I. Introduction

La communauté internationale reconnaît depuis longtemps que le logement constitue un droit humain fondamental et universel qui doit être protégé par la loi. La Déclaration universelle des droits de l’homme[3] et le Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels (PIDESC)[4] reconnaissent tous deux le droit au logement[5]. D’autres traités internationaux ont affirmé le droit au logement, notamment la Convention internationale sur l'élimination de toutes les formes de discrimination raciale, la Convention sur l'élimination de toutes les formes de discrimination à l'égard des femmes et la Convention relative aux droits de l'enfant.

Le Canada a ratifié l'ensemble ce ces traités et, ce faisant, a adhéré au point de vue selon lequel le logement constitue un droit humain. Le défi du Canada consiste à faire de ces principes de haut niveau une réalité vécue pour la population canadienne. Les organismes responsables des droits de la personne au pays jouent un rôle de premier plan dans la concrétisation de cet objectif. En Ontario, la Commission ontarienne des droits de la personne (la Commission) a une responsabilité particulière en vue d'aider le Canada à remplir ses engagements internationaux en matière de droits de la personne. Avec la présente politique, la Commission introduit les principes contenus dans les pactes internationaux dans les collectivités et les foyers de l’Ontario. En examinant les facteurs pouvant causer de la discrimination dans la création, la recherche et la tenue de logements locatifs, cette politique constitue un pas important vers le respect des droits internationaux pour l’ensemble de la population ontarienne.

Le logement abordable et convenable constitue une nécessité pour tous en Ontario. Il existe un lien indéniable entre le logement abordable et convenable et la qualité de vie. Le logement jette les fondements des relations avec l’ensemble de la communauté, du bien-être général et de l’inclusion sociale. Un logement convenable facilite l’accès à un emploi satisfaisant, aux ressources et à l’aide communautaires ainsi qu’aux possibilités de s’instruire, et ce, pour tous les Ontariens.

L’Ontario est l’un des endroits les plus riches du monde. Et pourtant, il y a encore de nombreux Ontariens qui n’ont pas accès à un logement convenable et abordable. Il est encore plus troublant de constater que l’accès à un logement convenable est inéquitable pour plusieurs groupes désignés par des motifs de discrimination illicites, dont la race, le handicap et l’état familial. Les groupes internationaux de défense des droits de la personne ont critiqué sévèrement à plusieurs reprises la situation du Canada en matière de logement. À titre d’exemple, en 2006, les Nations Unies ont qualifié d’« urgence nationale » la situation de l’itinérance au Canada[6]. En 2007, Miloon Kothari, ancien rapporteur spécial des Nations Unies en matière de logement convenable, a utilisé les termes « très désolante et très dérangeante » pour qualifier la situation du logement au Canada, qui équivaut selon lui à une « crise nationale »[7].

Il semble y avoir plusieurs raisons à cette situation désastreuse, notamment une grave pénurie de l’offre de diverses formes de logement convenable et abordable[8], la faiblesse de l’aide sociale et des salaires minimums et la discrimination exercée par certains fournisseurs de logements.

Bien que de nombreux locateurs et fournisseurs de logements de l’Ontario prennent au sérieux leurs responsabilités en matière de droits de la personne, on rapporte depuis longtemps à la Commission la violation des droits humains dans certaines ententes de location à usage d'habitation. Outre les rapports officieux provenant de groupes communautaires et de particuliers, de nombreux incidents et de nombreuses pratiques ont entraîné le dépôt de plaintes officielles en matière de droits de la personne. En outre, dans le cadre des consultations qu'elle a menées en matière de discrimination fondée sur l'âge[9] et de discrimination fondée sur l’état familial[10], la Commission a entendu parler de problèmes précis qui surviennent dans le secteur du logement locatif concernant ces motifs afférents aux droits de la personne.

Conséquemment, la Commission a décidé d'entreprendre des consultations publiques afin d'examiner plus à fond les problèmes de discrimination dans le secteur du logement locatif[11], à la suite desquelles consultations elle a publié un document de référence intitulé Les droits de la personne et le logement locatif en Ontario[12]. Ce document se fondait sur des recherches juridiques, des constatations issues de recherches en sciences sociales, ainsi que sur les obligations internationales du Canada en matière de droits de la personne afin d'établir un cadre de discussion sur la discrimination dans le domaine du logement locatif. La Commission a par la suite publié un document de consultation[13] dans lequel on demandait au public de formuler ses commentaires au sujet de problèmes précis relatifs aux droits de la personne survenant dans le domaine du logement locatif.

Au cours de l’été et de l’automne 2007, la Commission a mené des consultations publiques. Près de 130 organismes et plus de 100 particuliers ont participé aux rencontres à l’échelle de la province. La Commission a reçu plus de 60 mémoires officiels et plus de 100 personnes ont écrit à la Commission ou ont répondu à un sondage en ligne. En juillet 2008, la Commission a publié un rapport de consultation intitulé Le droit au logement : Rapport de consultation sur les droits de la personne en matière de logements locatifs en Ontario, lequel présentait la rétroaction recueillie dans le cadre des consultations. On formulait également dans ce rapport des recommandations à l'intention des intervenants en matière de discrimination dans le domaine du logement locatif, ainsi que les engagements de la Commission[14].

L’analyse et les exemples utilisés dans la présente politique se fondent sur les recherches menées par la Commission sur la discrimination en matière de logement locatif, les normes internationales, les plaintes aux motifs des droits de la personne dont la Commission et le Tribunal des droits de la personne de l’Ontario ont été saisis, ainsi que sur les nombreux commentaires recueillis auprès de particuliers et d’organismes dans le cadre du processus de consultation de la Commission[15].

La Politique établit la position de la Commission sur la discrimination en matière de logement locatif à l’égard des dispositions du Code des droits de la personne de l’Ontario (le Code) et des obligations internationales du Canada en matière de droits de la personne. Elle concerne principalement les problèmes qui relèvent du Code et qui peuvent faire l’objet d’une plainte au motif des droits de la personne. En même temps, la Politique donne aux protections du Code une interprétation large et intentionnelle, conformément au principe selon lequel le statut quasi constitutionnel du Code exige qu’il soit interprété de la façon libérale qui garantit le mieux l’atteinte de ses objectifs antidiscriminatoires.

Les énoncés de politique de la Commission contribuent à la création d’une culture des droits de la personne en Ontario. La Politique vise à aider le public à comprendre les protections prévues par le Code contre la discrimination et le harcèlement dans le secteur du logement locatif. Elle a également pour objet d’aider les particuliers, les fournisseurs de logements, les responsables des politiques et les décideurs, le cas échéant, ainsi que les autres organismes concernés à prendre conscience de leurs responsabilités et à agir de façon appropriée pour veiller au respect du Code.

Outre la présente Politique, la Commission continuera à encourager les initiatives de promotion et d’avancement qui cherchent à faire opposition à la discrimination systémique dans le secteur du logement locatif. Parallèlement, la Commission reconnaît que les solutions efficaces aux problèmes qui existent en Ontario en matière de logement nécessiteront les efforts et la coopération de plusieurs partenaires. La Politique fera partie d’une démarche concertée de la part de la Commission, du gouvernement, des décideurs, des partenaires communautaires, des responsables des politiques et des fournisseurs de logements visant à améliorer l’égalité d’accès au logement convenable et abordable pour toute la population de l'Ontario.


[3] Déclaration universelle des droits de l’homme, signée le 10 déc. 1948, G.A. Res. 217A (III), ONU Doc. A/810, 71 (1948).
[4] Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels, (1976) 993 N.U.R.T. 3, Can. T.S. 1976 no 46.
[5] L’Assemblée générale des Nations Unies a adopté et proclamé la Déclaration universelle des droits de l’homme en 1948. Le PIDESC a été adopté par les Nations Unies en 1966 et est entré en vigueur en 1976. Le Canada a ratifié le PIDESC en 1976.
[6] Voir l’article « Canada’s Poor Face “Emergency”: UN », The Toronto Star (23 mai 2006), qui rapporte que le Comité des Nations Unies des droits économiques, sociaux et culturels a de nouveau critiqué le Canada dans son rapport annuel de 2006 en raison du caractère inaccessible de son programme d’assurance-emploi et de la faiblesse des salaires minimums, et parce qu’il a laissé le problème des sans-abri et du manque de logements adéquats devenir une « urgence nationale ».
[7] KOTHARI, Miloon, rapporteur spécial des Nations Unies en matière de logement convenable. Preliminary Observations at the end of his Mission to Canada 9 – 22 October 2007, A/HRC/7/16/Add.4 (Preliminary Observations). En mai 2008, Me Raquel Rolnik (Brésil) a été nommée rapporteur spécial des Nations Unies en matière de logement convenable.
[8] Au cours des dernières années, on a pris des mesures pour s'attaquer à l'offre de logements. Par exemple, en mars 2009, le gouvernement de l’Ontario a annoncé des investissements de 620 millions de dollars équivalant aux investissements du fédéral dans le cadre de l’Entente Canada-Ontario concernant le logement abordable pour la rénovation de 50 000 logements sociaux et la construction de 4 500 logements abordables visant en priorité les personnes âgées et les personnes handicapées. Au moment de la parution de la présente politique, le ministère des Affaires municipales et du Logement tient des consultations afin de contribuer à l’élaboration d’une stratégie de logement abordable à long terme dans le cadre de la Stratégie de réduction de la pauvreté de l’Ontario.
[9] Le rapport de la CODP de 2001 intitulé Il est temps d’agir : Faire respecter les droits des personnes âgées en Ontario expose les problèmes qui affectent les aînés de l’Ontario : www.ohrc.on.ca/fr/resources/policy/TimeForActionFRANCAIS.
[10] En 2007, la CODP a publié un rapport de consultation intitulé Le coût de la prestation de soins, qui présente les commentaires recueillis auprès des participants aux consultations portant sur l’état familial, ainsi que de l’information concernant les pratiques discriminatoires dans le secteur du logement : www.ohrc.on.ca/fr/resources/policy/famconsultfr.
[11] Tandis que le Code protège contre la discrimination dans un large éventail de situations liées au logement, la présente politique, à l'instar des consultations de la Commission en matière de logement, est axée sur la location à usage d’habitation, ou les ententes en matière de logement locatif. Le logement social et les coopératives d’habitation sont compris dans cette définition. Les études sur le logement montrent que les gens qui habitent des logements locatifs disposent, en règle générale, de plus faibles revenus et sont plus vulnérables à la discrimination, donc plus susceptibles d’être visés par le Code. À ce titre, la présente politique ne vise pas la discrimination liée à l’achat d’une propriété ou la négociation hypothécaire, par exemple, ou les problèmes de discrimination qui affectent les propriétaires d’immeubles en copropriété telles que les restrictions discriminatoires relatives à l'utilisation des aires communes. Toutefois, ces pratiques constitueraient également des violations du Code, et un fournisseur de logements ou de services qui adopte de tels comportements s’expose à des plaintes au motif des droits de la personne.
[12] On peut consulter le document de référence de la Commission sur la discrimination en matière de logement locatif à l’adresse : www.ohrc.on.ca/fr/resources/news/housingbackfr.
[13] On peut accéder au document de consultation de la Commission sur la discrimination en matière de logement locatif à l’adresse : www.ohrc.on.ca/fr/resources/policy/housingconsultfr.
[14] Le rapport de consultation de la Commission, Le droit au logement, est accessible à l’adresse : www.ohrc.on.ca/fr/resources/policy/housingconsultationreport.
[15] Pour bien comprendre le cheminement de la Commission dans l’établissement des positions prises dans la présente politique, il convient de lire cette dernière de concert avec les documents mentionnés ci-dessus.