Contexte : Services de transport en commun accessibles et annonce des arrêts

La Commission ontarienne des droits de la personne (la « Commission ») s’inquiète depuis longtemps des obstacles importants que rencontrent les personnes handicapées lorsqu’elles essaient d’accéder aux services de transport. La Commission a été informée par la collectivité de nombreux et persistants obstacles, et s’est attaquée au problème de l’accessibilité des transports en commun à travers plusieurs initiatives, publications et plaintes pour violation des droits de la personne[1]. Dans son rapport de consultation publié en 2002, sous le titre Les droits de la personne et les services de transport en commun en Ontario, la Commission décrit nombre de ces inquiétudes et rappelle, en particulier, qu’annoncer tous les arrêts est une mesure importante en faveur de l’accessibilité pour les personnes ayant une déficience visuelle.

En 2007, la Commission constatait que l’accessibilité des transports en commun pour les personnes handicapées avait à la fois fait des progrès et régressé. Deux développements en particulier l’ont amenée à prendre l’initiative actuelle.

La norme proposée initiale d’accessibilité pour le transport

En août 2007, la Commission présentait une soumission au Comité d’élaboration des normes d’accessibilité pour le transport sur la Norme proposée initiale d’accessibilité pour le transport (la « norme proposée »). La Loi de 2005 sur l’accessibilité pour les personnes handicapées de l’Ontario (la « LAPHO ») devrait améliorer de façon notable la vie des Ontariens et Ontariennes handicapés, mais la norme qui y est proposée préoccupe gravement la Commission. Dans de nombreux domaines, elle ne répond pas aux normes fondamentales en matière de droits de la personne. Elle ne constitue pas un progrès en direction de l’égalité pour les personnes handicapées, mais un pas en arrière par rapport à certaines des avancées précédentes. Ainsi, une fois la norme adoptée, les fournisseurs de services de transport auront entre trois et dix-huit ans pour annoncer tous les arrêts.

Le Code des droits de la personne de l’Ontario s’applique à toutes les municipalités et organisations régies par les lois de l’Ontario et a préséance sur toutes les autres lois provinciales, sauf exemption expresse. Cette exemption ne figure pas dans la LAPHO. En fait, la LAPHO stipule clairement qu’en cas d’incompatibilité entre l’une de ses dispositions, une norme connexe ou un autre règlement et une disposition d’une autre loi ou d’un autre règlement, la disposition qui prévoit le plus haut niveau d’accessibilité pour les personnes handicapées l’emporte[2].

Dans sa soumission, la Commission déclare qu’il est essentiel que la norme définitive pour les transports en commun soit harmonisée avec les exigences du Code. Elle note que la LAPHO et le Code ont des objectifs communs importants et que le fait de ne pas harmoniser les normes avec le Code sème la confusion et la frustration et risque de mener à un plus grand nombre de violations des droits de la personne, et donc de plaintes. Il y a des répercussions financières pour les particuliers et les organisations responsables, mais aussi pour les défenseurs des droits de la personne et la société en général. La norme définitive pour les transports en commun n’a toujours pas été publiée à ce jour.

La décision du Tribunal des droits de la personne de l’Ontario sur l’annonce des arrêts

En juillet 2007, le Tribunal des droits de la personne de l’Ontario (le « Tribunal ») rendait publique une décision importante sur l’annonce des arrêts, dans l’affaire Lepofsky c. Toronto Transit Commission (« Lepofsky »)[3]. Le Tribunal, qui est indépendant de la Commission, déclarait qu’en n’annonçant pas tous les arrêts d’autobus et de tramways, la Toronto Transit Commission (la « TTC ») enfreignait les droits des usagers ayant un handicap. Le Tribunal avait jugé que la TTC n’avait pas su démontrer qu’elle subirait un préjudice injustifié (du fait des présumés risques qu’elle ferait courir à ses chauffeurs en leur demandant d’annoncer les arrêts), alors que la mise en place de ce genre de programme serait relativement peu onéreuse. Le Tribunal avait ordonné à la TTC de commencer à annoncer les arrêts dans les 30 jours suivant sa décision.

L’un des aspects importants de cette décision est que le Tribunal a exigé que l’annonce des arrêts par les chauffeurs ait lieu dans les semaines suivant sa décision pour régler sans tarder le problème d’accessibilité des personnes ayant une déficience visuelle. Le Tribunal a pris cette décision alors qu’il savait que la mise en place de systèmes automatisés d’annonces sonores et visuelles permettrait une plus grande accessibilité à long terme, et que la TTC serait liée par les prochaines normes adoptées en vertu de la LAPHO. Cet aspect de la décision illustre et appuie la position de principe de la Commission selon laquelle il faut offrir des adaptations temporaires lorsque les services les plus appropriés ne pourront être mis en place avant un certain temps[4].

Cette décision est un grand pas en avant pour les personnes handicapées de l’Ontario. Elle souligne l’importance des accommodements temporaires et du design inclusif, elle explique comment s’acquitter de l’obligation d’accommodement afin de répondre aux besoins en services de transport en commun des personnes handicapées, et montre comment le Tribunal traitera les plaintes semblables à l’avenir.

La Commission a jugé, compte tenu de ces récents développements et de l’incompatibilité entre les normes proposées et l’interprétation actuelle du Code, et également de ses politiques et de la décision rendue dans l’affaire Lepofsky, qu’il était important qu’elle prenne contact avec les fournisseurs de services de transport en commun afin de préciser leurs responsabilités et de leur éviter de s’exposer à des plaintes.


[1] Par exemple, en juillet 1999, la Commission menait une enquête auprès des fournisseurs de services de transport en commun de l’Ontario. En 2001, la Commission reprenait l’enquête et lançait une campagne de consultation publique en publiant un Document de travail sur les services accessibles de transport en commun en Ontario. En 2002, elle publiait un rapport de consultation intitulé : Les droits de la personne et les services de transport en commun en Ontario. La Commission publiait aussi en 2006 un exposé de principes sur les services parallèles de transport adapté et, en 2007, une soumission en réponse à la Norme proposée initiale d’accessibilité pour le transport de la Direction générale de l'accessibilité pour l'Ontario. Ces documents et toutes les publications de la Commission peuvent être consultés sur le site Web de la Commission à : www.ohrc.on.ca.
[2] Loi de 2005 sur l’accessibilité pour les personnes handicapées de l’Ontario, L.O. 2005, chap. 11, art. 38.
[3] Lepofsky c. Toronto Transit Commission, 2007 TDPO 23, (le 16 juillet 2007) (« Lepofsky »). Cette décision faisait suite à la décision rendue par le TDPO en 2005 dans une affaire semblable portant sur l’obligation d’accommodement, dans ce cas-ci, il s’agissait de tenir compte des besoins des usagers ayant une déficience visuelle en annonçant les arrêts de métro (voir Commission ontarienne des droits de la personne c. Toronto Transit Commission, 2005 TDPO 36, (le 29 septembre 2005)).
[4] Politique et directives concernant le handicap et l'obligation d'accommodement (la « Politique »), Commission ontarienne des droits de la personne, novembre 2000, art. 4.4.9.