4. Intersection des motifs

La discrimination peut s’avérer unique ou distincte lorsqu’elle fait intervenir deux motifs du Code ou plus. On dit alors qu’il s’agit de discrimination « intersectionnelle ». Le concept de discrimination intersectionnelle repose sur le principe que l’identité compte des dimensions multiples et interreliées, et que l’intersection de ces dimensions identitaires peut entraîner de la marginalisation et de l’exclusion fondées sur des motifs du Code.

La CRDPH reconnaît les « difficultés que rencontrent les personnes handicapées qui sont exposées à des formes multiples ou aggravées de discrimination fondées sur la race, la couleur, le sexe, la langue, la religion, l’opinion politique ou toute autre opinion, l’origine nationale, ethnique, autochtone ou sociale, la fortune, la naissance, l’âge ou toute autre situation »[76]. Elle reconnaît aussi que « les femmes et les filles handicapées courent souvent, dans leur famille comme à l’extérieur, des risques plus élevés de violence, d’atteinte à l’intégrité physique, d’abus, de délaissement ou de défaut de soins, de maltraitance ou d’exploitation »[77].

Exemple : Les femmes handicapées se heurtent à des formes particulières de discrimination. Elles peuvent être exposées davantage à la violence et au harcèlement sexuels, car on les perçoit comme étant plus vulnérables et incapables de se protéger[78], et faire l’objet de discrimination concernant leur droit à la liberté de reproduction[79]. Elles sont aussi plus susceptibles de souffrir de sous-emploi, d’être au chômage et de vivre dans la pauvreté[80].

La discrimination fondée sur le handicap pourrait chevaucher de la discrimination fondée sur d’autres motifs du Code, y compris :

  • la race, la couleur ou l’origine ethnique
  • la croyance
  • l’ascendance (y compris l’ascendance autochtone)
  • la citoyenneté (y compris le statut de réfugié ou de résident permanent)
  • l’identité sexuelle et l’expression de l’identité sexuelle
  • le sexe (y compris la grossesse)
  • l’état familial
  • l’état matrimonial (y compris l’union de conjoints de même sexe)
  • un autre type de handicap, dont un trouble mental, un trouble de l’apprentissage, un trouble cognitif ou une déficience intellectuelle
  • l’orientation sexuelle
  • l’âge
  • l’état d’assisté social (en matière de logement)
  • le casier judiciaire (en matière d’emploi).

À la discrimination fondée sur le handicap pourraient aussi s’ajouter des stéréotypes et traitements fondés sur le statut socio-économique. Pour comprendre l’effet de la discrimination sur les personnes handicapées, il peut être pertinent d’envisager la situation de ces personnes sur le plan du revenu. Le faible revenu pourrait entraîner des formes de discrimination spécifiques, et la situation pourrait se compliquer à mesure que la personne vieillit[81].

Les personnes âgées handicapées pourraient avoir des besoins différents sur le plan du droit et de l’admissibilité aux mesures de soutien et services publics en raison de l’effet su vieillissement sur le faible statut socio-économique. Les personnes aux prises avec des déficiences intellectuelles qui ont toujours habité avec leurs parents peuvent se retrouver dépourvues de soutien à mesure que ces parents vieillissent[82].

Dans le cadre de l’obligation de maintenir des milieux libres de discrimination et de harcèlement, les fournisseurs de services (p. ex. les professionnels de la santé, services policiers et services juridiques), les employeurs et les fournisseurs de logements doivent prendre des mesures pour concevoir des programmes, politiques et environnements inclusifs qui tiennent compte des besoins de personnes de différents horizons ayant des dimensions identitaires uniques.

Exemple : Dans le domaine du logement, l’accommodement devrait prendre en compte les besoins en matière de handicap liés au vieillissement. La conception des logements devrait intégrer les besoins actuels, tout en étant assez flexible pour s’adapter aux handicaps futurs. Ce type de conception inclusive en amont favorise le « vieillissement chez soi » tout en étant plus économique que la réfection de logements inaccessibles lorsque se manifeste un handicap[83].

Les organisations qui fournissent des services au grand public devraient faire en sorte que les membres de leur personnel aient des compétences culturelles[84]. La capacité d’interagir efficacement et en toute aisance avec des personnes d’horizons culturels variés est une première étape importante à franchir en vue de satisfaire les besoins sur le plan des droits de la personne de différentes populations, y compris les personnes handicapées.

Au moment d’interagir avec des personnes, les organisations devraient non pas se baser sur des notions préconçues, des suppositions ou des stéréotypes, mais adopter une approche individualisée qui reconnaît l’identité singulière de chaque personne et le fait que chaque personne est la mieux placée pour comprendre ses propres besoins.

[76] Préambule (p) de la CRDPH, supra, note 6.

[77] Préambule (q) de la CRDPH, idem.

[78] Voir par exemple Fiona Sampson, « Globalization and the Inequality of Women with Disabilities »,
(2003) J. L. & Equality, vol. 2 (2003), p. 16; Susan Fineran, « Sexual harassment and students with disabilities », article présenté à la réunion annuelle de la Society for the Study of Social Problems, Washington D.C., 2002; Susan Fineran, « Sexual Harassment Between Same-Sex Peers: The Intersection of Mental Health, Homophobia, and Sexual Violence in Schools », Social Work, (2002), p. 47. Les deux articles font l’objet d’une discussion dans James E. Gruber et Susan Fineran, « The Impact of Bullying and Sexual Harassment on Middle and High School Girls », Violence Against Women, vol. 13, no 6, juin 2007, p. 627, à la p. 632.

[79] Les femmes handicapées ont fait l’objet d’un traitement inégal relativement à de nombreux aspects
de leur liberté de reproduction, y compris des atteintes aux droits suivants : droit à l’égalité et à la non-discrimination, droit de se marier et de fonder une famille, droit à des services de santé génésique complets, y compris des services de planification familiale, de santé maternelle, d’éducation et de sensibilisation, droit de donner son consentement éclairé à toutes les interventions médicales, y compris en matière de stérilisation et d’avortement, et droit de vivre à l’abri des mauvais traitements sexuels et de l’exploitation. Voir Centre for Reproductive Rights, Reproductive Rights and Women with Disabilities: A Human Rights Framework, 2002. Accessible en ligne à l’adresse : www.reproductiverights.org/sites/default/files/documents/pub_bp_disabilities.pdf .

[80] Voir Vera Chouinard, « Legal Peripheries: Struggles over disAbled Canadians’ Places in Law, Society, and Space », dans Rethinking Normalcy, Tanya Titchkosky et Rod Michalko éd., Toronto, Canadian Scholars’ Press Inc. (2009), p. 217, aux p. 218 et 221.

[81] Arimsupra, note 14, à la p. 7.

[82] Renseignements obtenus d’un mémoire écrit soumis à la CODP par l’Advocacy Centre for the Elderly (avril 2015).

[83] Selon Développement des ressources humaines Canada, 14 % de la population canadienne a des handicaps, mais ce taux augmente considérablement chez les personnes âgées, où il atteint 43 %. Après l’âge de 75 ans, il s’élève à plus de 50 % : Développement des ressources humaines Canada, Rapport fédéral de 2011 sur les personnes handicapées : Aînés handicapés au Canada, Sa Majesté la Reine du chef du Canada, 2011 (Accessible en ligne à l’adresse : www.edsc.gc.ca/fra/invalidite/cra/rapport_federal2011/index.shtml). Pour obtenir d’autres renseignements sur le handicap et le vieillissement, voir la Commission ontarienne des droits de la personne, Il est temps d'agir : Faire respecter les droits des personnes âgées en Ontario, 2001. Accessible en ligne à l’adresse : www.ohrc.on.ca/sites/default/files/attachments/Time_for_action%3A_Advancing_human_rights_for_older_Ontarians_fr.pdf. Voir aussi la Politique sur la discrimination fondée sur l’âge à l’endroit des personnes âgées de la CODP, accessible en ligne à l’adresse : www.ohrc.on.ca/sites/default/files/attachments/Policy_on_discrimination_against_older_people_because_of_age_fr.pdf.

[84] On peut définir la « compétence culturelle » de la façon suivante : « la capacité d’interagir efficacement avec des personnes de cultures ou de milieux socio-économiques différents, en particulier dans le contexte des ressources humaines, des organismes sans but lucratif et des organismes gouvernementaux dont les employés travaillent avec des personnes d’origines culturelles ou ethniques variées. La compétence culturelle comprend quatre éléments : (a) prise de conscience de sa propre vision culturelle du monde; (b) attitude face aux différences culturelles; (c) connaissance de différentes pratiques culturelles et visions culturelles du monde; (d) compétences interculturelles. Renforcer la compétence culturelle donne la capacité de comprendre les personnes de toutes les cultures, ainsi que de communiquer et d’interagir efficacement avec elles. » Voir http://worldlibrary.org/articles/cultural_competence#cite_note-1 (Consulté le 6 avril 2016).