.-B., le tribunal a estimé qu’il n’était pas possible de « conclure à un lien » entre le traitement préjudiciable que la partie aurait reçu et ses croyances religieuses, sur la base des faits allégués. En conséquence, il n’existait pas suffisamment de preuves pour établir qu’un droit religieux était invocable; Chiang v. Vancouver Board of Education2009 B.C.H.R.T. 319, au par. 115.

[39] Grant v. Willcock (1990), 13 C.H.R.R. D/22 (OntBd.Inq.).

[40] Mills, supra, note 24; Trinity Western, supra, note 23.

[41] R. c. N.S., supra, note 21, au par. 97.

[42] Supra, note 25, au par. 141.

[43] Ibid., au par 167.

[44] Bou Malhab c. Diffusion Métromédia CMR Inc.[2011] 1 R.C.S. 214, au par. 96.

[45] Danson c. Ontario (Procureur général), [1990] 2 R.C.S. 1086, à 1099-1101; MacKay c. Manitoba, [1989] 2 R.C.S. 357 à 362-363, 366; Conseil canadien des Églises c. Canada (Ministre de l'Emploi et de l'Immigration) [1992] 1 R.C.S. 236 à 253-255.

[46] R. c. Oakes[1986] 1 R.C.S. 103. Il est intéressant de constater que ces mots font étroitement écho aux valeurs et principes de protection des droits de la personne qu’énonce le préambule du Code des droits de la personne de l’Ontario ainsi que les diverses lois du pays en matière de droits de la personne.

[47] On retrouve la notion d’« équilibre » dans une variété de décisions juridiques sur les droits contradictoires : Voir par exemple Ross, supra, note 12aux par.73 et 74.

[48] Pour obtenir des renseignements détaillés sur cette question, voir Commission ontarienne des droits de la personne, La conciliation des droits contradictoires : à la recherche d'un cadre analytique, 2005, à la p. 7; disponible à l’adresse : www.ohrc.on.ca/fr/resources/policy/balancerightsFR/pdf

[49] Pour obtenir des renseignements détaillés, voir Sebastian Poulter, « Ethnic Minority Customs, English Law and Human Rights », International and Comparative Law Quarterly, vol. 36, 1987, p. 589 à 596.

[50] Voir R. c. N.S.supra, note 21.

[51] Chamberlain c. Surrey School District nº 36, [2002] 4 R.C.S. 710.

[52] Bruker c. Marcovitz, [2007] 3 R.C.S. 607.

[53] Le get est un divorce juif qui libère la femme des obligations du mariage et lui permet de se remarier selon la foi juive. Seul l’époux peut accorder le get. La religion juive ne prévoit aucun autre moyen pour la femme mariée de se libérer de ses obligations du mariage.

[54] La majorité des juges de la Cour ont indiqué que, malgré la réticence des tribunaux judiciaires à examiner des questions religieuses de nature « strictement spirituelle ou purement doctrinale », ils interviendraient dans les cas de violation de droits civils et de droits de propriété. Les juges ont ensuite mis en question la revendication par l’époux de ses droits religieux, ajoutant qu’ils voyaient difficilement comment le fait de l’obliger à honorer son engagement d’accorder le get allait à l’encontre d’une croyance religieuse sincère et aurait des conséquences non négligeables pour lui. Cependant, même si l’époux avait pu en faire la preuve, sa revendication d’un droit religieux devait être examinée en regard de valeurs contradictoires ou des préjudices qu’entraînerait le respect de ce droit. La Politique sur la croyance et les mesures d’adaptation relatives aux observances religieuses de la CODP reconnaît aussi des limites à la liberté de religion et affirme, à la page 5, que ce droit ne s’étend pas aux « religions qui incitent à la haine ou à la violence contre d'autres groupes ou personnes » ou aux « pratiques et observances qui prétendent avoir un fondement religieux mais qui contreviennent aux normes internationales en matière de droits de la personne ou même au code criminel. » La politique indique que « la mutilation génitale des femmes est une violation des droits fondamentaux des femmes et n'est pas une activité protégée pour des raisons de croyance ». Vous pouvez consulter la Politique sur la croyance et les mesures d’adaptation relatives aux observances religieuses de la CODP à l’adresse : www.ohrc.on.ca/fr/resources/policies/ReligionCreedPolicyFREN/pdf.

[55] Amselem, supra, note 16, aux par. 57 et 60.

[56] Chiang, supra, note 38, au par 36.

[57]Renvoi relatif au mariage entre personnes du même sexe, 2004 C.S.C. 79au par. 46. Dans S.L. c. Commission scolaire des Chênes2012 SCC 7, la Cour suprême du Canada a rejeté le pourvoi interjeté aux termes de l’al. 2a) de la Charte canadienne des droits et libertés par des parents qui alléguaient qu’un cours obligatoire d’éthique et de culture religieuse entraverait leur capacité de transmettre leur foi catholique à leurs enfants. La cour a conclu qu’une personne doit prouver, à l’aide de faits objectivement démontrables, qu’il y a eu atteinte à un droit religieux. Même si les parents croyaient sincèrement qu’ils avaient l’obligation de transmettre à leurs enfants les préceptes de leur religion, ils n’ont pas été en mesure de démontrer objectivement qu’on avait porté entrave à leur capacité de le faire. La Cour suprême a aussi indiqué que l’exposition d’enfants à des points de vue autres que ceux que leur a inculqués leur famille ne constituait pas en soi une atteinte aux droits religieux (au par. 40).

[58] Trinity Western, supra, note 23.

[59] Renvoi relatif au mariage entre personnes du même sexe, supra, note 57.

[60] Dans Brockie v. Brillinger (No. 2), (2002), 43 C.H.R.R. D/90 (Ont. Sup.Ct.), la Cour divisionnaire a remarqué que l’exercice, par M. Brockie, de son droit à la liberté de religion sur le marché commercial est, au mieux, aux confins du droit. C’est pourquoi les limites imposées à son droit à la liberté de religion ont été jugées justifiées si l’exercice de ce droit portait atteinte aux droits d’autrui, à savoir le droit d’autres personnes en vertu du Code à vivre à l’abri de la discrimination fondée sur l’orientation sexuelle. Le tribunal a laissé ouverte la possibilité d'atteindre une conclusion différente si les documents à imprimer avaient un contenu « qui pourrait raisonnablement être considéré comme contraire aux éléments fondamentaux des croyances religieuses de M. Brockie » (au par. 56).

[61] Brockie v. Brillinger (No. 2), ibid., au par. 51.

[62] Ross, supra, note 12.

[63] Trinity Western, supra, note 23, au par. 31; Dagenais, supra, note 27, p. 877.

[64] R. c. N.S.supra, note 21, au par. 47.

[65] Supra, note 25, à 140.

[66] R. c. N.S.supra, note 21, au par. 84.

[67] Dagenais, supra, note 27.

[68] O’Connorsupra, note 19.

[69] R. c. N.S.supra, note 21. La Cour suprême du Canada a accordé le droit d’interjeter appel de la décision de la Cour d’appel de l’Ontario. Elle aura donc bientôt l’occasion de commenter l’approche des droits de la personne en jeu, ou de la réviser.

[70] R. c. N.S.ibid., aux par. 88-89; Mills, supra, note 24, au par. 89.

[71] Les législateurs sont souvent bien placés pour aborder le potentiel de conflits entre les droits. Contrairement aux décisionnaires, les législateurs ont la capacité d’aborder les conflits de façon proactive avant qu’ils ne surviennent, en rédigeant des lois dont le libellé peut prévenir les conflits. Cependant, comme le fait remarquer une auteure, « Le choix des lois comme mécanisme préférentiel de traitement des conflits de droits de la personne peut restreindre l’étendue du problème pour les tribunaux, mais ne l’éliminera pas. Il y aura toujours des situations où le législateur ne voit pas les répercussions négatives éventuelles sur un droit de la protection d’un autre droit ». Voir Eva Brems, « Conflicting Human Rights: An Exploration in the Context of the Right to a Fair Trial in the European Convention for the Protection of Human Rights and Fundamental Freedoms », Human Rights Quarterly, vol.o 27, p. 294 à 305, 2005.

[72] Voir Caldwell c. Stewart, [1984] 2 R.C.S. 603.

[73] Whiteley v. Osprey Media Publishing, 2010 HRTO 2152 (CanLII).

[74] Par exemple, aux termes de l’article 18, un établissement postsecondaire privé chrétien peut limiter l’inscription aux étudiants qui sont d’accord que l’« homosexualité » constitue un péché et qui acceptent de ne pas s’adonner à des pratiques homosexuelles.

[75] Martinie v. Italian Society of Port Arthur (1995), 24 C.H.R.R. D/169 (OntBd. Of Inquiry). Veuillez noter que cette section pourrait s’appliquer à d’autres organisations, comme des organismes de défense des intérêts des femmes ou de minorités ethniques, ou autres.

[76] Le libellé exacte des critères établis dans R. c. Oakessupra, note 46, au par. 70 indique ce qui suit :

  1. Il doit y avoir un objectif urgent et réel

  2. Les moyens utilisés pour atteindre l’objectif doivent être proportionnels

    1. Il doit exister un lien logique entre l’objectif visé et les moyens

    2. L’atteinte aux droits doit être minimale

    3. Il doit y avoir proportionnalité entre les effets préjudiciables des mesures et l’objectif

[77] B. (R.)supra, note 23.

[78] Le paragraphe 17(2) du Code exige de prendre trois considérations en compte au moment de déterminer si une mesure d’adaptation causerait un préjudice injustifié. Il s’agit : du coût, des sources extérieures de financement, le cas échéant, et des exigences en matière de santé et de sécurité, le
cas échéant.

 

6. Analyse en vue de la conciliation des droits de la personne contradictoires

Cette section porte sur un cadre analytique de résolution des situations de droits contradictoires que la CODP a élaboré en se basant sur les principes internationaux de droits de la personne, la jurisprudence, la recherche en sciences sociales et ses consultations avec des partenaires communautaires et intervenants.[79] Le cadre est présenté sous forme de graphique sommaire à l’Annexe C.

Le cadre analytique a été élaboré à l’intention des organisations. C’est en milieu organisationnel que surviennent la plupart des situations de droits contradictoires et qu’on y apporte les meilleures solutions. Les employeurs, fournisseurs de services, fournisseurs de logements, syndicats et autres organisations sont tenues, aux termes de la loi, de résoudre toutes les questions de droits de la personne qui surviennent. Cette politique donne les grandes lignes d’un processus qui aide les organisations à reconnaître et à concilier les droits de la personne contradictoires. Elle constitue aussi un outil d’analyse à la disposition des avocats, médiateurs et arbitres.

Il est essentiel de donner à toutes les parties concernées l’occasion de se faire entendre et d’entendre les points de vue des parties adverses. Comme la Cour d’appel de l’Ontario l’a indiqué :

Si une personne a la pleine possibilité de présenter sa position et si elle reçoit une explication raisonnable de la conduite à adopter, la reconnaissance offerte aux droits de cette personne dans le cadre du processus proprement dit a tendance à valider la revendication de cette personne, même si la décision ultime ne donne pas à cette personne tout ce qu’elle veut.[80]

En adoptant l’approche proposée par la CODP, les organisations peuvent être confiantes d’avoir adopté un processus de résolution des conflits qui respecte les principes de droits de la personne. Le cadre analytique aide les organisations à reconnaître tout déséquilibre de pouvoir pouvant exister, et à prendre des mesures pour rééquilibrer la situation. De plus, l’adoption d’un processus objectif élimine certains des aspects de discrétion personnelle des décisionnaires, et aide les parties à se sentir traitées équitablement et de façon conforme aux procédures standard.

En suivant l’approche mise de l’avant dans le cadre analytique, les organisations peuvent prendre des mesures pour résoudre rapidement les tensions et conflits entre les parties. La résolution rapide des conflits aide les organisations à composer avec ces situations avant qu’elles ne s’enveniment et ne s’enlisent. Cela contribue à la santé et au bon fonctionnement de l'organisation, et peut prévenir des interventions coûteuses en temps et en argent devant un tribunal.

Le suivant résume le processus de reconnaissance et de conciliation des droits de la personne contradictoires du cadre analytique, qui compte trois phases et cinq étapes :

Processus permettant de résoudre les situations de droits contradictoires

Première phase : Reconnaître les droits contradictoires

     Étape 1 : Sur quoi portent les revendications?

     Étape 2 : Les revendications concernent-elles des droits légitimes?

(a)   Les revendications concernent-elles des personnes ou des
groupes, plutôt que des intérêts opérationnels?

(b)   Les revendications concernent-elles des droits de la personne, d’autres droits reconnus par la loi ou des intérêts raisonnables
et de bonne foi?

(c)   Compte tenu du contexte, les protections consenties aux droits invoqués s’étendent-elles à la présente situation?

     Étape 3: La situation constitue-t-elle davantage qu’une atteinte minimale
                   aux droits?

Deuxième phase: Concilier les droits contradictoires

     Étape 4 : Existe-t-il une solution assurant la jouissance de chacun des droits?

     Étape 5 : S’il en n’existe pas, y a-t-il une solution de remplacement?

Troisième phase : Prendre des décisions

  • Les décisions prises doivent respecter les lois relatives aux droits de la personne et autres, les décisions rendues par les tribunaux et les principes de droits de la personne, et prendre en compte la politique de la CODP.
  • Au moins un des droits revendiqués doit relever du Code des droits de la personne de l’Ontario pour faire l’objet d’une requête auprès du Tribunal des droits de la personne de l’Ontario.

À un moment ou un autre, la plupart des organisations se heurtent à des situations qui mettent en opposition les valeurs, intérêts et droits de différentes parties. La première phase offre aux organisations trois pistes d’enquête pour aider à déterminer si des revendications précises font intervenir des droits de la personne contradictoires.6.1 Première phase : Reconnaître les droits contradictoires

Le fait de déterminer si les revendications font intervenir des « droits » reconnus par la loi est une considération préliminaire, distincte du processus de conciliation de droits contradictoires. Il s’agit d’une composante essentielle de l’analyse, même dans le cas où l’organisation ne penserait pas qu’on a affaire à des droits contradictoires. Cette phase du processus aide à éduquer les parties quant à leurs droits de la personne et responsabilités, ce qui constitue un objectif particulièrement important étant donné le manque général de connaissances de la population et de clarté à l’égard des droits et du langage des droits de la personne. Une meilleure connaissance des droits pourrait aider les parties à bien délimiter leurs revendications.

Dès le début, les parties devraient tenter de faire preuve d’ouverture et de se garder de porter des jugements. Souvent, les parties adverses ont tendance à nier la légitimité des revendications d’autrui. Le fait de franchir cette phase du processus de façon respectueuse et sincère donne une voix aux parties, aide à réduire les déséquilibres de pouvoir (surtout dans le cas des groupes marginalisés), démontre une réelle considération envers différentes positions et encourage le respect de la dignité de tous les requérants. Cela invite aussi à la coopération, laquelle s’avère très importante à la phase de conciliation.

6.1.1 Étape 1 : Sur quoi portent les revendications?

La première étape du cadre aide les organisations à brosser un portrait détaillé de chaque revendication et de la situation ou du contexte sous-jacent. Les parties devraient présenter l’ensemble des faits, leur perception de ce qui s’est produit et leurs points de vue quant aux droits, valeurs et intérêts que pourrait éventuellement faire intervenir la situation. Il est important que les parties prennent pleinement part à cette étape du processus. Comme le fait remarquer une auteure :

L’écoute directe des personnes touchées est essentielle au développement de moyens efficaces et adaptés visant à résoudre les tensions entre, ou parmi, les revendications de droits. Ceux dont les droits ont été enfreints possèdent une perspective unique sur les raisons et sur les remèdes appropriés. [81]

Une approche exhaustive et inclusive aidera l’organisation à apprécier pleinement le contexte social et factuel dans lequel s’est produit le conflit de droits. Elle permettra également d’éviter le rejet prématuré de facteurs pertinents et aidera à délimiter correctement les droits revendiqués. À ce moment-là seulement pourra-t-on déterminer s’il s’agit d’une situation de droits contradictoires.

6.1.2 Étape 2 : Les revendications concernent-elles des droits légitimes?

Une fois que l’organisation aura clairement cerné le contexte et les revendications à la première étape, elle passera à la deuxième étape pour examiner trois questions et déterminer si la situation fait bel et bien intervenir des droits légitimes :

(a)   Les revendications concernent-elles des personnes ou des groupes, plutôt que des intérêts opérationnels?

(b)   Au moins une des revendications concerne-t-elle un droit de la personne?

(c)   Les protections consenties au droit s'étendent-elles à la présente situation?

(a) Les revendications concernent-elles des personnes ou des groupes, plutôt que des intérêts opérationnels?

En vertu du Code, de nombreuses organisations, dont les employeurs, les fournisseurs de services, les fournisseurs de logements et les syndicats, ont le devoir d’offrir des mesures d’adaptation pour les besoins relatifs au Code des personnes. Dans le cadre du travail de détermination de la nature de chaque revendication, les organisations doivent faire la distinction entre les situations qui ne touchent que des activités d’affaires et les situations de droits contradictoires qui concernent les droits d’autres personnes et groupes. Les revendications qui touchent uniquement des activités d’affaires relèvent de l’obligation d’accommodement (c’est-à-dire si une mesure d’adaptation est appropriée ou constitue un préjudice injustifié). Il ne s’agit pas de revendications de droits de la personne contradictoires.

Exemple : Une employée se plaint de discrimination quand son employeur refuse sa demande de modification de son horaire de travail en vue d’assumer ses responsabilités de garde d’enfant. Sa demande ne semble pas avoir d’incidence sur les droits légaux d’autres personnes. Par conséquent, il ne s’agit pas ici d’une situation de « droits contradictoires », mais plutôt d’une demande de mesures d’adaptation relatives aux droits de la personne. Pour limiter ses obligations en matière d’accommodement, l’employeur pourrait soutenir que les répercussions financières d’une telle mesure causeraient un préjudice injustifié à son entreprise.

Une demande d’accommodement pourrait se transformer en situation de droits contradictoires si, au moment de traiter la demande, on s’aperçoit que la situation pourrait porter atteinte aux droits d’une autre personne ou d’un autre groupe.

(b) Au moins une des revendications concerne-t-elle un droit de la personne?

À cette étape, les organisations doivent déterminer si les revendications sont fondées en droit (autrement dit, s’il s’agit de droits protégés par la loi). Les droits pourraient être garantis par la Constitution (y compris la Charte), des mesures législatives, des traités internationaux ou des décisions des tribunaux. Il peut être utile de se demander quels droits seraient bafoués si ces allégations étaient fondées. Dans bien des cas, la réponse pourrait être évidente. Par exemple, une partie pourrait indiquer qu’elle a un besoin devant faire l’objet d’un accommodement aux termes du Code des droits de la personne de l’Ontario. Une autre partie pourrait faire valoir un droit garanti par la Charte, comme le droit à une défense pleine et entière. D’autres revendications pourraient ne pas faire intervenir de droit reconnu par la loi, mais plutôt des questions déjà abordées devant les tribunaux, comme le droit à la jouissance paisible des parcs publics lors de manifestations.

(c) Les protections consenties au droit invoqué s’étendent-elles à la situation?

Les organisations doivent déterminer si chaque revendication relève de la « portée » du droit. Certaines revendications peuvent se fonder sur un droit général précis,  sans que ce droit ne s’étende nécessairement à la situation particulière. Les conflits de droits sont-ils correctement caractérisés? Les organisations devraient examiner les revendications dans leur contexte et à la lumière de tout paramètre déjà établi dans la législation ou par les tribunaux pour ce genre de situations. Comme nous l’avons mentionné plus tôt, la législation elle-même impose parfois des limites aux droits qu’elle tente de protéger, ou prévoit des défenses pour résoudre de façon proactive des situations éventuelles de droits contradictoires.

Exemple : La portée du droit à la non-discrimination en emploi protégé par le Code ne s’étend pas aux préposés aux soins personnels embauchés directement par les personnes qui ont besoin de leurs services. Par exemple, une personne pourrait choisir d’embaucher une personne du même sexe pour lui prodiguer des soins personnels.[82]

Dans d’autres cas, le milieu ou le secteur peut avoir une incidence sur les restrictions apportées à l’exercice d’un droit précis.

Exemple : Une femme s’opposait à une inscription gravée sur un monument offert par une organisation d’hommes catholique et placé sur un terrain appartenant à l’Église catholique. Selon elle, la référence à la vie « de la conception jusqu’à la mort naturelle » constituait une déclaration contre l’avortement qui est choquante et discriminatoire parce qu’elle dénonce, victimise et exclut les femmes. Elle soutenait aussi que l’inscription violait son droit de vivre à l’abri de coercition religieuse, ce qui inclut les messages religieux. Il fallait se trouver sur le terrain de l’église pour lire l’inscription, qui n’était pas lisible à partir du trottoir public. Dans le cadre d’une procédure d’audience sommaire, le Tribunal des droits de la personne de l’Ontario (TPDO) a rejeté la demande de l’appelante, en indiquant qu’il n’avait pas la compétence nécessaire pour examiner le contenu de croyances et d’enseignements religieux, particulièrement lorsqu’ils sont véhiculés sur le terrain d’une organisation religieuse.[83]

La portée du droit à la libre expression de propos offensants varie aussi selon le contexte. Par exemple, ce droit pourrait bénéficier d’une interprétation large dans le cas de commentaires faits dans les médias, mais d’une interprétation plus restreinte s’il s’agit de propos formulés en milieu scolaire ou de travail. Le Code criminel prévoit des restrictions aux expressions de la haine dans ces deux contextes.

Selon les règles acceptables d’interprétation de la loi, au moment d’examiner la portée des droits, les organisations devraient donner une interprétation large aux droits et restreinte aux défenses (sauf lorsque les défenses invoquées reconnaissent aussi les droits d’autres groupes de la société et en font la promotion). La réponse pourrait se trouver dans des décisions précédentes de tribunaux judiciaires ou administratifs ayant imposé des limites dans des circonstances semblables. 

Le fait de déterminer si les revendications s’inscrivent bel et bien dans la portée du droit compte tenu du contexte de l’affaire peut permettre de régler bien des situations semblant à première vue faire intervenir des droits contradictoires. Le fait de délimiter correctement des droits ou d’y apporter des rajustements raisonnables peut faciliter la résolution de certains conflits de droits. Après avoir correctement délimité les droits en jeu, on peut réaliser qu’il n’a pas réellement eu d’atteinte d’un droit sur un autre. Comme l’a noté le juge Iacobucci :

B. (R.) offre un exemple classique de conciliation au moyen d’une approche définitionnelle. Lorsqu’on détermine que le droit à la religion n’inclut pas le droit d’un parent à faire des choix médicaux pouvant nuire à la santé d’un enfant, il n’existe réellement aucun conflit entre la liberté de religion et le droit à la vie, à la liberté et à la sécurité. L’affaire Trinity Western fait écho à ce sentiment. Dans cette cause, la Cour suprême a affirmé : « Voici un cas où tout conflit éventuel devrait être résolu par la délimitation appropriée des droits et valeurs en jeu. Essentiellement, une bonne délimitation de la portée des droits permet d'éviter un conflit dans ce cas-ci » (mis en évidence dans l’original).[84]

L’applicabilité d’un droit quelconque à des revendications précises peut parfois être matière à discussion. Encore là, le cadre analytique de la CODP encourage les parties à ne pas rejeter prématurément une affaire à moins de disposer d’un fondement juridique solide sur lequel baser cette décision.[85]

6.1.3 Étape 3 : La situation constitue-t-elle davantage qu’une atteinte minimale aux droits?

Lorsque la délimitation de la portée des droits ne permet pas de résoudre le conflit, il devient nécessaire de déterminer la portée de l’entrave en question. Si l’entrave à un autre droit est mineure ou insignifiante, le droit ne va probablement pas bénéficier d’une protection. Un conflit n’existe qu’en cas d’entrave ou d’obstacle réel à un droit, ou d’empiètement réel sur un droit. Si l’atteinte à un droit est négligeable ou insignifiante, ce droit doit céder la place à l’autre.[86] Si l’exercice d’un droit ne porte pas d’atteinte réelle à un autre droit, ou n’a pas d’incidence réelle sur celui-ci, il n’y a pas de vrai conflit entre les droits et aucune conciliation n’est nécessaire.[87] Il est utile de déterminer si la situation fait intervenir l’élément fondamental, ou « de base » du droit. Si la situation touche la « périphérie » d’un droit, ce droit devra probablement céder la place au droit dont l’élément fondamental est en jeu.[88]

Les organisations doivent déterminer si la situation fait minimalement ou considérablement entrave à des droits revendiqués. Pour qu’il y ait entrave, une distinction ou un facteur pertinent en matière de droits de la personne doit exister, en lien avec une des revendications en jeu. Cette distinction ou ce facteur doit avoir pour effet d’imposer à une personne ou à un groupe des fardeaux, des obligations ou des désavantages non imposés à d’autres, ou d’empêcher ou de restreindre l’accès aux possibilités, aux bienfaits et aux avantages offerts à d’autres membres de la société.[89] Parfois, les parties perçoivent une entrave là où il en n’existe pas vraiment.

Exemple : Les tribunaux judiciaires ont généralement rejeté les arguments s’opposant au mariage entre conjoints de même sexe sur la base des droits religieux. Les tribunaux sont généralement d’avis que le fait de permettre aux conjoints de même sexe de se marier ne crée pas d’entrave significative aux droits religieux des personnes qui s’opposent au mariage entre conjoints de même sexe,
à moins que les organisations religieuses soient tenues de célébrer ces mariages.

Si l’entrave créée par l’exercice d’un droit sur un autre est considérable, les décisionnaires doivent entreprendre un exercice de conciliation des droits contradictoires.

6.2 Deuxième phase : Concilier les droits contradictoires

Si les investigations menées au cours de la première phase montrent qu’il existe une situation de droits de la personne contradictoires, l’organisation devrait passer à la deuxième phase pour voir si les droits peuvent être conciliés. Idéalement, la conciliation aura pour résultat de ne limiter de façon significative les droits d’aucune partie. Si cela est impossible, la solution de remplacement la plus appropriée pourrait consister à retirer aux parties des éléments négociables de leurs droits, ou des éléments situés à la périphérie de ceux-ci, déterminés en se basant sur des principes juridiques ou sur la jurisprudence. L’étape 4 établit les aspects à considérer pour trouver une solution « idéale » à la situation. L’étape 5 porte sur la détermination de la meilleure « solution de remplacement » possible quand il n’existe pas de solution idéale.

6.2.1 Étape 4 : Existe-t-il une solution assurant la jouissance de chacun des droits?

La conciliation de droits est un processus d’exploration d’options visant à réduire ou à éliminer les entraves et à assurer l’exercice complet ou du moins « substantiel » des droits de toutes les parties dans un contexte donné. Souvent, la conciliation mène à la modification de conditions ou au rajustement de l’exercice des droits d’une ou des deux parties. Cela peut parfois s’apparenter à un processus d’accommodement de droits de la personne multiples basé sur l’apport de changements secondaires comme la modification d’horaires, de conditions de travail, de lieux d’activités ou autres.

Exemple : Une femme souffrant d’un handicap utilise un chien d’assistance pour exécuter ses tâches d’enseignante, mais une élève de la classe qui souffre d’un handicap (des allergies) a des réactions allergiques en présence du chien. Le Code exige que les employeurs procurent des mesures d’adaptation aux employés handicapés, et exigerait aussi que les établissements d’enseignement offrent des mesures d’adaptation aux étudiants handicapés. Le Code n’établit pas d’échelle de priorités entre ces besoins ou ces exigences – ils sont tout aussi importants les uns que les autres. Il pourrait toutefois être possible de résoudre le conflit créé par ces droits contradictoires en procédant à une évaluation des besoins des deux parties.

L’employeur ou le fournisseur de services devrait commencer par examiner les mesures d’adaptation que requièrent l’employée et l’élève dans le contexte de la salle de classe pour déterminer si les besoins des deux parties sont réellement contradictoires. De quelle façon le chien d’assistance aide-t-il l’employée dans la salle de classe? Y a-t-il d’autres moyens de lui offrir le soutien dont elle a besoin sans avoir recours au chien?[90] Il serait important d’envisager également d’autres façons de satisfaire les besoins de l’élève. Dans cet exemple, il pourrait être suffisant de transférer l’élève dans une autre classe, où l’enseignement est prodigué par une autre personne. L’employeur ou le fournisseur de services devrait également examiner les solutions qui satisferaient les deux personnes concernées, et permettraient à chacune d’elles d’exercer ses droits.

6.2.2 Étape 5 : S’il n’existe pas de solution idéale, y a-t-il une solution de remplacement?

Lorsque le processus de conciliation ne mène pas à l’adoption d’une solution idéale, l’organisation a le devoir d’explorer les options les moins susceptibles de porter atteinte à un droit. Même si, dans les circonstances, un droit l’emporte sur l’autre, l’organisation peut conserver le devoir d’accommoder l’autre droit dans une certaine mesure.

L’exploration de la solution idéale et des solutions de remplacement les plus appropriées mène inévitablement à la limitation de droits ou à une atteinte à des droits. Les organisations devraient appliquer les principes relatifs aux droits de la personne établis dans la jurisprudence et dans la politique de la CODP. Sans aucun doute, la sélection, la pondération et l’application des principes peuvent mener à des résultats variables. À lui seul, un principe relatif aux droits de la personne peut ne pas fournir de réponse. Envisagez ensemble les différents principes en gardant à l’esprit le contexte dans son ensemble. Les principes suivants, dont on discute de façon plus détaillée à
la section de cette politique intitulée Principes juridiques clés, aideront les organisations qui doivent trouver la solution de remplacement la plus appropriée :

  1. aucun droit n’est absolu
  2. il n’y a pas de hiérarchie entre les droits
  3. le but est de respecter les deux catégories de droits en jeu
  4. l’examen doit prendre en compte le contexte dans son ensemble et tous les faits et valeurs constitutionnelles en jeu
  5. l’examen doit mesurer l’étendue de l’entrave (un conflit n’existe qu’en cas d’atteinte réelle à un autre droit)
  6. les éléments fondamentaux d’un droit bénéficient d’une plus grande protection que ses éléments périphériques
  7. les défenses légales peuvent restreindre certains droits.

Le cadre analytique de la CODP propose une approche fluide de reconnaissance et de conciliation des droits contradictoires. Les organisations pourraient devoir retourner à des étapes précédentes du cadre pour examiner le bien-fondé de solutions possibles. Par exemple, il pourrait s’agir de vérifier si une option possible rendrait non significative l’incidence sur les droits.

Toute limitation d’un droit devrait tenir compte des valeurs relatives aux droits de la personne, y compris le respect de la dignité humaine, l’inclusion de tous, l’harmonie communautaire et sociale, et les intérêts collectifs des groupes minoritaires et marginalisés.

6.3 Troisième phase : Prendre des décisions

Lorsqu’il s’agit de concilier des droits contradictoires, les organisations ne constituent pas des tierces parties neutres. Elles ont l’obligation légale de résoudre les revendications de droits de la personne contradictoires de la même façon que toute autre question de droits de la personne pouvant survenir au sein de leur environnement. En bout de ligne, les organisations devront décider du dénouement de la situation et sanctionner la solution apportée. Tout au long du processus, elles devront se rappeler de leurs obligations légales et veiller à ce que les parties comprennent le processus. Elles devront aussi faire en sorte que le règlement de la situation respecte la politique de la CODP, les lois sur les droits de la personne et les autres lois, les décisions juridiques applicables et les principes relatifs aux droits de la personne.

En agissant conformément aux principes des droits de la personne, les organisations prennent des mesures pour se protéger contre toute responsabilité éventuelle si elles sont un jour désignées comme partie dans une affaire devant le Tribunal des droits de la personne de l’Ontario ou une cour supérieure.

D’autres parties — soit d’éventuels requérants ou répondants, ou des syndicats, le cas échéant — ont également une responsabilité commune d’agir de bonne foi, de promouvoir la dignité et le respect mutuel, et de coopérer à un processus de reconnaissance des droits et d’apport de solutions au bénéfice de toutes les personnes concernées. Autrement dit, vous ne pouvez pas vous attendre à ce qu’on respecte vos droits si vous ne respectez pas les droits d’autrui.

Après avoir terminé la première phase, une organisation pourrait déterminer qu’il ne s’agit pas en bout de ligne d’une situation de droits contradictoires. L’organisation devrait communiquer cette évaluation aux parties, tout en envisageant quand même de résoudre la question. Dans bien des cas, d’ailleurs, l’organisation pourrait avoir l’obligation légale de le faire. Même si une situation ne porte pas atteinte aux droits d’une autre partie, l’organisation a quand même le devoir de maintenir un environnement libre de discrimination et de harcèlement, et d’offrir des mesures d’adaptation pour les besoins relatifs au Code que pourrait avoir une personne.

Dans d’autres cas, une organisation pourrait évaluer la situation et décider qu’il n’est pas nécessaire, pas souhaitable ou même impossible d’entreprendre un processus avec les requérants. Par exemple, l’organisation pourrait avoir déjà réglé une affaire semblable et adopté une politique à ce chapitre. L’organisation pourrait aussi décider que la situation est trop controversée ou complexe pour la concilier et choisir plutôt d’obtenir des conseils juridiques.

Certaines personnes pourraient revendiquer des droits que l’organisation juge sans mérite ou refuser de participer à un processus de conciliation, ou les parties pourraient être incapables d’en arriver à une entente. L’organisation pourrait alors prendre une décision unilatérale, mais devrait examiner sérieusement cette possibilité et en communiquer clairement les raisons aux parties. La solution pourrait ne pas plaire à l’une ou l’autre des parties, qui pourrait demander à l’organisation de réexaminer sa décision. Les parties pourraient aussi avoir l’option de saisir de la question le Tribunal des droits de la personne de l’Ontario ou un autre décisionnaire du système juridique.

Pour qu’une partie saisisse un tribunal des droits de la personne d’une affaire de droits contradictoires, au moins un des droits revendiqués doit relever d’un droit de la personne établi dans la législation. Par exemple, si l’une des parties désire saisir de la question le Tribunal des droits de la personne de l’Ontario, la situation doit faire intervenir un droit de la personne protégé par le Code des droits de la personne de l’Ontario.

Dans la plupart des cas, l’organisation trouvera qu’il est avantageux d’entreprendre un processus qui tente de reconnaître et de concilier des droits contradictoires plutôt que de prendre une décision unilatérale.

 

[79] La CODP a déjà pris des mesures pour encourager l’utilisation de son cadre analytique au cours d’une variété d’instances judiciaires opposant des droits contradictoires. La CODP est intervenue dans l’affaire R. c. N.S., supra, note 21, mettant en scène un témoin portant le niqab. Dans les mémoires qu’elle a soumis à la Cour d’appel de l’Ontario et à la Cour suprême du Canada, la CODP a eu recours à une approche juridique de résolution des revendications de droits de la personne contradictoires qui correspondait au cadre analytique. Vous trouverez sur le site Web de la CODP des sections pertinentes du mémoire soumis à la Cour d’appel de l’Ontario, sur lesquelles a été fondée la décision de la Cour d’appel. Le mémoire d’intervenant soumis par la CODP à la Cour suprême du Canada dans l’affaire Saskatchewan Human Rights Commission v. William Whatcott2010 CanLII 62501 (SCC) est aussi basée sur le raisonnement et l’analyse du cadre analytique. L’appel a été entendu par la Cour suprême le 12 octobre 2011.

[80] R. c. N.S.supra, note 21, au par. 83.

[81] Patricia Hughes, « La politique sur les droits concurrents : l’approche de la Commission du droit de l’Ontario », Diversité canadienne, volume 8, no 3, été 2010, p. 54.

[82] Alinéa 24(1)c) du Code des droits de la personne de l'Ontariosupra, note 30.

[83] Le TDPO a décrit les dimensions positives (le droit d’exprimer et de propager ses croyances) et négatives (le droit de vivre à l’abri de coercition visant à faire accepter ou adopter des croyances, des pratiques ou des formes de culte) des droits contradictoires en jeu. Le TDPO a fait remarquer que l’appelante faisait valoir un droit protégé par le Code qui faisait intervenir des situations situées au cœur même d’autres droits protégés par la Charte, notamment le droit de l’intimé d’afficher un message en accord avec ses croyances religieuses sur le terrain d’une institution religieuse. Selon le TDPO, l’interprétation des droits de l’appelante en vertu du Code doit se garder de vider de leur sens les droits religieux positifs de l’intimé. Le TDPO a conclu qu’il n’était pas approprié d’invoquer les protections des droits de la personne prévues dans le Code pour contester le système de croyances et les enseignements de l’Église catholique : Dallaire c. Les Chevaliers de Colomb2011 HRTO 639 (CanLII).

[84] Supra, note 25, au par. 163.

[85] Voir la publication de la CODP intitulée L’ombre de la loi : Survol de la jurisprudence relative à la conciliation de droits contradictoiressupra, note 7, qui comprend une discussion détaillée sur la jurisprudence relative à la conciliation de droits contradictoires.

[86] Amselem, supra, note 16, au par. 84; Brukersupra, note 52.

[87] C’est la conclusion qu’a tirée la Cour suprême du Canada dans Renvoi relatif au
mariage entre personnes du même sexe
supra, note 57 et Trinity Westernsupra, note 23.

[88] Brockie v. Brillinger (No. 2)supra, note 60, au par. 51.

[89] Le cadre analytique de la CODP se base sur l’analyse menée dans R. c. Kapp, [2008] 2 R.C.S. 483 (CSC).

[90] La rubrique 4.3 du document Politique et directives concernant le handicap et l'obligation d'accommodement de la CODP indique que « si on a le choix entre deux mesures d’adaptation qui répondent aussi bien l’une que l’autre aux besoins de la personne tout en respectant sa dignité, les responsables de l’adaptation peuvent choisir la solution la moins coûteuse ou celle qui entraîne le moins de dérangement pour l’organisme. » Vous trouverez la politique à l’adresse : www.ohrc.on.ca/fr/resources/policies/DisabilityPolicyFRENCH/pdf

 

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7. Processus organisationnel de conciliation des droits contradictoires

7.1 Résolution rapide

Il est possible de résoudre rapidement de nombreuses situations de droits contradictoires par l’entremise d’un processus non structuré d’une ou deux rencontres, au plus. Dans un premier temps, les organisations devraient déterminer si la situation convient à l’adoption d’un processus non structuré et accéléré. Par exemple, les faits entourant l’affaire et la délimitation de chacune des revendications pourraient être simples et incontestés. Les parties pourraient déjà connaître clairement leurs revendications, droits et obligations mutuels. Elles pourraient avoir fait preuve de respect envers leurs intérêts mutuels et être prêtes à entamer sans délai des discussions à propos de solutions. Lorsqu’on entreprend un processus accéléré, on analyse généralement rapidement la situation avec les deux parties. Ici, le but n’est pas tant de procéder à une analyse précise des droits en cause, mais de trouver des solutions qui conviennent à toutes les parties et respectent les droits de la personne.

Exemple : Un centre communautaire prévoit célébrer la Journée nationale des Autochtones le 21 juin. Il s’associe avec le centre culturel autochtone local pour organiser une journée complète d’activités sur les programmes et services offerts et sur le riche héritage des peuples autochtones. La journée débutera par une cérémonie de purification. Des avis sont envoyés pour encourager le personnel et les clients à prendre part aux activités. Un membre du personnel soulève des inquiétudes à propos de son asthme et de la présence de fumée. Les deux parties reconnaissent la légitimité et l’importance des intérêts des chacun. L’employée veut que la cérémonie ait lieu et le centre autochtone veut que l’employée y participe. Ils collaborent à une solution : la cérémonie aura lieu à l’extérieur et la fumée sera redirigée dans la direction inverse de l’employée et de l’auditoire.

Si le processus non structuré accéléré ne résout pas la situation, l’organisation peut alors décider d’entreprendre un processus plus structuré complet. Cependant, il est important d’envisager dans un premier temps un processus de résolution rapide de la situation. La raison première est que, selon l’expérience de la CODP, il n’est habituellement pas nécessaire d’entreprendre un processus structuré de longue haleine. Dans la plupart des cas, il est possible de trouver des solutions relativement rapides aux situations de droits contradictoires.

7.2 Processus complet

Dans le cadre du processus plus structuré et complet, on applique plus rigoureusement le cadre analytique durant la première phase pour déterminer s’il existe bel et bien une situation de droits de la personne contradictoires. Les études de cas fournies à l’Annexe D peuvent aider les organisations à franchir cette partie du processus. Les études de cas sont présentées sous forme de tableau d’analyse pour aider les organisations à bien délimiter les questions d’intérêt et à en évaluer tous les aspects pertinents. Pour obtenir des renseignements détaillés sur le règlement de différents types de situations de droits contradictoires, consultez le document de la CODP intitulé L’ombre de la loi : Survol de la jurisprudence relative à la conciliation de droits contradictoires.[91]

Si, après avoir franchi la première phase, l’organisation conclut qu’on assiste bel et bien à une situation de droits de la personne contradictoires, la deuxième phase l’aidera à effectuer la conciliation des droits contradictoires. Cette politique met de l’avant un modèle de règlement extrajudiciaire des différends (RED) pour aider les organisations à mener l’analyse en trois étapes.

7.3 Modèles de règlement extrajudiciaire des différends (RED) en vue de la conciliation des droits contradictoires [92]

Type 1: Négociation

Processus volontaire de règlement des différends qui n’inclut pas la participation d’un facilitateur indépendant.

Éléments fondamentaux :

  • Reconnaissance par les parties de leurs droits et obligations mutuels
  • Retenue de la part de la partie la plus puissante pour assurer un équilibre des pouvoirs (habituellement l’organisation)
  • Processus mené « à l’ombre de la loi »
  • Objectif de prévention et de résolution des conflits

Quand l’utiliser : 

  • Deux parties au différend (organisation et requérant); OU
  • Trois parties (ou plus) au différend (organisation et deux requérants ou plus)

Pourquoi l’utiliser : 

  • Les parties ne peuvent pas concilier unilatéralement les droits contradictoires.
  • Les parties veulent contrôler le processus de conciliation des droits contradictoires et prendre leurs propres décisions sur la façon dont les droits seront conciliés plutôt que de donner le contrôle du processus à une tierce partie qui prendra des décisions unilatérales.
  • Les coûts (argent, temps, stress) de la résolution du différend devant des tribunaux administratifs ou judiciaires sont beaucoup plus élevés.
  • La négociation raisonnée est une méthode de négociation axée sur la collaboration qui est conçue en vue de préserver les éléments fondamentaux des droits contradictoires des parties au différend. Si cela n’est pas possible, le but est d’assurer la jouissance partielle des droits contradictoires des parties au différend.

Type 2: Conciliation (aussi appelée « médiation »)

Une tierce partie impartiale facilite la communication constructive et la résolution des problèmes dans le but de concilier les droits contradictoires des requérants.

Éléments fondamentaux :

  • Reconnaissance par les parties de leurs droits et obligations mutuels
  • Établissement des modalités de règlement de la situation de droits contradictoires en collaboration avec les parties
  • Négociation raisonnée facilitée par une tierce partie (p. ex. médiateur, conciliateur)
  • Activités d’équilibrage des pouvoirs effectuées par la tierce partie impartiale
  • Force exécutoire accordée
  • à tous les règlements
  • Processus mené « à l’ombre de la loi »
  • Objectif de prévention et de résolution des conflits

Quand l’utiliser : 

  • Quand les tentatives de négociations ont échoué

Pourquoi l’utiliser : 

  • Les parties n’ont pas pu régler elles-mêmes la situation de droits contradictoires au moyen de la négociation raisonnée, l’organisation n’a pas la capacité d’entreprendre des négociations ou la situation est trop complexe pour être réglée sans recourir à une expertise extérieure, ou une combinaison de ces trois raisons.
  • Les coûts (argent, temps, stress, impact sur la relation) associés à une intervention des tribunaux sont plus élevés, voire parfois beaucoup plus élevés.
  • Auto-détermination : Les parties prennent encore des décisions à propos des modalités du règlement, comme dans le cadre de la négociation raisonnée, mais un conciliateur (sans l’autorité de prendre des décisions relatives aux modalités du règlement) aide les parties à surmonter les obstacles au règlement rencontrés durant la négociation raisonnée.
  • La conciliation est conçue en vue de préserver les éléments fondamentaux des droits contradictoires des parties au différend. Si
  • cela n’est pas possible, le but est d’assurer la jouissance partielle des droits contradictoires des parties au différend.
  • Les règlements les plus durables sont ceux que les parties au différend négocient elles-mêmes.

Le RED suit le modèle de médiation axée sur une combinaison de droits et d’intérêts souvent utilisé pour régler des revendications de droits de la personne. Dans le cadre de ce modèle, des médiateurs aident les parties à délimiter leur position dans un premier temps, puis à comprendre les droits de chacun avant d’entreprendre avec eux un processus de médiation structuré. Ce processus s’articule autour de la recherche de solutions négociées qui tiennent compte des considérations pertinentes.

Le RED axé sur une combinaison de droits et d’intérêts convient particulièrement à la résolution des situations de droits de la personne contradictoires dans le cadre desquelles aucune partie individuelle ne peut prétendre être la seule à faire l’objet d’un préjudice. Le RED exige le déploiement d’efforts créatifs et coopératifs en vue de s’entendre sur les solutions à adopter. Ces efforts sont plus susceptibles de mener à des solutions relativement durables et harmonieuses que toute intervention devant les tribunaux. Quand des parties collaborent pour résoudre un différend, chaque partie a le sentiment que la solution lui appartient, ce qui favorise l’engagement envers cette solution, la bonne volonté et le respect mutuel. Les experts du domaine des RED indiquent ce qui suit :

La considération des différents demandeurs comme étant des concitoyens, et la considération empathique de ces citoyens, offre (sic) beaucoup plus de potentiel qu’un processus adversaire dans lequel on ne trouve que des gagnants et des perdants.[93]

Une fois que l’organisation détermine qu’il est approprié d’entreprendre un processus de RED, et que les requérants acceptent d’y participer, vient le temps de choisir le type de RED qui convient le mieux à la nature du conflit. Si deux parties ou plus revendiquent des droits contradictoires, une approche conciliatoire peut constituer la meilleure option. La conciliation est un autre terme utilisé pour décrire la médiation, que l’on définit comme une négociation facilitée par une tierce partie indépendante ou impartiale. Le terme « conciliation » est plus approprié dans le présent contexte étant donné qu’il traduit mieux l’idée de « conciliation » de droits de la personne contradictoires reconnus à la première phase du processus.

Même si une seule partie a déposé une requête relativement à des droits de la personne, l’organisation pourrait déterminer que la situation peut porter préjudice aux droits d’autres parties. Dans un tel cas, l’organisation pourrait devoir « remplir deux rôles » et représenter les droits d’autres personnes ou groupes à qui la situation pourrait porter préjudice au moment de négocier avec la partie requérante. L’organisation pourrait aussi choisir de faire participer ces personnes ou ces groupes au processus.

Dans certains cas, il peut ne pas être prudent de la part de l’organisation d’assumer le rôle de médiateur, particulièrement quand une ou plusieurs des parties croient que l’organisation a contribué à l’apparition ou à l’aggravation du problème. Parfois, le recours aux services d’un conciliateur externe pourrait s’avérer utile et assurer une plus grande satisfaction des parties. Par exemple, l’organisation devrait faire appel à un conciliateur externe si elle a exprimé un point de vue ou un intérêt qui pourrait donner l’impression de partialité.

Malgré tous les efforts des organisations, la méthode de RED ne pourra pas régler toutes les situations de droits contradictoires. Certaines parties pourraient ne pas vouloir faire de concessions, ou respecter ou reconnaître la dignité de la ou des autres parties. Elles pourraient croire, avec raison ou à tort, qu’elles obtiendront un règlement « plus favorable » devant un tribunal judiciaire ou administratif. Dans certains cas, la saisie d’un tribunal sera inévitable. Lorsqu’une situation de droits contradictoires se retrouve devant les tribunaux, la politique et l’approche de la CODP peuvent aider les décisionnaires à résoudre la situation dans le cadre d’instances judiciaires officielles.

Tableau récapitulatif de la conciliation des droits contradictoires

 

Tableau récapitulatif de la conciliation des droits contradictoires

 

[91] Supra, note 7.

[92] La CODP aimerait remercier Desmond Ellis, Lesley Jacobs, Lorne Foster et Robin Smith du York Centre for Public Policy and Law pour leurs perspectives et contributions à cette section.

[93] Lorne Foster et Lesley Jacobs, « Le contexte de la citoyenneté partagée dans les revendications concurrentes de droits de la personne : vers un cadre de politique sociale », Diversité canadienne, volume 8, no 3, été 2010, p. 13.

 

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8. Conclusion

 

Des situations de droits de la personne contradictoires surviendront inévitablement dans une grande variété de contextes, y compris le milieu de travail, le logement et le milieu scolaire. En bout de ligne, il incombe aux employeurs, fournisseurs de logements, éducateurs et autres parties responsables visés par le Code des droits de la personne de l’Ontario de maintenir un environnement inclusif libre de discrimination et de harcèlement, qui respecte les droits de la personne de tous. Les organisations et groupements qui mènent des activités en Ontario sont tenus, selon la loi, de prendre des mesures pour prévenir les situations de droits contradictoires et régler celles qui surviennent.

L’objectif principal de cette politique est de produire des indications claires et conviviales à l’intention des organismes, décisionnaires, parties à un différend, arbitres et autres décisionnaires sur la façon d’évaluer, de traiter et de résoudre des situations de droits contradictoires. Elle établit un processus pour résoudre les situations de droits contradictoires en se basant sur la jurisprudence actuelle, que les organisations peuvent utiliser dans sa forme actuelle ou adapter à leurs besoins spécifiques. Le fait de prendre des mesures rapides, proactives et efficaces pour régler les questions de droits contradictoires aidera les organisations à résoudre les tensions et les conflits avant qu’ils ne s’intensifient et qu’ils ne mènent à des interventions devant les tribunaux, coûteuses sur le plan du temps et de l’argent. Dans le cas où l’intervention des tribunaux ne peut être évitée, ces mesures aideront les organisations à se protéger contre la responsabilité.

Annexe A : Objet des politiques de la CODP

L’article 30 du Code des droits de la personne de l’Ontario autorise la CODP à préparer, approuver et publier des politiques sur les droits de la personne pour fournir des indications quant à l’application des dispositions du Code. Les politiques et lignes directrices de la CODP établissent des normes décrivant comment les personnes, les employeurs, les fournisseurs de services et les décisionnaires doivent agir pour se conformer au Code. Elles revêtent de l’importance car elles représentent l’interprétation de la Commission à l’égard du Code au moment de leur publication. [94] De plus, elles proposent une interprétation progressiste des droits énoncés dans le Code.

L’article 45.5 du Code stipule que le Tribunal des droits de la personne de l’Ontario peut tenir compte des politiques approuvées par la CODP dans le cadre des causes qu’il entend. Lorsqu’une partie ou un intervenant à une instance en fait la demande, le Tribunal doit tenir compte de la politique de la CODP citée. Lorsqu’une politique de la CODP a trait à la question débattue lors d’une requête en droits de la personne devant le Tribunal, les parties et les intervenants sont encouragés à porter la politique à l’attention du Tribunal pour qu’il en tienne compte.

Conformément à l’article 45.6 du Code, si le Tribunal rend une décision ou une ordonnance définitive dans le cadre d’une instance à laquelle participait la Commission à titre de partie ou d’intervenant, et que la décision ou l’ordonnance n’est pas compatible avec une politique de la CODP, cette dernière peut présenter une requête au Tribunal afin qu’il soumette un exposé de cause à la Cour divisionnaire à des fins d’examen du manque de conformité à la politique.

Les politiques de la CODP sont assujetties aux décisions des cours supérieures qui interprètent le Code. Les politiques de la CODP sont prises très au sérieux par les tribunaux juridiques et le TDPO.[95] Elles sont aussi appliquées aux faits d’affaires devant le tribunal et les tribunaux judiciaires, et citées dans les décisions de ces tribunaux.[96]

 

 

[94] Veuillez noter que les versions imprimées des documents ne reflètent pas l’évolution de la jurisprudence, les modifications législatives et les changements de position de la Commission survenus après leur parution. La CODP prend actuellement des mesures pour que des versions électroniques à jour de ses documents soient disponibles sur son site Web. Pour plus d’information, communiquez avec la Commission ontarienne des droits de la personne.

[95] Dans Quesnel v. London Educational Health Centre (1995), 28 C.H.R.R. D/474, au par. 53 (Ont. Bd. Inq.), le tribunal a appliqué la décision de la cour suprême des États-Unis dans Griggs v. Duke Power Co., 401 U.S. 424 (4th Cir. 1971) et conclu qu’on devrait « prendre très au sérieux » les déclarations de principes de la CODP si elles sont conformes aux valeurs du Code et sont élaborées d’une façon qui correspond à l’historique du Code sur le plan législatif. Cette dernière exigence a été interprétée comme signifiant qu’un processus de consultation publique doit faire partie intégrante du processus d’élaboration des politiques.

[96] La Cour supérieure de l'Ontario a cité in extenso des extraits des travaux publiés de la CODP dans le domaine de la retraite obligatoire et déclaré que les efforts de la CODP avaient apporté « d'énormes changements » dans l'attitude face à la retraite obligatoire en Ontario. Les travaux de la CODP sur la retraite obligatoire ont sensibilisé le public à cette question et ont, en partie, abouti à la décision du gouvernement de l'Ontario d'adopter une loi modifiant le Code pour interdire la discrimination fondée sur l'âge en matière d'emploi après l'âge de 65 ans, sous réserve de certaines exceptions. Cette modification, qui est entrée en vigueur en décembre 2006, a rendu illégales les politiques sur la retraite obligatoire pour la plupart des employeurs en Ontario : Assn. of Justices of the Peace of Ontario c. Ontario (Procureur général) (2008), 92 O.R. (3e) 16, au par. 45. Voir aussi la décision Eagleson Co-Operative Homes, Inc. v. Théberge[2006] O.J. No. 4584 [Sup. Ct. (Div. Ct.)] dans laquelle la cour a appliqué le document Politique et directives concernant le handicap et l'obligation d'accommodementsupra, note 90.

 

Annexe B : Processus d’établissement de la politique

 

La CODP a pris de nombreuses mesures au cours des dernières années pour approfondir la compréhension de la meilleure façon d’aborder les droits contradictoires. En 2005, La CODP a entamé un dialogue en publiant un document de recherche intitulé La conciliation des droits contradictoires : à la recherche d’un cadre analytique.[97] Le document fournit aux membres du public des renseignements préliminaires visant à encourager la discussion et faire avancer la recherche sans prendre de positions stratégiques fermes.

En 2007-2008, la CODP a mené une analyse documentaire détaillée des articles pertinents des domaines du droit, de la philosophie, de la résolution des conflits et des sciences politiques. Cette analyse a procuré une mine d’information sur une variété d’angles sous lesquels les situations de droits contradictoires ont été envisagées ou pourraient être envisagées. En même temps, la jurisprudence canadienne et américaine a continué d’évoluer et des analyses préliminaires ont été effectuées. Très récemment, la CODP a procédé à une analyse de la jurisprudence en matière de droits contradictoires, qu’elle a mise à la disposition des membres du public.[98]

Dans bien des cas, la CODP a aussi participé activement à l’élaboration de cette jurisprudence. Par exemple, la CODP a plaidé la cause Ontario (Commission ontarienne des droits de la personne) et Heintz c. Christian Horizons[99], qui opposait les droits religieux d’une organisation aux droits d’une employée lesbienne. La CODP est également intervenue dans des affaires juridiques pertinentes portant sur des questions de droits contradictoires. Par exemple, la CODP est intervenue devant la Cour supérieure de l’Ontario, la Cour d’appel de l’Ontario et la Cour suprême du Canada dans R. c. N.S.,[100] une cause visant à déterminer si le fait de permettre à une femme de porter un niqab pour respecter ses croyances religieuses alors qu’elle témoigne contre les hommes accusés d’agression sexuelle à son endroit porte atteinte aux droits de ces derniers à une réponse et défense complètes. La CODP est également intervenue devant la Cour suprême du Canada dans l’affaire Saskatchewan Human Rights Commission v. Whatcott[101], une cause visant à déterminer si la liberté d’expression et de religion comprend le droit de distribuer des dépliants qui contiendraient des propos haineux à l’endroit des gais et lesbiennes.

La CODP a également mené des entrevues en face-à-face auprès d’un grand nombre de personnes qui avaient une connaissance éprouvée des situations de revendication de droits contradictoires, du point de vue d’intervenants, du secteur du droit et du milieu universitaire. Ces entrevues constituaient un premier effort en vue de cerner les questions d’intérêt et préoccupations des groupes associés aux motifs interdits de discrimination protégés par le Code que sont le sexe, la croyance, l’orientation sexuelle et le handicap, tout en identifiant les personnes et les groupes qui pourraient prendre part à des activités futures de consultation publique pour assurer une discussion exhaustive.

En mars 2010, la CODP s’est associée au Centre for Public Policy and the Law de l’Université York pour tenir un dialogue stratégique sur les droits de la personne contradictoires. Des universitaires et chercheurs ont été recrutés afin de rédiger des articles à paramètres précis et les présenter dans le cadre du dialogue stratégique. Ces personnes représentaient divers groupes d’intervenants et perspectives sociales et organisationnelles. L’Association d’études canadiennes et l’University of British Columbia Press ont tous deux publié des rapports de recherche issus du dialogue stratégique.[102]

À la suite de ce dialogue, le personnel de la CODP a rédigé une ébauche de cadre stratégique sur la conciliation des droits contradictoires pour aborder les questions soulevées durant les consultations et recherches préliminaires. En décembre 2010, la CODP a mis à l’essai le cadre analytique proposé au cours d’un atelier de deux jours réunissant des représentants du secteur de l’éducation de l’Ontario et d’autres parties intéressées. Au cours de la dernière année, la CODP a poursuivi son dialogue avec différents groupes et reçu des commentaires positifs et constructifs sur le cadre analytique proposé. Ce cadre représente l’approche de résolution des situations de droits contradictoires que recommande la CODP et constitue les bases de la présente politique. La CODP a aussi utilisé cette approche devant les tribunaux lors de causes importantes de conciliation de droits contradictoires.[103]

 

 

Activity Type: 

Annexe C : Cadre analytique de la CODP

Phase 1: Reconnaître les droits

Buts :

  • Reconnaissance mutuelle des intérêts et des droits, ce qui encourage la dignité et le respect mutuels
  • Aide à la délimitation des droits
  • Voix aux groupes marginalisés
  • Réduction des déséquilibres de pouvoir
  • Réduction des stigmates
  • Connaissance des droits et obligations
  • Reconnaissance maximale des droits
  • Promotion de l’esprit de collaboration

Analyse : 1. Sur quoi portent les revendications?

Processus organisationnel :

  • Écoute de toutes les parties
  • Valeurs, croyances, intérêts, sentiments, contexte
  • Détermination du type de processus requis (structuré ou non)

Analyse: 2. Les revendications concernent-elles des droits et intérêts légitimes?

            2a. Personnes ou groupes, plutôt qu’intérêts opérationnels?

            2b. Droits de la personne, autres droits reconnus par la loi ou intérêts raisonnables et de bonne foi?

            2c. Les protections consenties au droit ou à l’intérêt s’étendent-elles au contexte?

Processus organisationnel :

  • Résolution rapide – Si les requérants comprennent leurs droits, reconnaissent la légitimité de la requête de chacune des parties et font preuve de dignité et de respect mutuels, alors ils peuvent délimiter les questions ensemble et passer à la Phase 3 : Concilier les droits; sinon…
  • Analyse de la situation : L’élaboration de politiques organisationnelles pourrait-elle aider? Négociation ou conciliation? Conciliateur interne ou externe?
  • Identifier les parties et les informer de la situation, des rôles et responsabilités, et des conséquences de la non-participation.

Analyse : 3. La situation constitue-t-elle davantage qu’une atteinte minimale au droit?

Phase 2: Concilier les droits

Buts:

  • Responsabilité partagée des requérants et de l’organisation en vue de trouver des solutions négociées

Analyse : 4. Existe-t-il une solution assurant la jouissance de chacun des droits?

Analyse : 5. S’il en n’existe pas, y a-t-il une solution de remplacement?

Processus organisationnel :

  • Résolution rapide – Explorer les solutions idéales ou de remplacement, en discuter et tenter d’adopter une solution négociée; sinon…
  • Règlement structuré du différend

Phase 3: Prendre des décisions

Buts :

  • Responsabilité de l’organisation : responsabilité organisationnelle; obligations procédurales ou de fonds; formation
  • Protection contre les poursuites

Analyse :

  • Les décisions doivent respecter les lois relatives aux droits de la personne et autres, les décisions rendues par les tribunaux et les principes de droits de la personne, et prendre en compte la politique de la CODP.

  • Au moins un des droits revendiqués doit relever du Code pour faire l’objet d’une requête auprès du Tribunal

Processus organisationnel :

  • Décision interne
  • Appel interne
  • Appel externe / plainte / décision d’un tribunal ou d’une cour supérieure

Principes juridiques :

  • Aucun droit n’est absolu.
  • Aucune hiérarchie de droits
  • Portée des droits peut être moindre que ce qui est revendiqué
  • Doit prendre en compte le contexte dans son ensemble, les faits et les valeurs constitutionnelles en jeu
  • Droits définis les uns par rapport aux autres et mesure de l’étendue de l’entrave
  • Plus de protection aux éléments fondamentaux qu’aux éléments périphériques des droits
  • Habituellement pas de « règle nette »
  • Les tribunaux ont établi certaines règles pour certains types de cas.
  • Les défenses légales peuvent aussi restreindre des droits.
  • Vise le respect de l’importance des deux droits
  • Recherche de compromis constructifs (devoir procédural)

Définitions :

Certaines revendications peuvent avoir un statut juridique plus élevé que d’autres.

Valeurs : normes et principes individuels, sociaux, moraux; peuvent se refléter dans / inspirer des lois, requêtes; ne confèrent pas de droit d’action.

Intérêts : préoccupations, intérêts individuels / sociaux; peuvent devenir des droits reconnus s’ils sont de bonne foi et raisonnables dans les circonstances ou s’ils respectent une limite légale ou exemption.

Droits reconnus : prévus dans la loi ou reconnus par des décisions de tribunaux juridiques ou administratifs.

Droits de la personne : Droits reconnus inaliénables, indivisibles et universels; comprennent des limites et des exemptions; statut juridique habituellement plus élevé que d’autres droits reconnus; dans les deux cas, statut juridique plus élevé que les intérêts, valeurs et croyances.

Cadre analytique de la CODP

Cadre analytique de la CODP sous forme de tableau

 

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Annexe D : Exemples de cas de résolution de droits contradictoires

Scénario 1 : Bal des finissants

Reconnaître les droits

1. Sur quoi portent les revendications?

Revendication de Matt

Matt est un jeune homme homosexuel de 17 ans qui fréquente une école secondaire catholique financée par les deniers publics. Il veut aller à son bal des finissants, qui se tiendra dans une salle de bal louée à l’extérieur du terrain de l’école, accompagné de son copain de même sexe. Il envisage d’obtenir une injonction de la cour puisque le bal aura lieu dans quelques semaines seulement.

Revendication du conseil
scolaire catholique

Le directeur de l’école secondaire catholique et le conseil scolaire le lui ont interdit, sous prétexte que cela cautionnerait une conduite contraire aux enseignements de la religion catholique. Matt croit qu’il s’agit d’une violation de ses droits de la personne.

2. Les revendications concernent-elles des droits ou intérêts légitimes?

a. Les revendications concernent-elles des personnes ou des groupes, plutôt que des intérêts opérationnels?

Revendication de Matt

  • Matt et son copain, qui fréquente une école différente
  • Les amis et pairs de Matt peuvent être accompagnés d’une personne de sexe opposée
  • Les autres élèves des communautés LGBT qui pourraient avoir aimé venir au bal accompagnés
  • Les parents de Matt et les parents d’autres élèves des communautés LGBT qui participent à la vie étudiante et sont heureux que leurs enfants assistent à ce rite de passage
  • Le personnel de l’école qui a travaillé fort avec les élèves et veut les soutenir lors de cette célébration
  • Les membres et défenseurs des communautés LGBT qui n’ont pas pu assister à leur bal de finissant accompagnés d’une personne de même sexe et continuent de faire l’objet de stigmatisation et de discrimination

Revendication du conseil scolaire catholique

  • Le directeur de l’école catholique dont les fonctions incluent, selon lui, le fait d’imposer un environnement religieux qui s’étend aux activités parascolaires et sociales
  • Les membres du conseil scolaire catholique dont les fonctions, selon eux, incluent le fait de promouvoir les enseignements religieux par l’entremise des politiques et pratiques du conseil
  • L’église catholique, dont le rôle, selon elle, est d’orienter, sur le plan spirituel, des politiques et pratiques du conseil en matière de religion
  • D’autres élèves, membres du personnel et parents qui désirent maintenir un environnement religieux qui ne fait pas la promotion de l’homosexualité
  • D’autre écoles du conseil qui peuvent devoir traiter des demandes semblables et suivent le déroulement de cette affaire

b. Quels droits de la personne, autres droits reconnus par la loi ou intérêts raisonnables et de bonne foi cette situation pourrait-elle faire intervenir?

Revendication de Matt

  • Droit de vivre à l’abri de la discrimination fondée sur l’orientation sexuelle, y compris le droit à un environnement non empoisonné aux termes de l’article 1 du Code des droits de la personne de l’Ontario et du paragraphe 15(1) de la Charte sur les droits à l’égalité
  • Liberté d’expression, alinéa 2b) de la Charte
  • Liberté d’association, alinéa 2d) de la Charte
  • Limite raisonnable aux droits, art. 1 de la Charte
  • Droit à l’éducation de 6 à 18 ans et exigences relatives à l’éducation élémentaire et secondaire aux termes de la Loi sur l’éducation de l’Ontario
  • Droit à l’éducation libre de discrimination aux termes des articles 2, 13.1 et 13.2 du Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels
  • Liberté de religion, restreinte uniquement par le besoin de protéger les droits d’autrui, art. 18.3 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques
  • Les activités parascolaires et activités sociales sanctionnées par l’école peuvent constituer des bienfaits de bonne foi et raisonnables de la vie étudiante

Revendication du conseil scolaire catholique

  • Maintien des droits des écoles (catholiques) séparées aux termes de l’art. 19 du Code des droits de la personne de l’Ontario, de l’art. 29 de la Charte et de l’art. 93 de la Loi constitutionnelle de 1867
  • Dispositions de la Loi sur l’éducation et des règlements pris en application de cette loi qui régissent les administrations scolaires catholiques
  • Liberté de conscience et de religion aux termes de l’alinéa 2a) de la Charte et de l’article 18.1 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques

c. Compte tenu du contexte les protections consenties au droit s’étendent-elles à la situation?

Revendication de Matt

  • Les activités sociales et parascolaires ayant lieu en dehors des lieux scolaires ne constituent pas des éléments centraux de l’enseignement
  • Le bal des finissants n’est pas une activité religieuse ou de nature éducative et a lieu hors du terrain de l’école
  • Diversité et manque de cohérence des perspectives et pratiques au sein de la religion catholique : l’école accepte les élèves homosexuels mais réprime toute activité en lien avec leur sexualité

Revendication du conseil scolaire catholique

  • Les droits des écoles catholiques incluent la discrétion complète du conseil en matière de religion
  • Toutes les activités sanctionnées par l’école, sur son terrain ou ailleurs, doivent promouvoir et respecter les enseignements religieux
  • Les pratiques du conseil scolaire ont respecté ses politiques, même si l’église catholique inclut une diversité de points de vue

3. La situation constitue-t-elle davantage qu’une atteinte minimale aux droits?

Revendication de Matt

  • À la différence d’autres élèves, il n’a pas le loisir de choisir la personne qui l’accompagnera aux activités sociales de l’école et doit assister au bal sans son copain
  • Le fait de lui interdire d’amener un copain de même sexe nuit considérablement à la nature du bal, qui gravite habituellement autour du fait de venir accompagné ou de danser avec une personne de son choix, ou les deux
  • Matt n’aurait pas l’occasion d’assister à ce rite de passage de fin d’année / de collation des grades
  • Un traitement différencié fondé sur l’orientation sexuelle constitue une atteinte grave à la dignité

Revendication du conseil scolaire catholique

  • Le fait de permettre à des couples de même sexe d’assister à des activités parascolaires ou sociales nuirait à la capacité de promouvoir un environnement scolaire religieux et de transmettre un enseignement religieux qui respecte les enseignements de la foi durant les heures d’école
  • Cela aurait des répercussions considérables sur l’église et d’autres écoles catholiques

Concilier des droits

4. Existe-t-il une solution assurant la jouissance de chacun des droits?

Option 1

  • Interdire aux élèves qui ne font pas partie des communautés LGBT d’assister au bal des finissants accompagnés d’une autre personne
  • Permettre à tous les élèves d’inviter une personne qui ne fréquente pas l’école
  • Exiger que tous les élèves se gardent d’adopter des comportements intimes
  • L’adoption d’une telle terminologie neutre et de politiques inclusives pourrait aider à éviter la stigmatisation future des personnes en fonction de leur orientation sexuelle
  • Sinon, l’école devrait limiter l’imposition de la politique officielle du conseil scolaire et de la position de l’église par rapport aux enseignements religieux au milieu scolaire et aux heures d’école
  • Le conseil pourrait adopter la position du « ni vu ni connu », qui ne porterait pas atteinte aux droits des écoles catholiques

Option 2

  • Modifier la politique de l’école/du conseil scolaire afin de ne plus sanctionner/organiser/financer les bals des finissants à titre d’activités scolaires officielles; il incomberait dorénavant aux élèves de planifier ces activités à l’extérieur du terrain de l’école sans soutien officiel de l’école ou du conseil catholique

5. S’il n’en existe pas, y a-t-il une solution de remplacement adéquate pour l’un des deux droits ou les deux?

Revendication de Matt

  • Permettre à Matt d’assister au bal avec un « invité » de son choix et aux autres élèves de participer avec un « copain » ou une « copine » de sexe opposé

Revendication du conseil scolaire catholique

  • Se conformer à toute injonction déposée et faire une exception pour permettre à Matt d’assister au bal avec son « copain » cette fois-ci seulement
  • Décider que ce genre d’injonction ne porte pas préjudice aux droits de l’école catholique
  • Examiner la doctrine de l’église plus étroitement par rapport à la politique de l’école ou du conseil pour déterminer si les bals de finissants se situent au cœur ou à la périphérie des droits des écoles catholiques

Prendre des décisions

  • Les décisions prises doivent respecter les lois relatives aux droits de la personne et autres, les décisions rendues par les tribunaux et les principes de droits de la personne, et prendre en compte les politiques de la CODP

Revendication de Matt

  • Hall c. Powers, Ont. Superior Court 2002 (ordonnance d’injonction permettant à Hall d’assister à son bal de finissants accompagné d’une personne du même sexe)
  • Smith c. Knights of Columbus, BCHRT 2005 (recadrage de la portée des obligations de l’organisation sur les lieux ou hors des lieux)'

Revendication du conseil scolaire catholique

  • Hall c. Powers, Ont. Superior Court 2002 (aucun jugement sur les droits des écoles catholiques)
  • Ross c. Conseil scolaire du district nº 15 du Nouveau-Brunswick, CSC 1996 (relativement à l’environnement empoisonné)

Au moins un des droits revendiqués doit relever du Code pour faire l’objet d’une requête auprès du Tribunal des droits de la personne de l’Ontario

Revendication de Matt

  • L’école constitue un « service » aux termes de l’art. 1 du Code
  • La revendication de Matt porte sur le motif de discrimination interdite du Code que constitue l’orientation sexuelle

Revendication du conseil scolaire catholique

  • La revendication du conseil scolaire fait appel à la défense de l’art. 19

Scécario 2 : Normes d’admission à un ordre professionnel

Reconnaître les droits

1. Sur quoi portent les revendications?

Revendication de l’établissement chrétien de formation d’enseignants

Un établissement chrétien privé de formation d’enseignants allègue qu’il fait l’objet de discrimination fondée sur la religion de la part de l’organisme provincial de réglementation de la profession d’enseignant, qui refuse d’agréer le programme d’enseignement de l’établissement parce que sa politique d’admission interdit aux étudiants de s’adonner à des activités homosexuelles. Ce refus d’agréer le programme découragerait les personnes voulant devenir enseignants de suivre un programme dans un établissement confessionnel et enlèverait aux diplômés du programme la possibilité de travailler au sein du système d’éducation public.

Revendication de l’organisme public de réglementation de la profession

L’organisme de réglementation soutient que l’interdiction des activités homosexuelles de l’établissement fait de la discrimination basée sur l’orientation sexuelle. L’approbation de son programme d’enseignement serait contraire à l’intérêt public parce que les nouveaux enseignants pourraient faire preuve de biais, de préjudice et d’intolérance à l’endroit de leurs élèves des communautés LGBT, ou des parents d’élèves issus des communautés LGBT, et donner l’impression d’empoisonner l’environnement d’apprentissage du système d’éducation public.

2. Les revendications concernent-elles des droits ou intérêts légitimes?

a. Les revendications concernent-elles des personnes ou des groupes, plutôt que des intérêts opérationnels?

Revendication de l’établissement chrétien de formation d’enseignants

  • Le personnel enseignant, le personnel administratif et les étudiants chrétiens de l’établissement, qui souhaitent suivre les enseignements de leur foi
  • D’autres universités et collèges canadiens associés à une religion
  • Les églises et organisations religieuses chrétiennes

Revendication de l’organisme public de réglementation de la profession

  • Les élèves des communautés LGBT (et leurs parents) et les enseignants du système d’éducation public
  • Les futurs candidats au programme de l’établissement qui sont non chrétiens ou issus des communautés LGBT
  • Les organismes de réglementation de la profession d’enseignant et les autres organismes d’agrément du Canada
  • Les autres ordres d'autoréglementation de professions du Canada

b. Quels droits de la personne, autres droits reconnus par la loi ou intérêts raisonnables et de bonne foi cette situation pourrait-elle faire intervenir?

Revendication de l’établissement chrétien de formation d’enseignants

  • Droit de vivre à l’abri de la discrimination basée sur la croyance en matière de services et d’emploi, aux termes des art.1, 5 et 9 du Code
  • Défense prévue pour les organisations religieuses aux termes de l’art. 18 du Code
  • Liberté de conscience et de religion aux termes de l’alinéa 2a) de la Charte et de l’art. 18.1 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques
  • Droits à l’égalité sans discrimination basée sur la religion, aux termes de l’art. 15 de la Charte
  • Droit à la liberté d’expression aux termes de l’alinéa 2b) de la Charte
  • Liberté de choisir une éducation religieuse aux termes de l’art. 13.3 du Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels

Revendication de l’organisme public de réglementation de la profession

  • Droit de vivre à l’abri de la discrimination basée sur la croyance en matière de services, y compris le droit à un milieu scolaire non empoisonné aux termes de l’art. 1 du Code
  • Droits à l’égalité sans discrimination basée sur la religion, aux termes de l’art. 15 de la Charte
  • Droit à une éducation qui renforce le respect des droits de la personne aux termes de l’art. 13.1 du Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels

c. Compte tenu du contexte, les protections consenties au droit s’étendent-elles à la situation?

Revendication de l’établissement chrétien de formation d’enseignants

  • La liberté de croyance est plus large que la liberté d'agir sur la foi d'une croyance
  • La politique de l’établissement interdit uniquement les activités homosexuelles des étudiants pendant qu’ils fréquentent l’établissement
  • La politique de l’établissement n’encourage aucunement le prosélytisme visant à condamner l’homosexualité ou d’autres comportements visant à montrer du doigt les élèves des communautés LGBT ou à les traiter différemment au sein du système d’éducation public
  • Rien ne donne à penser que les diplômés de l’établissement ont déjà agi de la sorte

Revendication de l’organisme public de réglementation de la profession

  • Le fait de se conformer à la politique de l’établissement interdisant l’homosexualité peut entraîner des comportements intolérants ou discriminatoires, et même empoisonner le milieu de l’éducation public
  • L’organisme gouvernemental, les écoles et les conseils scolaires ont l’obligation légale aux termes du Code de créer des environnements accueillants libres de discrimination et de harcèlement

3. La situation constitue-t-elle davantage qu’une atteinte minimale aux droits?

Revendication de l’établissement chrétien de formation d’enseignants

  • Le refus d’agréer le programme d’enseignement d’un établissement confessionnel empêcherait les diplômés du programme d’entreprendre une carrière d’enseignant et de décrocher un emploi dans ce domaine
  • Ces personnes seraient tenues de suivre une formation dans un établissement « laïque » agréé, ce qui porterait atteinte à la liberté de religion qu’elles pourraient normalement avoir exercée en fréquentant un établissement confessionnel de formation d’enseignants

Revendication de l’organisme public de réglementation de la profession

  • Les élèves des écoles publiques qui s’identifient aux communautés LGBT sont déjà extrêmement marginalisés et se heurtent à du harcèlement et à de la discrimination considérables. Ils affichent aussi des taux élevés de troubles mentaux et de suicide
  • Les écoles et les organismes de réglementation ne devraient pas appuyer l’agrément et l’emploi d’enseignants qui pourraient ne pas respecter, protéger et promouvoir l’égalité et le droit de vivre à l’abri de la discrimination et du harcèlement des élèves des communautés LGBT

Concilier des droits

4. Existe-t-il une solution assurant la jouissance de chacun des droits?

  • Procéder à l’agrément du programme d’enseignement de l’établissement sans restreindre la politique de l’établissement à l’égard des activités homosexuelles, ce qui permettrait aux étudiants du programme de décrocher un emploi dans une école publique
  • Présumer que les diplômés de l’établissement ne s’adonneront pas à du harcèlement ou à de la discrimination à l’endroit des élèves des communautés LGBT, ou ne poseront pas d’autres gestes qui constitueront un manque de respect à leur égard, de protection ou de promotion de leurs droits de la personne
  • Si de tels comportements surviennent, les aborder rapidement par l’entremise des mécanismes habituels de résolution des plaintes et d’évaluation du rendement, y compris l’adoption de mesures disciplinaires pouvant aller jusqu’au congédiement
  • Sensibiliser le personnel et les étudiants à leurs obligations en matière de droits de la personne et veiller à ce qu’ils encouragent l’égalité, le respect et la création d’un environnement accueillant à l’égard des élèves des communautés LGBT

5. S’il n’en existe pas, y a-t-il une solution de remplacement adéquate pour l’un des deux droits ou les deux?

Revendication de l’établissement chrétien de formation d’enseignants

  • Modifier la politique de l’établissement en lui retirant toute mention d’interdiction des comportements homosexuels
  • Modifier la politique actuelle ou la politique révisée, pour y faire mention de l’obligation des futurs enseignants envers le respect, la protection et la promotion des droits que confère le Code à tous les élèves, y compris les élèves issus des communautés LGBT

Revendication de l’organisme public de réglementation de la profession

  • Agréer le programme d’enseignement de l’établissement confessionnel sans égard à la politique d’interdiction de l’homosexualité de l’établissement
  • En même temps, exiger des diplômés du programme qu’ils satisfassent à des exigences additionnelles concernant leurs obligations en matière de droits de la personne
  • Ou exiger de tous les programmes de formation d’enseignants, qu’ils soient laïques ou confessionnels, qu’ils incluent des exigences relatives aux obligations en matière de droits de la personne des enseignants

Prendre des décisions

  • Les décisions prises doivent respecter les lois relatives aux droits de la personne et autres, les décisions rendues par les tribunaux et les principes de droits de la personne, et prendre en compte les politiques de la CODP

Revendication de l’établissement chrétien de formation d’enseignants

  • Trinity Western University c. British Columbia College of Teachers, [2001] 1 R.C.S. 772

Revendication de l’organisme public de réglementation de la profession

  • Chamberlain c. Surrey School District No. 36, [2002] 4 R.C.S. 710
  • Ross c. Conseil scolaire du district nº 15 du Nouveau-Brunswick, CSC 1996
  • R c. Jones, CSC 1986 (intérêt public envers le maintien d’un environnement de soutien dans la salle de classe, et son amélioration)

 Au moins un des droits revendiqués doit relever du Code pour faire l’objet d’une requête auprès du Tribunal des droits de la personne de l’Ontario

Revendication de l’établissement chrétien de formation d’enseignants

  • L’établissement aurait besoin d’arguer que le pouvoir d’agrément de l’organisme de réglementation est un « service » aux termes du Code et faire une revendication sur la base de la croyance

Revendication de l’organisme public de réglementation de la profession

  • Les élèves des communautés LGBT ou leurs parents, leurs tuteurs ou une personne ou un groupe agissant en leur nom auraient besoin de déposer une plainte relative à la catégorie de « service » et basée sur le motif de discrimination interdit que constitue l’orientation sexuelle ou le sexe (identité sexuelle), ou sur ces deux motifs, contre l’école ou le conseil

Scénario 3 : Éditorial d’un journal de comté

 

Reconnaître les droits

1. Sur quoi portent les revendications?

Revendications d’un importateur de biens

Un importateur de biens allègue avoir fait l’objet de discrimination basée sur le lieu d’origine de la part du journal local de son comté lorsque ce dernier a publié un éditorial sur les répercussions économiques néfastes de l’importation dans la localité de biens et de services provenant de la grande ville.

Revendication du journal

Le journal allègue que la liberté de presse lui donne le droit d’inclure ce qu’il veut dans ses éditoriaux et qu’il s’agit d’une question de liberté d’expression.

2. Les revendications concernent-elles des droits ou intérêts légitimes?

a. Les revendications concernent-elles des personnes ou des groupes, plutôt que des intérêts opérationnels?

Revendications d’un importateur de biens

  • L’importateur requérant
  • D’autres importateurs de biens qui vivent et font des affaires dans le comté
  • Les immigrant ou visiteurs qui se trouvent dans le comté

Revendication du journal

  • L’éditeur du journal du comté, son comité de rédaction et son personnel
  • La société mère du journal de comté
  • D’autres éditeurs de journaux et journalistes

b. Quels droits de la personne, autres droits reconnus par la loi ou intérêts raisonnables et de bonne foi cette situation pourrait-elle faire intervenir?

Revendications d’un importateur de biens

  • Droit à un traitement égal sur le plan des services, des biens et des installations sans discrimination basée sur le lieu d’origine et autres motifs interdits aux termes de l'art. 1 du Code
  • Selon le par. 13(1) du Code, constitue une atteinte à un droit reconnu dans la partie I le fait de publier ou d’exposer ou de faire publier ou exposer en public un avis, un écriteau, un symbole, un emblème ou une autre représentation analogue qui indique l’intention de porter atteinte à un tel droit ou qui a pour objet d’inciter à une telle atteinte

Revendication du journal

  • Le par. 13(2) du Code protège l’expression d’opinions et indique que le paragraphe 13(1) n’entrave pas la libre expression d’opinions
  • Droit à la liberté d’expression aux termes de l’alinéa 2b) de la Charte

c. Compte tenu du contexte, les protections consenties au droit s’étendent-elles à la situation?

Revendications d’un importateur de biens

  • L’importateur aurait besoin de démontrer en quoi l’éditorial constitue un avis, un écriteau, un symbole, un emblème ou une autre représentation analogue qui indique l’intention de faire de la discrimination en matière d’emploi, de logement ou de services
  • L’éditorial est basé sur un motif interdit comme le lieu d’origine
  • Il pourrait aussi devoir montrer pourquoi le droit à la liberté d’expression aux termes de l’al. 2b) de la Charte devrait être restreint aux termes de l’article 1 de la Charte dans ces circonstances

Revendication du journal

  • Les éditoriaux sont des « opinions ». Ils ne constituent pas un « service » au sens du Code
  • Même s’il s’agissait d’un service, un éditorial ne peut pas être considéré comme « une représentation analogue » à un écriteau, un avis ou un symbole, aux termes du par.13(1)
  • L’éditorial n’indique pas l’intention de faire de la discrimination en matière d’emploi, de logement ou de services, ou autre
  • L’éditorial ne contrevient pas aux dispositions en matière de propos haineux du Code criminel

3. La situation constitue-t-elle davantage qu’une atteinte minimale aux droits?

Revendications d’un importateur de biens

  • Par exemple, l’importateur des biens pourrait tenter de montrer comment, après la parution de l’éditorial, la collectivité locale pourrait refuser d’acheter des biens de personnes qui importent des biens de l’extérieur du comté, ce qui ferait échouer leur entreprise et les priverait du moyen économique de subvenir à leurs besoins et aux besoins de leur famille
  • Il pourrait aussi plaider que la situation a des répercussions économiques néfastes sur les commerçants perçus comme étant des « étrangers » en raison de leur race ou de motifs connexes

Revendication du journal

  • Toutes limites imposées aux éditoriaux, mises à part celles prévues par les dispositions du Code criminel régissant les propos haineux, restreindraient la capacité des journaux de poursuivre leurs activités de façon libre et autonome, selon les principes de libre expression dans une société démocratique

Concilier des droits

4. Existe-t-il une solution assurant la jouissance de chacun des droits?

  • La portée du droit de vivre à l’abri de l’intention annoncée de faire de la discrimination, aux termes du Code, ne semble pas s’étendre à la revendication de l’importateur de biens
  • L’importateur n’a pas de droit contradictoire devant être concilié
  • La publication d’opinions dans les médias est un élément fondamental de la liberté d’expression et de la liberté de presse dans une société démocratique. Toute ambiguïté devrait être réglée en faveur de l’exclusion de telles questions des dispositions du Code

5. S’il n’en existe pas, y a-t-il une solution de remplacement adéquate pour l’un des deux droits ou les deux?

Revendications d’un importateur de biens

  • À sa discrétion, le journal pourrait envisager l’idée d’inclure au journal des lettres de lecteurs vivant à l’extérieur du comté, pour donner à ces personnes l’occasion de réfuter l’opinion présentée dans l’éditorial

Revendication du journal

  • Pas nécessaire

Prise de décisions

  • Les décisions prises doivent respecter les lois relatives aux droits de la personne et autres, les décisions rendues par les tribunaux et les principes de droits de la personne, et prendre en compte les politiques de la CODP

Revendications d’un importateur de biens

  • Ne s’applique pas à la revendication de l’importateur de biens

Revendication du journal

  • Whiteley v. Osprey Media Publishing, HRTO 2010
  • En 2008, la CODP a conclu qu’elle n’avait pas la compétence aux termes du Code d’entendre des plaintes à propos d’un article publié dans la revue Maclean’s

Au moins un des droits revendiqués doit relever du Code pour faire l’objet d’une requête auprès du Tribunal des droits de la personne de l’Ontario

Revendications d’un importateur de biens

  • L’importateur de biens ne pouvait pas revendiquer ce droit aux termes du par.13(1) du Code

Revendication du journal

  • Liberté d’opinion protégée aux termes du par.13 (2) du Code
Organizational responsibility: 

Annexe E : Suggestion de contenu pour une politique

Aux termes du Code des droits de la personne de l’Ontario, il incombe aux fournisseurs de programmes éducatifs, employeurs, fournisseurs de logements et autres parties responsables de maintenir un environnement inclusif libre de discrimination et de harcèlement. Par conséquent, ces parties sont tenues, selon la loi, de prendre des mesures pour prévenir les situations de droits contradictoires, et régler celles qui surviennent. L’adoption d’une politique efficace sur les droits contradictoires offre aux organisations une façon concrète et pratique d’assumer leurs responsabilités aux termes du Code. La Politique sur les droits contradictoires de la CODP permet d’orienter le travail des organisations qui entreprennent l’élaboration de leurs propres politiques internes. Chaque organisation devrait personnaliser sa politique en fonction de facteurs comme son mandat, sa taille, ses ressources et sa culture. Voici toutefois des suggestions de caractéristiques de base à inclure à la politique pour en assurer l’efficacité :

1)   Énoncé de vision qui formule l’engagement de l’organisation envers le maintien d’un environnement juste et équitable au sein duquel on respecte les droits de la personne de tous et on règle rapidement et efficacement les cas de discrimination, de harcèlement et de droits contradictoires.

Exemple : Nous reconnaissons la diversité de l’Ontario et de notre propre [milieu de travail, école, immeuble à logements, ou autre], et y accordons une grande valeur. Nous cherchons à adopter des pratiques et à fournir des services égalitaires en matière [d’emploi, d’éducation, de logements, ou autres]. Nous reconnaissons que certains droits peuvent entrer en conflit avec d’autres droits. Par conséquent, nous fournirons aux gestionnaires et à tous les [employés, étudiants, locateurs, ou autres] les connaissances et les compétences requises pour reconnaître et régler les situations de droits contradictoires qui surviennent dans notre [milieu de travail, école, immeuble à logements, ou autres] et dans le cadre de la prestation de nos services.

Nous encouragerons le respect sur une base quotidienne parmi les gestionnaires et les [employés, étudiants, locateurs, ou autres]. Nous nous assurerons que le personnel de gestion comprenne ses responsabilités légales envers l’adoption de mesures rapides pour régler les situations de droits contradictoires. Nous surveillerons et évaluerons continuellement les progrès effectués sur le plan de la reconnaissance et du règlement des situations de droits contradictoires au sein de notre organisation.

2)      Énoncé clair des objectifs de la politique, notamment :

  • promouvoir la dignité et le respect mutuel
  • encourager la reconnaissance mutuelle des intérêts, des droits et des obligations
  • faciliter la reconnaissance maximale des droits dans la mesure du possible
  • aider chacun à comprendre la portée de ses droits et obligations
  • éliminer les stigmates d’infériorité et déséquilibres de pouvoir, et aider à donner voix au chapitre aux personnes et groupes marginalisés
  • encourager la collaboration et la responsabilité commune en matière de recherche de solutions convenables permettant de maximiser l’exercice des droits
  • assurer l’engagement de l’organisation envers l’emploi d’efforts sincères pour réaliser ces objectifs au moment de régler des situations de droits contradictoires.

3)      Énoncé des droits et obligations des parties aux termes du Code des droits de la personne de l’Ontario.

Exemple : Nous reconnaissons qu’aux termes du Code des droits de la personne de l’Ontario, il nous incombe de maintenir un environnement inclusif libre de discrimination et de harcèlement, qui respecte les droits de la personne de tous. Par conséquent, nous sommes tenus, selon la loi, de prendre des mesures pour prévenir les situations de droits contradictoires, et régler celles qui surviennent.

Exemple : Aux termes du Code, les [employés, étudiants, locataires, ou autres] ont le droit de déposer une requête en matière de droits de la personne auprès du Tribunal des droits de la personne de l’Ontario s’ils croient avoir été victimes de discrimination [en emploi, en matière de logement, en matière d’éducation, dans le cadre de la prestation d’autres services, ou autres].

4)      Liste des motifs illicites de discrimination énumérés dans le Code.

Exemple : Le Code interdit la discrimination fondée sur 15 motifs : la race, l’ascendance, le lieu d’origine, la couleur, l’origine ethnique, la citoyenneté, la croyance, le sexe, l’orientation sexuelle, l’âge, l’état matrimonial, l’état familial, le handicap, l’état d’assisté social (logement seulement) ou le casier judiciaire (emploi seulement). Tous les motifs de discrimination interdits aux termes du Code pourraient éventuellement donner lieu à des revendications de droits contradictoires. 

5)      Définition des « droits de la personne contradictoires » (voir la rubrique 4 de cette politique).

Exemple: En général, les questions de droits de la personne contradictoires émanent de situations où des parties à un conflit prétendent que le fait qu’une personne ou qu’un groupe exerce des libertés ou des droits protégés par la loi porterait atteinte aux droits et libertés d’autres personnes. Cela complique l’approche de résolution des conflits relatifs aux droits de la personne, qui vise les cas où l’atteinte concerne les droits de la personne d’une partie uniquement. Dans certains cas, un seul groupe dépose une requête en matière de droits de la personne, mais cette requête concerne des droits reconnus par la loi d’une autre ou de plusieurs autres parties.

6)      Exemples de scénarios de droits de la personne contradictoires qui sont à la fois pertinents et éloquents dans le contexte de l’organisation.

7)      Description des parties auxquelles s’applique la politique (comme les employeurs, les employés, les syndicats, ou autres).

8)      Façon de régler les plaintes et les situations de droits contradictoires, dont des détails sur :

  • la personne à qui porter plainte ou faire part de ses préoccupations en matière de droits contradictoires
  • la garantie de l’indépendance et de l’expertise (et autre) de la personne traitant la plainte ou les préoccupations en matière de droits contradictoires
  • la confidentialité des interventions
  • la garantie que la ou les personnes qui déposent une plainte ou soulèvent des préoccupations en matière de droits contradictoires sera protégée contre les représailles ou les menaces de représailles
  • l’aide à la disposition des parties
  • la disponibilité de modes de règlement extrajudiciaire des différends, comme la médiation, pour régler les plaintes et situations de droits contradictoires (voir la rubrique 7.3 de la politique)  
  • la façon d’investiguer les plaintes et situations de droits contradictoires
  • la durée du processus
  • un engagement envers la communication aux parties des décisions et mesures prises par l’organisation.

9)      Engagement envers le respect des principes juridiques clés suivants en matière de droits de la personne :

a)     aucun droit n’est absolu

b)     il n’y a pas de hiérarchie entre les droits

c)      la portée des droits peut être moindre que ce qui est revendiqué

d)     l’examen doit prendre en compte le contexte dans son ensemble et tous les faits et valeurs constitutionnelles en jeu

e)     l’examen doit mesurer l’étendue de l’entrave (un conflit n’existe qu’en cas d’atteinte réelle à un autre droit)

f)       les éléments fondamentaux d’un droit bénéficient d’une plus grande protection que ses éléments périphériques

g)     le but est de respecter les deux catégories de droits en jeu

h)     les défenses légales peuvent restreindre les droits d’un groupe et accorder des droits à un autre, et reconnaissance de l’obligation de tenir compte de ces principes juridiques au moment de traiter des situations de droits contradictoires et de rester au courant de l’évolution de la jurisprudence (la CODP fournira sur Internet des mises à jour sur la jurisprudence entourant cette politique, à l’adresse www.ohrc.on.ca) (voir la rubrique 5 de cette politique pour obtenir des renseignements supplémentaires).

10)   Engagement envers l’utilisation du cadre analytique de la CODP pour régler les situations de droits contradictoires (voir la rubrique 6 de cette politique).

11)   Énoncé confirmant le droit des personnes de déposer d’autres types de plaintes, comme :

  • une requête en droits de la personne auprès du Tribunal des droits de la personne de l’Ontario en tout temps pendant le processus interne,
  • ainsi qu’une explication du délai maximum d’un an prévu dans le Code
  • une plainte aux termes de la Loi sur la santé et la sécurité au travail, si elle s’applique
  • un grief dans le cadre d’une convention collective, le cas échéant
  • des accusations criminelles, le cas échéant

 

Organizational responsibility: 

Annexe F : Liste des causes

Adler c. Ontario, [1996] 3 R.C.S. 609

Alberta c. Hutterian Brethren of Wilson Colony, 2009 CSC 37

Assn. of Justices of the Peace of Ontario c. Ontario (Procureur général) (2008), 92 R.O. (3e) 16

B. (R.) v. Children’s Aid Society of Metropolitan Toronto, [1995] 1 S.C.R. 315

Bothwell v. Ontario (Minister of Transportation), 2005 CanLII 1066 (ON S.C.D.C.)

Bou Malhab c. Diffusion Métromédia CMR Inc., [2011] 1 R.C.S. 214

Brockie v. Brillinger (No. 2), (2002), 43 C.H.R.R. D/90 (Ont. Sup.Ct.)

Bruker c. Marcovitz, [2007] 3 R.C.S. 607

Caldwell c. Stewart, [1984] 2 R.C.S. 603

Canada (Commission des droits de la personne) c. Taylor, [1990] 3 R.C.S. 892

Chamberlain c. Surrey School District no 36, [2002] 4 R.C.S. 710

Chiang v. Vancouver Board of Education, 2009 B.C.H.R.T. 319

Commissaires aux mariages nommés en vertu de la Loi de 1995 sur le mariage (Renvoi), 2011, SKCA 3 (CanLII)

Commission ontarienne des droits de la personne c. Christian Horizons, 2010 ONSC 2105 (CanLII)

Conseil canadien des Églises c. Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration), 1992 CanLII 116 (CSC)

Dagenais c. Société Radio-Canada, [1994] 3 R.C.S. 835

Dallaire c. Les Chevaliers de Colomb, 2011 HRTO 639 (CanLII)

Danson c. Ontario (Procureur général), 1990 CanLII 93 (C.S.C.)

Eagleson Co-Operative Homes, Inc. c. Théberge, [2006] O.J. no 4584 [Sup.Ct. (Div.Ct.)]

Giguere v. Popeye Restaurant, 2008 HRTO 2 (CanLII)

Grant v. Willcock (1990), 13 C.H.R.R. D/22 (Ont. Bd. Inq.)

Griggs v. Duke Power Co., 401 U.S. 424 (4th Cir. 1971)

Hall v. Durham Catholic District School Board, 2005 CanLII 23121 (ON SC)

Irwin Toy Ltd. c. Québec (Procureur général), [1989] 1 R.C.S. 927

Mackay c. Manitoba, 1989 CanLII 26 (CSC)

Martinie v. Italian Society of Port Arthur (1995), 24 C.H.R.R. D/169 (Ont. Bd. of Inquiry)

Nichols v. M.J., 2009 SKQB 299 (CanLII)

P. (D.) c. S. (C.), [1993] 4 R.C.S. 141                                                                                                    

Québec et Giguère c. Montréal (Ville) (2003) 47 C.H.R.R. D/67

Quesnel v. London Educational Health Centre (1995), 28 C.H.R.R. D/474

R. c. Crawford, 1995 CanLII 138 (CSC)

R. c. Kapp, [2008] 2 R.C.S. 483

R. c. Keegstra, [1990] 3 R.C.S. 697

R. c. Mills, 1999 CanLII 637 (CSC)

R. c. N.S., 2010 ONCA 67

R. c. O’Connor, [1995] 4 R.C.S. 411

R. c. Oakes, [1986] 1 R.C.S. 103

Renvoi relatif au mariage entre personnes du même sexe, 2004 C.S.C. 79

Ross c. Conseil scolaire du district nº 15 du Nouveau-Brunswick, R.C.S. 1996

Syndicat Northcrest c. Amselem, 2004 CSC 47

Trinity Western University c. British Columbia College of Teachers, [2001] 1 R.C.S. 772

Whiteley v. Osprey Media Publishing, 2010 HRTO 2152 (CanLII)