Position actuelle et cadre de la Commission

1) Introduction

Le cadre dans lequel se fera la mise en place de la politique de la Commission en matière d’identité sexuelle est le Code, dont le préambule revêt une importance particulière :

L’Ontario a pour principe de reconnaître la dignité et la valeur de toute personne et d’assurer à tous les mêmes droits et les mêmes chances, sans discrimination contraire à la loi, et que la province vise à créer un climat de compréhension et de respect mutuel de la dignité et de la valeur de toute personne de façon que chacun se sente partie intégrante de la collectivité et apte à contribuer pleinement à l’avancement et au bien-être de la collectivité et de la province.

La Commission a publié des énoncés de politique et des lignes directrices relativement à un grand nombre de motifs de discrimination prévus dans le Code. Cependant, dans la plupart des cas, les droits des personnes transgenres sont ignorés par les politiques, les procédures et les lois.

2) Politique de travail de la Commission sur les questions d’identité sexuelle

Depuis mars 1998, la position de la Commission est que la structure légale du Code se prête à une interprétation plus large de la loi de façon à protéger plus efficacement les personnes transgenres. Bien que les mots «identité sexuelle» ne soient pas écrits noir sur blanc dans le Code, cette interprétation plus large vient de la relation étroite qui existe entre le sexe et l’identité sexuelle. Cette approche a été récemment utilisée avec succès par le British Columbia Human Rights Tribunal dans une affaire de plainte présentée par une transsexuelle à la suite du refus de lui laisser utiliser les toilettes des femmes dans une boîte de nuit alors qu’elle s’affichait à plein temps en tant que femme, sous prétexte qu’elle n’avait pas subi de changement chirurgical de sexe. Dans son jugement en faveur de la plaignante, le tribunal a déclaré que «les transsexuels en transition qui vivent en tant que membre du sexe perçu doivent être considérés comme tel en vertu des lois sur les droits de la personne» et a conclu que «la discrimination à l’égard des transsexuels est une forme de discrimination fondée sur le sexe»[50].

Le fait que le Code ne prévoit aucun motif de discrimination fondée sur l’identité sexuelle n’empêche pas de l’inclure dans la discrimination fondée sur le sexe. En d’autres termes, le mot sexe ne se limite pas au sexe biologique ou génétique; il inclut également les caractéristiques de l’identité sexuelle. La politique officielle de la Commission, intitulée Politique sur le harcèlement sexuel et les remarques et conduites inconvenantes liées au sexe, adoptée en 1996 corrobore déjà un point de vue analogue. Les aspects pertinents à l’identité sexuelle sont soulignés dans l’extrait suivant :

Le droit d’être à l'abri du harcèlement sexuel et de tout autre traitement inégal sous forme de remarques et d’actions avilissantes fondées sur le sexe est donc un droit fondamental [...] La discrimination fondée sur le sexe peut aussi prendre la forme de remarques ou d’une conduite harcelantes envers une personne à cause de son sexe.

La liste [qui suit] [...] devrait pouvoir servir à déterminer ce qui pourrait constituer un harcèlement sexuel ou des remarques ou une conduite inconvenantes liées au sexe :

  1. les remarques de nature sexuelle concernant l’apparence d’une personne ou ses manières;
  2. un contact physique non désiré;
  3. les remarques suggestives ou offensantes, ou encore les insinuations à l’égard des personnes de l’un ou l’autre sexe;
  4. les propositions de rapports intimes;
  5. les insultes, les menaces ou les railleries liées au sexe;
  6. les regards concupiscents ou déplacés;
  7. la vantardise au sujet de sa prouesse sexuelle;
  8. les demandes insistantes de rendez-vous ou de faveurs sexuelles;
  9. les plaisanteries ou remarques offensantes de nature sexuelle se rapportant à un ou une employée, un ou une cliente ou encore un ou une locataire;
  10. l’exposition d’images, de graffitis ou d’autres matériels offensants à cause de leur nature sexuelle;
  11. les questions ou discussions se rapportant à des activités sexuelles;
  12. le paternalisme basé sur le sexe qu’une personne ressent comme une atteinte à son respect de soi ou à sa position d’autorité;
    • XIII. l’humour grossier ou les paroles vulgaires à contenu sexuel[51]. (Nous avons souligné les passages en gras.)

Dans l’affaire Shaw[52], la Commission a plaidé avec succès devant une commission d’enquête que les questions liées à l’identité sexuelle devraient être comprises dans les motifs de discrimination fondée sur le sexe. Dans cette affaire, une femme faisait l’objet de remarques qui n’étaient pas de nature sexuelle, mais qui avaient tout de même pour but de faire en sorte qu’elle se sente moins séduisante et qui, par conséquent, étaient reliées à son sexe et aux stéréotypes véhiculés sur le fait d’être femme.

De nombreuses commissions des droits de la personne, y compris celle de l’Ontario, se sont toujours tournées vers les motifs de déficience ou d’orientation sexuelle lorsqu’une plainte relative à l’identité sexuelle était déposée. La Commission a mis de côté cette pratique qui recourait automatiquement à ces motifs à moins que le plaignant n’en fasse la demande expresse. Ce changement a eu lieu lorsque les membres de la Commission ont mieux compris les questions relatives aux personnes transgenres.


[50] Sheridan c. Sanctuary Investments Ltd. et al. 8 janvier 1999, B.C. Human Rights Tribunal, Internet : <http://www.bchrt.gov.bc.ca/sheridan2.htm>.
[51] Commission ontarienne des droits de la personne, Politique de harcèlement sexuel et les remarques et conduites inconvenantes liées au sexe, 1996.
[52] Shaw c. Levac Supply Ltd. (1990) 14 B.C.D.P. D/36 (Commission d’enquête de l’Ontario).