Politique sur la prévention de la discrimination fondée sur la croyance

Approuvé par la CODP : 17 september 2015
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Ce document remplace la Politique sur la croyance et les mesures d’adaptation relatives aux observances religieuses de 1996.
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Sommaire

Introduction

Les droits à un traitement égal en matière de croyance et à la liberté d’adhérer et de se soumettre aux convictions rattachées à la croyance de son choix sont des droits de la personne fondamentaux en Ontario, protégés par le Code des droits de la personne de l’Ontario (« Code ») et la Charte canadienne des droits et libertés. Ces instruments protègent également le droit de vivre à l’abri de pression en lien avec la religion ou la croyance.

Le droit de vivre à l’abri de la discrimination fondée sur la croyance est le reflet des valeurs fondamentales et des engagements envers le maintien d’une société démocratique, multiculturelle et laïque enchâssés par le Canada dans sa Constitution. Les personnes qui adhèrent à une croyance et celles qui n’adhèrent à aucune croyance particulière ont le droit de vivre au sein d’une société qui respecte le pluralisme et les droits de la personne, dont le droit d’adhérer à différentes croyances.

« Lorsqu’on demande aux gens d’être tolérants envers autrui, on ne leur demande pas de renoncer à leurs convictions personnelles. On leur demande simplement de respecter les droits, les valeurs et le mode de vie des personnes qui ne partagent pas ces convictions. La croyance que les autres ont droit au même respect s’appuie non pas sur la croyance que leurs valeurs sont justes, mais sur la croyance qu’ils ont droit au même respect que leurs valeurs soient justes ou non ».  – Cour suprême du Canada, Chamberlain c. Surrey School District No. 36 [2002]

Le Code protège les droits relatifs à la croyance dans cinq domaines (appelés domaines sociaux) : logement, services, emploi, contrats et adhésion à un syndicat ou à une association professionnelle. Cette politique clarifie la nature et la portée des droits et responsabilités en matière de croyance dans ces cinq domaines. Elle aide les organisations à mieux cerner et prévenir la discrimination fondée sur la croyance, et à intervenir pour régler les situations qui se présentent, afin que chacun, quelle que soit sa croyance, puisse participer, contribuer et développer un sentiment d’appartenance à la collectivité et à la province.

La Politique sur la prévention de la discrimination fondée sur la croyance de la CODP reconnaît également que les droits relatifs à la croyance sont assujettis à certaines limites, comme le sont tous les droits relatifs aux motifs de discrimination interdits par le Code. Par exemple, les droits relatifs à la croyance peuvent être limités s’ils nuisent à l’exercice des droits de la personne d’autrui.

Qu’est-ce que la croyance?

Le Code ne définit pas la croyance, mais les tribunaux judiciaires et administratifs ont souvent fait référence aux convictions ou pratiques religieuses. La croyance peut également inclure d’autres systèmes de convictions non confessionnels qui, comme la religion, ont une influence considérable sur l’identité, la vision du monde et le mode de vie d’une personne. Les caractéristiques suivantes sont pertinentes lorsqu’il s’agit de déterminer si un système de convictions constitue une croyance aux termes du Code.

Une croyance :

  • est sincère, profonde et adoptée de façon volontaire
  • est intégralement liée à l’identité de la personne et à la façon dont cette personne se définit et s’épanouit
  • constitue un système particulier de convictions qui est à la fois exhaustif et fondamental, et régit la conduite et les pratiques de la personne
  • aborde les questions ultimes de l’existence humaine, dont les idées sur la vie, son sens, la mort et l’existence ou non d’un Créateur et (ou) d’un ordre d’existence supérieur ou différent
  • a un lien quelconque avec une organisation ou une communauté professant un système commun de convictions, ou une connexion à une telle communauté.

Étant donné l’éventail des systèmes de convictions dont le lien à la croyance a été reconnu dans le contexte du Code, de la croyance raélienne aux « pratiques de développement spirituel » du Falun Gong, les organisations devraient généralement accepter de bonne foi qu’une personne adhère à une croyance, à moins d’avoir des motifs considérables de croire le contraire compte tenu des facteurs susmentionnés.

Contexte historique

La discrimination fondée sur la croyance prend de nombreuses formes. Toute personne peut faire l’objet de discrimination fondée sur la croyance durant sa vie, qu’elle adhère personnellement ou non à une croyance. Par le passé en Ontario, le fait d’adhérer à ce qui était jugé « la mauvaise croyance » pouvait nuire considérablement au statut, au traitement et aux possibilités d’une personne au sein de la société. Cela s’appliquait tout particulièrement aux peuples autochtones envoyés de force dans des pensionnats autochtones exploités en Ontario entre les années 1880 et 1990.

Les personnes juives ont été interdites d’accès au pays, y compris lorsqu’elles tentaient de fuir l’Allemagne nazie durant la Seconde Guerre mondiale et que leur besoin était le plus criant. On leur refusait couramment l’accès à des emplois, des installations et des services en raison d’un antisémitisme virulent. De plus, bon nombre des conflits et de la discrimination passés, fondés sur la religion, ont opposé des membres de différentes confessions chrétiennes à une époque où le fait de n’avoir aucune croyance religieuse n’était pas acceptable sur le plan social. Nous observons encore aujourd’hui des vestiges de ces situations passées.

La discrimination aujourd’hui

Malgré les nombreux progrès effectués depuis l’adoption du Code et de la Charte en matière de protection contre la discrimination fondée sur la croyance, les recherches et consultations de la CODP ont montré que les préjugés et la discrimination fondés sur la croyance persistent au sein de la société ontarienne. Sont apparues récemment de nouvelles formes, plus graves, de préjugés fondés sur la croyance, d’antisémitisme et d’islamophobie, qui sont souvent alimentées par des événements de la scène internationale et véhiculées par les médias.

Souvent, la discrimination fondée sur la croyance que subit une personne s’ajoute à de la discrimination fondée sur d’autres motifs du Code, comme la race, l’origine ethnique, la citoyenneté, l’ascendance, le lieu d’origine et le sexe.

En Ontario, les peuples autochtones continuent de faire face à des obstacles de taille lorsqu’il s’agit de pratiquer leurs traditions spirituelles et religieuses, soit les traditions les plus anciennes de la province. Cette situation a parfois été due à un manque de compréhension de l’effet global de la spiritualité autochtone sur le mode de vie, et à une incapacité correspondante de reconnaître les diverses formes et expressions de cette spiritualité autochtone et d’en tenir compte. Elle a aussi été conditionnée par l’effet continu de notre passé colonial sur le présent.

Les personnes athées et agnostiques, les personnes qui n’adhèrent pas à une croyance particulière et les membres de communautés confessionnelles nouvelles ou moins connues se heurtent également à une variété de formes de stigmatisation, de préjugés et de discrimination. De nouvelles formes de préjugés à l’endroit des croyants en général ont également émergées récemment en raison de la hausse continue du nombre de personnes ne s’identifiant à aucune religion et de son influence de plus en plus grande sur la culture et la moralité publiques.

Discrimination fondée sur la croyance et protections correspondantes

Pour établir l’existence de discrimination à première vue aux termes du Code, une personne doit démontrer :

  1. qu’elle possède une caractéristique ne pouvant pas constituer un motif de discrimination aux termes du Code
  2. qu’elle a subi un traitement négatif ou un effet préjudiciable dans un domaine social auquel s’applique le Code
  3. que la caractéristique protégée a constitué un facteur dans la manifestation du traitement négatif ou de l’effet préjudiciable.

Une fois la discrimination établie à première vue, il revient à l’intimé de justifier la conduite au moyen d’une explication crédible et non discriminatoire ou du régime d’exemptions prévu par le Code (p. ex. défense fondée sur des exigences de bonne foi). Si l’intimé ne peut justifier ainsi la conduite, le tribunal conclura à l’existence de discrimination.

Pour qu’il y ait discrimination au sens du Code, il suffit que la croyance ait constitué un facteur dans la manifestation du traitement différentiel.

Le Code a primauté – autrement dit, préséance – sur toutes les autres lois provinciales de l’Ontario. En cas de conflit entre le Code et une autre loi provinciale, le Code l’emportera à moins que l’autre loi n’indique le contraire.

La discrimination fondée sur la croyance peut prendre de nombreuses formes. Par exemple, elle peut se manifester dans les circonstances suivantes :

  • une exigence, une règle ou une norme organisationnelle a un effet négatif sur une personne en l’empêchant de mettre sa croyance en pratique (sans mesure d’adaptation)
  • une personne est contrainte de poser un geste ou d’adopter une conviction rattachée à une croyance, ou subit de la pression en ce sens
  • une personne est harcelée ou contrainte d’évoluer dans un milieu de travail empoisonné en raison de conduites ou de commentaires préjudiciables et relatifs à la croyance
  • une personne fait l’objet de profilage racial en raison de sa croyance
  • une personne est traitée de façon différentielle et injuste dans un domaine social protégé par le Code, au moins en partie dû à sa croyance.

Le Code interdit également la discrimination fondée sur la croyance dans les situations suivantes :

  • une personne est ciblée et traitée de façon inéquitable en raison de la perception qu’on se fait de sa croyance, de son absence de croyance ou de son association à une personne ou à un groupe adhérant à une croyance particulière (ou n’adhérant pas à une croyance particulière)
  • des règles, exigences ou normes ont un effet négatif sur des personnes en raison de leur croyance, même s’il n’y avait aucune intention de faire de la discrimination
  • l’exploitation générale d’un système (y compris les règles, règlements, et culture et pratiques organisationnelles dans leur ensemble) a un effet négatif sur des personnes en raison de leur croyance
  • ni la personne faisant l’objet de discrimination ou la personne responsable de la discrimination n’adhère à une croyance particulière.

Bien que la discrimination fondée sur la croyance puisse parfois prendre des formes explicites et directes (p. ex. comprenant du harcèlement et de la violence), les formes de discrimination moins évidentes et directes sont plus courantes et résultent souvent d’un manque de conception exclusive et d’accommodement de la croyance dans les domaines de l’emploi, des services et du logement.

Obligation de tenir compte des convictions et des pratiques rattachées à la croyance

L’article 11 du Code interdit la discrimination résultant d’exigences, de qualités requises ou de critères qui peuvent sembler neutres, mais portent atteinte aux droits des personnes identifiées par des motifs du Code. Ce type de discrimination est appelé discrimination « indirecte » ou discrimination « par suite d’un effet préjudiciable ». La discrimination indirecte ou par suite d’un effet préjudiciable enfreint le Code à moins que l’exigence, la qualité requise ou le critère ne soit établi de façon raisonnable et de bonne foi dans les circonstances et qu’on ne puisse tenir compte des besoins de la personne sans créer de préjudice injustifié.

Les employeurs, les fournisseurs de services, les syndicats et les fournisseurs de logements ont l’obligation de tenir compte des convictions ou pratiques rattachées à la croyance des personnes tant que cela n’occasionne pas de préjudice injustifié, lorsque :

  • des personnes subissent les effets préjudiciables d’une norme, d’une règle ou d’une exigence de l’organisation
  • les convictions sont sincères
  • les convictions sont liées à une croyance.

Pour que la croyance d’une personne bénéficie de protection, il suffit qu’elle soit sincère. L’importance est accordée à l’interprétation sincère, personnelle ou subjective, qu’a la personne de sa croyance. Une personne n’a pas besoin de démontrer que sa conviction est une composante essentielle ou obligatoire de sa croyance, ou qu’elle est reconnue par les autres adhérents à la même croyance (y compris les autorités religieuses).

Les effets préjudiciables sur la croyance ne constituent pas tous de la discrimination au sens du Code. Les entraves aux convictions ou pratiques rattachées à la croyance qui ont uniquement une importance marginale ou un lien périphérique avec la croyance de la personne peuvent ne pas bénéficier de protection. Par exemple, il a été établi que le fait de ne pas pouvoir participer à des activités bénévoles de son église ou à d’autres activités sociales associées à une religion ou croyance en raison de responsabilités professionnelles ne constitue pas nécessairement une atteinte aux droits relatifs à la croyance aux termes du Code.

Pour déterminer si une situation fait intervenir un droit relatif à la croyance et évaluer les mesures d’adaptation requises, il est parfois nécessaire de procéder à des formes délicates d’investigation des convictions ou pratiques rattachées à la croyance d’une personne. En règle générale, les fournisseurs de mesures d’adaptation devraient :

  • accepter toute demande d’accommodement de bonne foi (à moins de posséder des éléments de preuve de son manque de sincérité)
  • limiter leurs demandes d’information aux renseignements qui ont un lien raisonnable avec l’établissement des droits et obligations, l’évaluation des besoins et l’offre de mesures d’adaptation
  • veiller à ce que les renseignements qui se rapportent à l’accommodement demeurent confidentiels et accessibles seulement aux personnes qui en ont besoin pour mettre en œuvre les mesures d’adaptation requises.

Lorsque des doutes légitimes planes, les questions posées à propos de la sincérité de la conviction devraient être le plus limitées possibles. Il est uniquement nécessaire d’établir que la conviction rattachée à la croyance invoquée « est avancée de bonne foi, qu’elle n’est ni fictive ni arbitraire et qu’elle ne constitue pas un artifice » (Syndicat Northcrest c. Amselem, [2004] 2 R.C.S. 551 au par. 52). Les organisations peuvent également parfois devoir évaluer des éléments de preuve objectifs pour déterminer si une conviction est en effet rattachée à une croyance ou si une exigence, une règle ou une pratique a réellement un effet négatif sur une personne en raison de sa croyance.

Le respect de l’obligation d’accommodement exige de déterminer quelle est la mesure d’adaptation la plus appropriée pouvant être mise en place sans causer de préjudice injustifié, et de l’offrir. La mesure d’adaptation la plus appropriée est celle qui est la plus susceptible de :

  • respecter la dignité (y compris l’autonomie, le confort et la confidentialité)
  • combler les besoins particuliers de la personne
  • permettre l’intégration et la pleine participation.

Une conception inclusive (effectuée en tenant compte des besoins de chacun) qui élimine les obstacles en amont est préférable aux approches visant à éliminer les obstacles après leur apparition ou à offrir des mesures d’adaptation individuelles. L’approche fondée sur l’adaptation au cas par cas repose sur l’idée que les structures existantes conviennent ou ont uniquement besoin de légères modifications pour les rendre acceptables. La Cour suprême du Canada a confirmé que les organisations ont l’obligation de reconnaître les différences entre les personnes et les groupes, y compris les différences relatives à la croyance, et d’intégrer dans la mesure du possible les concepts d’égalité dans leurs normes, règles ou exigences.

L’obligation d’accommodement ne se limite pas au fait d’offrir la mesures d’adaptation la plus appropriée selon les circonstances (sa composante de fond). Elle inclut également le devoir d’entreprendre un processus sérieux et de bonne foi visant à évaluer les besoins et à trouver des solutions appropriées (sa composante procédurale). Le fait de ne pas s’acquitter adéquatement des deux composantes de l’obligation d’accommodement pourrait s’avérer discriminatoire.

Toutes les parties au processus d’accommodement ont l’obligation d’y collaborer au meilleur de leurs capacités. Même si le fournisseur de la mesure d’adaptation est ultimement responsable d’adopter des solutions et de diriger le processus, les personnes en quête d’accommodement doivent coopérer au processus. Dans certains cas, une organisation pourrait avoir rempli son obligation d’accommodement parce que la personne qui demande la mesure d’adaptation n’a pas pris part au processus.

Affaires et questions spécifiques

Cette politique fournit aux personnes et aux organisations des indications spécifiques à propos des droits et des responsabilités relatives à l’accommodement, dans les situations suivantes :

  • pratiques spirituelles autochtones
  • congés et observances rituelles associés à la croyance
  • règles et normes relatives aux codes vestimentaires et à l’apparence
  • affichage de symboles religieux ou associés à la croyance
  • photos et information biométrique
  • pratiques et interdictions alimentaires
  • exemptions d’activités qui ont un effet préjudiciables sur la croyance d’une personne
  • questions relatives à la croyance au moment du recrutement et de l’embauche.

Limites et défenses

Les mesures de protection des droits de la personne relatifs à la croyance ne s’étendent pas aux pratiques et observances qui sont haineuses, qui incitent à la haine ou à la violence contre d’autres groupes ou personnes, ou qui contreviennent au droit criminel. Des limites peuvent également être imposées à l’obligation d’accommodement des convictions ou pratiques rattachées à la croyance dans les cas suivants :

  • l’accommodement créerait un préjudice injustifié à l’organisation lorsqu’on tient compte de facteurs liés au coût et à la santé et la sécurité
  • l’accommodement porterait atteinte aux droits d’autrui aux termes du Code ou de la Charte
  • l’accommodement annonce l’intention de faire de la discrimination dans un domaine social, conformément à l’article 13 du Code.

La Politique sur les droits de la personne contradictoires de la CODP procure aux organisations un cadre d’action visant à assurer la conciliation appropriée des droits qui entrent en conflit les uns avec les autres. Ce cadre repose sur plusieurs principes clés, y compris les principes selon lesquels aucun droit n’est absolu (tout droit peut être limité quand il enfreint les droits d’autrui) et il n’existe aucune hiérarchie des droits.

Les facteurs comme l’effet sur le moral des employés, les préférences de tierces parties, les inconvénients professionnels, les conventions collectives ou les modalités contractuelles ne devraient pas limiter ou éliminer l’obligation d’accommodement des convictions ou pratiques rattachées à la croyance des personnes. De plus, le simple fait qu’une organisation évolue dans la sphère publique laïque ou qu’elle est d’avis qu’une conviction ou pratique est irraisonnable ou répréhensible ne supprime pas l’obligation d’accommodement. La Cour suprême du Canada a affirmé qu’un État laïque respecte les différences sur le plan religieux et en tient compte, plutôt que de tenter de les éliminer.

Certaines exigences organisationnelles peuvent constituer des exigences de bonne foi (légitimes) dans les circonstances, même si elles ont un effet négatif sur une personne en raison de ses convictions ou pratiques rattachées à la croyance. Par exemple, en milieu à risque élevé où les employés manipulent des gaz toxiques, le port d’un masque de sécurité peut constituer une exigence légitime même s’il nuit aux personnes qui portent la barbe pour des motifs religieux en nécessitant un rasage de près à des fins d’assurance de l’étanchéité. Dans un tel cas, les organisations conservent l’obligation d’explorer des solutions de rechange pour tenir compte des besoins des personnes touchées, jusqu’au point de préjudice injustifié.

Le Code prévoit également certaines défenses permettant l’adoption de conduites qui autrement seraient discriminatoires. Par exemple, des exemptions du genre s’appliquent aux programmes spéciaux, aux groupements sélectifs (dont les organismes religieux), aux emplois particuliers, à la célébration du mariage par les autorités religieuses et aux droits des écoles séparées. Le fait d’embaucher une personne adhérant à une croyance particulière pour prodiguer l’enseignement religieux du dimanche est un exemple de telle exemption. Bon nombre de ces exceptions reconnaissent et protègent le droit des membres de communautés de croyance de s’associer dans certaines circonstances pour adopter et respecter des normes et exigences relatives à la croyance. Ces organisations conservent le devoir de démontrer qu’elles satisfont aux exigences de l’exception.

Prévention et résolution des cas de discrimination fondée sur la croyance

Ultimement, il incombe aux employeurs, fournisseurs de logements, fournisseurs de services et autres parties responsables visées par le Code de maintenir un environnement libre de discrimination et de harcèlement. Ces parties doivent veiller à maintenir des milieux accessibles et inclusifs qui respectent les droits de la personne et sont libres de discrimination et de harcèlement.

Les organisations devraient élaborer des stratégies générales pour prévenir et régler les cas de discrimination fondée sur la croyance. Une stratégie exhaustive devrait être adoptée et inclure :

  • un plan d’examen, de prévention et d’élimination des obstacles
  • des politiques de lutte contre la discrimination et le harcèlement
  • un programme d’éducation et de formation qui, entre autres, accroît les compétences culturelles requises pour composer avec une diversité de croyances
  • une procédure interne de règlement des plaintes
  • une politique et une procédure d’accommodement.

Le fait d’autonomiser tous les membres de la société, quelle que soit leur croyance, et de les encourager à participer à la vie communautaire à tous les niveaux profite à l’ensemble de la société. La population ontarienne dans son ensemble bénéficie aussi d’une société qui respecte la diversité, le pluralisme et la dignité de tous, et assure à chacun l’égalité des droits et des chances.

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1. Établissement du contexte

En 1996, La Commission ontarienne des droits de la personne (« CODP ») a publié sa première politique formelle sur la croyance, un motif de discrimination interdit inscrit au Code des droits de la personne de l’Ontario (« Code ») depuis sa création il y a 50 ans. Depuis lors, de nombreux développements juridiques et sociaux ont eu lieu.

À mesure que la société ontarienne s’est diversifiée sur le plan religieux, une place croissante a été accordée dans la sphère publique aux questions concernant la nature et la portée appropriées des droits relatifs à la religion et à la croyance[1].

La présente politique a pour but d’aider les Ontariennes et les Ontariens à mieux comprendre la diversité de croyance et à en tenir compte à l’aide de moyens inclusifs qui protègent les droits de la personne (voir la section 2 pour obtenir un complément d’information sur la présente politique et ses objectifs). Elle fait office de rappel opportun du besoin de respecter les droits de la personne au moment où le rôle de la croyance et de la religion au sein de notre société suscite de grandes discussions.

Depuis 2011, la CODP a mené des recherches et des consultations exhaustives dans le but d’accroître sa compréhension des droits de la personne relatifs à la croyance aux termes du Code[2]. Le Rapport de recherche et de consultation sur les droits de la personne et la croyance de la CODP présente bon nombre des conclusions de la CODP[3].

Les recherches et consultations menées par la CODP montrent que les préjugés et la discrimination fondés sur la croyance sont encore une réalité en Ontario et augmentent même dans certains cas.

Beaucoup d’experts soutiennent que la façon dont une société traite ses minorités religieuses et de croyance est une indication de sa tolérance à l’égard de la différence et de la diversité en général[4]. Les droits en matière de liberté et d’égalité sont des éléments centraux d’une société libre et démocratique[5].

« De fait, une attitude respectueuse et tolérante à l’égard des droits et des pratiques des minorités religieuses est une des caractéristiques essentielles d’une démocratie moderne ».
- Cour suprême du Canada[6]

« [L]e harcèlement ou la discrimination à l'endroit d'une personne pour des raisons religieuses est une attaque grave à la dignité de la personne, et une négation du respect égal qui est essentiel à une société démocratique libérale ». – Tribunal des droits de la personne de l’Ontario (anciennement connu sous le nom de Commission d’enquête de l’Ontario)[7]

Le droit de vivre à l’abri de la discrimination fondée sur la croyance ne concerne pas uniquement les personnes qui adhèrent activement à une religion ou à une croyance. C’est un droit dont dépendent tous les membres de sociétés fondées sur le respect du pluralisme, des droits de la personne et du droit d’adopter et de mettre en pratique différentes convictions[8]. Il s’agit d’un élément essentiel du maintien de sociétés pluralistes diversifiées comme la nôtre[9].

Du point de vue des droits de la personne, il importe particulièrement que chaque personne comprenne et respecte le droit à un traitement égal en matière de croyance, qui constitue un droit de la personne aux termes du Code, ainsi qu’un droit constitutionnel fondamental aux termes de la Charte qui reflète les valeurs constitutionnelles fondamentales et engagements en matière de laïcité du Canada.

En même temps, la présente politique reconnaît qu’aucun droit n’est absolu et que chacun des droits, y compris les droits relatifs à la croyance, peuvent être assujettis à certaines limites de façon à assurer la conciliation de droits contradictoires[10].


[1] Le nombre d’Ontariens et d’Ontariennes observant des religions et des croyances autres que les confessions protestantes et catholiques ayant dominé l’histoire de la province, ou n’observant aucune religion ou croyance particulière, a augmenté de façon considérable. Une étude de 2013 menée par le Pew Forum sur les tendances démographiques canadiennes en matière de religion révèle que l’Ontario a connu la hausse la plus importante de population adhérant à des religions minoritaires de toutes les provinces canadiennes. La proportion d’Ontariennes et d’Ontariens qui s’identifient à des fois autres que le protestantisme ou le catholicisme est passée d’environ 5 % en 1981 à 15 % en 2011. Pew Research Center’s Forum on Religion & Public Life, Canada’s Changing Religious Landscape : Overview, 2013. Extrait le 15 juillet 2013 de www.pewforum.org/Geography/Canadas-Changing-Religious-Landscape.aspx).

Par ailleurs, un nombre croissant de personnes de toutes confessions interprètent et pratiquent leur foi de façon individuelle. On estime que toutes ces tendances sociales et démographiques s’accentueront à l’avenir. Pour en savoir davantage sur de telles tendances sociales et démographiques en Ontario et au Canada, voir le Rapport de recherche et de consultation sur les droits de la personne et la croyance de la CODP.

[2] En janvier 2012, la CODP a organisé un dialogue stratégique sur les droits de la personne, la croyance et la liberté de religion au centre multiconfessionnel de l’Université de Toronto, en partenariat avec la Religion in the Public Sphere Initiative et la faculté de droit de l’Université de Toronto. Les mémoires présentés dans le cadre de cet événement, qui rassemblait des partenaires communautaires, des universitaires, des professionnels du milieu juridique et des droits de la personne, et des experts de la diversité, ont été publiés dans un numéro spécial de Diversité canadienne. Plusieurs mémoires sur les droits de la personne et la croyance ont aussi été présentés lors d’une autre consultation d’envergure (atelier de nature juridique), organisée en partenariat avec l’Osgoode Hall Law School de l’Université York, son Centre for Public Policy and Law et son Centre for Human Rights. Il est également possible de consulter ces documents sur le site Web de la CODP. La CODP a mené plusieurs groupes de travail et entrevues, ainsi qu’un sondage en ligne à l’intention du grand public en 2013 et 2014. Vous trouverez sur le site Web de la CODP un résumé des conclusions du sondage, ainsi qu’un Examen de la jurisprudence relative à la croyance mené en 2012.

[3] Vous trouverez également le Rapport de recherche et de consultation sur les droits de la personne et la croyance sur le site Web de la CODP.

[4] Voir, par exemple, Grim, B. J. et Finke, R. The Price of Freedom Denied. New York, Cambridge University Press, 2011.

[5] La plus haute cour du Canada a confirmé à maintes reprises la place importante qu’occupent la liberté de religion et le droit à l’égalité en matière de religion au cœur de la tradition démocratique libérale canadienne. Par exemple, la Cour suprême du Canada a déclaré ce qui suit :

Une société vraiment libre peut accepter une grande diversité de croyances, de goûts, de visées, de coutumes et de normes de conduite […] Si une personne est astreinte par l’État ou par la volonté d’autrui à une conduite que, sans cela, elle n’aurait pas choisi d’adopter, cette personne n’agit pas de son propre gré et on ne peut pas dire qu’elle est vraiment libre. (R. c. Big M Drug Mart, [1985] 1 R.C.S. 295, aux par. 94-95 [Big M]; voir aussi Syndicat Northcrest c. Amselem, [2004] 2 R.C.S. 551 [Amselem]; R. c. Edwards Books and Art Ltd. [1986] 2 R.C.S. 713, au par. 759) [Edwards Books].

[6] Amselem, idem, au par. 1.

[7]Dufour v. J. Roger Deschamps Comptable Agréé (1989), 10 C.H.R.R. D/6153 (Ont. Bd. of Inquiry) [Dufour], au par. 617.

[8] Par exemple, la Cour suprême du Canada a indiqué dans École secondaire Loyola c. Québec (Procureur général), 2015 CSC 12, aux par. 47-48, [Loyola] :

La liberté de religion doit donc s’interpréter dans le contexte d’une société laïque, multiculturelle et démocratique qui tient au plus haut point à protéger la dignité et la diversité, à favoriser l’égalité et à assurer la vitalité d’une croyance commune à l’égard des droits de la personne […] Une démocratie multiculturelle et pluraliste dynamique doit pouvoir compter sur la capacité de ses citoyens « de discuter de manière réfléchie et ouverte en profitant » de diverses visions du monde et pratiques religieuses. Benjamin L. Berger. « Religious Diversity, Education, and the “Crisis” in State Neutrality », 29 R.C.D.S. 103 (2014), p. 115.

Au par. 45, la Cour suprême a également cité une décision de la Cour européenne des droits de l’Homme dans Kokkinakis c. Grèce, arrêt du 25 mai 1993, série A no 260‑A :

« La liberté de pensée, de conscience et de religion […] figure, dans sa dimension religieuse, parmi les éléments les plus essentiels de l’identité des croyants et de leur conception de la vie, mais elle est aussi un bien précieux pour les athées, les agnostiques, les sceptiques ou les indifférents. Il y va du pluralisme — chèrement conquis au cours des siècles — consubstantiel à pareille société » (p. 17).

[9] « [U]ne société [multiculturelle multiconfessionnelle] ne peut fonctionner […] que si les membres de tous les groupes qui la composent se comprennent et se tolèrent mutuellement » Loyolaidem, au par. 47, citant Adler c. Ontario, [1996] 3 R.C.S. 609, au par. 212, la Juge McLachlin (maintenant Juge en chef), dissidente en partie.

[10] Dans la première décision importante de la Cour suprême sur la liberté de religion aux termes de la CharteR. c. Big M Drug Mart Ltd., la Cour a établi l’essence du droit à la liberté de religion et ses restrictions « nécessaires pour préserver la sécurité, l'ordre, la santé ou les mœurs publics ou les libertés et droits fondamentaux d'autrui ». La Cour a ensuite nuancé la portée appropriée de telles restrictions aux termes de la Charte, afin de protéger, dans les faits, les droits constitutionnels contre l’imposition de restrictions sur la base des « valeurs de la majorité » :

Une majorité religieuse, ou l’État à sa demande, ne peut, pour des motifs religieux, imposer sa propre conception de ce qui est bon et vrai aux citoyens qui ne partagent pas le même point de vue. La Charte protège les minorités religieuses contre la menace de « tyrannie de la majorité ». (Big Msupra, note 5, au par. 337).

Pour en savoir davantage sur la nature des restrictions aux droits à la lumière des valeurs constitutionnelles fondamentales et intérêts de l’État, voir Loyola, supra, note 8, aux par. 45-47.

2. À propos de cette politique

La présente politique représente une révision et une mise à jour complètes de la Politique sur la croyance et les mesures d’adaptation relatives aux observances religieuses de 1996 de la CODP. Elle définit la position de la CODP en ce qui a trait à la croyance et à l’accommodement des observances relatives à la croyance.

La politique procure aux citoyens et citoyennes de l’Ontario et aux organisations des moyens éclairés, proactifs et éthiques de régler et de prévenir la discrimination et les conflits fondés sur la croyance. Conformément au préambule du Code, cette politique a également pour but :

  • de promouvoir la reconnaissance de la dignité et de la valeur inhérentes de personnes de différentes croyances, quelles qu’elles soient
  • d’assurer les mêmes droits et les mêmes chances sans discrimination ou harcèlement fondé sur la croyance
  • de créer un climat de compréhension et de respect mutuel pour que tous les membres de la collectivité, quelle que soit leur croyance, aient le sentiment d’appartenir à la collectivité et de pouvoir y contribuer.

La politique peut aider les personnes qui font l’objet de discrimination fondée sur la croyance à comprendre et à faire valoir leurs droits. Elle peut aussi aider les employeurs, les syndicats et autres associations professionnelles, ainsi que les fournisseurs de services et de logements, à comprendre et à respecter leurs obligations envers la prévention et à la résolution des cas de discrimination fondée sur la croyance aux termes du Code.

Les organisations peuvent aussi se servir de la politique pour élaborer leur propre matériel de formation et politiques de lutte contre la discrimination et le harcèlement.

L’analyse et bon nombre des exemples sur lesquels se fonde la présente politique reposent sur des travaux de recherche, des affaires relatives à la croyance portées devant des tribunaux administratifs ou judiciaires, ainsi que des consultations menées par la CODP.

Voir l’Annexe A pour en savoir davantage sur l’object des politiques de la CODP.

3. Toile de fond

3.1 Contexte historique

Sur le plan de la croyance, l’Ontario a toujours été diversifiée[11]. Les lois de l’Ontario reconnaissent depuis longtemps les idéaux de la liberté de religion[12] même si elles les interprétaient et appliquaient par le passé d’une façon sélective et discriminatoire qui ne protégeait pas ni tentait de protéger l’égalité sur le plan de la religion[13].

Selon les historiens, pour la majeure partie de l’histoire de l’Ontario et du Canada, « il fallait être un (bon) chrétien pour être un (bon) Canadien »[14]. Les membres des communautés de croyance minoritaires se heurtaient à une persécution ou discrimination considérable, voire grave dans certains cas.

Les efforts soutenus déployés par le Canada pour assimiler les peuples autochtones[15] au cours de 19e et 20siècles, surtout après l’adoption de la Loi sur les indiens en 1876, figurent parmi les exemples les plus flagrants de la permissivité historique des lois du Canada en matière de discrimination fondée sur la croyance et la race[16].

« Les communautés, peuples et nations autochtones, qui bénéficient d’une continuité historique avec les sociétés pré-invasion et pré-colonisation qui se sont développées sur leur territoire, voient une distinction entre eux-mêmes et les autres secteurs des sociétés qui prévalent dorénavant sur ces territoires ou une partie de ces territoires. Ils forment à présent des secteurs non dominants de la société et sont déterminés à préserver, développer et transmettre aux générations futures leurs territoires ancestraux et leur identité ethnique, fondements du maintien de leur existence en tant que peuples, conformément à leurs propres modèles culturels, institutions sociales et système juridique ». – Jose R. Martinez Cobo[17]

La suppression et la criminalisation des pratiques et traditions spirituelles autochtones faisaient partie intégrante d’un vaste projet de colonisation du Canada au moyen « de la christianisation et de la civilisation » des peuples autochtones. Les effets des politiques comme l’envoi forcé de plus de 150 000 enfants Inuits, Métis ou des Premières Nations dans des pensionnats partout au pays, dont de nombreuses régions de l’Ontario[18], se font ressentir encore aujourd’hui[19].

« En ce qui a trait à la race indienne, son absorption dans la population générale lui offrirait l’avenir le plus heureux, et c’est là l’objectif et la politique de notre gouvernement. [...] Je veux me débarrasser du problème indien. Je ne crois pas, de fait, que le pays devrait continuellement protéger une classe de personnes ayant les moyens d’être autonome [...] Notre objectif est de poursuivre le travail jusqu’à ce qu’il n’y ait plus un seul indien au Canada qui n’a pas été absorbé par la société et jusqu’à ce qu’il n’y ait plus de question indienne ni de département des Affaires indiennes. C’est l’objectif de ce projet de loi ». – Duncan Campbell Scott, surintendant adjoint du ministère des Affaires indiennes (1913-1932)[20]

Les différences observées entre les confessions chrétiennes (protestantes et catholiques surtout) étaient une autre source principale de tension et de discrimination entre les citoyens et citoyennes de l’Ontario par le passé. Les minorités chrétiennes de l’Ontario, comme les mennonites, témoins de Jéhovah, adventistes du septième jour, huttérites, orthodoxes de l’Est et évangéliques, se heurtaient souvent à un degré plus intense de discrimination et de préjugés fondés sur la croyance parce que les autres considéraient que leurs systèmes de conviction étaient hérétiques. À cela s’ajoutait parfois de la discrimination et des préjugés fondés sur l’origine ethnique et la race, ce qui aggravait la situation[21].

Les Canadiens juifs ont longtemps été soumis à des mesures antisémites discriminatoires sanctionnées par la loi[22]. « Zéro, c’est encore trop », avait rétorqué un haut fonctionnaire du gouvernement canadien à qui on demandait combien d’immigrants juifs le pays devrait-il accepter à l’époque de la persécution nazie du peuple juif[23]. Sur les rives des plages de Toronto, on pouvait lire « Aucun chien ou juif » sur des affiches. De nombreux hôtels et centres de villégiature avaient des politiques interdisant l’admission des personnes de race juive en tant qu’invités[24]. Les juifs se voyaient aussi imposer des restrictions quant aux endroits où ils pouvaient s’installer ou acheter des biens immobiliers. En 1951, un homme de confession juive avait contesté une convention restrictive interdisant la vente d’un bien à toute personne « de couleur, ou de race ou de sang juif, hébreu, sémite ou africain »[25].

En Ontario, les préjugés religieux, le racisme et la xénophobie ont également pris la forme de persécution des sikhs, hindous, musulmans, bouddhistes et autres communautés de croyance non conformistes, y compris les athées et les agnostiques, et de discrimination à leur endroit. Le Rapport de recherche et de consultation sur les droits de la personne et la croyance offre un bref aperçu de l’histoire de cette discrimination fondée sur la croyance.

La religion représente une source d’inspiration au service du bien pour beaucoup d’Ontariennes et d’Ontariens, et un important maillon du tissu institutionnel et social canadien[26]. Par moment, cependant, elle a aussi servi à limiter et à enfreindre les droits de la personne d’autrui[27].

L’emploi de revendications religieuses pour justifier la restriction et la violation des droits d’autrui, y compris les droits des femmes, des communautés LGBTQ et d’autres minorités et communautés racialisées, est un fait depuis longtemps reconnu par les autorités internationales des droits de la personne[28]. Par exemple, au Canada, le droit canadien comprenait jusqu’en 1969 des soi-disant « lois sur la sodomie » qui criminalisaient les « rapports homosexuels » et allaient jusqu’à imposer la peine de mort[29]. Ces lois et les attitudes qui les entouraient avaient été forgées en grande partie par des appels à des interprétations particulières du christianisme[30].

Depuis les années 1960, les politiques publiques et la législation de l’Ontario sont de plus en plus fondées sur les valeurs que constituent la diversité, l’équité et la non-discrimination. Ces valeurs se sont accompagnées d’un nouvel engagement envers l’idéal de la neutralité de l’État en matière de religion qui a progressivement érodé les privilèges historiques dont bénéficiaient les communautés chrétiennes en matière de vie institutionnelle publique et d’État. Cependant, de nouvelles (et dans certains cas anciennes) formes de discrimination et de préjugés fondés sur la croyance sévissent encore aujourd’hui et vont en s’accroissant dans certains cas. 

3.2 Désavantages liés à la foi, préjugés et stéréotypes liés à la croyance

Des « désavantages liés à la foi » sont souvent à l’origine de traitements négatifs et de discrimination dont font l’objet certaines personnes en raison de leur croyance. Les désavantages liés à la foi sont en partie le reflet d’une idéologie qui impartit aux gens des valeurs, convictions et comportements et leurs attribue des différences et inégalités fondamentales, méritant ou non le respect et la dignité, selon la religion ou les convictions[31]. Les désavantages liés à la foi créent et reproduisent façon constante une vision stéréotypique fausse et négative de personnes et de groupes en fonction de leur croyance, de leur foi, de leurs convictions ou de caractéristiques qui y sont associées, et passent sous silence ou suppriment tout élément de preuve contradictoire (y compris des éléments de preuve de diversité intragroupe, d’humanité commune ou de qualités positives rédemptrices).

Constituent entre autres des désavantages liés à la foi le fait de :

  • présumer que toutes les personnes de confession religieuse sont rétrogrades ou ont l’esprit fermé, ou ne respectent pas la diversité humaine
  • traiter toutes les personnes de foi islamique de terroristes ou de terroristes éventuels, ou de les étiqueter de la sorte.

Les désavantages liés à la foi se distinguent des simple préjugés en ce qu’ils agissent à plusieurs niveaux, dont les niveaux individuel, institutionnel, culturel et sociétal. Structurés et systémiques, les désavantages liés à la foi reposent habituellement sur une idéologie qui justifie le pouvoir exercé par le groupe dominant sur le groupe minoritaire. Ces désavantages peuvent inclure à la fois des pratiques individuelles et institutionnelles qui déshumanisent les personnes de confessions ou de convictions particulières et minent leur dignité.

Dans leur forme la plus individuelle, les « désavantages liés à la foi » prennent la forme d’attitudes et de perspectives préjudiciables[32] qui reposent sur des stéréotypes et dévalorisent et dénigrent les personnes adhérant à des convictions et à des modes de vie ne correspondant pas à ce que l’on pourrait juger « normal » ou « acceptable ».

Le fait de se livrer à une discussion critique ou à une évaluation négative des convictions d’une personne n’est pas en soi source de désavantage lié à la foi. Des désavantages ne se manifestent que lorsque la situation commence à prendre une forme idéologique qui déforme la réalité et véhicule et alimente des stéréotypes à propos de groupes en raison de leur croyance, de leur foi, de leurs convictions ou de caractéristiques connexes. On observe souvent un lien entre cela et des pratiques de domination et de déshumanisation.

Les stéréotypes sont le résultat de généralisations faites à propos de personnes en raison des qualités présumées du groupe auquel ces personnes appartiennent.

« L’application d’un stéréotype est une attitude qui, tout comme un préjugé, tend à désavantager autrui, mais c’est aussi une attitude qui attribue certaines caractéristiques aux membres d’un groupe, sans égard à leurs capacités réelles ». – Cour suprême du Canada[33]

Les stéréotypes reposent fréquemment sur des idées erronées, une information incomplète et (ou) de fausses généralisations. Ils sont souvent le résultat de convictions, de biais et de préjugés subtils et inconscients[34], et peuvent nuire considérablement. Par exemple, le stéréotypage peut entraîner un traitement inéquitable et faire en sorte que les personnes ciblées par les stéréotypes les internalisent ou les acceptent. 

Il existe souvent un lien entre les désavantages liés à la foi et la discrimination fondée sur la croyance, d’une part, et les stéréotypes en matière de croyance, de l’autre. Lors des consultations de la CODP, des personnes de foi religieuse ont parlé de la hausse, au sein de la société ontarienne, des préjugés antireligieux dirigés vers les personnes de foi religieuse en général[35]. Par moment, ces préjugés reposent sur des stéréotypes à propos des « personnes religieuses » ou des adhérents à une croyance particulière. Parmi ces stéréotypes figure le fait de trouver ces personnes rétrogrades, fermées, irrationnelles, opposées à toute pensée critique et autonome ou incapables d’une telle pensée, superstitieuses, peu intelligentes, illuminées ou civilisées, tribales, soumises, conformistes, anti-égalitaires, sexistes, homophobes et (ou) potentiellement violentes ou habitées d’idées subversives à propos de l’ordre[36]. Les stéréotypes et préjugés antireligieux puisent également dans les stéréotypes sur la race et des formes variées de racisme, de xénophobie, d’antisémitisme et d’islamophobie (voir la section 3.3).

Durant les consultations, les personnes sans foi religieuse ou associées à des communautés de croyance moins connues ont également parlé de la stigmatisation dont elles ont fait l’objet en raison de stéréotypes à propos de leur immoralité, déviance, fiabilité, étrangeté et (ou) malveillance.

Exemple: Des personnes qui s’identifiaient au mouvement raélien se sont vues refuser l’accès à un bar local pour y tenir une « mini-conférence ». Quand le gérant du bar a appris que les membres du groupe avaient distribué plus de 500 dépliants pour promouvoir l’événement, il s’est inquiété du fait que l’événement perturberait ses affaires un samedi soir et a annulé leur réservation tout en faisant des commentaires dérogatoires à propos des raéliens. Le Tribunal des droits de la personne de l’Ontario (TDPO) a conclu que le commentaire du gérant du bar selon lequel le bar ne voulait pas être associé à leur « culte » était inapproprié et discriminatoire[37].

Les attitudes négatives et les stéréotypes en lien avec la croyance peuvent donner lieu à de la discrimination dans l’un des domaines sociaux visés par le Code, et ainsi enfreindre le Code. Le stéréotypage fondé sur la croyance peut également donner lieu à du harcèlement fondé sur la croyance dans les domaines sociaux visés par le Code, comme l’emploi, le logement, les services, les contrats et l’adhésion à des syndicats et associations.

Les désavantages liés à la foi peuvent également prendre des formes moins évidentes et plus systémiques, « cachées » des personnes qui ne sont pas touchées. Par opposition aux « avantages liés à la foi », les « désavantages systémiques liés à la foi » font référence aux désavantages auxquels se heurtent des personnes ou des groupes en fonction de leur religion ou de leurs convictions, et qu’encouragent, maintiennent et enracinent profondément, directement ou indirectement et de manière consciente ou non les normes, structures et institutions sociales et culturelles[38]. Les désavantages systémiques liés à la foi peuvent sembler neutres à première vue, mais avoir un « effet préjudiciable » ou d’exclusion sur les membres de communautés de croyance particulières.

Exemple : En Ontario, la semaine de travail et les jours fériés standards s’articulent autour du Sabbat chrétien et des fêtes chrétiennes de Noël et de Pâques. Bien que son adoption soit compréhensible compte tenu du passé et de la réalité démographique du Canada, cette structure peut avoir un effet préjudiciable sur les non-chrétiens et forcer certains d’entre eux à demander des mesures d’adaptation afin de célébrer leurs propres fêtes religieuses.

Les privilèges et modes d’action de l’époque du « Canada chrétien » (1841 à 1960) peuvent avoir eu des effets résiduels sur les normes, pratiques et processus institutionnels contemporains[39] entraînant dans certains cas des désavantages systémiques liés à la foi. L’adoption de points de vue et de pratiques institutionnelles qui cherchent à chasser toute expression de la religion dans la sphère publique peut également entraîner ce genre de désavantages.

Exemple : Un employeur interdit à son personnel de faire référence à « Noël » ou à toute autre fête religieuse dans ses communications internes et lors de réunions parce qu’il croit que les milieux de travail devraient être laïques[40].

Les formes de désavantages liés à la foi ne contreviennent pas toutes à la loi. Par exemple, certaines personnes pourraient entretenir des préjugés et des biais généraux en matière de culture et de religion, sans pour autant que ceux-ci ne régissent leur conduite dans l’un des domaines sociaux visés par le Code. Certaines exemptions et défenses juridiques protègent ou permettent de justifier une mesure institutionnelle quelconque qui est inéquitable à première vue. 

Parfois, des mesures institutionnelles qui reflètent la dominance historique d’un groupe confessionnel peuvent s’avérer plus ou moins bénignes et non discriminatoires, selon les circonstances[41]. Par exemple, de nombreux hôpitaux ontariens ont des origines confessionnelles chrétiennes ou une affiliation avec la foi chrétienne, compte tenu du rôle historique considérable joué par les organismes religieux chrétiens dans la prestation des services sociaux et soins de santé à la population ontarienne, et de leur importante contribution à ce chapitre.

Les désavantages systémiques liés à la foi peuvent constituer de la discrimination aux termes du Code s’ils constituent par exemple de la « discrimination systémique » ou de la « discrimination par suite d’un effet préjudiciable » (voir les sections 7.8 et 7.9).

Les conclusions des recherches et consultations menées par la CODP montrent que plus la conviction ou la pratique rattachée à la croyance d’une communauté est considérée comme s’écartant des interprétations (y compris celles touchant la façon d’adhérer à la religion) et modes de vie dominants, plus elle est susceptible d’être vue d’un mauvais œil, stigmatisée, rejetée et jugée indigne d’inclusion et d’accommodement au sein de la société[42].

3.3 Racisme, xénophobie, antisémitisme et islamophobie

En Ontario, le lien étroit qu’entretiennent entre elles la religion, la race et l’ethnicité expose de nombreuses communautés de croyance minoritaires à un chevauchement de diverses formes de préjugés, de racisme[43], de xénophobie, de discrimination et de harcèlement fondés sur la race, la croyance, l’origine ethnique, le lieu d’origine et l’ascendance.

À titre de premiers occupants de l’Ontario, les peuples autochtones font depuis longtemps face à des formes intersectionnelles de discrimination et de préjugés qui les caractérisent non seulement de « peuples » distincts mais également de membres de soi-disant « races inférieures » et d’adeptes de traditions spirituelles jugées « étrangères » et « barbares » par les colons européens. Chez les peuples autochtones, l’accès à des mesures d’adaptation appropriées continuent de présenter des défis pour de nombreuses raisons, dont dans certains cas le manque involontaire de compréhension et de compétences culturelles et (ou) dans d’autres des formes plus évidentes ou cachées de racisme à l’égard de communautés autochtones.

Exemple : On observe chez les élèves autochtones de l’école secondaire d’une ville dotée d’une importante population autochtone une plus grande fréquence et une plus grande sévérité des mesures disciplinaires et sanctions infligées, allant jusqu’à l’expulsion. Au lieu d’adopter les mesures disciplinaires graduelles habituelles, les administrateurs réagissent durement et immédiatement à l’inconduite, en se basant en partie sur des stéréotypes voulant que la culture et la spiritualité autochtones ne réagissent pas bien à la « raison » ainsi que sur d’autres mythes racistes selon lesquelles seules les mesures punitives sont efficaces.

Parfois, il peut également s’opérer une « racialisation » des différences sur le plan religieux[44] qui à la fois reflète et détermine la façon dont les « races » sont conceptualisées.

« La race ne constitue pas un fait biologique objectif mais une construction sociale et politique qui établit et perpétue des hiérarchies de pouvoir ». – Lucy Salyer, historienne[45]

Il y a « racialisation » des différences sur le plan religieux lorsqu’on effectue un lien ou une association (apparente ou non) entre ces différences et des différences sur le plan racial[46].

Exemple : Un corpus récent de documentation scientifique du domaine social a identifié et examiné l’émergence, au sein du discours et des pratiques racistes de l’après 11 septembre, d’une nouvelle « race brune » associée aux « terroristes musulmans ». Si la racialisation de la religion islamique n’est pas nouvelle[47], l’est en revanche la façon d’utiliser la couleur de la peau et, de façon considérable, des signifiants religieux (p. ex. barbe, voile recouvrant la tête chez les femmes) associés à des personnes dont les ancêtres viennent de pays impliqués dans la « guerre au terrorisme » actuelle, de l’Asie méridionale, centrale et du Sud-Est jusqu’au Moyen-Orient et Proche-Orient, en passant par l’Afrique du Nord et de l’Est, pour marquer cette catégorie[48].

Les différences sur le plan religieux peuvent également être racialisées lorsqu’elles sont :

  • naturalisées, autrement dit considérées comme immuables (c’est-à-dire à l’abri des effets du temps ou de la société), d’une façon qui donne a des regroupements religieux un caractère « étranger » ou « autre » permanent
  • attribuées en fonction de l’apparence ou de signes extérieurs (p. ex. marqueurs perçus de la religion, de l’ethnicité, de la race, du lieu d’origine, de l’ascendance, de la couleur, de la citoyenneté, de l’origine nationale, de la langue ou de la culture, y compris la façon de se vêtir et de se comporter)
  • homogénéisées, autrement dit perçues comme étant uniformément caractéristiques de tous les membres d’une tradition confessionnelle donnée sans variation interne de la compréhension, de l’interprétation ou de la conduite
  • présumées être les seuls ou principaux déterminants de la pensée ou de la conduite d’une personne.

Exemple : Un psychologue se prononce sur la « personnalité juive » et décrit le comportement social contemporain en fonction de caractéristiques psychologiques présumées, attribuées à l’ensemble du peuple juif.

Tout comme les anciennes formes de racisme fondé sur des caractéristiques biologiques, les nouvelles formes de racisme culturel et religieux attribuent des points de vue et des comportements aux gens en fonction de leur association perçue à un groupe donné[49]. Cela a pour effet d’occulter les nombreuses différences internes des communautés de croyance, ainsi que les motivations, identités, pratiques et conceptions variées de leurs membres, et d’en faire fi.

L’antisémitisme est un excellent exemple de la façon dont il possible de racialiser la religion et de la faire passer du sectarisme religieux (antijudaïsme) au sectarisme religieux et à la haine (antisémitisme)[50]. Comme toutes les formes de racisme, l’antisémitisme continue aujourd’hui de prendre des directions multiples et nouvelles, qui ne dépendent plus nécessairement de références flagrantes au sang, à la race, à l’ethnicité ou à la nation[51]. La présente politique emploie le terme « antisémitisme » (par opposition à anti-sémitisme) précisément parce que ce terme peut englober des formes nouvelles d’hostilité à l’endroit des juifs, ou de judéophobie, qui ne reposent pas nécessairement sur la notion de « race sémite » comme le faisait l’ancien terme « anti-sémitisme »[52].

La Fondation canadienne des relations raciales (2013) inclut ce qui suit à sa définition d’antisémitisme :

Hostilité ou haine latente ou manifeste, ou discrimination dirigée contre les juifs ou le peuple juif, pour des raisons liées à leur religion, leur origine ethnique ainsi qu’à leur patrimoine culturel, historique, intellectuel et religieux[53].

L’antisémitisme peut prendre des formes variées, allant d’actes individuels de discrimination à des efforts plus structurés et systématiques de destruction de communautés entières et de génocide, en passant par la violence physique, le vandalisme et la haine[54]. Cette forme de discrimination et de préjugés fondés sur la croyance qui existe depuis longtemps sévit encore aujourd’hui en Ontario[55].

Exemple : Un employeur fait des remarques antisémites stéréotypées à l’endroit d’un employé juif durant une réunion. Il laisse entendre qu’il l’a embauché parce qu’il savait qu’il arriverait bien à « compter l’argent » et à « faire des économies ici et là » au profit de la compagnie.

L’« islamophobie » constitue une forme contemporaine importante de racisme et d’intolérance religieuse en Ontario[56]. L’islamophobie inclut le racisme, les stéréotypes, les préjugés, la peur et les actes d’hostilité dirigés contre des personnes musulmanes précises ou les adhérents à l’islam en général[57]. En plus de motiver des actes individuels d’intolérance et de profilage racial (voir la section 7.5), l’islamophobie peut amener les gens à penser que les musulmans constituent de plus grandes menaces à la sécurité sur le plan institutionnel, systémique et sociétal, et à les traiter ainsi[58]. Les représentations unilatérales, tout englobantes et négatives des musulmans ou de l’islam en général jouent un rôle central dans la normalisation et la reproduction des formes contemporaines d’islamophobie[59]. Ces représentations peuvent aussi mener à un traitement inéquitable et à une évaluation négative des musulmans, à la violation de leurs droits et à leur manque d’accès à des emplois et à des possibilités au sein de la société et de ses institutions. 

On attribue couramment au rapport Islamophobia: A Challenge for Us All, publié en 1997 par le Runnymede Trust de la Grande-Bretagne, la place et le profil accordés au terme « islamophobie » dans les politiques et débats publics. Le rapport définit l'islamophobie comme « la crainte, la haine et l'hostilité envers l'islam et les musulmans perpétrées par une série de vues fermées qui attribuent implicitement ou explicitement des stéréotypes et croyances négatifs et désobligeants aux musulmans ». Ces vues fermées incluent ce qui suit :

  • considérer l’islam « comme un bloc monolithique, statique et immuable »
  • considérer l’islam « comme distinct et "autre" » sans « valeurs communes avec les autres cultures », c’est-à-dire qu’il n’exerce aucune influence sur elles et vice versa
  • considérer l’islam comme « inférieur aux religions occidentales », plus particulièrement « comme une religion barbare, irrationnelle, primitive et sexiste »
  • considérer l’islam « comme une religion violente, agressive, menaçante, favorable au terrorisme et engagée dans un "choc de civilisations" »
  • considérer l’islam « comme une idéologie politique […] adoptée pour obtenir un avantage politique ou militaire »
  • « rejeter du revers de la main » les critiques dirigées vers l’Ouest par l’islam
  • utiliser « l’hostilité envers l’islam […] pour justifier les pratiques discriminatoires à l’endroit des musulmans et l’exclusion des musulmans de la société dominante »
  • considérer « comme naturelle et normale » l’hostilité à l’endroit des musulmans.

De nos jours en Ontario, la discrimination à l’égard des musulmans constitue une forme prédominante de discrimination fondée sur la croyance[60]. Les stéréotypes à l’endroit de la menace que représentent les musulmans pour la sécurité du Canada et les valeurs et les modes de vie canadiens sont particulièrement prononcés, tout comme le sont diverses formes de profilage racial[61]. En raison de l’animosité à leur endroit, les membres de minorités visibles sont parfois largement ciblés en raison de leur apparence et, dans certains cas, de leur association « perçue » à l’islam (p. ex. populations arabes et sud-asiatiques).

Un des premiers crimes haineux commis à la suite des événements du 11 septembre est survenu à Hamilton lorsqu’une personne a largué une bombe incendiaire sur un temple hindou, croyant qu’il s’agissait d’une mosquée. Il existe quantité d’autres exemples de membres de la foi sikhe ou de membres des communautés non musulmanes arabes, de l’Asie occidentale ou du Sud, ayant été mépris pour des musulmans en raison de leur apparence, de leur langue ou de leurs particularités visibles, et visés par des actes ciblant des musulmans[62].

Dans le cas de l’islamophobie et de l’antisémistisme, une tactique courante consiste à attribuer une culpabilité et un blâme collectifs à tous les adeptes de la religion lorsque des personnes ou des sous-groupes de personnes (y compris des États et acteurs non étatiques) commettent des actes répréhensibles ou haineux.

Les personnes de confessions sikhe, hindoue et bouddhiste font souvent l’objet de discrimination et de préjugés fondés sur une combinaison de racisme, de xénophobie et de désavantages liés à la foi.

Exemple : Un tribunal des droits de la personne a déterminé qu’un homme sikh portant un turban avait fait l’objet de discrimination quand il s’est vu refuser l’accès à un bar parce que, selon le portier, le bar avait « une image à protéger » et ne pouvait pas « laisser entrer trop de personnes à peau brune »[63].

En règle générale, plus les minorités ethniques et leurs pratiques religieuses sont perçues comme étant « visibles » et « différentes », et plus elles sont susceptibles d’être soumises à la loupe et à la censure de l’opinion publique.

Définition de xénophobie:

La xénophobie fait référence aux « attitudes, préjugés et comportements qui rejettent, excluent et traitent avec mépris certaines personnes parce qu’elles sont perçues comme des étrangers ne faisant pas partie de la collectivité, de la société ou l’identité nationale »[64].

Durant les consultations de la CODP, les participants ont souvent eu de la difficulté à clairement cerner la place qu’occupait la croyance dans leur traitement discriminatoire, mis à part le fait qu’il s’agissait d’un facteur déterminant général de la perception de leur « différence » et non-appartenance sur le plan ethnique et racial. Le Rapport de recherche et de consultation sur les droits de la personne et la croyance de la CODP examine plus profondément comment les sentiments xénophobes et racistes, parfois liés à une « réaction au multiculturalisme », pourraient conditionner les formes actuelles de discrimination et de préjugés fondés sur la croyance


[11]Cette diversité a précédé l’immigration à grande échelle au Canada et était caractérisée par les différentes traditions spirituelles des diverses communautés autochtones vivant en Ontario pendant des millénaires avant la colonisation européenne. Les principales formes de diversité religieuse observées chez les premiers colons européens consistaient en très grande majorité en des variantes du christianisme. L’Ontario compte une population juive depuis les années 1700. Les données statistiques compilées sur la religion depuis la fin du 19e siècle indiquent aussi que les sikhs, les musulmans, les bouddhistes et les hindous sont présents dans la société canadienne depuis au moins le premier recensement, même s’ils n’étaient pas toujours pris en compte. Voir Beaman, L. et Beyer, P. (éd.). Religion and Diversity in Canada, Boston, Brill Academic Publishers, 2008. Voir aussi Bromberg, A. « Sur l’adaptation et la discrimination religieuses vécues par les communautés juives en Ontario », Diversité canadienne, vol. 9, no 3 (2012), p. 61-63.

[12] Dans sa décision dans Samur v. City of Quebec, la Cour suprême du Canada fait remonter au Traité de Paris de 1763 la première expression de la liberté de religion au Canada. Tout en donnant à l’Angleterre (et par défaut à l’Église anglicane d’Angleterre) le contrôle sur la Nouvelle-France, ce traité « [accordait] aux habitants du Canada la liberté de la religion catholique ». [1953] 2 R.C.S. 299, au par. 357. Voir Bhabha, F. From whence to where and what not to wear : Refining the conception of religious freedom, document présenté durant l’atelier juridique de la Commission ontarienne des droits de la personne/Université York sur les droits de la personne, la croyance et la liberté de religion, Osgoode Hall, Université York, 29 et 30 mars, 2012.

[13] Voir le Rapport de recherche et de consultation sur les droits de la personne et la croyance pour en savoir davantage sur l’histoire de la gestion et de la gouvernance de la diversité religieuse au moyen de la législation canadienne et des politiques gouvernementales.

[14] Cela dit, un adhérent à la confession protestante dominante ou, dans une moindre mesure, au catholicisme. Seljak, D. « Protéger la liberté religieuse dans un Canada multiculturel », Diversité canadienne, vol. 9, no 3 (2012), p. 9. Le spécialiste des sciences de la religion, Peter Beyer (2008, p. 14) décrit davantage la norme culturelle-religieuse à l’œuvre durant une grande part de l’histoire du Canada : « Il y avait les blancs, les Européens, les chrétiens et les personnes civilisées, dont il est vrai que certaines étaient "plus égales que d’autres"; il y avait ensuite les "autres", ce groupe inaltérable qu’il fallait écarter ou "civiliser", dans la mesure où cela était possible. Beyer, P. « From far and wide : Canadian religious and cultural diversity in global/local context », dans Beaman, L. et Beyer, P. (éd.), Religion and Diversity in Canada (2008), Boston, Brill Academic Publishers p. 9-39.

[15] Dans la présente politique, le terme « autochtone » est utilisé dans un sens inclusif qui englobe tous les peuples et toutes les identités autochtones, y compris les indiens inscrits et non-inscrits, autochtones, amérindiens, Premières Nations, Métis et Inuits. On y reconnaît la préférence des peuples autochtones envers l’emploi de ce terme, en conformité avec le paragraphe 33(1) de la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones (« Les peuples autochtones ont le droit de décider de leur propre identité ou appartenance conformément à leurs coutumes et traditions […] »). Ce terme n’exclut pas d’autres termes d’auto-identification, et ne nie ou n’empêche pas la reconnaissance des « droits des autochtones et droits issus de traités » aux termes de la Constitution canadienne. D’autres termes sont utilisés dans la présente politique (p. ex. Premières Nations, Métis ou Inuits) au moment de faire référence à un sous-groupe spécifique de membres des peuples autochtones. D’autres termes, comme « indiens » peuvent aussi être utilisés dans des citations tirées d’autres sources.

[16]En résumant les principaux effets et objectifs de la Loi sur les indiens (appelée originalement l’Acte des Sauvages) de 1876, Beyer (2008, supra, note 14), fait remarquer :

« À la fin du 19e siècle, les gouvernements canadiens avaient adopté une politique commune d’assimilation complète des peuples autochtones et d’élimination des leurs identités religieuses et culturelles distinctes. L’Acte des Sauvages de 1876 en constituait le pilier et le plan directeur. Dans la pratique, cette loi donnait aux peuples autochtones le statut de pupilles de la Couronne, interdisait la pratique de leurs croyances, réprimait leurs formes d’organisation sociale et politique distinctes et variées et tentait de socialiser leurs enfants dans des pensionnats autochtones administrés par l’Église catholique et conçus de façon à éliminer toutes caractéristiques culturelles autochtones distinctes, y compris la langue » (p. 14).

[17] Jose R. Martinez Cobo, rapporteur spécial de la Sous-Commission de la lutte contre les mesures discriminatoires et de la protection des minorités des Nations-Unies, et plus tard rapporteur spécial sur la discrimination à l’endroit des peuples autochtones. Study on the Problem of Discrimination against Indigenous Populations, étude menée de 1972 à 1986, Doc. des N.-U. E/CN.4/Sub.2/1986/7, au par. 379. Aussi offert sous forme de publication des Nations Unies destinée à la vente (N.-U., numéro de vente E.86.XIV.3). Il est à noter cependant que la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones (DDPA) ne définit pas le terme « autochtone » afin de permettre aux peuples autochtones de se nommer et de se décrire eux-mêmes. Cela découle en partie de la reconnaissance des torts causés tout au long de l’histoire par la définition du fait autochtone par des tiers (comme l’indiquait la présidente-rapporteuse du Groupe de travail sur les populations autochtones, Mme Erica-Irene Daes, dans Doc. des N.-U.E/CN.4/Sub.2/AC.4/1995/3, p. 4; cité à la p.6 (pn 40) dans Association de droit international. Interim Conference Report, The Hague Conference (2010) – Rights of Indigenous Peoples, 2010. Extrait le 22 juin 2015 à l’adresse www.ila-hq.org/en/committees/index.cfm/cid/1024.

Néanmoins, dans les années 1980, le rapporteur spécial sur la discrimination à l’endroit des peuples autochtones, José Martínez Cobo, a élaboré la définition opératoire citée en vue de son emploi au sein du Groupe de travail sur les populations autochtones. Cette définition demeure l’une des descriptions les plus citées de la notion du fait « autochtone ». Plusieurs autres critères clés, qui ne constituent pas une définition officielle, ont depuis été « mis de l’avant par plusieurs différentes instances internationales, le plus récemment par l’Instance permanente des Nations Unies sur les questions autochtones […] [qui a établi] les caractéristiques suivantes :

  • Auto-identification : auto-identification au niveau personnel en tant que peuples autochtones
  • Continuité historique : ascendance commune et continuité historique avec les sociétés précoloniales et (ou) celles qui ont précédé les colonies de peuplement
  • Rapport spécial avec les territoires ancestraux : lien solide et spécial avec les territoires occupés par ses ancêtres avant la domination coloniale et les ressources naturelles environnantes; un tel lien constitue souvent le fondement du caractère distinct des peuples autochtones sur le plan culturel
  • Caractère distinct : systèmes sociaux, économiques et politiques distincts; langue, culture, convictions et droit coutumier distincts
  • Rapports non dominant : constitution de groupes non dominants au sein de la société
  • Perpétuation : persévérance en vue de maintenir et de perpétuer les environnements, les systèmes sociaux et juridiques ancestraux, et la culture propres à ces peuples et à ces communautés.

(Association de droit international, idem, p. 7-8, citant l’Instance permanente des Nations Unies pour les questions autochtones. Fiche, 21 Octobre 2007).

Pour en savoir davantage sur l’évolution de la définition du fait « autochtone » dans le contexte des droits de la personne sur le plan international et au sein des instances connexes, voir Association de droit international, idem; voir aussi le document d’information intitulé The Concept of Indigenous Peoples et préparé par le Secrétariat général de l’Instance permanente sur les questions autochtones, Nations Unies, Département des affaires économiques et sociales, Division des politiques sociales et du développement social; PFII/2004/WS.1/3; extrait en ligne pour la dernière fois le 25 juin 2015 à l’adresse www.un.org/esa/socdev/unpfii/documents/workshop_data_background.doc.

[18] Les pensionnats autochtones ont été conçus par le gouvernement de l’époque dans le but premier d’assimiler les peuples autochtones à la culture européenne occidentale, en retirant les enfants des Premières Nations de leur famille et communauté et en interdisant l’expression des langues, de la culture, de l’identité et de la spiritualité autochtones au sein de ces écoles. L’Ontario a exploité des pensionnats autochtones de 1880 à 1990 (au Canada, le dernier pensionnat autochtone a fermé ses portes en 1996 en Saskatchewan). La Convention de règlement relative aux pensionnats indiens nommait 139 pensionnats aux fins d’indemnisation d’anciens élèves. Pour en connaître davantage sur l’histoire et l’impact des pensionnats autochtones au Canada, voir la publication de 2012 de la Commission de vérité et réconciliation du Canada intitulée Ils sont venus pour les enfants. Extrait le 11 octobre 2013 du site Web de la CVR, à l’adresse twww.trc.ca.

[19] Dans le cadre du Rapport de la Commission royale sur les peuples autochtones de 1996, les peuples autochtones ont identifié quatre politiques parmi les plus injustes leur ayant été imposées : la Loi sir les indiens, les pensionnats autochtones, les réinstallations forcées et le traitement réservé à leurs anciens combattants. « [L’]effet cumulatif, indique le rapport, équivalait à un abus de pouvoir systémique ». Le rapport reconnaît également que ces politiques injustes, qui relèvent de l’histoire, ont des « impitoyables conséquences » qui « se font sentir aujourd’hui encore ». Rapport de la Commission royale sur les peuples autochtones, Ottawa, Canada Communication Group – Publishing, octobre 1996. Extrait en ligne le 31 octobre 2014 à l’adresse www.aadnc-aandc.gc.ca/fra/1100100014597/1100100014637.

[20] La première phrase est attribuée à Scott, Duncan. « The Future of the Indian », chapitre 4, Indian Affairs, 1867-1912, 1914, p. 211. Extrait en ligne à l’adresse www.canadianpoetry.ca/confederation/DCScott/address_essays_reviews/vol1/indian_affairs_1867_1912.html. Les autres énoncés sont attribués à Scott, tels qu’ils figurent dans les Archives nationales du Canada, groupe d’archives 10, vol. 6810, dossier 470-2-3, vol. 7, p. 55 (L-3) et 63 (N-3).

[21] La marginalisation des minorités chrétiennes et la discrimination faite à leur endroit s’ajoutait parfois à d’autres formes de racisme et de préjugés à l’endroit de classes et de « races » d’immigrants européens « moins désirables ». Voir le Rapport de recherche et de consultation sur les droits de la personne et la croyance pour en connaître davantage sur ces antécédents. Selon Bhabha, supra, note 12, les témoins de Jehovah ont joué un rôle considérable particulier dans l’avancement de la liberté de religion dans le contexte du droit canadien. Pour en savoir davantage sur l’expérience des adventistes du septième jour en Ontario au cours de l’histoire, voir aussi Bussey, B. W. « Tromperie! Les objecteurs de conscience adventistes du septième jour devant le conseil de mobilisation durant la Deuxième Guerre mondiale », Diversité canadienne, vol. 9, no 3 (2012), p. 71-74.

[22] À l’époque, les personnes juives formaient le second groupe confessionnel minoritaire non chrétien en importance au Canada, après les peuples autochtones. Elles figuraient également parmi les communautés religieuses victimes de la plus grave discrimination, ainsi que les premiers groupes religieux non chrétiens à s’établir en Ontario (dès les années 1970) (voir Bromberg, supra, note 11). Le Rapport de recherche et de consultation sur les droits de la personne et la croyance de la CODP aborde la vaste toile de restrictions à la Jim Crow qui barrait ouvertement l’accès et la participation des juifs à diverses institutions sociales, politiques, économiques et culturelles traditionnelles de la société ontarienne jusqu’au 20e siècle.

[23] Pour une analyse détaillée, voir Abella, I. et Troper, H. None Is Too Many : Canada and the Jews of Europe, 1933 to 1948, Toronto, Lester & Orpen Dennys, 1982.

[24] Henry, F. et Tator, C. et coll. The Colour of Democracy : Racism in Canadian Society (4e éd.), Toronto, Nelson Thomson, 2009.

[25] Noble et coll. v. Alley, [1951] R.C.S. 64.

[26] Pour une analyse plus détaillée et des exemples, voir Buckingham, J. E. « La relation entre les religions et la société laïque », Diversité canadienne, vol. 9, no 3 (2012), p. 12-15.

[27] Voir, par exemple, Angus McLaren et Arlene Tigar McLaren. The Bedroom and the State (2e édition)Oxford University Press, 1997. Voir aussi Stuart, A. « Freedom of Religion and Gender Equality : Inclusive or Exclusive », Human Rights Law Review, vol. 10, no 3 (2010), p. 429 à 459.

[28] Pour un exemple, voir aussi le Comité des droits de l’homme. Observation générale no 28, Égalité des droits entre hommes et femmes (Article 3), 29 mars 2000, CCPR/C/21/Rev.1/Add.10; 8 IHRR 303 (2001), au par. 5; Conseil de l’Europe (CE). Femmes et religion en Europe, résolution 1464 de l’Assemblée parlementaire, 15 Septembre 2005, Doc. 10670, aux par. 2 et 7.1; cité dans Stuart (Idem, 2010).

[29] Patrick Kelly et Samuel Moore, les deux premiers hommes à avoir, selon les dossiers historiques, été trouvés coupables de sodomie en vertu du Code criminel pour ce que le tribunal a clairement qualifié de rapports sexuels consensuels, sont arrivés au pénitencier de Kingston en 1842. Les deux hommes ont été condamnés à mort, bien que leur peine a plus tard été commuée; Samuel Moore a été libéré de prison en 1849 et Patrick Kelly en 1853. (« Life in the Provincial Penitentiary at Kingston 1841-1867 », The Drummer's Revenge, 26 août, 2007. Extrait en ligne le 13 mars 2015 à l’adresse https://thedrummersrevenge.wordpress.com/2007/08/26/life-in-the-provinci...). Le dernier cas d’emprisonnement pour des « actes homosexuels » remonte à 1965. En 1968, le ministre de la Justice Pierre Trudeau a déposé un projet de loi omnibus de réforme du Code criminel du Canada qui cherchait à libéraliser les lois canadiennes relatives à des questions sociales comme l’homosexualité, l’avortement et le divorce. La caractérisation de Pierre Trudeau se reflète dans l’énoncé selon lequelle « l’État n’a pas sa place dans la chambre à coucher de la nation ». En 1969, le Canada a décriminalisé les « actes homosexuels » entre adultes consentants au moyen de l’adoption de la Loi de 1968-69 modifiant le droit pénal.

[30] Dans son article Bugger Off : Exploring legal, ethical, and religious aspects of sodomy, Don Cochrane, professeur émérite des sciences de l’éducation à l’Université de la Saskatchewan soutient que « [l]es attitudes à propos de la sodomie ont été grandement influencées par la pensée et les institutions chrétiennes ». D’expliquer l’auteur :

Il est facile de faire l’illustration des liens entre la sodomie et la religion. Par exemple, même les termes juridiques utilisés en langue anglaise pour qualifier les rapports sexuels gais sont tirés de l’histoire de la religion chrétienne. « Bugger », un terme prisé en Angleterre, vient du latin médiéval « bulgarus », qui signifie hérétique et est né en Europe de l’association des Balkans à ce que l’on qualifiait de sectes hérétiques, comme les bogomiles et leurs supposées pratiques sexuelles. Si la dynastie théologique de « bugger » est quelque peu déviante, l’étymologie de « sodomie » est, en revanche, conventionnelle sur le plan théologique. Dans Genèse 19, on rapporte que la ville de Sodome a été détruite par Dieu, qui a fait pleuvoir le feu sur elle en raison des bassesses charnelles de ses habitants. L’interprétation à donner à cet acte destructeur d’un Dieu vindicatif a fait l’objet de nombreux débats vigoureux, mais nous pouvons croire en tout confiance que la Bible et l’histoire de l’Église ont eu une influence considérable sur le langage même autour duquel s’articulent la pensée et les propos sur l’homosexualité de nombreuses personnes. (Extrait le 30 mars 2015 à l’adresse www.usask.ca/education/profiles/cochrane/cochrane.pdf. Une version antérieure de cet article a été présentée lors de la 29e conférence annuelle de l’Association of Moral Education qui s’est tenue à Crakovie, en Pologne, du 16 au 20 juillet 2003.)

[31] Il est à noter que le mot « foi », tel qu’il est utilisé ici peut faire référence à l’engagement envers quelconque système de convictions, et non seulement envers une « foi religieuse ».

[32] Dans ce contexte, la notion de « préjudice » fait référence à des attitudes négatives profondes à l’égard de personnes en raison de leur croyance.

[33] Québec (Procureur général) c. A [2013] 1 R.C.S. 61, au par. 326, [Québec c. A].

[34] Peel Law Association v. Pieters, 2013 ONCA 396, aux par. 111-114, [Pieters].

[35] Voir, par exemple, les conclusions d’un sondage national mené en janvier/février 2014 par la Fondation canadienne des relations raciales et l'Institut canadien des identités et des migrations, qui révèle que « plus les répondants sont jeunes et plus ils ont une perception négative de tous les groupes religieux au Canada ». D’après le sondage, c’est d’ailleurs chez les Canadiens et Canadiennes les plus jeunes qu’on trouve les perceptions les plus négatives. « Les jeunes Canadiens affichent des opinions négatives au sujet des groupes religieux », Canada Newswire, 28 mai 2014. Quelle que soit la génération, les attitudes négatives étaient les plus prononcées à l’endroit des musulmans (44 %), suivis des « croyants » en général (31 %), des autochtones (26 %) et des immigrants (24 %). Pour de plus amples renseignements, voir aussi le Document d'information sur les résultats du sondage sur la religion, le racisme et les relations intergroupes. Extrait du site Web de la Fondation canadienne des relations raciales à l’adresse www.crrf-fcrr.ca/fr/component/flexicontent/280-actualites-et-evenements/24977-sondage-sur-la-religion-le-racisme-et-les-relations-intergroupes.

[36] Pour en connaître davantage sur ces stéréotypes, voir Bradamat, P. « Religion in Canada in 2017 : Are we prepared? » Canadian Issues / Thèmes canadiens, 2007, p. 199-122. Voir aussi Seljak, D., Rennick, J., Schmidt, A., Da Silva, K. et Bramadat, P. Religion and Multiculturalism in Canada : The Challenge of Religious Intolerance and Discrimination, 2007, 2e rapport de recherche sur le multiculturalisme et les droits de la personne (inédit), commandé par Patrimoine Canada.

[37] Gilbert v. 2093132 Ontario, 2011 HRTO 672. Cependant, le TDPO a également conclu que le bar avait pris la décision d’annuler l’événement pour des raisons commerciales légitimes et non discriminatoires.

[38] Voir le Rapport de recherche et de consultation sur les droits de la personne et la croyance pour en connaître davantage sur les désavantages systémiques liés à la foi.

[39] Voir le Rapport de recherche et de consultation sur les droits de la personne et la croyance pour une analyse plus poussée et des exemples de ce que Seljak appelle l’» époque du Canada chrétien » et du privilège historique accordé en Ontario au christianisme au sein de la vie publique et des institutions, en accord avec les sensibilités religieuses de la grande majorité de la population ontarienne au cours de l’histoire. Parmi les vestiges les plus évidents de ce privilège au sein de la vie publique figure aujourd’hui le financement public accordé uniquement aux écoles catholiques en Ontario. Les penseurs ont pointé du doigt de nombreuses aux formes institutionnelles et symboliques de ce que Seljak (2012) qualifie de christianisme résiduel de nos jours. Voir aussi Seljak, D. « Protéger la liberté religieuse dans un Canada multiculturel », Diversité canadienne, vol. 9, no 3 (2012), p. 8-11, Extrait de www.ohrc.on.ca/fr/la-croyance-la-libert%C3%A9-de-religion-et-les-droits-....

[40] Voir la section 9.11.6 pour en connaître davantage sur le débat juridique canadien relatif au sens de « laïque » et sur l’adoption par la Cour suprême d’un modèle « laïque ouvert ». Voir aussi le Rapport de recherche et de consultation sur les droits de la personne et la croyance de la CODP.

[41] Mouvement laïque québécois c. Saguenay (Ville), 2015 CSC, aux par. 87-88, [Saguenay]. Voir aussi la section 10.3 sur l’affichage de symboles religieux ou liés à la croyance.

[42] De telles normes ont été violées ou menacées, ou perçues comme ayant été violées ou menacées, dans le contexte de nombreuses controverses contemporaines relatives à la religion dans la sphère publique, par exemple les controverses mettant en scène des musulmans, juifs, sikhs, hindous, bouddhistes et minorités chrétiennes marginales. Les enquêtes et sondages d’opinion indiquent également qu’une situation à deux poids deux mesures prévaut parfois, rendant l’expression de convictions religieuses en public tolérable si ces convictions cadrent avec le passé chrétien dominant du pays mais inacceptable si elles proviennent de minorités religieuses. Voir le Rapport de recherche et de consultation sur les droits de la personne et la croyance pour une analyse plus poussée de l’expression des normes et postulats culturels sur la religion dans la législation. Voir aussi Beaman, L. « The Myth of Pluralism, Diversity, and Vigor : The Constitutional Privilege of Protestantism in the United States and Canada », Journal for the Scientific Study of Religion, vol. 42 (2003), p. 311-325; Seljak 2012, supra, note 14; Seljak et coll. 2007, supra, note 36; Sullivan, W.The Impossibility of Religious Freedom (1st ed), Princeton, New Jersey, Princeton University Press, 2007; Berger, B. « Encourager le fondamentalisme : Le droit en tant que force culturelle dans le domaine de la religion », Canadian Diversity, vol. 9, no 3 (2012), p. 25- 29. www.ohrc.on.ca/fr/la-croyance-la-libert%C3%A9-de-religion-et-les-droits-....

[43] Il existe de nombreuses définitions du racisme. Bien qu’elles diffèrent parfois sur les plans de la complexité et du point de vue, toutes les définitions font état d’une idéologie basée explicitement ou implicitement sur la supériorité inhérente d’un groupe racialisé par rapport aux autres. Le racisme se distingue du simple préjugé du fait qu’il est aussi associé au pouvoir social, politique, économique et institutionnel détenu par le groupe dominant de la société. Pour obtenir un complément d’information sur les éléments clés à connaître pour comprendre le racisme, voir le document de la CODP intitulé Politique et directives sur le racisme et la discrimination raciale.

[44] Dans le Rapport de la Commission sur le racisme systémique dans le système de justice pénale en Ontario, on définit la racialisation comme un processus par lequel les sociétés assoient la notion que les races sont réelles, différentes et inégales, de façons qui importent pour la vie sociale, économique et politique (1995, Toronto, Imprimeur de la Reine pour l’Ontario, p. 40- 41; coprésidée par D. Cole et M. Gittens). La racialisation s’étend non seulement aux membres d’un groupe en général, mais aussi à des traits et attributs spécifiques qui ont un rapport quelconque avec les personnes racialisées et sont jugés « anormaux » et de moindre valeur. Chez certains, les préjugés se rattachent à une variété de caractéristiques racialisées. Outre les traits physiques, d’autres caractéristiques peuvent être racialisées, y compris : les convictions ou pratiques, l’accent et le mode d’élocution, le nom, les vêtements et l’apparence, le régime alimentaire, les loisirs privilégiés, le lieu d’origine et la citoyenneté.

[45] Salyer, L. « Review of "What blood won't tell" », Journal of Legal Education, vol. 60, no 1 (2010), p. 179-182.

[46] Pour en savoir davantage sur ce que les penseurs ont appelé la « racialisation de la religion », voir Meer, N. « Racialization and Religion : Race, Culture and Difference in the Study of Antisemitism and Islamophobia », Ethnic and Racial Studies, vol. 36, no 3 (2013), p. 385-398; Modood, T. Multicultural Politics : Racism, Ethnicity and Muslims in Britain, University of Minnesota Press, 2005; Bayoumi, M. « Racing Religion »,The New Centennial Review, vol. 6, no 2 (2006), p. 267-293; Selod, S. et Embrick, D. G. « Racialization and Muslims : Situating the Muslim Experience in Race scholarship », Sociology Compass, vol. 7, no 8 (2013), p. 644-655.

La religion et la race peuvent être liées de nombreuses façons, à la fois en tant que cause et qu’effet l’une de l’autre. Par exemple, un reportage de la Canadian Press affirmait qu’un psychologue danois attribuait une variété de problèmes sociaux dans le monde islamique à la sanction des mariages entre cousins germains par la loi islamique laquelle, à ses yeux « pouvait avoir fait un tort catastrophique à son patrimoine héréditaire » (tel que rapporté dans l’article du 27 octobre 2010 du Hamilton Spectator intitulé « Psychologist critical of Muslim ‘inbreeding’ informed expert’s opinion on Khadr »; extrait le 20 janvier 2015 à l’adresse www.thespec.com/news-story/2175926-psychologist-critical-of-muslim-inbre...). L’établissement d’un tel lien entre la religion, les problèmes sociaux et la génétique cadre avec la « pensée raciale » traditionnelle selon laquelle la culture (y compris la religion) et le caractère sont liés à la biologie, c’est-à-dire dans le sang.

[47] Selon Galonnier (2015, p.5),

la racialisation de l’islam fait référence au processus d’attribution d’un sens racial au fait d’être musulman en l’association à un nombre de caractéristiques phénotypiques et culturelles jugées immuables et hériditaires. Ce phénomène n’est pas nouveau. Les origines formelles de la racialisation de l’islam remontent aux 15e et 16e siècles en Espagne, où la catégorie de la race est émergée d’un lien difficile avec la religion (Soyer 2013, Harvey 2005, Frederickson 2002). Selon Rana (2011, p. 33-39), c’est à cette époque que « les musulmans ont commencé à être définis selon leur croisement racial et des notions de négrité ».

Sources : Galonnier, J. « When "White Devils" Join the Deen: White American Converts to Islam and the Experience of Non-Normative Whiteness », OSC Notes & Documents n° 2015-01, février 2015; Soyer, F. « Faith, Culture and Fear: Comparing Islamophobia in Early Modern Spain and Twenty-First Century Europe », Ethnic and Racial Studies, vol. 36, no 3, 2013, p. 399-416; Harvey, L. P. Muslims in Spain 1500-1614, Chicago, University of Chicago Press, 2005; Frederickson, G. M. Racism: A Short History, Princeton, Princeton University Press, 2002. Rana, J. The Story of Islamophobia. « Souls: A Critical Journal of Black Politics », Culture and Society, vol. 9, no 2 (2007), p. 148-161.

[48] En observant cette tendance, le professeur de droit américain, Neil Gotanda, écrit :

Après le 11 septembre, des crimes haineux commis à l’endroit des arabes, des musulmans, des Asiatiques du Sud et d’autres personnes qui « ressemblent à » des terroristes musulmans ont été rapportés en grand nombre, et ont fait l’objet de nombreuses discussions. Les écrits populaires et les revues savantes ont longuement traité du fait que la violence raciale visait des catégories raciales émergentes (Saito 2001; Volpp 2002; Ahmad 2004). Le San Francisco Chronicle a rapporté qu’» un nouveau stéréotype racial émerge en Amérique. Les hommes à peau brune portant la barbe et les femmes portant le voile sont assimilés aux « musulmans », sans égard à leur véritable foi ou nationalité » (Kuruvila 2006). Les caractérisations exactes pouvaient varier, mais la plupart incluaient l’islam ou le fait musulman à la catégorie (2011, p185-186. « The Racialization of Islam in American Law », Annals of the American Academy of Political and Social ScienceVol. 637, Race, Religion, and Late Democracy, septembre 2011, p. 184-195.

Sources citées : Saito, N. T. « Symbolism under siege: Japanese American redress and the “racing” of Arab Americans as “terrorists” », Asian Law Journal, vol. 8 (2001), p. 1-26; Volpp, L. « The citizen and the terrorist », UCLA Law Review, vol. 49 (2002), p. 1575-1599; Ahmad, M. I. « A rage shared bylaw : Post-September 11 racial violence as crimes of passion », California Law review, vol. 92, no 5 (2004), p. 1259-1295; Kuruvila, M.C. « 9/11: Five years later. Typecasting Muslims as a Race », San Francisco Chronicle, 3 septembre 2006. Extrait le 3 avril 2015 de www.sfgate.com/news/article/9-11-Five-years-later-TYPECASTING-MUSLIMS-AS-A-2470155.php.

[49] Un corpus scientifique considérable explore les raisons pour lesquelles les différences sur le plan de la religion, de la culture et de l’ethnicité peuvent parfois être « racialisées », ainsi que la manière dont cela se fait, laquelle entraîne parfois un durcissement des positions et des « justifications » à l’origine de la discrimination envers les minorités religieuses et ethniques. Cela a été qualifié par moment de « nouveau racisme » ou de « néoracisme » (racisme sans race), ce qui diffère des anciennes formes dominantes de racisme fondées sur la biologie et la couleur de la peau. Soulignant la façon dont le « néoracisme » s’articule souvent autour de la religion, le théoricien des sciences sociales et politiques Étienne Balibar (2007, p. 85) explique ce qui suit :

Nous voyons ici que le naturalisme biologique ou génétique n’est pas la seule forme de naturalisation du comportement humain et des affinités sociales [...] [L]a culture peut aussi fonctionner comme la nature, et peut surtout servir de façon de confiner à priori les personnes et les groupes dans une généalogie, dans une détermination d’origine immuable et intangible.

Pour en savoir davantage sur les qualités distinctives du « néoracisme » contemporain, voir les écrits de Barker (1981) sur le « nouveau racisme », de Miles (2003) sur la « racialisation », de Modood (1997) sur le « racisme culturel » et de Taguieff (2001) sur le « racisme différencialiste ». Sources citées : Balibar, E. « Is there “neo-racism”? », Gupta, T. D., James, C.E., Maaka, R. C. A., Galabuzi, G.E. et Anderson, C. (éd.), Race and Racialization: Essential Readings, Toronto, Canadian Scholars Press Inc., 2007p. 83-88; Barker, M. The New Racism, London, Junction Books, 1981; Miles, R. Racism, 2e édition, New York, Routledge, 2003. Modood, T. et coll. Ethnic Minorities in Britain, London, Policy Studies Institute, 1997; Taguieff, P.-A. The Force of Prejudice, Minneapolis: University of Minnesota Press, 2001.

[50] Le terme « antisémistisme » a été créé dans les années 1870 par des personnes qui faisaient explicitement la promotion de la haine à caractère raciale à l’endroit des juifs. Des historiens ont soutenu que ce terme reflète le fait que le fondement de la discrimination, de la haine et de la violence contre les juifs est passé de la religion (« antijudaïsme ») à la race. Pour en savoir davantage sur l’évolution historique d’un antijudaïsme ou Judenhass (haine des juifs) au racisme antisémite de l’ère moderne, tel qu’identifié pour la première fois (Antisemitismus) par son exposant intellectuel allemand, Wilhelm Marr en 1879, voir le Rapport de recherche et de consultation sur les droits de la personne et la croyance de la CODP. Voir aussi Bunzl, M. « Anti-semitism and Islamophobia », dans Bunzel, M. (éd.), Ant-semitism and Islamophobia : Hatreds Old and New in Europe, Chicago, Prickly Paradigm Press, 2007, p. 1-46.

[51] Par exemple, la montée d’un « nouvel antisémitisme » davantage articulé autour de l’« anti-sionisme », de la politique et de la religion que de la race. Voir Ben-Moshe. « The New Anti-Semitism », dans Gopalkrishnan, N. et Babacan, H. (éd.), Racisms in the New World Order. Realities of Cultures, Colours and Identity, UK, Cambridge Scholars Publishing, 2007, p. 107-123. Tout en reconnaissant que l’antisionisme peut prendre des formes antisémites, le rapport de 2004 de l’Observatoire européen des phénomènes racistes et xénophobes de l’Union européenne laisse entendre qu’il est légitime de parler d’» antisémitisme » uniquement quand des juifs sont ciblés « en tant que juifs ». De cet angle, les points de vue antisionistes sont uniquement antisémites si l’» on perçoit Israël comme étant un représentant du “fait juif” et non l’“État d’Israël”, c’est-à-dire en tant qu’État critiqué pour ses politiques concrètes ». Observatoire européen des phénomènes racistes et xénophobes. Les manifestations de l’antisémitisme dans l’Union européenne 2002-2003, 2004; cité dans Bunzl, 2007, idem.

[52] La CODP utilise la graphie « antisémitisme » plutôt que « anti-sémitisme » en conformité avec l’emploi du terme par l’Observatoire européen des phénomènes racistes et xénophobes, tel qu’énoncé dans son rapport de 2002-2003 :

Du point de vue de l’orthographe, nous avons préféré « antisémitisme » à « anti-sémitisme ». Cette distinction rend compte du passage d’un antisémitisme raciste à un antisémitisme culturaliste et permet, à cet égard, d’éviter le problème de la réification (et donc de l’affirmation) de l’existence des races en général et de la « race sémite » en particulier (Idem. Extrait le 10 mai 2014 de http://fra.europa.eu/sites/default/files/fra_uploads/184-AS-main-report-..., p.11).

Le terme « antisémitisme » est également préféré au terme « anti-sémitisme » parce qu’en minant la notion d’une race « sémite », il mine aussi les revendications de membres d’autres communautés culturelles ou nationales non juives qui disent faire partie d’un groupe racial « sémite » et subir également de l’anti-sémitisme. Cela, soutiennent les détracteurs, mine et affaiblit le passé et le sens propres aux termes, et leur association à des attitudes préjudiciables et à la discrimination ciblant spécifiquement les personnes juives. Voir également Mock, K. et Shipman, L. « It’s time to end word games and combat racism », publié à l’origine en 1992, Canadian Jewish News; adopté par la Commission sur l’antisémitisme à la Conférence mondiale contre le racisme, la discrimination raciale, la xénophobie et l’intolérance, qui s’est tenue à Durban, en Afrique du Sud, en 2001, et adapté en vue d’une présentation dans le cadre du projet de documentation de l’antisémitisme de l’Université de Tel Aviv en 2002.

[53] Fondation canadienne des relations raciales, Glossaire de la FCRR : Antisémitisme. Extrait le 23 septembre 2014 de www.crr.ca/fr/bibliotheque/glossaire-fr-fr-1/item/22895-antisemitisme.

[54] Idem.

[55] En partie en reconnaissance de cela, la Coalition parlementaire canadienne de lutte contre l’antisémitisme a été créée en 2009 par les quatre grands partis politiques fédéraux pour se pencher sur l’antisémitisme, y compris ses nouvelles formes, et le combattre.

[56] Des penseurs ont fait remarquer que l’islamophobie et d’autres formes contemporaines de discrimination et de préjugés fondés sur la religion et la croyance en Ontario ont été fortement alimentées par les forces de la mondialisation, y compris le mouvement de l’information médiatique, des communications et des personnes à l’échelle mondiale, et la connaissance (parfois même la transplantation) des conflits qui éclatent ailleurs dans le monde. Les événements du « 11 septembre » et la « guerre contre le terrorisme » ont eu un effet important sur l’orientation prise par la discrimination et les préjugés, faisant parfois planer une ombre sinistre et un ton acrimonieux sur les débats publics relatifs au multiculturalisme et à l’accommodement religieux dans la sphère publique. Voir le Rapport de recherche et de consultation sur les droits de la personne et la croyance de la CODP; voir aussi Esposito, J. et Kalim, I. (éd.). Islamophobia: The Challenge of Pluralism in the 21st Century, New York, Oxford University Press, 2011.

[57] Si le terme « islamophobie » signifie littéralement « peur » de l’« islam », on y accorde généralement un sens plus large, qui comprend : à la fois des formes institutionnelles et systémiques d’intolérance et de discrimination; des sentiments et comportements à la fois anti-islam (la religion) et anti-musulman (groupe de personnes).

[58] Voir Razack, S. Casting Out: Race and the Eviction of Muslims From Western Law and Politics, Toronto, University of Toronto Press, 2008.

[59] Voir Gottschalk, P et Greenberg, G. Islamophobia: Making Muslims the Enemy, Rowman & Littlefield Publishers, 2007. Voir également Poynting, S., et Perry, B. « Climates of Hate: Media and State Inspired Victimisation of Muslims in Canada and Australia since 9/11 », Current Issues in Criminal Justice vol. 19, no 2 (2007); Bakht, N. Belonging and Banishment: Being Muslim in Canada, TSAR Publications, 2008.

[60] L’examen mené par la CODP des requêtes pour atteinte aux droits de la personne relatifs à la croyance déposées auprès du Tribunal des droits de la personne de l’Ontario durant les exercices de 2010-2011, 2011-2012 et 2014-2015 a révélé que les musulmans étaient les plus nombreux à déposer des requêtes auprès du TDPO citant la croyance comme motif de discrimination au cours des trois années. Bien que les requêtes déposées soient insuffisantes, à elles seules, pour faire la démonstration de tendances véritables sur le plan de la discrimination (étant donné qu’elles dénotent uniquement la perception de discrimination, alléguée par leur dépôt), cette conclusion cadre avec la documentation du domaine des sciences sociales et les sondages effectués sur le sujet. Voir le Rapport de recherche et de consultation sur les droits de la personne et la croyance pour obtenir une analyse plus poussée des requêtes pour atteinte aux droits de la personne au motif de la croyance déposées auprès du TDPO.

[61] La recherche en sciences sociales et les sondages sur le sujet font état d’une tendance croissante à la méfiance, à la peur et à l’animosité envers les musulmans en Ontario et au Canada depuis les événements du 11 septembre; une tendance qui, selon les penseurs, rend l’islamophobie de plus en plus courante et acceptée socialement (voir le Rapport de recherche et de consultation sur les droits de la personne et la croyance). Par exemple, selon un sondage exhaustif mené en 2006-2007 par la firme Environics Canada (cité dans Adams, 2009, p. 23), 28 % de la population générale du Canada croient que « la plupart » ou « beaucoup » de Canadiennes et de Canadiens ont de l’hostilité envers les musulmans. Adams, Michael. « Les musulmans au Canada : Les résultats de l’enquête 2007 d’Environics », Horizons, Gouvernement du Canada, Projet de recherche sur les politiques, 2009, vol. 10, no 2, p. 19-26. Extrait de http://publications.gc.ca/collections/collection_2009/policyresearch/CP12-1-10-2F.pdf. Une variété de sondages d’opinion et d’autres enquêtes menés ultérieurement ont révélé des niveaux croissants d’animosité à l’endroit des musulmans, qui sont généralement vus comme le moins aimé et digne de confiance de tous les groupes confessionnels, ethniques ou raciaux de la population générale canadienne. Par exemple, les résultats des trois derniers sondages nationaux exhaustifs sur la religion, la liberté religieuse et les valeurs menés par le cabinet Angus Reid Global montrent que plus de la moitié de la population canadienne (54 %) avait une impression défavorable de l’islam, comparativement à 46 % de la population en 2009 (« Canadians view non-Christian religions with uncertainty, dislike », Angus Reid Global, 2 octobre 2013, extrait le 11 janvier 2015 de www.angusreidglobal.com/wp-content/uploads/2013/10/Canadians-view-non-Ch...). Selon un autre sondage du 10 septembre 2010 de la Fondation canadienne des relations raciales et de l’Association d’études canadiennes, 30,9 % de la population canadienne sont « fortement en désaccord » avec l’affirmation que « les musulmans partagent nos valeurs ». Muslims and non-Muslims in Canada and the United States : Nine Years after 9-11, extrait le 18 janvier 2015 de www.crrf.ca/divers-files/en/survey/muslims_canada_usa.pdf. Pour en connaître davantage sur l’acceptabilité croissante de l’islamophobie, voir Allen, C. IslamophobiaBurlington, VT, Ashgate Publishing Company, 2010. Voir aussi Lean, N. The Islamophobia Industry, Pluto Press, 2012.

[62] Voir CBC News du 17 novembre 2013. « Arrests in post 9/11 'hate' attack on Hamilton Hindu temple : New evidence has led to three arrests for temple arson ». Extrait en ligne 21 janvier 2015 de www.cbc.ca/news/canada/hamilton/news/arrests-in-post-9-11-hate-attack-on....

[63] Randhawa v. Tequila Bar and Grill Ltd., 2008 AHRC 3, au par. 66.

[64] Declaration on Racism, Discrimination, Xenophobia and Related Intolerance against Migrants and Trafficked Persons. Rencontre des ONG de l’Asie-Pacifique en vue de la Conférence mondiale contre le racisme, la discrimination raciale, la xénophobie et l’intolérance qui y est associée, Téhéran, Iran, 18 février 2001; tel que cité dans International Migration, Racism, Discrimination and Xenophobia, publication préparée par le Bureau international du Travail (BIT), l’Organisation internationale pour les migrations (OIM) et le Haut-Commissariat des Nations-Unies aux droits de l’homme (HCNUDH), 2001. Extrait en ligne le 3 juillet 2014 de www.unesco.org/most/migration/imrdx.pdf.

4. Cadre stratégique

La croyance est l’un des motifs de discrimination interdits aux termes du Code des droits de la personne de l’Ontario. Au moment d’interpréter le sens du mot « croyance », il est important de tenir compte du fait que la province a adopté ce terme (« creed » en anglais) dans ses mesures législatives touchant les droits de la personne, et non un terme différent (comme religion, convictions religieuses ou croyance religieuse, utilisées par d’autres compétences dans leurs lois relatives aux droits de la personne). Le choix du terme laisse entendre que la croyance pourrait avoir un sens distinct de celui de ces autres termes étroitement liés[65].

Le Code ne définit pas le concept de discrimination. L’interprétation du terme croyance et des convictions et pratiques rattachées à la croyance évolue au fil du temps, tout comme les formes de discrimination fondée sur la croyance.

La signification accordée au terme « croyance » diffère d’une personne à l’autre. La consultation de la CODP a permis aux participants de faire part de certaines des limites de ce terme.

Certaines personnes, y compris certains peuples autochtones et autres groupes adhérant à des traditions culturelles et spirituelles minoritaires n’utiliseraient pas les termes « religion » ou « croyance » pour décrire leurs convictions, malgré le fait qu’elles bénéficient de protection dans le contexte de ce motif de discrimination interdit aux termes du Code[66].

Au fil du temps, les protections des droits relatifs à la croyance consenties aux termes du Code ont été étendues à un éventail croissant de convictions et de pratiques, y compris certaines qui n’ont aucun lien à une religion organisée officielle, à des textes sacrés, à des doctrines officielles ou à des autorités institutionnelles.

La présente politique interprète les protections consenties aux termes du Code de façon libérale et téléologique (autrement dit, d’une façon qui reflète l’esprit et l’objet du Code). Cette façon de procéder concorde avec le principe que, vu son statut quasi constitutionnel, on doit donner au Code l’interprétation libérale qui est la plus susceptible de mener à la réalisation de ses objectifs de lutte contre la discrimination.

4.1 Qu’est-ce que la croyance?

Aux termes du Code, la croyance inclut sans si limiter nécessairement la « croyance religieuse » ou la « religion »[67]. Compte tenu de la nature évolutive des systèmes de convictions au fil du temps et de la nécessité de donner une interprétation libérale et téléologique aux protection consenties à la croyance aux termes du Code, la présente politique n’offre pas de définition universelle et définitive de la croyance[68]. Cependant, les caractéristiques suivantes sont pertinentes lorsqu’il s’agit de déterminer si un système de convictions constitue une croyance aux termes du Code. Une croyance :

  • est sincère, profonde et adoptée de façon volontaire[69]
  • est intégralement liée à la façon dont la personne se définit et s’épanouit sur le plan spirituel[70]
  • constitue un système particulier de convictions qui est à la fois exhaustif et fondamental, et régit la conduite et les pratiques de la personne[71]
  • aborde les questions ultimes de l’existence humaine, dont les idées sur la vie, son sens, la mort et l’existence ou non d’un Créateur et (ou) d’un ordre d’existence supérieur ou différent[72]
  • a un lien quelconque avec une organisation ou une communauté professant un système commun de convictions, ou une connexion à une telle communauté[73].

Si de l’incertitude demeure à la suite de la prise en compte des critères susmentionnés, il devrait être tenu compte de l’objectif d’ensemble du Code et plus généralement des autres lois relatives aux droits de la personne[74].

La religion offre un exemple typique des types de convictions ou de pratiques protégées par le Code au motif de la croyance[75]. Selon la Cour suprême du Canada, bien qu’on ne puisse définir précisément la religion, il est possible de la distinguer des convictions et pratiques rattachées à la croyance « qui possèdent une source laïque ou sociale ou sont dictées par la conscience »[76]. Dans l’arrêt Amselem[77], la Cour suprême définit la religion de façon libérale et y incluant typiquement : « un système particulier et complet de dogmes et de pratiques », « une croyance dans l’existence d’une puissance divine, surhumaine ou dominante » et « de profondes croyances ou convictions volontaires » qui « se rattachent à la foi spirituelle de l’individu et qui sont intégralement liées à la façon dont celui-ci se définit et s’épanouit spirituellement ». Le fait de se soumettre à de telles convictions permet à la personne « de communiquer avec l’être divin ou avec le sujet ou l’objet de cette foi spirituelle »[78].

Pour être reconnu comme une religion ou une croyance aux termes du Code, un système de convictions n’a pas besoin de faire intervenir un ou plusieurs dieux ou un être suprême quelconque. La religion ou la croyance inclut les convictions ou pratiques spirituelles des cultures autochtones. Elle peut inclure également de nouvelles religions ou croyances (évaluées au cas par cas en tenant compte des facteurs susmentionnés)[79].

Exemple : Un arbitre du travail a conclu qu’un employeur aurait dû tenir compte des besoins d’un employé qui adhérait au système de convictions de la Rocky Mountain Mystery School en lui permettant de prendre congé pour participer à un pèlerinage aux montagnes Rocheuses. En déterminant que l’employeur aurait dû prendre de telles mesures d’adaptation, l’arbitre a implicitement admis que l’affaire faisait intervenir le motif de la croyance.[80]

Les organisations devraient accepter de bonne foi qu’une personne pratique une croyance, à moins d’avoir de bonnes raisons de croire le contraire. Les tribunaux administratifs et judiciaires ont généralement hésité à exclure des convictions du motif de la croyance aux premières étapes d’instances de revendication de droits de la personne relatifs à la croyance.

En même temps, la croyance au sens du Code ne s’étend pas à toutes les convictions, opinions, expressions, pratiques ou questions de conscience. Contrairement aux lois d’autres autorités législatives, le Code de l’Ontario n’inclut pas les convictions politiques à ses motifs de discrimination interdits. Jusqu’à présent, aucun tribunal administratif ou judiciaire n’a déterminé qu’une opinion ou conviction politique quelconque constituait une croyance aux termes du Code de l’Ontario. Cependant, certaines décisions ont ouvert la porte à la reconnaissance d’un système exhaustif de convictions politiques ou philosophiques à titre de croyance aux termes du Code[81]. Les personnes adhérant à des convictions politiques qui chevauchent considérablement leurs convictions rattachées à la croyance peuvent aussi bénéficier de protection aux termes du Code, si la croyance est un facteur dans leur traitement discriminatoire[82].

Exemple : La Cour divisionnaire de l’Ontario a conclu que les points de vue d’une personne à l’égard du conflit israélo-palestinien n’équivalaient pas à une croyance aux termes du Code, mais plutôt à une opinion politique sur une question précise, ce qu’a confirmé la Cour d’appel de l’Ontario. La Cour a reconnu que la définition de la croyance variait d’un dictionnaire à l’autre, et que certains dictionnaires incluaient à la définition les systèmes de convictions laïques. Elle a ajouté que le terme pourrait inclure un ensemble exhaustif de principes, mais que son sens comprend d’ordinaire une dimension religieuse. La Cour a ensuite explicitement affirmé la possibilité qu’une « perspective politique comme le communisme, composée d’une structure ou d’un système cohésif et reconnu de convictions » puisse constituer une croyance, mais qu’il n’était pas nécessaire de résoudre cette question dans le cadre de cette affaire.[83]

Lorsqu’il existe des raisons suffisantes d’en douter, il peut parfois être nécessaire de procéder à une investigation objective de l’existence d’une croyance[84]. Habituellement, cela ne concerne que de cas rares. Dans de tels cas, il faudrait aussi tenir compte des critères susmentionnés. Il peut parfois ne pas être suffisant que la croyance soit sincère pour établir qu’elle constitue bien une croyance digne de protection au sens du Code[85].

Au moment d’établir l’existence d’une croyance, il n’est habituellement pas pertinent d’évaluer la « qualité » du système de convictions, son caractère « raisonnable » ou sa capacité de résister à un examen scientifique[86].

Exemple : Une association de personnes âgées d’origine chinoise a été reconnue coupable de discrimination fondée sur la croyance pour avoir révoqué le statut de membre d’une femme parce qu’elle pratiquait le Falun Gong. Le TDPO a rejeté l’argument de l’association selon lequel Falun Gong est assimilable à un « culte » et ne devrait pas être inclus aux croyances protégées par le Code. Le TDPO a affirmé ce qui suit : « Il ne revient pas au tribunal de déterminer si un système de convictions est raisonnable, s’il résisterait à un examen scientifique ou s’il épouse des convictions correspondant aux valeurs de la Charte »[87].

Les tribunaux judiciaires et le TDPO ont aussi mis en garde contre l’utilisation de normes et de conceptions « occidentales » ou « dominantes » de ce que constitue une religion ou une croyance au moment d’évaluer si un système de convictions équivaut à une religion ou à une croyance aux termes du Code ou de la Charte[88].

Exemple : Il a été déterminé que le Falun Gong s’inscrivait dans la notion de « croyance » au sens du Code à titre de système de convictions, de culte et d’observance des rites, malgré le fait que ses adeptes le décrivent comme une « pratique de développement spirituel » par opposition à une « religion ». Le TDPO a fondé sa décision en partie sur des éléments de preuve d’experts qui expliquaient que la notion de « religion » est considérablement différente en Chine, par rapport à l’Occident, et que selon la terminologie occidentale, le Falun Gong serait considéré comme une croyance[89].

4.2 Pratiques exclues

Les protections des droits de la personne relatifs à la croyance ne s’étendent pas aux pratiques et observances qui sont haineuses[90], qui incitent à la haine ou à la violence contre d’autres groupes ou personnes, ou qui contreviennent au droit criminel.

Exemple : Une école permet aux élèves de créer des clubs parascolaires fondés sur des intérêts communs, moyennant une approbation préalable. L’école reçoit de plusieurs élèves une demande de création d’un club pour adeptes de convictions chrétiennes extrêmes en lien avec le suprématisme blanc. L’école refuse la demande, en affirmant qu’elle n’a pas d’obligation de permettre aux adeptes d’une telle croyance de former un club en milieu scolaire et qu’un tel club empoisonnerait l’environnement scolaire des autres élèves.

Exemple : Un groupe religieux croit en les châtiments corporels pour motifs religieux. Les membres des familles de la communauté religieuse ne peuvent pas revendiquer de protection aux termes du Code afin de commettre des gestes qui exposeraient leurs enfants à des formes extrêmes de négligence et de violence physique qui contreviennent au droit criminel.

Le droit de mettre en pratique et d’exprimer des convictions rattachées à la croyance peut également être limité s’il nuit à l’exercice d’autres droits protégés par le Code ou la Charte, ou s’il annonce l’intention de faire de la discrimination dans un domaine social protégé aux termes de l’article 13 du Code[91].


[65] Pour un examen de la terminologie utilisée par d’autres compétences et les répercussions fondées sur les principes applicables d’interprétation des lois, voir le Rapport de recherche et de consultation sur les droits de la personne et la croyance (section IV, 2.1).

[66] Durant la consultation sur la croyance de la CODP, des participants ont indiqué que le terme anglais « creed » pouvait dénoter et refléter une interprétation historique, chrétienne et occidentale, particulière de la religion et de la conviction, en raison de l’attention portée à une doctrine officielle et des énoncés écrits de convictions (voir le Rapport de recherche et de consultation sur les droits de la personne et la croyance). D’autres ont fait remarquer que, du point de vue d’une variété de peuples autochtones en particulier, ce terme a tendance à compartimenter ou à isoler ce qui, pour de nombreuses personnes, est vécu comme une mode de vie global.

 [67] Plusieurs décisions ont reconnu la possibilité que le terme croyance ait une portée plus large que le terme religion. Par exemple, dans l’affaire R.C. v. District School Board of Niagara, le TDPO a affirmé : « Je me fis à la traduction française “croyance” que l’on retrouve dans le Code, laquelle reflète une conception plus large de la croyance qui tient compte des convictions plutôt que de la seule identification à un ensemble structuré d’opinions religieuses », 2013 HRTO 1382, au par. 42, [R.C.]. Voir aussi Singh v. Security and Investigation Services Ltd. (31 May, 1977), Toronto (Ont. Bd. Inq., Cumming) [non publié], cité dans Rand v. Sealy Eastern Ltd. (1982), 3 C.H.R.R. D/938 (Ont. Bd. Inq.), au par. 8373. Dans l’arrêt Singh, l’une des premières décisions sur la croyance de l’Ontario, la commission, qui entendait la plainte d’un homme sikh à qui on avait refusé un emploi parce qu’il portait la barbe et le turban, a décrit la croyance comme étant dérivée du mot latin « credo » qui signifie « je crois », et s’est reportée aux définitions du terme anglais « creed » des dictionnaires Oxford et Webster :

Dans l’Oxford : « Un système accepté ou professé de convictions religieuses : la foi d’un individu ou d’une collectivité, en particulier de la façon dont elle s’exprime ou est susceptible d’expression dans une formule définie ».

Dans le Webster : « Toute formule de confession d’une foi religieuse; un système de convictions religieuses, en particulier de la façon dont il est exprimé ou exprimable dans un énoncé défini; parfois, un sommaire des principes ou d’un ensemble d’opinions professés ou acceptés en sciences, en politique, ou autres domaines semblables; en tant que croyance d’espoir ». [Souligné dans l’original.]

[68] Comme on l’indiquait plus tôt, l’interprétation de la croyance et de ce qui est considéré comme des convictions et pratiques rattachées à la croyance évolue au fil du temps et diffère d’une culture à l’autre, comme le font les formes de discrimination fondées sur la croyance. On a adopté ici une approche de description de la croyance qui est à la fois flexible et fondée sur des principes afin de permettre une interprétation large, libérale, téléologique et contextuelle du Code. Pour une analyse des difficultés et limites de toute tentative d’adoption d’une définition universelle et précise de termes comme religion et croyance, voir Sullivan, W., supra, note 42; Kislowicz, K. « Tenter de verser un océan dans un gobelet en carton : Un argument pour la “dé-définition de la religion” », Canadian Diversity, vol. 9, no 3 (2012), p. 29-32. Extrait de www.ohrc.on.ca/fr/la-croyance-la-libert%C3%A9-de-religion-et-les-droits-... Sztybel, D. Giving credence to philosophical creeds: The cases of Buddhism and veganism, document présenté durant l’atelier juridique de la Commission ontarienne des droits de la personne/Université York sur les droits de la personne, la croyance et la liberté de religion, Osgoode Hall, Université York, 29-30 mars 2012. Extrait de https://docs.google.com/file/d/0BwFvhg37TTCjS1Awa1JSNkJZNWM/preview?pli=1.

[69] Amselem, supra, note 5, aux par. 39, 46.

[70] Idem, par. 39. Voir aussi Richard Moon. « Freedom of Religion Under the Charter of Rights: The Limits of State Neutrality », U.B.C. L. Rev., vol. 45, 497, 2012, p. 498-499 [Moon], cité dans Loyola, supra, note 8, au par. 44 :

À la base de l’exigence de cette neutralité [de l’État] et du principe du cloisonnement entre, d’une part, les convictions et les pratiques religieuses et, d’autre part, les décisions politiques, se trouve une conception de la croyance et de l’engagement religieux qui sont profondément enracinés, ou de l’engagement envisagé comme un élément de l’identité de l’individu plutôt que comme une simple question de choix ou de jugement personnels […] Si la religion constitue un aspect de l’identité d’une personne, l’État qui considère les pratiques ou les convictions religieuses de cette personne comme étant moins importantes ou moins véridiques que celles d’une autre ou qui marginalise d’une manière ou d’une autre sa communauté religieuse ne fait pas que rejeter les opinions et les valeurs de cette personne; il nie que cette personne a la même valeur que les autres êtres humains. [Note de bas de page omise; p. 507.]

[71] Cette caractéristique s’inspire de l’arrêt Amselem, supra, note 5, au par. 39, dans le cadre duquel la Cour a affirmé que la religion « s’entend typiquement d’un système particulier et complet de croyances et de pratiques ». Elle s’inspire aussi des descriptions de la religion, aux fins de sa protection aux termes du par. 2(a) de la Charte, dans Edward Books, supra, note 5, au par. 97 (« Ces croyances […] régissent notre comportement et nos pratiques »), ainsi que dans Bennett c. Canada (Procureur général), 2011 CF 1310 (CanLII), au par. 55 (« qui est complet, créant un telos, un groupe universel de croyances [Bennett] »).

[72] Cette caractéristique s’inspire d’énoncés faits dans Edwards Bookssupra, note 5 et dans R.C., supra, note 67. Dans Edwards Books, la Cour suprême du Canada fait allusion à la nature des convictions protégées aux termes du par. 2(a) de la Chartre (au par. 97) :

L’alinéa 2(a) a pour objet d’assurer que la société ne s’ingérera pas dans les croyances intimes profondes qui régissent la perception qu’on a de soi, de l’humanité, de la nature et, dans certains cas, d’un être supérieur ou différent. Ces croyances, à leur tour, régissent notre comportement et nos pratiques.

Elle s’inspire aussi des indicateurs de la religion abordés dans Bennett, ibid, au p. 55 et inf. pour d’autres motifs 2013 FCA 161, comme :

  1. qui s’intéresse à des idées fondamentales […] au sujet de la vie, de la raison d’être et de la mort;
  2. qui renferme des croyances métaphysiques transcendant le monde physique et apparent;
  3. qui contient un système moral et éthique;
  4. qui est complet, créant un telos, un groupe universel de croyances qui se fondent pour apporter au croyant les réponses à un grand nombre des problèmes auxquels les êtres humains sont confrontés, si ce n’est à tous ces problèmes.

Bien que la présente politique établisse une distinction entre les convictions religieuses et les autres types de convictions, ces critères n’excluent pas la possibilité qu’un système exhaustif de convictions non religieuses constitue une croyance aux termes du Code.

[73] Des décisions judiciaires ont abordé la dimension collective de la religion et de la croyance. Voir, plus récemment, la décision de la Cour suprême du Canada dans Loyola, supra, note 8, par. 60. Cependant, cela ne signifie pas qu’il ne puisse pas y avoir de différences dans la manière que les gens interprètent ou observent un système professé de convictions (voir la section 9.3.2). De plus, le fait d’avoir un système de convictions unique ou hybride n’empêche quiconque de bénéficier de protections relatives aux droits de la personne.

[74] Selon la Cour suprême dans Montréal (Ville) c. Québec (Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse), en raison de leur nature quasi-constitutionnelle, le Code et les autres lois relatives aux droits de la personne doivent être interprétés de façon large et libérale à la lumière de leur contexte et de leurs objectifs : [2000] 1 R.C.S. 665, aux par. 27-29, [Montréal (Ville)]; voir aussi Commission ontarienne des droits de la personne c. Simpsons-Sears Ltd., [1985] 2 R.C.S. 536, p. 546-547 [O’Malley].

Selon O’Malley, le préambule du Code offre des indications sur sa nature et son objet. Voici un extrait de ce préambule :

Attendu que la reconnaissance de la dignité inhérente à tous les membres de la famille humaine et de leurs droits égaux et inaliénables constitue le fondement de la liberté, de la justice et de la paix dans le monde et est conforme à la Déclaration universelle des droits de l’homme proclamée par les Nations Unies;

Attendu que l’Ontario a pour principe de reconnaître la dignité et la valeur de toute personne et d’assurer à tous les mêmes droits et les mêmes chances, sans discrimination contraire à la loi, et que la province vise à créer un climat de compréhension et de respect mutuel de la dignité et de la valeur de toute personne de façon que chacun se sente partie intégrante de la collectivité et apte à contribuer pleinement à l’avancement et au bien-être de la collectivité et de la province […]

[75] La Cour suprême du Canada a affirmé ce qui suit : « Historiquement, la foi et la pratique religieuses sont, à bien des égards, des archétypes des croyances et manifestations dictées par la conscience et elles sont donc protégées par la Charte »; Big Msupra, note 5, au par. 123.

[76] Amselemsupra, note 5, au par. 39.

[77] Idem.

[78] Idem.

[79] Les tribunaux judiciaires et administratifs ont reconnu une grande variété de convictions religieuses et spirituelles aux termes des lois relatives aux droits de la personne et la Charte, y compris les pratiques spirituelles autochtones (voir Kelly v. British Columbia (Public Safety and Solicitor General) (No. 3), 2011 BCHRT 183 (CanLII) [Kelly]), wiccannes (voir Re O.P.S.E.U. and Forer (1985), 52 O.R. (2d) 705 (C.A.) [Forer]), raéliennes (voir Chabot c. Conseil scolaire catholique Franco-Nord, 2010 HRTO 2460 (CanLII)) et des adeptes du Falun Gong (voir Huang v. 1233065 Ontario, 2011 HRTO 825 (CanLII) [Huang]).

[80] Communications, Energy and Paperworkers Union of Canada Local 722-M v. Global Communications, 195 L.A.C. (4th) 217, [2010] C.L.A.D. No. 298 (QL).

[81] Voir, par exemple, Jazairi v. Ontario (Human Rights Commission), 1999 CanLII 3744 (Ont. CA) [Jazairi ONCA], et Al-Dandachi v. SNC-Lavalin Inc., 2012 ONSC 6534 (CanLII).

[82] Dans Al-Dandachi v. SNC-Lavalin Inc., idem, la Cour supérieure de justice de l’Ontario a rejeté la demande d’un intimé d’annuler une requête relative aux droits de la personne afférente à une poursuite au civil. Le requérant alléguait qu’il avait été licencié pour avoir fait part de ses opinions sur le conflit armé en Syrie, lesquelles étaient inextricablement liées à son identité en tant que musulman et Canadien d’origine syrienne. L’intimé soutenait que la requête reposait sur de la discrimination fondée sur les opinions politiques du requérant, auxquelles le Code ne s’applique pas. La Cour supérieure a cité la décision Jazairi de la Cour d’appel de l’Ontario, idem, et conclu que le tribunal avait expressément laissé le champ libre à l’inclusion d’autres systèmes d’opinions politiques aux croyances reconnues. Elle a aussi noté que la requête faisait un lien entre le licenciement et les points de vue de l’homme, en tant que personne d’origine syrienne dont les convictions religieuses s’opposent à l’extrémisme. Par conséquent, la Cour n’a pas pu conclure qu’il était évident que la requête n’aurait pas pu porter des fruits.

[83] Jazairi v. Ontario (Human Rights Commission), [1997] CanLII 12445 (Ont. S.C.), aux par. 34, 39 et 40. [Jazairi ONSC]; confirmé dans Jazairi ONCA, supra, note 81. La Cour d’appel de l’Ontario a confirmé la décision originale, ainsi que l’importance d’évaluer chaque affaire relative à la croyance sur les faits qui lui sont propres. Le tribunal a souligné qu’il ne lui incombait pas en l’instance de résoudre la question de savoir si une autre perspective politique donnée, fondée sur un système cohérent de convictions, pouvait ou non constituer une « croyance ». Le tribunal a observé que ce serait une erreur de traiter de questions aussi importantes dans l’abstrait. Voir Jazairi ONCA, au par. 28.

[84] Voir la section 9.6 pour en savoir davantage sur les renseignements à fournir, y compris la nature et la portée appropriées des demandes d’information.

[85] Bien que l’approche subjective adoptée en matière de liberté de religion confirmée dans Amselem laisse entendre qu’on doit s’en tenir à la façon dont la personne interprète sa religion ou sa croyance, sans égard à ce que font ou croient les autres, pourvu que ses convictions soient sincères, cette approche n’exclut pas l’investigation objective de la conviction ou pratique d’une personne pour déterminer si elle suffisamment liée à une religion ou une croyance (voir les sections 9.5. et 9.6). Voir aussi Bennett, supra, aux par. 7-8, citant Amselemsupra, note 5, aux par. 50, 42, 39.

[86] Dans Huangsupra, note 79, l’intimé a contesté en vain, sur cette base, le fait que le Falun Gong était une croyance.

[87] Idem, par. 34. Le TDPO a clarifié sa position, aux par. 32-34 :

À mes yeux, il existe une différence entre l’établissement de limites sur l’exercice d’une liberté de religion parce qu’elle porte atteinte aux droits d’autrui et le refus d’étendre la notion de « croyance » à un mouvement religieux parce que certaines des convictions qu’il véhicule peuvent ne pas cadrer avec les valeurs exprimées dans la Charte. Comme le fait remarquer la Commission, les tribunaux judiciaires et des droits de la personne se sont généralement gardés de juger la validité de convictions sincères […] Ce n’est pas au tribunal de déterminer si un système de convictions est raisonnable, pourrait résister au moindre examen scientifique ou épouse des valeurs qui sont compatibles avec les valeurs de la Charte.

[88] Voir Huang, idem. Cela pourrait mener à l’exclusion de nombreuses religions et pratiques fondées sur la croyance valides, comme celles qui ne sont pas « monothéistes », ne reposent pas sur de textes sacrés faisant authorité ou sont considérées comme des religions « païennes » ou « nouvelles ». Par exemple, dans l’arrêt Re O.P.S.E.U. and Forer, supra, note 79, le tribunal a conclu que la Wicca correspondait à la notion de « religion » au sens de la convention collective. Cette décision d’un conseil d’arbitrage en matière de travail abordait la question de l’observance religieuse de la perspective « large, libérale et essentiellement subjective » établie dans une décision antérieure de la Cour d’appel de l’Ontario. Dans cette affaire, la Cour d’appel avait souligné la diversité des religions et des pratiques religieuses au Canada et avait insisté sur le fait que ce qui constitue une conviction ou une pratique religieuse pour certains peut être considéré comme laïque par d’autres. La notion de religion ne doit pas être interprétée selon le point de vue de la « majorité » ou du « courant dominant » d’une société.

[89] Huang, supra, note 79.

[90] La Cour suprême a établi un seuil élevé en vue de la détermination de ce qui peut être considéré comme de la « haine » dans le contexte des lois relatives aux droits de la personne qui interdisent les propos haineux. Saskatchewan (Human Rights Commission) c. Whatcott, [2013] 1 SCR 467, au par. 59, établit une définition de la haine dans le contexte des mesures législatives interdisant les propos haineux. La Cour a résumé les exigences dans ce domaine, en stipulant ce qui suit :

À la lumière de ces trois principes, lorsque le mot « haine » est employé dans une loi sur les droits de la personne pour interdire certains propos, il faudrait l’appliquer de façon objective pour déterminer si une personne raisonnable, informée du contexte et des circonstances, estimerait que les propos sont susceptibles d’exposer autrui à la détestation et à la diffamation pour un motif de discrimination illicite.

Les pratiques haineuses pourraient également être sujettes à des poursuites aux termes du Code criminel.

[91] Le par. 13(1) du Code interdit le fait de publier ou d’exposer en public un avis, un écriteau, un symbole, un emblème ou une autre représentation analogue qui indique l’intention de porter atteinte à un droit (discrimination) dans un domaine social (par exemple, la publication d’une intention de refuser un logement, un emploi ou des services, comme l’accès à un restaurant ou à un magasin, à une personne en raison de sa race, de sa religion ou d’un autre motif énuméré). Cependant, cette mesure ne doit pas porter entrave à la liberté d’expression d’opinions (comme l’indique le par. 13(2)).


 

5. Cadre législatif

5.1 Code des droits de la personne

La Partie 1 du Code protège les personnes contre la discrimination et le harcèlement fondés sur la croyance dans cinq « domaines sociaux » :

  • Biens, services et installations (article 1). La catégorie « service » est très vaste et peut inclure des services qui appartiennent à des entreprises privées ou des organismes publics, ou sont administrés par de tels entreprises ou organismes, notamment dans les secteurs de l’éducation, de la restauration, du maintien de l’ordre, des soins de santé, des centres commerciaux et de l’assurance. Le harcèlement fondé sur la croyance est une forme de discrimination et est donc interdit en contexte de services (voir la section 8.2 ci-après pour un complément d’information sur le harcèlement)[92].
  • Accès au logement (article 2). Cela inclut l’accès à un logement locatif privé, logement coopératif, logement social, logement subventionné et logement avec services de soutien, ainsi qu’aux traitements qui y sont offerts.
  • Établissement de contrats avec autrui (article 3). Cela inclut le fait de conclure un contrat ou d’y mettre fin, d’établir des prix ou des modalités, et de faire de la discrimination durant la vie du contrat.
  • Emploi (article 5). L’emploi inclut le travail à temps plein et partiel, le bénévolat, les stages étudiants, les programmes d’emploi spéciaux, le travail avec période d’essai [93] et le travail temporaire ou à contrat.
  • L’association ou l’appartenance à un syndicat, à une association professionnelle ou autre (article 6). Cela s’applique à l’adhésion aux syndicats et à l’inscription aux professions autonomes, y compris aux modalités d’adhésion et au traitement des membres.

Un des aspects fondamentaux du Code est sa primauté sur toutes les autres lois de l’Ontario, sauf celles qui indiquent expressément qu’elles s’appliquent malgré le Code. Donc, en cas de conflit entre le Code et une autre loi provinciale, le Code a préséance à moins que l’autre loi n’indique le contraire[94].

Aux termes du Code, le droit à un traitement égal en matière de croyance inclut le droit à un traitement égal, quelle que soit la croyance, sans accorder de privilège ou causer de désavantage à quiconque, ou prévenir quiconque de participer à un domaine social protégé par le Code au motif de sa croyance (ou absence de croyance particulière). Le droit à un traitement égal peut parfois obliger les personnes et organisations à prendre des mesures d’adaptation positives pour tenir compte des observances relatives à la croyance des personnes.

Le motif de la croyance, comme la religion, a des caractéristiques distinctes. Premièrement, la croyance a généralement une importante dimension d’association. Autrement dit, elle peut nécessiter la participation à des activités de groupe et groupements collectifs, ou s’exprimer par l’entremise de tels groupements ou activités[95]. Deuxièmement, une croyance peut prendre des formes multiples et variées, compte tenu de son fondement subjectif et de son enracinement dans des « convictions sincères ». De nombreuses personnes pensent que la croyance devrait céder la place à d’autres besoins ou droits soi-disant plus importants en raison du fait que les convictions rattachées à la croyance peuvent changer. Bien qu’on puisse penser qu’il soit facile pour une personne de modifier ses convictions rattachées à la croyance, la Cour suprême a indiqué que la religion était « modifiable uniquement à un prix inacceptable du point de vue de l’identité personnelle » et n’est pas moins digne de protection que tout autre droit[96].

« [L]a croyance ou l’engagement religieux [est] profondément enraciné […] comme un élément de l’identité de l’individu plutôt que comme une simple question de choix ou de jugement personnel ». - Richard Moon, tel que cité par la Cour suprême du Canada[97]

Même si la Cour suprême parlait de religion, on peut en dire autant de la croyance.

Enfin, selon les circonstances, le droit à un traitement égal en matière de croyance peut être revendiqué non seulement aux termes des dispositions relatives à l’égalité de l’article 15 de la Charte (comme les autres motifs du Code) mais aussi des dispositions relatives aux « libertés fondamentales » de la Constitution (liberté de conscience et de religion à l’al. 2a) de la Charte).

Malgré certains aspects particuliers des droits religieux ou relatifs à la croyance, la Cour suprême du Canada a confirmé qu’il n’y a pas de hiérarchie de droits et que la croyance mérite la même considération, la même protection et le même respect que tous les autres droits de la personne (voir la Politique sur les droits de la personne contradictoires de la CODP)[98].

L’article 9 du Code interdit la discrimination directe ou indirecte. L’article 11 indique que la discrimination inclut la discrimination indirecte ou par suite d’un effet préjudiciable, laquelle survient quand une exigence, une politique, une norme, une qualité requise ou un critère semble « neutre », mais exclut ou désavantage les membres d'un groupe protégé par le Code [99].

Les personnes qui adhèrent à une croyance ou qui font l’objet de discrimination en raison de leur croyance ou de l’absence de croyance spécifique sont aussi protégées aux termes de l’article 8 du Code si elles subissent des représailles ou des menaces de représailles pour avoir revendiqué leurs droits de la personne[100].

Les membres de la collectivité sont également protégés contre toute discrimination fondée sur leur association à une personne qui adhère à une croyance ou n’adhère à aucune croyance (article 12). Cela peut s’appliquer aux amis, membres de la famille[101] ou autres, comme ceux et celles qui interviennent au nom de personnes ayant des antécédents religieux ou rattachés à une croyance.

Le Code comprend des défenses et exceptions spécifiques qui permettent d’adopter des conduites qui autrement seraient discriminatoires. Les défenses prévues au Code s’appliquent, sans s’y limiter, aux programmes spéciaux (art. 14), aux groupements sélectifs (art. 18), à la célébration du mariage par les autorités religieuses (art. 18.1), aux droits des écoles séparées (art. 19), à l’utilisation restreinte d’installations pour des raisons fondées sur le sexe (art. 20) et aux emplois particuliers (art. 24). Pour en savoir davantage sur ces défenses, voir la section 8.

L’organisation qui souhaite invoquer les défenses ou exceptions prévues doit démontrer qu’elle répond à toutes les exigences de la disposition pertinente.

5.2 Charte des droits et libertés

La Charte canadienne des droits et libertés garantit que les politiques, pratiques et lois de tous les paliers de gouvernement respectent les droits civils, droits politiques et droits à l’égalité de chacun[102]. Contrairement au Code, qui s’applique au secteur public et aux entités privées, la Charte ne s’applique qu’au gouvernement, mais touche les politiques, les programmes et les lois du gouvernement. Aucun gouvernement ne peut enfreindre les droits prévus par la Charte, à moins que leur violation soit justifiée aux termes de l’article 1, qui vise à déterminer si la contravention des droits prévus à la Charte est justifiée dans les circonstances.

Dans certains cas, la Charte peut aider à interpréter la portée des protections relatives aux droits de la personne en matière de croyance.

L’article 15 de la Charte garantit que tous ont droit à la même protection et au même bénéfice aux termes de la loi, sans discrimination fondée sur la religion, entre autres motifs. Cette garantie d’égalité s’apparente à l’objet du Code[103].

L’alinéa 2(a) de la Charte protège la « liberté de conscience et de religion » en tant que liberté fondamentale au Canada. La Cour suprême du Canada a défini la « liberté de religion » aux termes de la Charte dans la cause R. c. Big M Drug Mart Ltd. :

Le concept de la liberté de religion se définit essentiellement comme le droit de croire ce que l’on veut en matière religieuse, le droit de professer ouvertement des croyances religieuses sans crainte d’empêchement ou de représailles et le droit de manifester ses croyances religieuses par leur mise en pratique et par le culte ou par leur enseignement et leur propagation. Toutefois, ce concept signifie beaucoup plus que cela. […] La liberté au sens large comporte l’absence de coercition et de contrainte et le droit de manifester ses croyances et pratiques. La liberté signifie que […] nul ne peut être forcé d'agir contrairement à ses croyances ou à sa conscience[104].

Bien des décisions de la Cour suprême du Canada ont confirmé l’objet essentiel de la liberté de religion ainsi que son importance fondamentale au sein d’une société démocratique[105].

L’alinéa 2(a) de la Charte protège également la liberté de conscience, qui a des objets sous-jacents similaires[106].

Le Code et la Charte ont des objectifs en commun, et on interprète souvent l’un à la lumière de l’autre. Cependant, ces lois diffèrent considérablement sur le plan de leur objet, et le rapport qu’elles devraient entretenir entre elles continue de susciter de grands débats[107]. Par exemple, la protection de la liberté de religion aux termes de l’al. 2(a) de la Charte a pour principal objectif de préserver la liberté individuelle. Le Code a pour objectif principal de préserver et de promouvoir l’égalité et la non-discrimination entre les personnes, en leur qualité de membres de groupes définis par le Code[108]. Toute analyse menée aux termes du Code doit déterminer non seulement si les personnes sont ultimement libres de mettre en pratique leur croyance, mais également si elles bénéficient d’un accès, d’un traitement et d’avantages égaux dans les domaines de l’emploi, du logement, des contrats et des services. Par conséquent, il ne serait pas approprié ou suffisant d’assimiler de façon réductrice les droits relatifs à l’égalité en matière de croyance protégés par le Code aux droits à la liberté consentis par la Charte.

5.3 Droits de la personne sur la scène internationale

Les lois et instruments internationaux relatifs aux droits de la personne établissent les normes et obligations que doivent inclure les lois et politiques internes en matière de droits de la personne. Les tribunaux canadiens peuvent citer explicitement ces lois et instruments internationaux au moment de rendre des décisions judiciaires, ce qu’ils ont d’ailleurs fait par le passé, particulièrement en cas d’ambiguïté quant à l’interprétation des lois canadiennes en matière de droits de la personne[109].

« Il faut présumer que la Charte accorde une protection au moins aussi grande que les instruments internationaux ratifiés par le Canada en matière de droits de la personne ». - Cour suprême du Canada[110]

L’article 18 de la Déclaration universelle des droits de l’homme (DUDH) indique ce qui suit :

Toute personne a droit à la liberté de pensée, de conscience et de religion; ce droit implique la liberté de changer de religion ou de conviction, ainsi que la liberté de manifester sa religion ou sa conviction individuellement ou collectivement, en public ou en privé, par le culte, l’enseignement, les pratiques et l’accomplissement des rites.

Les articles 2 et 7 of la DUDH garantie également à toute personne des protections égales devant la loi, sans distinction aucune, y compris en matière de religion[111].

L’article 18 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques (PIDCP) de 1966 inclut les dispositions suivantes :

  1. Toute personne a droit à la liberté de pensée, de conscience et de religion. Ce droit implique la liberté d’avoir ou d’adopter une religion ou n’importe quelle conviction de son choix, ainsi que la liberté de manifester sa religion ou sa conviction, individuellement ou en commun, tant en public qu’en privé, par le culte et l’accomplissement des rites, les pratiques et l’enseignement.
  2. Nul ne subira de contrainte pouvant porter atteinte à sa liberté d'avoir ou d'adopter une religion ou une conviction de son choix.
  3. La liberté de manifester sa religion ou ses convictions ne peut faire l’objet que des seules restrictions prévues par la loi et qui sont nécessaires à la protection de la sécurité, de l’ordre et de la santé publique, ou de la morale ou des libertés et droits fondamentaux d’autrui.
  4. Les États parties au présent Pacte s'engagent à respecter la liberté des parents et, le cas échéant, des tuteurs légaux de faire assurer l'éducation religieuse et morale de leurs enfants conformément à leurs propres convictions[112].

L’article 2.2. du Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels (PIDESC) de 1966 indique ce qui suit :

Les États parties au présent Pacte s’engagent à garantir que les droits qui y sont énoncés seront exercés sans discrimination aucune fondée sur la race, la couleur, le sexe, la langue, la religion, l'opinion politique ou toute autre opinion, l'origine nationale ou sociale, la fortune, la naissance ou toute autre situation.

La Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones (DDPA) fixe des normes minimales, ainsi qu’un cadre d’évaluation des droits des personnes autochtones partout dans le monde qui est reconnu à l’échelle internationale. Elle inclut aussi des dispositions visant à protéger le droit des peuples autochtones de mettre en pratique leurs convictions religieuses et spirituelles[113]. Par exemple, le par. 12(1) indique ce qui suit :

Les peuples autochtones ont le droit de manifester, de pratiquer, de promouvoir et d’enseigner leurs traditions, coutumes et rites religieux et spirituels; le droit d’entretenir et de protéger leurs sites religieux et culturels et d’y avoir accès en privé; le droit d’utiliser leurs objets rituels et d’en disposer; et le droit au rapatriement de leurs restes humains[114].

Le Canada a ratifié la DUDH, le PIDCP, le PIDESC et la DDPA, et est également signataire de la Déclaration sur l’élimination de toutes les formes d’intolérance et de discrimination fondées sur la religion ou la conviction de 1981, qui appelle à l‘inclusion de l’ensemble de ces droits dans la législation nationale (et, par le fait même, dans la législation provinciale)[115].


[92] Voir Haykin v. Roth, 2009 HRTO 2017 (CanLII), [Haykin], qui confirme que le Code peut interdire le harcèlement en matière de services, qu’il considère comme de la discrimination.

[93] Voir Lane v. ADGA Group Consultants Inc., 2007 HRTO 34 (CanLII); ADGA Group Consultants Inc. v. Lane (2008), 91 O.R. (3d) 649 (Ont. Div. Ct.) [ADGA v. Lane] et Osvald v. Videocomm Technologies, 2010 HRTO 770 (CanLII), aux par. 34 et 54.

[94] L’article 47 du Code indique ce qui suit : (1) La présente loi lie la Couronne et tous ses organismes; (2) Lorsqu’une disposition d’une loi ou d’un règlement se présente comme exigeant ou autorisant une conduite qui constitue une infraction à la partie I, la présente loi s’applique et prévaut, à moins que la loi ou le règlement visé ne précise expressément qu’il s’applique malgré la présente loi. L.R.O. 1990, chap. H.19, par. 47(2).

[95] Voir p. ex. Loyolasupra, note 8, aux par. 59-60. La dimension des droits relatifs à la croyance portant sur l’association est aussi abordée à la section 8, qui traite entre autres des défenses et exceptions consenties par le Code aux organisations religieuses en reconnaissance de cette dimension collective des droits relatifs à la croyance et de l’expression de la croyance.

[96] En reconnaissance du rôle déterminant que joue la religion dans la vie des gens, leur vision du monde et leur identité, la Cour suprême du Canada a affirmé que la religion était « immuable » parce qu’elle était « modifiable uniquement à un prix personnel inacceptable ». Corbiere c. Canada (Ministre des Affaires indiennes et du Nord canadien), [1999] 2 R.C.S. 203, au par. 13.

[97] Moonsupra, note 70, cité dans Loyola, Cour suprême du Canada, supra, note 8, au par. 44. Voir aussi Saguenaysupra, note 41, au par. 73, citant Moon : « Le professeur R. Moon fait observer qu’une conviction religieuse est plus qu’une opinion. Elle est le prisme à travers lequel une personne perçoit et explique la réalité qui l’entoure. Elle définit le cadre moral qui guide sa conduite. La religion est partie intégrante de l’identité de chacun ».

[98] La loi établit clairement que les personnes protégées au motif de la croyance ont le droit au même niveau de protection que celles qui sont protégées aux termes d’autres motifs du Code. Il est important de noter que les tribunaux ont rejeté, comme justification des comportements discriminatoires, l’argument selon lequel une personne peut éviter de faire l’objet de discrimination ou d’intolérance en modifiant ses comportements ou convictions et en effectuant des choix différents (voir p. ex. la décision de la Cour suprême du Canada dans Québec (Procureur général) c. Asupra, note 33, aux par. 336-337).

[99] Voir la section 7.8 pour obtenir plus de renseignements.

[100] Voir la section 7.10 sur les représailles pour obtenir plus de renseignements.

[101] Voir Knibbs v. Brant Artillery Gunners Club, 2011 HRTO 1032 (CanLII) [Knibbs], et Petterson and Poirier v. Gorcak (No. 3), 2009 BCHRT 439 (CanLII) [Petterson].

[102] Contrairement à cela, le Code s’applique au secteur public et aux entités privées.

[103] Les dispositions de l’article 15 de la Charte sur les droits à l’égalité indiquent ce qui suit :

15(1) La loi ne fait acception de personne et s’applique également à tous, et tous ont droit à la même protection et au même bénéfice de la loi, indépendamment de toute discrimination, notamment des discriminations fondées sur la race, l’origine nationale ou ethnique, la couleur, la religion, le sexe, l’âge ou les déficiences mentales ou physiques.

15(2) Le paragraphe (1) n’a pas pour effet d’interdire les lois, programmes ou activités destinés à améliorer la situation d’individus ou de groupes défavorisés, notamment du fait de leur race, de leur origine nationale ou ethnique, de leur couleur, de leur religion, de leur sexe, de leur âge ou de leurs déficiences mentales ou physiques [nous soulignons].

[104] Big Msupra, note 5, aux par. 94-95.

[105] Dans Big M, idem, la Cour suprême du Canada a affirmé (aux par. 122-123) :

[Et] l’insistance sur la conscience et le jugement individuels est […] au cœur de notre tradition politique démocratique. La possibilité qu'à chaque citoyen de prendre des décisions libres et éclairées constitue la condition sine qua non de la légitimité, de l'acceptabilité et de l'efficacité de notre système d'auto-détermination. C'est précisément parce que les droits qui se rattachent à la liberté de conscience individuelle se situent au cœur non seulement des convictions fondamentales quant à la valeur et à la dignité de l'être humain, mais aussi de tout système politique libre et démocratique, que la jurisprudence américaine a insisté sur la primauté ou la prééminence du Premier amendement. À mon avis, c'est pour cette même raison que la Charte canadienne des droits et libertés parle de libertés « fondamentales ». Celles‑ci constituent le fondement même de la tradition politique dans laquelle s'insère la Charte.

Vu sous cet angle, l’objet de la liberté de conscience et de religion devient évident. Les valeurs qui sous-tendent nos traditions politiques et philosophiques exigent que chacun soit libre d’avoir et de manifester les croyances et les opinions que lui dicte sa conscience, à la condition notamment que ces manifestations ne lèsent pas ses semblables ou leur propre droit d’avoir et de manifester leurs croyances et opinions personnelles.

Voir aussi Amselem, supra, note 5, au par. 1; Edwards Bookssupra, note 5, au par. 759.

[106] Big Midem, aux par. 122-123. Voir aussi R. c. Little, 2009 NBCA 53 (CanLII), au par. 6, indiquant de façon incidente : « Bien sûr, le paragraphe 2(a) ne se limite pas à protéger les convictions religieuses. Cette décision ouvre la porte aux objecteurs de conscience dont le jugement s’inspire d’autres sources ». Bien qu’aucune des décisions de la Cour suprême établissant une distinction entre la « liberté de conscience » et la « liberté de religion » n’ait été adoptée à la majorité, les tribunaux accordent généralement au terme conscience un sens qui englobe les convictions non religieuses dictées par la conscience, qu’elles puisent leur source dans une « morale laïque » (R. c. Morgentaler, [1988] 1 SCR 30, au par. 179, Wilson J), des positions « d’athées, d’agnostiques, de sceptiques ou d’indifférents » (Alberta c. Hutterian Brethren of Wilson Colony, 2009 CSC 37 [Hutterian Brethren], au par. 90; voir aussi Simoneau c. Tremblay, 2011 QCTDP 1 (CanLII), aux par. 208 et 209) ou des « convictions intimes profondes qui régissent la perception qu’on a de soi, de l’humanité, de la nature et, dans certains cas, d’un être supérieur ou différent » (Edwards Bookssupra, note 5, par. 759).

[107]Dans Freitag v.Penetanguishene (Town), la décision du TDPO établit une distinction claire entre la liberté de religion aux termes de la Charte et la protection de la croyance aux termes du Code (2013 HRTO 893 (CanLII), aux par. 27 et 42) [Freitag HRTO] :

 [… ] La Charte et le Code sont des instruments législatifs distincts et l’établissement de la contravention du par. 2(a) de la Charte ne permet pas de conclure à la discrimination dans la cause portée devant moi en application du Code [...][D]ans la mesure où l’on reprend dans les analyses relatives au Code des observations faites dans le cadre d’affaires relatives au [paragraphe 2(a) de la Charte], on doit prendre ces observations en compte d’une manière qui est conforme aux principes d’interprétation législative de longue date qui régissent l’analyse de la discrimination menée aux termes du Code. Et bien qu’il existe des liens évidents entre le paragraphe 2(a) de la Charte et le concept de discrimination, les différentes méthodes d’interprétation de la Charte et du Code soulèvent la possibilité que l’on obtienne deux conclusions différentes, même quand les questions et éléments de preuve à l’étude sont de nature semblable.

Moon (2012) souligne également ce qu’il soutient sont des différences nécessaires entre les analyses aux termes du Code et de la Charte, en partie parce que la Charte, contrairement au Code, s’intéresse principalement aux actions et prérogatives législatives de l’État, et doit donc tenir compte de questions connexes particulières, comme le fait de ne pas surcharger l’État ou le rendre incapable d’assumer de telles fonctions. Voir Moon, R. Accommodation and compromise under s. 2(a) of the Charter, document présenté durant l’atelier juridique de la Commission ontarienne des droits de la personne/Université York sur les droits de la personne, la croyance et la liberté de religion, Osgoode Hall, Université York, 29 et 30 mars 2012. Extrait de https://docs.google.com/file/d/0BwFvhg37TTCjQVN4WkhqS2pTdm8/preview

Voir aussi le Rapport de recherche et de consultation sur les droits de la personne et la croyance pour en savoir davantage sur la relation entre les droits relatifs à la croyance et à la religion aux termes du Code et de la Charte.

[108] Dans ce contexte, l’interdiction de la discrimination fondée sur la croyance aux termes du Code s’apparente davantage au droit à « à la même protection et au même bénéfice de la loi, indépendamment de toute discrimination, notamment des discriminations fondées sur […] la religion […] » prévu au par. 15 de la Charte. Même là, les tribunaux judiciaires et administratifs ont fait part de différences considérables entre les analyses en matière de discrimination relevant du Code et de l’article 15 de la Charte, et le contexte de leur application, ce qu’il importe de garder à l’esprit au moment d’effectuer un renvoi à des analyses de jurisprudence de la Charte dans le contexte du Code. Pour en savoir davantage sur la relation entre la jurisprudence liée à l’égalité de la Charte et du Code, voir Canada (Procureur général) c. Commission canadienne des droits de la personne, 2013 CAF 75 (CanLII), au par. 19; voir aussi Freitag HRTO, supra, note 107, au par. 41.

[109] Baker c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [1999] 2 R.C.S. 817, aux par. 69-71. Le TDPO a explicitement affirmé la pertinence de la jurisprudence et du droit internationaux en matière de droits de la personne, surtout lorsqu’il s’agissait d’interpréter le motif de la croyance aux termes du Code : R.C., supra, note 67, aux par. 40-41.

[110] 125; voir aussi Health Services and Support — Facilities Subsector Bargaining Assn. c. ColombieBritannique, 2007 CSC 27, [2007] 2 R.C.S. 391, au par. 70.

[111] L’article 2 se lit ainsi :

Chacun peut se prévaloir de tous les droits et de toutes les libertés proclamés dans la présente Déclaration, sans distinction aucune, notamment de race, de couleur, de sexe, de langue, de religion, d'opinion politique ou de toute autre opinion, d'origine nationale ou sociale, de fortune, de naissance ou de toute autre situation. De plus, il ne sera fait aucune distinction fondée sur le statut politique, juridique ou international du pays ou du territoire dont une personne est ressortissante, que ce pays ou territoire soit indépendant, sous tutelle, non autonome ou soumis à une limitation quelconque de souveraineté.

L’article 7 se lit ainsi :

Tous sont égaux devant la loi et ont droit sans distinction à une égale protection de la loi. Tous ont droit à une protection égale contre toute discrimination qui violerait la présente Déclaration et contre toute provocation à une telle discrimination.

[112] Le paragraphe 13(3) du Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels (PIDESC), que le Canada a ratifié, indique ce qui suit :

Les États parties au présent Pacte s’engagent à respecter la liberté des parents et, le cas échéant, des tuteurs légaux, de faire assurer l’éducation religieuse et morale de leurs enfants conformément à leurs propres convictions.

[113] La Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones (DDPA) a été adoptée par l’Assemblée générale des Nations Unies en 2007 et ratifiée par le gouvernement du Canada en 2010. Les déclarations des Nations-Unies fournisseurs des « normes » reconnues à l’échelle internationale en vue de mesurer la conformité des États au droit international en matière de droits de la personne (y compris ses normes, pactes et conventions). Bien que cette déclaration ne soit pas aussi contraignante sur le plan juridique que l’est une convention, elle reflète des engagements juridiques déjà inscrits dans les traités internationaux et peut être considérée comme faisant partie du « droit coutumier » international et donc comme ayant un effet juridique.

[114] Voir également les articles 8, 11, 13, 18, 25, 31 et 34, et le par. 12(2), pour connaître les mesures plus spécifiques se rapportant aux droits des peuples autochtones en matière de pratique de leurs traditions religieuses et spirituelles.

[115] L’Article 28 du PIDESC et l’article 50 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques (PIDCP) stipulent que les dispositions de ces pactes (y compris l’article 18 du PIDCP) s’appliqueront à toutes les unités constitutives des États fédératifs sans limitation ni exception aucunes. Pour en savoir davantage, voir le document de recherche de la CODP intitulé Les commissions des droits de la personne et les droits écomomiques et sociaux (www.ohrc.on.ca/fr/les-commissions-des-droits-de-la-personne-et-les-droits-%C3%A9comomiques-et-sociaux).

6. Établissement de l’existence de discrimination fondée sur la croyance

Pour établir l’existence de discrimination à première vue aux termes du Code, un requérant doit démontrer :

  1. qu’il possède une caractéristique ne pouvant pas constituer un motif de discrimination aux termes du Code
  2. qu’il a subi un traitement négatif ou un effet préjudiciable dans un domaine social auquel s’applique le Code
  3. que la caractéristique protégée a constitué un facteur dans la manifestation du traitement négatif ou de l’effet préjudiciable[116].

Le requérant doit démontrer qu’il y a eu discrimination « selon la prépondérance des probabilités », c’est-à-dire qu’il est plus probable qu’improbable que de la discrimination ait eu lieu. Une fois la discrimination établie à première vue, il revient à l’intimé de justifier la conduite au moyen d’une explication crédible et non discriminatoire ou du régime d’exemptions prévu par le Code (p. ex. défense fondée sur des exigences de bonne foi). Si l’intimé ne peut justifier ainsi la conduite, le tribunal conclura à l’existence de discrimination.

La discrimination n’est pas toujours directe et est souvent difficile à repérer. L’analyse devrait être souple et envisager tous les facteurs pertinents de la situation, y compris les preuves circonstancielles ainsi que le plein contexte et l’effet entier sur les personnes ou groupes concernés[117]. Les facteurs contextuels et considérations pertinentes peuvent varier légèrement selon le type de discrimination (p. ex. profilage ou discrimination directe, par suite d’effet préjudiciable ou systémique) ou le motif allégué. Dans le cas de la croyance, des facteurs additionnels peuvent devoir être envisagés, y compris les contextes historique et social de l’inégalité, et les formes passées et actuelles de marginalisation, de stéréotypage et de désavantages liés à la foi, dont ceux qui ciblent des groupes (voir la section 3.2)[118]. Cependant, le critère juridique de détermination de la discrimination demeure le même.

Il peut y avoir discrimination sans que cela ne soit intentionnel. Les effets de la distinction, de la préférence ou de l’exclusion dont fait l’objet la personne ou le groupe au motif de la croyance constituent la préoccupation centrale[119]. Pour démontrer qu’il y a eu discrimination, il n’est pas nécessaire que l’interaction entre les parties ait inclus des propos ou commentaires en lien avec la croyance[120]. Toutefois, si de tels commentaires ont été formulés, ils peuvent constituer une preuve de plus du fait que la croyance de la personne a joué un rôle dans le traitement qui lui a été réservé.

De plus, selon la jurisprudence relative aux droits de la personne, il suffit qu’un motif protégé par le Code figure parmi les facteurs ayant mené à une décision ou à un traitement pour que soit rendu un jugement de discrimination[121].

Exemple : Un employeur congédie un employé qui a refusé de travailler les dimanches parce qu’il observe le Sabbat chrétien. L’employeur soutient que le refus de l’employé de travailler les dimanches constituait uniquement une des raisons de son congédiement. Par exemple, l’employé avait eu quelques problèmes d’inconduite et de mauvais rendement, et s’était montré combatif avec le gérant. Il a été déterminé que l’employeur avait enfreint au Code étant donné que la croyance n’a qu’à constituer un des facteurs du traitement préjudiciable. Il n’est pas nécessaire que la croyance soit le seul facteur ou le facteur principal[122].

Il peut y avoir discrimination fondée sur la croyance dans les circonstances suivantes :  

  • une exigence, une règle ou une norme organisationnelle a un effet négatif sur une personne en l’empêchant de mettre sa croyance en pratique (sans mesure d’adaptation)
  • une personne est contrainte de poser un geste ou de croire en quelque chose lié à une croyance, ou subit de la pression en ce sens
  • une personne est traitée de façon différentielle et injuste dans un domaine social protégé par le Code, au moins en partie dû à sa croyance.

Pour qu’il y ait discrimination fondée sur la croyance, la croyance doit constituer un facteur dans le traitement de la personne. L’interdiction de faire de la discrimination fondée sur la « croyance » s'étend à des situations où :

  • la personne qui est la cible d'un tel comportement est athée ou agnostique[123]
  • ni la personne faisant l’objet de discrimination ou la personne responsable de la discrimination n’adhère à une croyance particulière
  • une personne est ciblée et traitée de façon inéquitable en raison de la perception qu’on se fait de sa croyance, ou de son association à une personne ou à un groupe adhérant à une croyance particulière (ou n’adhérant à aucune croyance particulière).

Exemple : Des employés d’un milieu de travail font des commentaires désobligeants à un collègue d’origine moyenne orientale qu’ils perçoivent comme un musulman en associant les musulmans à des « terroristes ». Ni l’employé visé ou les employés ayant fait les commentaires ne s’identifient à une croyance. L’employé se plaint du traitement lui ayant été réservé à son employeur. L’employeur ne prend aucune mesure réparatrice étant donné que le plaignant et ses collègues responsables ne s’identifient pas à une croyance aux termes du Code. Cela crée un milieu de travail empoisonné et pourrait mener à une requête en droit de la personne au motif de la croyance perçue.

Dans certains cas, comme lorsqu’une personne est en quête d’accommodement de sa croyance, l’auteur d’une requête en droit de la personne devra adhérer à une croyance pour obtenir la protection de ses droits.

6.1 Discrimination dans le contexte de fonctions ou de services religieux

Le TDPO a clairement indiqué qu’il ne constituait pas la tribune appropriée où contester la légitimité du système de convictions, d’enseignements ou des formes de culte fondamentales rattachés à une religion[124]. Par conséquent, il a été déterminé que les « services purement religieux » (p. ex. formes de culte ou doctrines religieuses) n’étaient pas couverts par le Code.

Exemple : Un homme gai alléguait qu’un prête à qui il avait demandé de l’aider à modifier les opinions de ses parents à propos de l’« homosexualité » lui avait exprimé des points de vue sur l’« homosexualité » qui contrevenaient au Code. Le TDPO a rejeté sa demande au motif qu’elle ne relevait pas de lui. En jugeant qu’un membre du clergé exécutant des fonctions purement religieuses n’était pas couvert par le domaine social relatif aux « services » du Code, le TDPO a tenu compte des droits contradictoires du prêtre et a fait remarquer que, dans les circonstances, le terme « services » devait être interprété de façon à protéger les droits du prêtre aux termes de la Charte. Selon le TDPO, en formulant des commentaires sur l’« homosexualité » qui cadraient avec ses convictions religieuses, le prêtre exerçait des droits qui sont au cœur de sa liberté de religion, y compris le droit d’enseigner et de disséminer ses convictions religieuses, et sont purement associés à son rôle religieux[125].

Cependant, les services offerts par des organismes religieux qui ne sont pas « purement religieux » et n’ont aucun lien clair avec la religion sont assujettis au Code.

Exemple : Un organisme religieux ouvre un restaurant à l’intention du grand public. Cependant, ce restaurant fait de la discrimination à l’endroit des personnes adeptes d’autres croyances en leur interdisant l’accès.

Les gestes sans lien avec des convictions religieuses posés par des établissements ou fournisseurs de services religieux peuvent faire l’objet de contestations aux termes du Code, à moins qu’ils soient admissibles à l’une des autres défenses prévues au Code (voir la section 8 pour connaître les autres défenses et exemptions du Code visant les organismes religieux, y compris celles qui touche l’adhésion, l’emploi, les programmes et les services).

Exemple : Un lieu de culte omet d’installer une rampe d’accès à ses installations pour permettre aux personnes handicapées d’assister à ses services religieux essentiels. Cela n’a aucunement trait à des exigences ou préceptes religieux, et pourrait s’avérer discriminatoire aux termes du Code.


[116] Moore c. Colombie-Britannique (Éducation), [2012] 3 R.C.S. 360 [Moore]; Pieters, supra, note 34; R.B. v. Keewatin-Patricia District School Board, 2013 HRTO 1436 (CanLII), au par. 204.

[117] Par exemple, dans R.C., supra, note 67, le TDPO commente l’analyse de détermination de l’existence de discrimination : « Il n’existe pas de formule particulière; il s’agit d’une enquête flexible et contextuelle qui, selon le cas, peut inclure la prise en compte de facteurs comme un désavantage préexistant, la correspondance avec les caractéristiques réelles, l’effet sur d’autres groupes et la nature du droit touché » (au par. 46, citant Québec c. A., supra, note 33, aux par. 418, 531).

[118] Des décisions du TDPO et d’autres tribunaux traitant de la religion et de la croyance tiennent compte des contextes social et historique d’inégalité; voir p. ex. R.C., idem, traitant aux par. 45-48 des contextes social et historique de l’inégalité, et aux par. 49-50 du contexte unique immédiat, dans ce cas un milieu scolaire fréquenté par des jeunes enfants d’âge scolaire.

[119] Freitag HRTO, supra, note 107.

[120] R.C., supra, note 67, au par. 46, citant Québec c. A., supra, note 33, aux par. 328-330 et 335.

[121] Gray v. A&W Food Service of Canada Ltd. (1994), CHRR Doc 94-146 (Ont. Bd. Inq.); Dominion Management v. Velenosi, 1997 CanLII 14482, au par. 1 (Ont. C.A.); Smith v. Ontario (Human Rights Commission), 2005 CanLII 2811 (ON SCDC), au par. 9; King v. CDI Career Development Institutes Ltd., 2001 CanLII 39086 (SK HRT).

[122] Smith v. Network Technical Services Inc. 2013 HRTO 1880 (CanLII).

[123] Big Msupra, note 5, au par. 123; voir aussi R.C., supra, note 67, aux par. 32-37.

[124]Tesseris v. Greek Orthodox Church of Canada, 2011 HRTO 775 (CanLII) [Tesseris]; voir aussi Dallaire v. Les Chevaliers de Colomb, 2011 HRTO 639 (CanLII).

[125] Tesserisidem.

7. Formes de discrimination fondée sur la croyance

Il n’est pas toujours possible de classer la discrimination fondée sur la croyance dont certaines personnes font l’objet dans des catégories claires. Les formes de discrimination s’entremêlent et se chevauchent souvent considérablement. Cependant, aux fins de la présente politique, il est utile de décrire les différentes façons dont la discrimination fondée sur la croyance peut se manifester. Les sections qui suivent abordent certaines de ces manifestations.

7.1 Discrimination directe, indirecte et subtile

La discrimination directe peut survenir quand des personnes ou des organisations bloquent ouvertement l’accès de personnes appartenant à une communauté de croyance à des emplois ou services, leur refusent des avantages offerts à d’autres ou leur imposent des fardeaux additionnels qu’elles n’imposent pas à d’autres, sans défense légitime prévue par le Code.

Beaucoup de plaintes pour discrimination fondée sur la croyance allèguent l’adoption de stéréotypes, parfois dissimulés ou inconscients, ou découlant d’une antipathie et de préjugés flagrants à l’endroit d’une personne ou d’un groupe au motif de sa croyance. Il s’agit là d’une forme de discrimination directe.

Exemple : Une société d’aide à l’enfance et de services aux jeunes décide de mettre fin au contrat de foyer d’accueil d’une femme. La TDPO détermine qu’il y a discrimination, et que cette discrimination est fondée en partie sur la « vision stéréotypée qu’a la société de la foi chrétienne de la requérante « qui est présumée nuire à sa capacité d’offrir un foyer d’accueil adéquat aux enfants gais[126].

La discrimination peut également se manifester de façon indirecte. Par exemple, elle peut être exercée par l’entremise d’une tierce personne ou organisation.

Exemple : Un locateur embauche une entreprise de gestion immobilière, qu’il somme de s’assurer de ne pas louer de logement à des personnes autochtones qui semblent se soumettre à des pratiques spirituelles autochtones traditionnelles. Cela est dû à l’aversion du locateur à l’odeur de la fumée d’herbes et de remèdes autochtones traditionnelles utilisés pour l’observance des rites autochtones traditionnels, et à des prétendues questions de sécurité. Le locateur qui fixe des conditions discriminatoires et le gestionnaire immobilier qui exerce cette discrimination peuvent être tous les deux nommés dans une plainte relative aux droits de la personne et tenus responsables de discrimination.

La discrimination peut aussi se manifester de manière plus subtile et cachée. La plupart des gens se gardent de formuler ouvertement des remarques discriminatoires ou d’exprimer des points de vue stéréotypés pour expliquer leur comportement. Pour établir l’existence de discrimination subtile, il peut s’avérer nécessaire d’examiner l’ensemble des circonstances afin de voir s’il se dessine un modèle de comportement discriminatoire. Examinés de façon isolée, des actes individuels peuvent sembler ambigus ou défendables. Replacés dans un contexte plus large, cependant, ils peuvent amener à conclure que la discrimination fondée sur la croyance a constitué un facteur dans le traitement d’une personne. Par exemple, un écart inexplicable par rapport aux pratiques habituelles peut servir à démontrer l’existence de discrimination[127]. Des critères applicables uniquement à certaines personnes et non à d’autres peuvent également constituer une preuve de discrimination si l’on peut démontrer que des personnes et des groupes protégés par le Code sont visés par un traitement négatif.

L’effet cumulatif de la discrimination directe, subtile et indirecte peut avoir des répercussions profondes sur les personnes qui en font l’objet.

Le Code interdit aux organisations et membres de la collectivité de faire de la discrimination fondée sur la croyance à l’endroit de quiconque, et les oblige à prévenir les cas de discrimination et à régler ceux qui surviennent. Ces obligations s’appliquent aux situations de discrimination directe résultant des stéréotypes et des préjugés d’une personne. Elles s’appliquent aussi à la discrimination indirecte pouvant avoir cours au sein et à l’échelle d’organisations en raison de lois ou de politiques et pratiques adoptées inconsciemment.

7.2 Harcèlement

Durant ses consultations, la CODP a appris que le harcèlement flagrant à l’endroit des personnes identifiées par une croyance, et particulièrement les personnes que l’on peut associer à la vue à des communautés de croyance minoritaires visibles, fait encore très partie de la réalité en Ontario[128].

Le Code interdit le harcèlement fondé sur une variété de motifs y compris la croyance, l’origine ethnique, le lieu d’origine, la race, la couleur, l’ascendance, la citoyenneté, le sexe, l’orientation sexuelle, l’identité sexuelle et l’expression de l’identité sexuelle. Les personnes et communautés adhérant à une croyance peuvent faire l’objet de harcèlement fondé sur un ou plusieurs motifs de discrimination interdits par le Code.

En plus de prévoir des mesures explicites de protection contre le harcèlement en matière de logement et d’emploi, le Code interdit le harcèlement en matière de services et dans d’autres domaines sociaux[129].

Le Code définit le harcèlement de la façon suivante : « Fait pour une personne de faire des remarques ou des gestes vexatoires [c’est-à-dire gênants ou inquiétants] lorsqu’elle sait ou devrait raisonnablement savoir que ces remarques ou ces gestes sont importuns »[130]. La référence aux remarques formulées ou gestes posés alors que la personne « sait ou devrait raisonnablement savoir que ces remarques ou ces gestes sont importuns » établit un critère à la fois objectif et subjectif de détermination de ce qui constitue du harcèlement.

Du côté subjectif, on considère la connaissance qu’a le harceleur de la réaction provoquée par son comportement. Du côté objectif, soit le point de vue d’une tierce partie « raisonnable », on considère le type de réaction généralement provoquée par le comportement. Pour établir le point de vue d’une tierce partie « raisonnable », il faut prendre en compte la perspective de la personne qui est victime de harcèlement. Autrement dit, le TDPO peut conclure selon la preuve à sa disposition qu’une personne savait, ou aurait dû savoir, que ses gestes étaient importuns [131].

La simple réaction d’une personne à certains types de remarques ou de gestes qui lui sont adressés devrait permettre de comprendre que ces remarques ou gestes sont importuns, même si la personne ne s'en plaint pas ouvertement. C'est, par exemple, le cas d’une personne qui s'éloignerait avec dégoût d’un collègue de travail qui formule des commentaires offensants à l’endroit des adeptes d’une religion particulière[132]. La victime n’a pas besoin de formuler d’objection explicite ou directe au harcèlement[133]. Elle pourrait être vulnérable et garder le silence en raison de menaces ou de craintes, ou parce que l’auteur du harcèlement exerce sur elle une autorité ou un pouvoir (p. ex. gérant ou locateur).

Certains gestes ou remarques en lien avec la croyance peuvent ne pas être offensants à première vue. Ils peuvent toutefois être jugés « importuns » par la personne ciblée. Cependant, le fait d’adopter de nouveau le comportement ou un comportement similaire malgré que la personne ait indiqué qu’il est malvenu peut constituer une violation du Code.

Le harcèlement fondé sur la croyance est souvent le résultat de stéréotypes qui attribuent des convictions, pensées, motivations et comportements particuliers aux personnes, seulement ou en partie en raison de leur croyance (actuelle ou perçue).

Exemple : Après le 11 septembre, un employé d’origine iranienne a fait l’objet d’insultes dans son milieu de travail, et a été associé à Osama Bin Laden et Saddam Hussein. Exposé à ce que l’on a déterminé être des insultes à caractère racial, il a été victime de discrimination et de harcèlement[134].

La réaction au harcèlement fondé sur la croyance peut varier d’un sexe à l’autre ou d’une communauté de croyance raciale ou ethnique à l’autre. Des personnes font souvent l’objet de formes distinctes de stéréotypage fondées sur une combinaison des motifs que sont la croyance, l’origine ethnique, la race et le sexe.

Le harcèlement fondé sur la croyance peut inclure :

  • des remarques dérogatoires à l’égard de personnes ou de communautés adhérant à une croyance
  • des insultes, des remarques qui humilient ou rabaissent les gens, ou les tournent au ridicule en raison de leur adhésion à une croyance ou de leur façon d’exprimer leur croyance
  • des commentaires ou comportements qui résultent de la perception selon laquelle une personne ne se conforme pas au « mode de vie canadien » ou constitue une menace à ce mode de vie
  • des commentaires désobligeants à propos de l’engagement d’une personne envers sa foi ou de l’adhésion à ses convictions
  • des blagues portant sur la croyance d’une personne, y compris les blagues écrites qui circulent par courriel ou dans les médias sociaux
  • la propagation de rumeurs sur la croyance d’une personne, y compris par Internet [135]
  • des remarques ou questions indiscrètes, ou des insultes à l’égard de la croyance ou des pratiques rattachées à la croyance d’une personne, dont les vêtements qu’elle porte ou son apparence personnelle
  • des menaces, des attouchements non sollicités, de la violence et des agressions physiques.

Le harcèlement sert souvent à tenter de forcer des personnes à se conformer aux normes de la société dominante, ou à les punir de ne l’avoir pas fait. Il s’agit aussi d’une méthode d’intimidation dont le but est de ridiculiser et d’ostraciser certaines personnes, d’exercer sur elles du pouvoir et de leur donner l’impression qu’elles ne sont pas les bienvenues en raison de leur croyance.

Du harcèlement fondé sur la croyance peut avoir lieu entre des personnes de même croyance ou de croyances distinctes. Il peut aussi viser des personnes qui n’adhèrent pas à une croyance particulière (voir la section 7.4 sur l’imposition de messages ou de pratiques en lien avec la croyance).

Les organisations ont l’obligation d’assurer un environnement libre de harcèlement fondé sur la croyance, que des personnes y fassent ou non objection. Dans le cas de l’emploi, la Loi sur la santé et la sécurité au travail[136] exige que les employeurs formulent des politiques sur le harcèlement et la violence au travail, et les examinent une fois par année.

Les organisations ont également la responsabilité de contacter les autorités appropriées dans les cas où le harcèlement pourrait dégénérer en crime haineux[137] ou contrevenir au Code criminel de toute autre façon.

7.3 Milieu empoisonné

Même si le harcèlement repose généralement sur plus d’un incident de remarques ou de gestes désobligeants, un seul de ces gestes ou remarques peut parfois être suffisamment grave pour créer un « milieu empoisonné »[138].

Le maintien d’un milieu empoisonné est une forme de discrimination. Dans le domaine de l’emploi, les tribunaux ont jugé que l’atmosphère d’un lieu de travail est une condition d’emploi au même titre que les heures de travail ou le taux salarial. Les « conditions d’emploi » comprennent les circonstances émotionnelles et psychologiques du lieu de travail[139]. La notion d’atmosphère empoisonnée s’est surtout manifestée en contexte d’emploi, mais est tout aussi applicable lorsqu’une telle atmosphère entraîne des modalités et conditions inéquitables en contexte de logement, de services, de contrats ou d’adhésion à un syndicat ou à une association professionnelle.

Exemple : Une professeure à une profonde aversion envers la religion. En classe, elle fait souvent des remarques dénigrantes à propos de la religion et des croyants. Ses remarques incluent des commentaires stéréotypés à l’endroit des étudiants qui adhèrent à une religion, qu’elle qualifie de personnes incapables de pensée critique indépendante.

Un seul incident grave de remarques et de gestes importuns et (ou) la présence continue ou répandue de remarques ou de gestes du genre au sein d’une organisation peut empoisonner un milieu et créer une atmosphère hostile ou angoissante pour un membre ou plus d’un groupe protégé par le Code. Bien que l’exposition continue à du harcèlement puisse en constituer un facteur, on détermine l’existence d’un milieu empoisonné non pas en fonction du seul nombre d’occurrences de gestes ou remarques, mais également en fonction de la nature de ces gestes ou remarques, et de leur effet sur une personne ou un groupe[140].

Pour créer un milieu empoisonné, il n’est pas nécessaire que le comportement en cause soit dirigé vers une personne en particulier. Une personne peut en subir les effets même si elle n’appartient pas au groupe visé.

Exemple : Une femme tibétaine de foi bouddhiste travaille au sein d’un bureau syndical où les insultes à caractère racial, l’intolérance religieuse et les commentaires stéréotypés sont monnaie courante. Bien que l’employée ou sa communauté de croyance ne soit jamais directement visée par les remarques lancées par ses collègues, elle peut avoir raison d’alléguer qu’elle a été soumise à une atmosphère empoisonnée sur le plan racial et religieux[141].

Voici des exemples de situations qui pourraient enfreindre le Code en créant un milieu empoisonné :

  • Un superviseur ou un propriétaire lance à un employé ou à un locataire : « je me demande pourquoi, vous autres (en parlant des personnes de confession musulmane, hindoue ou sikhe), vous ne retournez pas d’où vous venez, parce que vous n’avez rien à faire ici »[142].
  • Des commentaires, écriteaux, caricatures ou bandes dessinées sont affichés dans un environnement de services, tel qu’un magasin ou un restaurant, de travail ou de location, et qui représentent des adhérents d’une croyance de façon humiliante.
  • Des graffitis ciblant des communautés de croyance ne sont pas retirés sur le champ par un employeur, un propriétaire ou un fournisseur de services.
  • Des remarques, plaisanteries ou insinuations relatives à la croyance d’un employé, client ou locataire. Les remarques, plaisanteries ou insinuations relatives à la croyance d’autrui peuvent également donner à un employé, client ou locataire l’impression qu’on a des points de vue similaires à son égard.

Lorsqu’un milieu est empoisonné, certaines personnes font face à des conditions d’emploi, de location, d’éducation ou d’obtention de services néfastes, auxquelles d’autres personnes ne sont pas assujetties (par exemple, atteintes répétées à leur dignité et respect de soi). Cela constitue un traitement inéquitable.

Les organisations ont l’obligation d’assurer un milieu libre de discrimination, de garder l’œil sur les milieux empoisonnés qui se forment et de prendre immédiatement des mesures pour intervenir et les éliminer[143]. C’est le cas même si personne ne s’objecte au comportement ou si la participation au comportement est généralisée[144]. Les remarques et gestes non appropriés empoisonnent l’environnement des personnes ciblées en raison de leur croyance, dérangent et peuvent se répercuter sur l’environnement de tout le monde.

Toute personne, quel que soit son statut ou sa position d’autorité, peut formuler des remarques ou poser des gestes qui créent un milieu empoisonné. Il peut s’agir d’un collègue de travail, d’un superviseur, d’un colocataire, d’un fournisseur de logements, d’un membre d’un conseil d’administration, d’un compagnon de classe, d’un enseignant, d’un entrepreneur, d’un client ou autre. La personne responsable a l’obligation d’intervenir, quel que soit l’auteur des remarques ou des gestes en cause.

Parfois, des remarques formulées ou des gestes posés à l’extérieur du milieu de travail ou de services peuvent avoir des effets et conséquences discriminatoires au sein de celui-ci.

Exemple : Il a été déterminé qu’un conseil scolaire du Nouveau-Brunswick avait fait de la discrimination parce qu’il avait négligé de réagir de façon appropriée à la conduite d’un enseignant dont les écrits, déclarations et commentaires antisémites hors du milieu de travail étaient devenus tristement célèbres au sein de la collectivité. Bien que l’enseignant eût formulé ses remarques et posé ses gestes à l’extérieur de l’école et qu’il n’y ait aucune preuve directe de leurs répercussions sur le conseil scolaire de district, la Cour suprême a conclu que son maintien en poste au sein de l’école nuisait à l’environnement scolaire en l’empoisonnant[145].

Le fait de faire fi de la discrimination ou du harcèlement qui sévit peut en soi causer un milieu empoisonné[146].

Exemple : Le 12 septembre 2001, un détective d’un service de police a laissé un message dans la boîte vocale d’un autre détective. Le message laissait entendre qu’il possédait des informations impliquant un employé civil du service de police (qui s’identifiait comme un non-blanc d’ascendance afghane) dans les événements du 11 septembre[147]. Le message a été envoyé à la division des affaires internes du service de police à des fins d’enquête, au cours de laquelle il a été porté à la connaissance de l’employé civil. L’incident s’est rapidement répandu au sein de la division et l’employé visé est devenu la cible de commérages et de soupçons à propos de sa participation aux événements du 11 septembre. L’employé était très bouleversé et estimait que son employeur n’avait pas fait suffisamment enquête ni pris des mesures adéquates en réponse à cet incident. Il a déposé une plainte pour atteinte aux droits de la personne.

Le TDPO a conclu que, bien qu’il eût été laissé « à la blague », le message du détective avait mené à du harcèlement fondé sur l’origine ethnique, le lieu d’origine et la croyance perçue (religion musulmane), et à un milieu empoisonné. De conclure également le tribunal, l’employeur n’était pas intervenu de manière suffisante pour mettre fin aux commérages et soupçons qu’avait entraînés l’incident, malgré qu’il eût procédé à une enquête appropriée et pris des mesures disciplinaires à l’égard du détective fautif. Il a été établi que cette situation avait créé un milieu de travail empoisonné pour l’employé[148].

Les gestionnaires qui savent ou devraient savoir que l'atmosphère est empoisonnée mais ne font rien pour régler la situation tolèrent essentiellement cette discrimination même s’ils n'y contribuent pas directement[149].

7.4 Imposition de messages ou de pratiques en lien avec la croyance

Le droit de vivre à l’abri de la discrimination fondée sur la croyance aux termes du Code inclut le droit de ne pas faire l’objet de pression ou de coercition en lien avec la croyance dans les domaines de l’emploi, des services, du logement, des contrats et de l’adhésion à des associations professionnelles[150]. Aucune personne ou organisation ne peut exercer de pression sur une personne afin qu’elle accepte des convictions quelconques rattachées à la croyance, s’y soumette ou adopte des pratiques quelconques dictées par la croyance, ni l’obliger à le faire[151]. L’exercice de pression à caractère religieux peut aussi constituer une forme de harcèlement ou créer un milieu empoisonné (voir les sections 8.2 et 8.3). La Charte[152] exige que les organisations gouvernementales demeurent neutres à l’égard de la religion (c’est-à-dire qu’elles ne traitent pas une religion ou un système de convictions donné avantageusement ou défavorablement par rapport aux autres)[153].

Les employeurs ne peuvent pas exercer de « pression à caractère religieux » indésirable sur des employés ou imposer comme condition d’emploi la participation à des affaires à caractère religieux[154]

Exemple : Un employeur a entraîné un employé dans de nombreuses discussions sur la religion, organisé des prières lors de réunions d’affaires et convoqué des groupes d’étude de la Bible hebdomadaires. Le TDPO a conclu que l’employeur avait fait de la discrimination en imposant une atmosphère religieuse à laquelle l’employé jugeait qu’il devait participer dans le cadre de son emploi[155].

Le Code interdit d’imposer à autrui des messages en lien avec la croyance dans l’un quelconque des domaines sociaux couverts, et ce, même si l’auteur du message est très convaincu de son devoir de faire du prosélytisme et de partager ce message[156].

Cependant, les décisions des tribunaux laissent également entendre que les discussions de questions religieuses en milieu de travail sont acceptables jusqu’à un certain point. Il n’est pas interdit aux gens d’exprimer leurs convictions sincères en milieu de travail, dans les limites des dispositions du Code, tant que la situation ne mène pas à une pression à caractère religieux importune[157].

Exemple : Le TDPO a déterminé qu’une superviseure qui avait entamé des discussions sur la religion avec une employée, lui avait donné une Bible et lui avait parlé du réconfort qu’apporte la religion dans des situations difficiles n’avait pas exercé de pression à caractère religieux importune compte tenu des circonstances[158].

Il a aussi été établi que le fait de privilégier sélectivement une croyance ou tradition religieuse au dépend d’une autre dans un contexte d’emploi ou de services constituait une forme d’imposition de la religion qui contrevenait aux droits à l’égalité d’autrui[159].

Exemple : Une école primaire publique conçoit de façon inclusive son matériel scolaire et ses activités scolaires et parascolaires tout au long de l’année pour veiller à ce qu’ils soient accueillants et qu’ils reflètent les origines multiculturelles et multiconfessionnelles de la population étudiante. Cela lui permet d’assurer un environnement d’apprentissage équitable pour tous les élèves, sans favoriser une communauté de croyance particulière au dépend d’une autre ou les personnes qui n’adhèrent à aucune croyance au dépend des croyants, et vice versa, et sans nuire à quelconque de ces groupes.

Il a aussi été déterminé que l’imposition de la prière du Seigneur dans les écoles et lors d’assemblées publiques constituait une forme de pression ou de contrainte à caractère religieux qui contrevient à la liberté de religion d’autrui[160]. Bien que les tribunaux administratifs et judicaires aient eu des divergences d’opinion à propos du caractère discriminatoire du fait de réciter des prières plus inclusives, non sectaires et non confessionnelles, y compris des prières qui font mention de Dieu, dans certains contextes de services[161], la Cour suprême du Canada a conclu que même les prières non confessionnelles peuvent contrevenir aux droits dans la mesure où elles privilégient les adeptes de fois religieuses au détriment des athéistes et adeptes de fois non religieuses[162].

Exemple : Un homme qui se qualifie d’athée et qui assiste régulièrement aux assemblées de son conseil municipal a contesté la pratique de la municipalité consistant à débuter chaque assemblée par une prière. La prière, qui avait lieu dans une salle du conseil où se trouvait une statue du Sacré-Cœur ornée d’un lampion rouge électrique et un crucifix au mur, faisait référence à Dieu et était précédée et suivie du signe de la croix, que les conseillers municipaux effectuaient en disant « au nom du Père, du Fils et du Saint-Esprit ». Le Tribunal des droits de la personne du Québec a conclu que la prière était de nature religieuse et qu’elle faisait en sorte que l’homme se sentait isolé, mal à l’aise et exclu. Le conseil municipal a porté en appel la décision du tribunal et la Cour suprême du Canada a été chargée de trancher. Celle-ci a déterminé que la conclusion du tribunal selon laquelle la prière était de nature religieuse (et associée de près au catholicisme) et entraînait une exclusion fondée sur la religion était raisonnable. D’affirmer la Cour, « [l]a prière récitée par le conseil municipal [était] en violation du devoir de neutralité de l’État [et a engendré] une distinction, exclusion et préférence fondée sur la religion, soit l’athéisme sincère [du requérant], qui, conjuguée aux circonstances entourant sa récitation, [faisait] des séances un espace préférentiel favorisant les croyants théistes »[163]. La Cour a également conclu que « même “inclusive”, une pratique religieuse étatique risque néanmoins d’exclure les incroyants »[164].

Cependant, selon le contexte, la décision de la Cour suprême dans Saguenay (voir l’exemple ci-haut) pourrait ne pas écarter l’emploi de déclarations ou d’invocations d’ouverture lors d’assemblées publiques ou municipales qui s’avèrent tout aussi inclusives à l’endroit de la variété des convictions religieuses et non religieuses.

L’adoption de règlements permettant à quiconque de ne pas participer à des activités ayant une signification rattachée à une religion ou à une croyance ne protège pas nécessairement les organisations contre un verdict éventuel de discrimination et pourrait même dans certains cas accroître l’exclusion et la discrimination dont font l’objet certaines personnes[165].

Exemple : Le règlement d’un conseil scolaire obligeait les écoles publiques de la région à commencer et à terminer chaque jour par des exercices religieux comprenant la lecture des Saintes écritures ou la récitation du Notre père ou de toute autre prière appropriée. Même si le règlement permettait aux élèves d’être exemptés de ces pratiques et était de portée assez large pour permettre la récitation de prières non chrétiennes, un tribunal a déterminé qu’il était non constitutionnel, en partie parce qu’il faisait indirectement pression sur les élèves pour qu’ils se conforment aux pratiques religieuses de la majorité[166].

Le devoir de neutralité religieuse de l’État ne signifie pas qu’il est interdit aux personnes associées au gouvernement d’exercer leurs droits religieux à titre personnel.

Il n’existe pas de droit général de vivre à l’abri de toute exposition à la religion ou à la croyance d’autrui en contexte de services, de logement, d’emploi ou d’associations professionnelles[167]. Il n’existe également pas de droit général de ne pas être exposé à des perspectives et convictions qui sont contraires aux siennes. Par exemple, la Cour suprême a conclu qu’en milieu scolaire, la simple exposition à une variété de perspectives, et la « dissonance cognitive » que cela peut créer chez les jeunes à qui on enseigne à la maison des idées qui diffèrent de celles auxquelles ils sont exposés à l’école, est un fait nécessaire de la vie au sein de la société multiculturelle canadienne auquel tous les citoyens doivent se préparer[168].

Pour distinguer les formes discriminatoires d’expression de la religion et de la croyance en milieu de travail de ses formes non discriminatoires, on doit souvent examiner les circonstances propres de l’affaire et considérer le contexte social, historique et organisationnel plus vaste[169].

En matière d’éducation, il est possible d’aborder des questions religieuses à l’intérieur et à l’extérieur de la salle de classe, pourvu qu’on s’assure de faire preuve de neutralité en évitant toute forme d’endoctrinement[170].

Exemple : La Cour d’appel de l’Ontario a invalidé l’instruction religieuse dans les écoles publiques de l’Ontario dans l’affaire connue sous le nom d’Elgin County[171]Pour aider à trouver « le juste équilibre entre l’endoctrinement et l’éducation », le tribunal a établi les critères suivants d’évaluation du caractère approprié et non discriminatoire de l’éducation religieuse offerte dans les écoles publiques (non catholiques) :

  1. L’école peut parrainer l’étude de la religion, mais pas la pratique de la religion.
  2. L’école peut exposer l’élève à tous les points de vue religieux, mais ne peut pas lui imposer de point de vue particulier.
  3. L’école doit adopter une approche d’enseignement de la religion et non d’endoctrinement.
  4. L’école a pour fonction d’éduquer l’élève à propos de toutes les religions et non de le convertir à une religion en particulier.
  5. L’approche de l’école doit être didactique et non dévotionnelle.
  6. L’école devrait étudier les convictions de tous, mais ne devrait pas enseigner à un élève quoi croire.
  7. L’école devrait chercher à sensibiliser l’élève à toutes les religions, mais ne devrait pas le pousser à en accepter une en particulier.
  8. L’école devrait chercher à informer l’élève d’une diversité de croyances, mais ne devrait pas chercher à faire en sorte qu’il se conforme à une croyance en particulier[172].

Dans les écoles confessionnelles, l’enseignement peut être prodigué selon une perspective fondée sur la religion ou la croyance, mais la Cour suprême du Canada a confirmé que l’État pourrait quand même exiger que certaines matières soient enseignées selon une perspective neutre, lorsque cela assure la promotion d’intérêts et de valeurs fondamentales légitimes de l’État, comme le respect de la diversité et l’égalité[173].

 « L’État [...] a un intérêt légitime à s’assurer que les élèves de toutes les écoles seront en mesure, une fois devenus adultes, de se comporter avec ouverture et respect lorsqu’ils devront faire face aux différences culturelles et religieuses. Une démocratie multiculturelle et pluraliste dynamique doit pouvoir compter sur la capacité de ses citoyens “de discuter de manière réfléchie et ouverte en profitant” de diverses visions du monde et pratiques religieuses ». – Cour suprême du Canada[174]

L’adoption de politiques inclusives en matière de croyance ne garantit pas l’absence de pression en lien avec la religion ou la croyance. Au moment de déterminer si le droit à un traitement égal a été respecté, les pratiques concrètes adoptées sur le terrain revêtent une importance tout aussi grande[175].

7.5 Profilage fondé sur la croyance et les motifs connexes liés à la race

Le « profilage » est une question de droits de la personne importante et une forme de discrimination ayant un effet négatif sur les gens en raison de leur croyance et (ou) de leur race[176].

Le profilage fondé sur la religion ou la croyance fait référence à tout geste posé à des fins de sécurité ou de protection du public qui repose non pas sur des soupçons raisonnables mais sur des stéréotypes à l’égard de la religion ou de la croyance d’une personne, ou de tout autre motif que l’on croit lié à la religion ou à la croyance (p. ex. race ou origine ethnique), dans le but d’accorder à cette personne une plus grande attention ou un traitement particulier.

Le profilage repose sur des idées préconçues à propos d’une caractéristique d’une personne protégée par le Code. Le « profilage » fondé sur la croyance s’additionne souvent au profilage racial, et peut constituer une forme de ce type de profilage. Le fait de soumettre des gens à des mesures de sécurité, de contrôle et de surveillance accrues en raison de leur apparence extérieure, de leur adhérence perçue à une certaine croyance et de stéréotypes à propos des adeptes de cette croyance, ou encore de leur association à des communautés raciales et ethniques particulières, en est un exemple.

Le profilage fondé sur la croyance nuit particulièrement aux personnes arabes et musulmanes. Un sondage effectué en 2003 révèle que 48 % des Canadiennes et Canadiens approuvent du profilage des membres de ces communautés, malgré le fait que cela pourrait violer leurs libertés civiles[177]. Un sondage mené en 2002 par le Conseil national des musulmans canadiens (anciennement le Conseil des relations américano-islamiques) a également révélé qu’une majorité (60 %) de Canadiennes et Canadiens de religion musulmane rapportent avoir fait l’objet de préjugés ou de discrimination depuis les attentats terroristes du 11 septembre[178].

Le sectarisme et les préjudices antimusulmans s’articulent parfois autour de l’attribution, à tous les musulmans (jusqu’à preuve de leur innocence), d’une responsabilité et d’un blâme collectifs pour les gestes commis par des personnes ou des groupes de même origine ethnique ou religieuse[179]. Parfois, les non-musulmans dotés de marqueurs ethniques et raciaux typiquement associés à la foi islamique peuvent faire l’objet de profilage religieux ou racial en raison de la relation perçue entre la religion, la croyance et d’autres motifs raciaux comme la couleur, l’origine ethnique, le lieu d’origine, la langue et la citoyenneté.

Le profilage fondé sur la religion ou la croyance diffère du profilage criminel. Le profilage criminel se fonde sur le comportement réel d’une ou plusieurs personnes répondant à un certain signalement ou sur des renseignements relatifs à la présumée activité criminelle de cette personne ou ces personnes.

Le profilage fondé sur la croyance se manifeste le plus souvent dans les secteurs du maintien de l’ordre et de la sécurité, mais peut s’exercer dans une grande variété de situations. En voici des exemples :

  • au moment d’obtenir des services ou d’avoir accès à des services, comme des services d’éducation, des services offerts par des commerces et des services gouvernementaux, communautaires et sociaux
  • en emploi, y compris au moment du recrutement, de l’embauche, du maintien en poste ou de la promotion d’employés, et dans le cadre des activités quotidiennes
  • au moment de voyager ou d’utiliser les transports publics
  • au moment d’essayer d’obtenir un logement ou d’y habiter.

Plusieurs affaires de profilage fondé sur la croyance sont survenues en contexte d’emploi. Dans tous les cas, des collègues de travail ont adopté des conduites discriminatoires fondées sur le chevauchement de motifs liés à la croyance et à la race, et l’employeur n’est pas intervenu adéquatement pour résoudre la situation[180].

Exemple : Un citoyen canadien de religion musulmane a été soumis à une enquête humiliante de la GRC après qu’une de ses collègues de travail a communiqué avec la GRC pour dire qu’elle le soupçonnait d’avoir été mêlé aux attentats du 11 septembre[181]. Selon le tribunal, la collègue de travail n’aurait pas agi ainsi si l’homme n’avait pas été un arabe musulman ayant immigré de l’Arabie saoudite. Le tribunal a également conclu que l’employeur n’était pas responsable de la dénonciation à la GRC, qui avait été faite hors du lieu de travail, mais qu’il était responsable du profilage racial discriminatoire au sein du milieu de travail parce qu’il avait laissé libre cours aux soupçons à l’endroit de l’employé et n’avait pris aucune mesure pour remédier aux effets de la situation sur lui. L’employeur a plutôt laissé l’employé soupçonné à tort d’activités terroristes se démener seul dans un milieu de travail empoisonné.

Le profilage fondé sur la croyance peut se manifester dans d’autres contextes, comme au moment d’évaluer les risques pour la santé et la sécurité de l’adoption de mesures d’adaptation.

Exemple : Un conseil scolaire a interdit à un élève sikh de porter un kirpan[182] en alléguant, entre autres, que le kirpan constituait un « symbole de violence » véhiculant comme message que l’emploi de la force est la façon de régler les conflits et d’obtenir le respect de ses droits. La Cour suprême du Canada a conclu que la prétention du conseil était contraire à la preuve concernant la nature symbolique du kirpan, qu’elle était également irrespectueuse envers les adeptes de la religion sikhe et qu’elle ne tenait pas compte des valeurs canadiennes fondées sur le multiculturalisme. En définitive, la Cour suprême a conclu que le risque associé à l’emploi du kirpan par l’élève à des fins violentes était faible, et que le fait de lui en interdire le port contrevenait à ses droits religieux[183].

Les preuves directes de profilage sont rares. La démonstration du profilage devra souvent se faire par inférence, à l’aide de preuves circonstancielles[184]. Les critères ci-après sont tirés de la jurisprudence sur le profilage racial et pourraient s’avérer pertinents au moment de déterminer si un traitement préjudiciable allégué avait une composante de profilage fondé sur la croyance :

  • l’intimé est conscient de la croyance de la personne, ou à une perception de cette croyance
  • des commentaires révélant de stéréotypes ou de préjugés à l’endroit d’un adepte d’une croyance (p. ex. commentaires négatifs) ont été formulés
  • aucune explication n’a été donnée pour expliquer pourquoi une personne a fait l’objet d’une plus grande attention ou d’un traitement différent, ou les explications données étaient contradictoires, changeantes ou illogiques[185]
  • on a fait des écarts difficiles à expliquer par rapport à la pratique habituelle[186]
  • on a fait preuve de manque de professionnalisme ou de courtoise à l’égard de la personne (p. ex. on lui a fait subir un interrogatoire)[187]
  • la personne a un certain profil[188]
  • on a pris des mesures ou formulé des soupçons non fondés en réaction à une conduite facilement justifiable[189]
  • des gestes innocents ou ambigus ont été mal interprétés et jugés compromettants (p. ex. le fait de ne pas regarder une personne dans les yeux)
  • on a eu des réactions excessives à des comportements jugés difficiles en raison de la menace perçue associée aux personnes adhérant à une certaine croyance, et ce, même lorsqu’il n’existe pas de risque réel[190] 
  • la situation aurait connu un dénouement différent si on n’avait pas su ou n’avait pas l’impression que la personne adhérait à une croyance particulière[191]
  • l’intimé jette un filet d’enquête si large que la croyance de la personne a contribué à la décision de mener une enquête sur elle[192].

On peut s’attendre à ce que les personnes qui pensent faire l’objet de profilage trouvent l’expérience troublante et réagissent par de la colère et des propos agressifs. Dans les circonstances, la réaction négative de la personne exige un certain degré de tact et de tolérance, et ne doit pas entraîner un traitement différentiel subséquent[193].

7.6 Formes de discrimination intersectionnelles

La discrimination peut s’avérer unique ou distincte lorsqu’elle fait intervenir deux motifs du Code ou plus. Ce type de discrimination peut être qualifié d’« intersectionnel ». Le concept de discrimination intersectionnelle repose sur le fait qu’on attribue à l’identité des dimensions multiples se chevauchant et qu’on reconnaisse que la marginalisation et l’exclusion fondées sur des motifs du Code peuvent être le résultat de l’intersection de ces dimensions identitaires[194].

La discrimination fondée sur la croyance peut chevaucher une variété d’autres formes de discrimination, y compris la discrimination fondée sur la race ou d’autres motifs liés à la race et au sexe.

Selon la CODP, il importe de reconnaître les situations où l’intersection de motifs multiples engendre une expérience de discrimination ou de harcèlement unique afin de tenir compte du plein impact de la discrimination ou du harcèlement.

7.6.1 Motifs liés à la race et croyance

La discrimination fondée sur la croyance chevauche le plus souvent de la discrimination fondée sur la race ou des motifs connexes protégés par le Code, y compris l’origine ethnique, la couleur, l’ascendance, le lieu d’origine et la citoyenneté[195].

Exemple : Le TDPO a ordonné à un restaurant de payer 100 000 $ en dommages-intérêts pour discrimination fondée sur une combinaison des motifs de la croyance, de la couleur, de l’ascendance, du lieu d’origine et de l’origine ethnique, y compris du harcèlement, des représailles et le maintien d’un milieu empoisonné. Trois employés musulmans originaires du Bangladesh ont fait l’objet de railleries parce qu’ils parlaient le bengali. On leur a dit de parler uniquement l’anglais à la cuisine et refusé des mesures d’adaptation pour célébrer la fête de l’Eid. On a également menacé de les remplacer par du personnel « blanc » et fait pression sur eux pour qu’ils procèdent à des tests de dégustation de plats de porc que leur interdisait leur religion, et ce, même pendant le mois sacré du Ramadan[196]

Un autre exemple : le fait d’empêcher une personne de se soumettre à une pratique qui revêt une signification religieuse ou spirituelle ainsi que culturelle et ancestrale en est un exemple (pour un complément d’information et d’exemples, voir la section 11 sur les pratiques spirituelles autochtones).

7.6.2 Sexe et croyance

La discrimination fondée sur la croyance chevauche souvent de la discrimination fondée sur le sexe. Les femmes qui pratiquent une religion ont souvent constitué les principales victimes de la discrimination et des préjugés fondés sur la croyance en Ontario. Dans certains cas, cela est dû en partie à leur plus grande visibilité ou à leur vulnérabilité réelle ou perçue[197].

Une grande partie du débat public sur l’accommodement religieux dans la sphère publique s’est articulé autour de ce que les femmes musulmanes devraient et ne devraient pas porter. Les conclusions des recherches et des consultations de la CODP laissent entendre que les femmes musulmanes qui portent le voile recouvrant la tête (hijab) ou celui recouvrant le visage (niqab) ont été particulièrement vulnérables à la discrimination, aux préjugés et au harcèlement, compte tenu en partie de leur plus grande visibilité.

Les femmes adeptes d’une religion peuvent aussi parfois porter un double fardeau et désavantage en faisant l’objet, d’une part, de discrimination fondée sur le sexe et de marginalisation au sein même de leur communauté, et de l’autre, de discrimination et de préjugés fondés sur le sexe et la race à l’extérieur de la communauté[198].

Les femmes se heurtent parfois aussi à des formes particulières de discrimination et de harcèlement fondés sur une combinaison des motifs du sexe et de la croyance et d’autres stéréotypes (p. ex. en lien avec la croyance).

Exemple : Une femme d’ascendance africaine qui adhère à une religion traditionnelle africaine et porte des vêtements traditionnels africains au travail fait l’objet de harcèlement de la part de ses collègues. Ces derniers dénigrent son identité culturelle et ses convictions ou pratiques spirituelles, et font des blagues à propos de ses pouvoirs « vaudou » et de son caractère soi-disant « imprévisible » et « instable », en se basant sur des stéréotypes fondés sur le sexe et la race.

Exemple : Une femme hindoue porte des vêtements traditionnels indiens à une entrevue d’emploi de gestion dans un magasin de ventes au détail. Le comité de sélection rejette rapidement sa candidature et lui dit de laisser son « costume » à la maison la prochaine fois qu’elle répond à une offre d’emploi.

7.6.3 Croyance et handicap

La discrimination fondée sur la croyance peut également chevaucher de la discrimination fondée sur le handicap. L’observance de certaines pratiques rattachées à la croyance est à ce point exigeant sur le plan physique et mental qu’elle peut nuire à la capacité d’une personne de vaquer physiquement et mentalement à ses activités quotidiennes, surtout chez les personnes qui pourraient avoir un handicap préexistant.

Les effets des pratiques rattachées à la croyance sur un handicap préexistant peuvent déclencher l’obligation d’accommodement jusqu’au point de préjudice injustifié, aux motifs entrecroisés de la croyance et du handicap.

Exemple : Une chrétienne orthodoxe qui a le diabète est incapable d’effectuer certaines des tâches les plus exigeantes sur le plan physique de son emploi de préposée au nettoyage de bureaux les jours où elle doit observer le jeûne. L’employeur a l’obligation de tenir compte de ses besoins en matière de handicap et de croyance jusqu’au point de préjudice injustifié.

Même lorsque la personne n’a pas de handicap préexistant, l’obligation d’accommodement demeure si une règle, une norme ou une tâche nuit à sa capacité de se soumettre à une pratique sincère relative à la croyance (p. ex. jeûne)[199].

7.6.4 Différences au sein des communautés de croyance

Un nombre croissant de différends et de situations de discrimination en lien avec la croyance surviennent entre membres d’une même confession[200]. Dans certains cas, ces conflits sont alimentés par des différences sociales et des dynamiques de pouvoir s’opérant au sein de communautés et fondées sur le statut socio-économique, la croyance, le sexe, des motifs relatifs à l’origine ethnique, la race et (ou) l’orientation, ou d’autres motifs protégés par le Code. Parfois, ils sont aussi alimentés par des conflits survenant ailleurs dans le monde.

Exemple : Un employeur a été tenu responsable de ne pas avoir réagi adéquatement aux propos discriminatoires proférés par un employé d’origine ethnique serbe de Bosnie à l’endroit d’un de ses collègues de travail, qui s’identifiait comme un Bosniaque musulman. Un tribunal a conclu que l’employé serbe avait menacé de tuer des musulmans à Sarajevo et de faire du mal à l’employé et à sa famille. Il avait également utilisé le terme « zacklan », que l’employé ciblé a trouvé particulièrement injurieux en raison de sa signification violente (décapitation) et de sa connotation passée et actuelle pour une personne d’ascendance bosniaque. Le tribunal a déterminé que les propos avaient été proférés à l’endroit du collègue de travail en raison de son patrimoine et de son ascendance bosniaques, de son lieu d’origine et de sa religion, et que la réaction de l’employeur aux menaces graves avait été inadéquate[201].

Les conflits, la discrimination et le harcèlement peuvent également être fondés sur des différends, au sein de communautés, sur la façon d’interpréter et de mettre en pratique une croyance particulière.

Exemple : Un superviseur a laissé entendre qu’une employée qui adhère comme lui à la foi chrétienne ne fait pas son travail correctement, en partie parce qu’elle n’agit pas en « vraie chrétienne ». Cela a entraîné des conséquences négatives sur l’emploi de la personne et a été jugé discriminatoire[202].

Exemple : Un homme juif a allégué faire l’objet de discrimination fondée sur la croyance en raison du refus d’une organisation juive de lui accorder la certification de traiteur casher au motif qu’il n’était pas « orthodoxe ou shomer shabbat ». L’intimé, le Kashruth Council, est une société qui offre la certification de produits et d’établissements qui se conforment, à ses yeux, aux lois de la Kachroute (régime alimentaire juif). Le TDPO a déterminé que le requérant n’avait pas réussi à démontrer que le refus de l’intimé avait un lien avec la croyance et a rejeté la requête. La politique de l’organisation n’exigeait pas qu’un traiteur soit orthodoxe ou shomer shabbat. En fait, le requérant avait déjà obtenu la certification même s’il n’était pas orthodoxe. Aucune preuve n’indiquait que la décision était liée à la croyance du requérant[203].

Les organisations devraient être conscientes de la grande variété des convictions ou pratiques rattachées à la croyance observées au sein de communautés de croyance et en tenir compte au moment d’assurer une conception inclusive et l’accommodement de la croyance. Elles devraient adopter une approche personnalisée qui reconnaît l’identité particulière de chaque personne, sans se baser sur des notions préconçues, des suppositions ou des stéréotypes à propos des gens qui sont fondés sur la croyance ou d’autres motifs du Code[204]. 

7.7 Association

Certaines personnes font l’objet de discrimination en raison de leur association à une personne appartenant à une communauté de croyance[205].

Exemple : Une femme fait l’objet de harcèlement et de commentaires antisémites de la part de ses collègues de travail après qu’ils apprennent qu’elle est mariée à un homme juif.

Il est interdit, aux termes du Code, d’exposer une personne à de la discrimination en raison de son association à une personne ou à un groupe[206]. Cela peut s’appliquer aux amis, aux membres de la famille[207] ou à d’autres personnes (p. ex. les personnes qui interviennent au nom des personnes affiliées à une croyance).

7.8 Discrimination indirecte (ou par suite d’un effet préjudiciable)

Il y a discrimination « indirecte » ou « par suite d’un effet préjudiciable » lorsqu'une exigence, une qualité requise ou un critère neutre a un effet préjudiciable sur les membres d'un groupe visé par un motif de discrimination interdit aux termes du Code. L’article 11 (1) du Code porte explicitement sur cette forme de discrimination[208].

Des effets préjudiciables peuvent découler d’exigences neutres ou d’un traitement identique[209].

Il s’agit d’une des formes de discrimination auxquelles se heurtent le plus souvent les personnes adhérant à une religion ou à une croyance.

L’analyse doit s’articuler autour des « effets » préjudiciables de l’exigence, de la qualité requise ou du critère, et non sur l’intention et les motifs sous-jacents, qui peuvent s’avérer neutres et non discriminatoires à première vue.

Exemple : Un employeur exige que ses employés masculins se rasent et portent les cheveux courts. L’employeur se base sur cette règle pour refuser d’embaucher un homme adepte du rastafarisme qui ne se rase pas et ne se coupe pas les cheveux pour des motifs religieux. La règle ne vise pas à empêcher les rastafariens d’occuper un emploi dans l’entreprise, mais à cet effet. À moins qu’un employeur puisse démontrer qu’un changement ou qu’une exception à la règle serait trop coûteuse ou poserait un risque considérable sur le plan de la santé et de la sécurité ne pouvant pas être réduit d’une autre façon, il devrait accepter de modifier la règle.

Généralement, en matière de croyance, les problèmes de discrimination indirecte ont trait aux questions suivantes :

  • politiques relatives aux horaires, congés et pauses
  • codes vestimentaires
  • règles et normes de santé et de sécurité
  • photos et identification biométrique (pour un complément d’information, voir la section 10.4)
  • pratiques et interdictions alimentaires.

La discrimination indirecte ou par suite d’un effet préjudiciable enfreint le Code à moins que :

  • l’exigence, la qualité requise ou le critère ne soit établi de façon raisonnable et de bonne foi dans les circonstances[210], et qu’on ne puisse tenir compte des besoins de la personne sans créer de préjudice injustifié ou
  • la loi prévoit une exception stipulant que la discrimination fondée sur un tel motif ne constitue pas une atteinte à un droit[211].

Pour un complément d’information sur les exigences en lien avec l’obligation d’accommodement, voir la section 9.5.

7.9 Discrimination systémique

La discrimination fondée sur la croyance peut être le résultat de comportements individuels ou des effets involontaires et inattendus d’un système discriminatoire. On appelle ce type de discrimination de la discrimination systémique. La discrimination systémique peut parfois découler de formes systémiques de désavantages liés à la foi (voir la section 3.2 pour plus d’information sur les désavantages liés à la foi) et être alimentée par ces désavantages.

La discrimination systémique fondée sur la croyance peut être décrite comme des modèles de comportement, de politiques et de pratiques qui font partie de la structure administrative ou la « culture » officieuse d’une organisation, d’un groupement ou d’un secteur, et qui, intentionnellement ou par inadvertance, créent ou perpétuent des désavantages auxquels se heurtent des personnes en raison de leur croyance[212].

Bien que la discrimination systémique puisse chevaucher des actes individuels de discrimination et être en partie reproduite par l’entremise de tels actes, l’analyse de la discrimination systémique s’articule autour des résultats ou effets de politiques, de pratiques et de procédures institutionnelles.

Selon la CODP, il existe trois facteurs à considérer pour identifier et résoudre les cas de discrimination systémique :

  1. données numériques
  2. politiques, pratiques et processus décisionnels
  3. culture organisationnelle.

Pour obtenir un complément d’information sur la façon d’évaluer ces facteurs de discrimination systémique, voir le document de la CODP intitulé Politique et directives sur le racisme et la discrimination raciale.

La culture organisationnelle fait référence aux normes et valeurs informelles qui ont une influence sur l’activité de l’organisation et l’expérience des personnes qui évoluent tant à l’intérieur qu’à l’extérieur de cette organisation. Une organisation peut avoir des sous-cultures dominantes et contradictoires[213].

Les cultures organisationnelles, pratiques officieuses et évaluations subjectives sont particulièrement susceptibles de désavantager par inadvertance les minorités de croyance évoluant au sein des organisations.

Exemple : Une société de placement a comme tradition de célébrer ses succès dans un bar, autour d’un verre. Elle organise régulièrement des « retrouvailles » en soirée les jeudis dans un bar local pour permettre aux employés de se détendre et de discuter des dernières tendances du marché. Ces rencontres offrent des occasions de réseautage et de mentorat à bâtons rompus au personnel moins chevronné. Les personnes de confession religieuse qui ne boivent pas d’alcool pour des motifs liés à la croyance sont, dans les faits, incapables de tirer avantage de ces possibilités d’échange d’information et de réseautage officieuses, ce qui pourrait limiter de façon considérable leur avancement au sein de la société. Le fait de ne pas offrir d’autres occasions plus inclusives de réseautage professionnel et de mentorat au personnel, y compris aux personnes qui ne consomment pas d’alcool ou ne peuvent pas se réunir dans des endroits où l’on sert de l’alcool pour des motifs liés à la croyance, pourrait s’avérer discriminatoire.

Les organisations ont la responsabilité de veiller à ne pas exercer de discrimination systémique de manière intentionnelle ou non. Cela demande de la vigilance ainsi qu’une volonté de surveiller et de passer en revue les données numériques, les politiques, les pratiques, les processus décisionnels et la culture organisationnelle. Du point de vue des droits de la personne, il n’est pas acceptable qu’une organisation choisisse de fermer les yeux sur l’existence de discrimination systémique ou de ne pas agir au moment de prendre conscience d’un problème.

Pour obtenir un complément d’information sur les mesures de lutte contre la discrimination systémique, voir le document de la CODP intitulé Politique et directives sur le racisme et la discrimination raciale.

7.10 Représailles

L’article 8 du Code protège les gens contre les représailles et les menaces de représailles. Des représailles sont des gestes ou des menaces qui ont pour but[214] de punir une personne pour avoir revendiqué ou exercé un droit aux termes du Code.

Les membres de communautés de croyance peuvent revendiquer leurs droits protégés par le Code en déposant un grief contre un employeur (en milieu de travail syndiqué), une plainte pour discrimination à l’interne, auprès d’un fournisseur de services, fournisseur de logements ou employeur, ou une requête auprès du TDPO. Cependant, pour démontrer l’existence de représailles, il n’est pas nécessaire que la personne qui allègue en avoir subies ait déposé une plainte ou une requête officielle aux termes du Code. Elle n’a pas non plus à prouver qu’elle a bel et bien fait l’objet de discrimination[215].

Une personne a subi des représailles en lien avec un motif du Code si :

  • un geste a été posé contre elle ou des menaces ont été proférées à son endroit
  • la menace ou le geste allégué avait trait au fait qu’elle avait revendiqué ou tenté d’exercer un droit protégé par le Code
  • l’organisation avait l’intention de se venger sur la personne pour avoir revendiqué ou tenté d’exercer le droit[216].

Exemple : Un restaurant de Toronto a été jugé coupable d’avoir contrevenu à l’article 8 du Code en exerçant des représailles sur trois anciens membres du personnel de la cuisine qui s’étaient plaints de discrimination. Les trois anciens employés, un chef cuisinier, un sous-chef et un cuisinier, ont subi diverses formes de représailles après avoir soumis deux lettres dans lesquelles ils faisaient part à l’employeur d’une variété de griefs, dont des allégations de discrimination fondée sur la croyance et d’autres motifs liés à la race[217]. Le TDPO a conclu que le traitement réservé aux employés par le gérant du restaurant après le dépôt de la lettre s’est aggravé : l’employeur a pris des mesures pour embaucher du personnel de remplacement (composé uniquement de personnes blanches); on a demandé au chef cuisinier de former un nouveau subalterne (sous-chef) à son poste de travail habituel et de s’occuper du buffet à salade (un poste inférieur dans la hiérarchie de la cuisine). En définitive, le TDPO a déterminé que l’employeur « avait rendu le milieu de travail insupportable pour chacun des requérants » et que le gérant avait « précipité une confrontation » ayant mené au congédiement du chef cuisinier, et peu après des autres membres du personnel de la cuisine, et que cela constituait un congédiement déguisé et des représailles[218].

La menace de représailles contribue parfois à la décision d’une personne de ne pas se plaindre ou revendiquer ses droits. Par exemple, durant les consultations[219], la CODP a appris que certains employés, surtout ceux qui se sentent insécures ou vulnérables sur le plan économique, ne font pas part de leur appartenance ou besoins en matière de croyance. Ils ne se plaignent pas du manque d’accommodement de leur croyance et ne demandent pas de mesures d’adaptation connexes par crainte d’être marginalisés ou stigmatisés pas des collègues de travail ou l’employeur et (ou) d’être congédiés ou rétrogradés.

Pour lutter contre la discrimination systémique, les organisations doivent créer un climat inclusif et accueillant propice à la remise en question et à l’élimination des stéréotypes et des pratiques et attitudes négatives[220].


[126] Williams v. Children’s Aid Society of Toronto, 2011 HRTO 265 (CanLII).

[127] Voir Johnson v. Halifax Regional Police Service (2003), 48 C.H.R.R. D/307 (N.S. Bd.Inq.) [Johnson], au par. 57, pour obtenir un exemple d’écart par rapport aux pratiques habituelles utilisé à l’appui d’un jugement de discrimination raciale. Voir aussi Pieters v. Peel Law Association, 2010 HRTO 2411 (CanLII).), confirmé dans Pieterssupra, note 34.

[128] Des musulmans (y compris des personnes perçues à tort comme des musulmans) et des personnes sikhes figuraient couramment parmi les membres de communautés de croyance signalant des incidents de harcèlement manifeste fondé sur la croyance (et tout particulièrement les femmes musulmanes portant un voile).

[129] Voir Haykinsupra, note 92, qui confirme que le Code interdit le harcèlement en matière de services.

[130] Paragraphe 10(1) du Code. Dans Murchie v. JB’s Mongolian Grill, 2006 HRTO 33 (CanLII), au par. 161, le TDPO a jugé qu’un incident grave isolé pouvait constituer du harcèlement. Cependant, on considère plus souvent qu’autrement les incidents isolés comme une forme de discrimination (voir la section 7.3 sur les milieux empoisonnés). Voir par exemple Romano v. 1577118 Ontario Inc., 2008 HRTO 9 (CanLII) et Haykin, supra, note 92.

[131] Voir Reed v. Cattolica Investments Ltd., (1996), 30 C.H.R.R. D/331. Voir aussi Gregory v. Parkbridge Lifestyle Communities Inc. 2011 HRTO 1535 (CanLII), au par. 87, [Gregory] citant Ghosh v. Domglas Inc. (No. 2) (1992), 17 C.H.R.R. D/216 (Ont. Bd. Inq.), aux par. 43 à 48, et Dhanjal v. Air Canada, (1996), 28 C.H.R.R. D/367, au par. 50 (C.H.R.T.), [Dhanjal], confirmé dans Dhanjal c. Canada (Commission des droits de la personne), 1997 CanLII 5751 (C. féd.).

[132] Voir, par exemple, S.S. v. Taylor, 2012 HRTO 1839 (CanLII), au par. 71.

[133] Voir, par exemple, Harriott v. National Money Mart Co., 2010 HRTO 353 (CanLII), au par. 104.

[134] Dastghib v. Richmond Auto Body Ltd. (No. 2) (2007), 60 C.H.R.R. D/167 (B.C.H.R.T.). Le tribunal de la C.-B. a déterminé que le requérant avait fait l’objet de discrimination fondée sur la race, la couleur et la religion, et a souligné les conséquences particulières des insultes survenues après les événements du 11 septembre : « À mon avis, les références à Bin Laden et à Hussein, dans le contexte du 11 septembre, et la manière dont ces deux personnes étaient représentées dans les médias, nous mèneraient à conclure qu’une personne était comparée à l’auteur de massacres, à un dictateur ou à un terroriste. Surtout aux lendemains du 11 septembre, de telles remarques proférées contre une personne musulmane ou venant du Moyen-Orient sont extrêmement blessantes, elles constituent une insulte raciste et sont donc discriminatoires » (par. 212).

[135] Perez-Moreno v. Kulczycki, 2013 HRTO 1074 (CanLII).

[136] L.R.O. 1990, chap. O.1. art. 32.0.1-32.0.7.

[137] Voir R. v. Feltmate, 2012 NSSC 319 (CanLII) pour un exemple d’affaire pénale en lien avec la religion/croyance. Voir aussi le Rapport de recherche et de consultation sur les droits de la personne et la croyance pour une analyse plus poussée des tendances en matière de crimes haineux fondés sur la croyance.

[138] Dans Dhanjal c. Air Canada, supra, note 131, le Tribunal canadien des droits de la personne a noté que plus la conduite est grave, moins il est nécessaire qu’elle soit répétée. À l’inverse, le tribunal a indiqué que moins la conduite est grave, plus il est nécessaire de démontrer sa persistance. Voir aussi General Motors of Canada Limited v. Johnson, 2013 ONCA 502 (CanLII).

[139] Islam v. Big Inc. 2013 HRTO 2009 (CanLII), au par. 275, [Big Inc.], confirmé dans Big Inc. v Islam, 2015 ONSC 2921 (CanLII), citant Xu v. Quality Meat Packers Ltd., 2013 HRTO 533 (CanLII), au par. 108. Voir aussi Smith v. Menzies Chrysler, 2009 HRTO 1936 (CanLII); Dhillon v. F.W. Woolworth Co. (1982), 3 C.H.R.R. D/743, au par. 6691 (Ont. Bd. Inq.); Naraine v. Ford Motor Co. of Canada (No. 4) (1996), 27 C.H.R.R. D/230, au par. 50 (Ont. Bd. Inq.), confirmé dans Ontario (Human Rights Commission) v. Naraine, 2001 CanLII 21234 (Ont. C.A.), citant Dhillon v F.W. Woolworth Co. (1982), 3 C.H.R.R. D/743, au par. 6691.

[140] Voir Dhanjalsupra, note 131 et 138; Johnson, supra, note 127; Moffatt v. Kinark Child and Family Services (1998) 35 C.H.R.R. D/205 (Ont. Bd. Inq.); Kharoud v. Valle-Reyes (2000), C.H.R.R. Doc. 00-144 (B.C.H.R.T.); Dhanjal, supra, note 131.

[141] Voir aussi Lee v. T.J. Applebee’s Food Conglomeration (1987), 9 C.H.R.R. D/4781 (Ont. Bd. Inq.).

[142] Il pourrait également s’agir de discrimination fondée sur le chevauchement de plusieurs motifs du Code associés à la race.

[143] Voir p. ex. Vanderputten v Seydaco Packaging Corp., 2012 HRTO 1977 (CanLII) [Vanderputten].

[144] Voir Smith v. Ontario (Human Rights Commission), (2005), 52 C.H.R.R. D/89 (Ont. Div.Ct.) et Naraine v. Ford Motor Company [1996], 27 C.H.R.R. D/23014 (Ont. Bd. Inq.); confirmé dans 34 C.H.R.R. D/405 (Ont. Div. Ct.); infirmé dans (2001), 209 D.L.R. (4th) 465 (Ont. C.A.); autorisation d’appel refusée [2002] S.C.C.A. No. 69 (QL).

[145] Ross c. Conseil scolaire du district nº 15 du Nouveau-Brunswick, [1996] 1 R.C.S. 825. La Cour suprême du Canada a examiné l’allégation de Malcolm Ross selon laquelle une décision d’une commission d’enquête en matière de droits de la personne qui l’empêchait de continuer à enseigner en raison de ses propos antisémitiques avait contrevenu à ses droits religieux. En plus de conclure que les commentaires tenus par M. Ross à l’extérieur du travail avait, dans les faits, empoisonné le milieu scolaire, la Cour suprême a aussi conclu que le conseil scolaire avait manqué à son obligation de maintenir un environnement positif et avait fait de la discrimination en n’adoptant pas d’approche proactive pour résoudre la controverse entourant M. Ross.

[146] Vanderputtensupra, note 143; McKinnon v. Ontario (Ministry of Correctional Services), [1998] O.H.R.B.I.D. No. 10 [McKinnon].

[147] Plus précisément, en déguisant sa voix et en adoptant un accent censé être celui d’une personne du Moyen-Orient, le détective a déclaré que l’homme avait suivi des leçons de pilotage à l’aéroport de Buttonville. Il a également suggéré que l’on fouille son casier pour y trouver un manuel de pilotage en arabe et a affirmé qu’il était un « infâme militant islamique ». Yousufi v. Toronto Police Services Board, 2009 HRTO 351 (CanLII) [Yousufi].

[148] Idem.

[149] Ghosh v. Domglass Inc. (1992), 17 C.H.R.R. D/216 (at D/227), au par. 76, tel que cité dans McKinnon v. Ontario (Ministry of Correctional Services), supra, note146. Pour en savoir davantage sur la responsabilité des sociétés relativement aux actes commis par les « âmes dirigeantes » de l’organisation, voir la section 12.

[150] Dufoursupra, note 7.

[151] Ce principe a été établi, dans le contexte de la Charte, dans l'affaire Big Msupra, note 5.

[152] Comme l’a affirmé la Cour suprême du Canada dans Big Msupra, note 5, au par. 123 : « Quels que soient les autres sens que peut avoir la liberté de conscience et de religion, elle doit à tout le moins signifier ceci : le gouvernement [et par extension les autres organisations publiques assujetties à la Charte] ne peut, dans un but sectaire, contraindre des personnes à professer une foi religieuse ou à pratiquer une religion en particulier ».

[153] S.L. c. Commission scolaire des Chênes, 2012 CSC 7, [2012] 1 R.C.S. 235 [S.L.]; Saguenaysupra, note 41; Loyolasupra, note 8. Pour en savoir davantage sur le devoir de neutralité, voir la section 9.11.6 sur la laïcité et le devoir de neutralité.

[154]Voir Dufour, supra, note 7 et Streeter v. HR Technologies, 2009 HRTO 841 (CanLII) [Streeter]. Un employeur peut légitimement exiger qu’un candidat possède certaines qualités religieuses s’il s’agit d’un groupement religieux et qu’il satisfait aux exigences d’admissibilité à une défense prévue dans le Code; voir les sections 8.2 et 8.3.

[155] Streeter, idem. Selon le TDPO, les activités et discussions religieuses allaient au-delà de ce qu’on pourrait qualifier de « normal » dans un bureau, et constituaient une tentative de persuasion de M. Streeter afin qu’il épouse une question qui n’avait rien à voir avec les affaires de l’entreprise ou son travail d’employé.

[156] Dufour, supra, note 7.

[157] Dans les affaires Dufour, idem, et Streetersupra, note 154, le tribunal a clairement souligné que le seul fait de discuter de religion ne contrevient pas au Code.

[158] Lapcevic v. Pablo Neruda Non-Profit Housing Corporation, 2010 HRTO 927 (CanLII). Le TDPO a conclu que l’information n’était pas suffisante pour établir que la superviseure aurait dû savoir que cette conduite était importune.

[159] L’une des principales décisions de la Cour suprême du Canada portant sur les droits religieux, Big M., supra, note 5, portait sur une contestation, aux termes de la Charte, d’une loi fédérale, la Loi sur le dimanche, selon laquelle il était illégal pour les magasins de rester ouverts le dimanche, à quelques exceptions près. La Cour suprême a conclu que l’objet de la loi était d’obliger l’observance du jour de repos chrétien et que cet objet portait atteinte à la liberté de religion. La Cour a également souligné qu’en imposant des prescriptions de la foi chrétienne, cette loi créait un climat hostile aux Canadiennes et Canadiens non chrétiens et paraissait en outre discriminatoire à leur égard. La Cour a également conclu que le pouvoir d'imposer l'observance universelle du jour de repos préféré par une religion ne concordait guère avec le maintien et la valorisation du patrimoine multiculturel des Canadiennes et Canadiens.

[160]Par exemple, dans Freitag v. Penetanguishene (Town) (1999), 47 O.R. (3d) 301 (C.A.) [Freitag ONCA], la Cour d’appel de l’Ontario a déterminé que la récitation de la prière du Seigneur au début des assemblées municipales avait pour objectif d’imposer « un ton de morale chrétienne aux délibérations du conseil », et contrevenait aux droits des non-chrétiens. Voir aussi Saguenaysupra, note 41.

[161] Dans Allen v. Renfrew (Corp. of the County) 2004 CanLII 13978 (ON S.C.) [Allen v. Renfrew], un « humaniste non confessionnel » a contesté l’usage, par le conseil du comté de Renfrew, d’une prière non confessionnelle durant ses assemblées mensuelles. La Cour supérieure de l’Ontario a conclu qu’une prière qui est largement œcuménique et qui n’est pas liée à une confession particulière, même si elle fait référence à Dieu, ne constituait pas une atteinte aux droits de religion malgré le fait qu’elle puisse être incompatible avec les croyances de certains « groupes minoritaires ». La Cour a également rejeté l’argument selon lequel le seul fait de mentionner Dieu dans une prière dans le cadre d’une réunion gouvernementale pourrait être perçu comme une tentative coercitive d’imposer une observance religieuse. Cependant, cette décision précède une décision de la HRTO qui établissait qu’une prière d’ouverture non confessionnelle et optionnelle similaire contrevenait au CodeFreitag HRTO, supra, note 107, et Freitag ONCA, supra, note 160; Voir aussi Saguenay, supra, note 41.

[162] Saguenayidem (voir surtout les par. 135-140). La Cour a établi une distinction d’avec les arrêts Freitag ONCA, supra, note 160, et Allen v. Renfrew, supra, note 161 (aux par. 138-140).

[163] Saguenay, supra, note 41, au par. 120. La Cour a aussi déclaré que cela avait pour effet de permettre aux personnes ayant des convictions théistes de « participer à la démocratie municipale dans un environnement favorable à l’expression de leurs croyances, alors que si les incroyants peuvent eux aussi participer, c’est au prix de l’isolement, de l’exclusion et de la stigmatisation. Cela compromet le droit [du requérant] à l’exercice de sa liberté de conscience et de religion ».

[164] Saguenayidem, au par. 137.

[165] Voir, par exemple, Saguenayidem, au par. 101, dans le cadre duquel la Cour suprême a aussi déterminé que le fait d’allouer au requérant (un athée) et aux autres participants aux assemblées du conseil qui le souhaitaient le temps requis pour quitter la salle durant la récitation de la prière d’ouverture ne faisait qu’« accentuer » et que « faire ressortir » l’effet d’exclusion de la pratique. (Voir aussi les par. 122-125). Voir aussi Freitag ONCA, supra, note 160, aux par. 39-40.

[166] Dans Zylberberg v. Sudbury Board of Education, la Cour d’appel de l’Ontario a expliqué qu’il doit être tenu compte du « point de vue des élèves dans le contexte délicat de l’école publique » et que « la pression exercée par les pairs et les normes de la classe auxquelles les enfants sont extrêmement sensibles […] sont réelles et omniprésentes, et ont pour effet de contraindre les membres de minorités religieuses à se conformer aux pratiques religieuses de la majorité ». 1988 CanLII 189 (Ont. CA), aux par. 20-21.

[167] Pour en savoir davantage sur la religion dans la sphère publique, voir la section 9.11.6.

[168] Dans S.L., supra, note 153, au par. 40 :

[S]uggérer que le fait même d’exposer des enfants à différents faits religieux porte atteinte à la liberté de religion de ceux-ci ou de leurs parents revient à rejeter la réalité multiculturelle de la société canadienne et méconnaître les obligations de l’État québécois en matière d’éducation publique. Bien qu’une telle exposition puisse être source de frictions, elle ne constitue pas en soi une atteinte à l’al. 2a) de la Charte canadienne et à l’art. 3 de la Charte québécoise.

En tirant cette conclusion, la Cour a cité, au par. 39, ses propres commentaires antérieurs sur les « dissonances cognitives » dans l’arrêt Chamberlain c. Surrey School District No. 36, [2002] 4 R.C.S. 710 [Chamberlain], aux par. 65-66. Pour connaître les autres facteurs à prendre en compte dans le contexte de l’éducation, voir la section 10.5.

[169] Par exemple, dans R.C., supra, note 67, aux par. 46-48, le TDPO a tenu compte des relations de pouvoir, inégalités et désavantages sociaux et historiques qui existent entre les communautés de croyance, ainsi que les circonstances particulières d’un milieu scolaire primaire.

[170] Par exemple, dans R.C., idem, au par. 60, le TDPO a indiqué que « les activités en lien avec la croyance menées à l’extérieur de la salle de classe ne doivent pas automatiquement être éliminées, tant que la participation à ces activités est facultative, que les élèves ne subissent pas de pression en vue d’y participer, et que l’école conserve sa neutralité, montre clairement qu’elle appuie ce genre d’activités pour toutes les croyances et qu’elle ne fait pas la promotion d’une croyance particulière ».

[171]Dans Canadian Civil Liberties Assn. v. Ontario (Minister of Education), 1990 CanLII 6881 (Ont. CA) [Elgin County], la Cour d’appel de l’Ontario a examiné un règlement provincial qui imposait des périodes d’éducation religieuses dans le cadre du programme d’études des écoles publiques de l’Ontario. Confirmant la décision antérieure dans l’arrêt Zylberberg (voir supra, note 166), le tribunal a jugé que ce règlement avait pour objet et pour effet de permettre l’endoctrinement religieux, ce que la Charte canadienne n’autorise pas. Cependant, la Cour d’appel a fait remarquer qu’un programme qui prodiguerait un enseignement religieux et moral sans toutefois tendre à endoctriner dans une foi particulière n’enfreindrait pas la Charte canadienne. La Cour suprême du Canada a cité avec approbation Elgin County dans S.L.supra, note 153, au par. 20.

[172] Elgin Countyidem, aux par. 40-41, citant Religion in the Public Schools, American Association of School Administrators, 1986, au par. 33 [nous soulignons], traduit de Education About Religion in Ontario Public Elementary Schools du ministère de l’Éducation de l’Ontario, qui citait les directives en soulignant (Extrait le 24 septembre 2010 de www.edu.gov.on.ca/eng/document/curricul/religion/religioe.html)].

[173] Voir Loyolasupra, note 8.

[174] Loyolasupra, note 8, au par. 48 [souligné dans l’original], citant Benjamin L. Berger. « Religious Diversity, Education, and the ‘Crisis’ in State Neutrality” » (2014), R.C.D.S., vol. 29, p. 103, à 115.

[175] Par exemple, par le passé, un conseil scolaire permettait uniquement la distribution d’ouvrages chrétiens aux élèves. Il a révisé sa politique pour permettre la distribution de matériel d’autres religions mais, dans la pratique, seuls des ouvrages chrétiens ont continué d’être distribués. Aucun effort n’a été déployé pour publiciser la nouvelle politique ou veiller à ce que les membres d’autres croyances sachent qu’ils pouvaient fournir du matériel. Quand des adeptes d’une foi non chrétienne demandaient d’obtenir la distribution d’autre matériel, aucun suivi n’était fait. Il a été déterminé qu’il y avait eu discrimination, malgré l’existence d’une nouvelle politique. R.C, supra, note 67.

[176] La jurisprudence abonde de décisions établissant le phénomène du profilage racial. Voir, par exemple, Nassiah v. Peel Regional Police Services Board, 2007 HRTO 14 (CanLII) [Nassiah]; Shaw v. Phipps, 2012 ONCA 155 (CanLII); McKay v. Toronto Police Services Board, 2011 HRTO 499 (CanLII) [McKay]; Pieterssupra, note 34. Voir aussi le document de la CODP intitulé, Politique et directives sur le racisme et la discrimination raciale, offert en ligne à l’adresse www.ohrc.on.ca/fr/politique-et-directives-sur-le-racisme-et-la-discrimination-raciale, ainsi que le rapport de 2003 de la CODP Un prix trop élevé : Les coûts humains du profilage racial, offert en ligne à l’adresse www.ohrc.on.ca/fr/un-prix-trop-%C3%A9lev%C3%A9-les-co%C3%BBts-humains-du-profilage-racial.

[177] Société Radio-Canada. September 11th in Hindsight : Recovery and Resolve, 2002. En ligne à l’adresse : cbc.ca/september11/content_files/text/poll_nw.html#section3. Extrait le 1er mai 2003.

[178] Conseil canadien des relations islamo-américaines. Survey : More than half of Canadian Muslims Suffered Post-9/11 Bias, 22 septembre 2002. Extrait de www.caircan.ca/itn_more.php?id=A90_0_2_0_M. Voir aussi Reem Bahdi, Olanyi Parsons et Tom Sandborn. « Racial Profiling: B.C. Civil Liberties Association Position Paper »Marcuse, R. (éd.) BCCLA : Racial Profiling Vancouver, BCCLA, vol. 31 (2010), p. 35; CTV.ca News Staff. 1 in 6 Canadians victims of Racial Profiling : Poll, 21 mars 2005. Extrait le 29 décembre 2008 de www.ctv.ca/servlet/an/story/CTVNews/20050321/racism_ipsos_050321; Powell, Terry. « One in Six Canadians Victims of Racism », Canadian Press, 21 mars 2005. Extrait le 29 décembre 2008 de www.caircan.ca/mw_more.php?id=P1488_0_7_0_C.; Hanniman, W. « Canadian Muslims, Islamophobia and National Security », Int’l J L, Crime & Jus, vol. 36 (2008), p. 271, aux p. 273-275.

[179] Voir Esposito, J. et Kalim, I., supra, note 56; Poynting, S., et Perry, B., supra, note 59; Razack, S., supra, note 58; Gottschalk, P et Greenberg, G, supra, note 59.

[180] Yousufisupra, note 147; Kinexus Bioinformatics Corp. v. Asad, 2008 BCHRT 293 (CanLII) [Kinexus], confirmé dans Kinexus Bioinformatics Corporation v. Asad, 2010 BCSC 33 (CanLII). De plus, la CODP a reçu de nombreux rapports sur le profilage racial et le profilage fondé sur la croyance en réponse à son sondage sur la croyance de 2013.

[181] Kinexusidem.

[182] Un kirpan est un objet religieux (représentation stylisée d’une épée ressemblant à un poignard) que portent les hommes sikhs.

[183] Multani c. Commission scolaire Marguerite-Bourgeoys, [2006] 1 R.C.S. 256, au par. 71 [Multani].

[184] Pieters, supra, note 34; R. v. Brown (2003), 64 O.R. (3d) 161 (Ont. C.A.). Voir aussi R. v. Richards, 1999 CanLII 1602 (Ont. C.A.); Peart v. Peel Regional Police Services, 2006 CanLII 37566 (Ont. C.A.); R. v. Khan, 2004 CanLII 66305 (Ont. Sup. Ct.) [Khan].

[185] Par exemple, dans Khanidem, aux par. 65 et 68, l’explication des agents de police qui avaient interpellé M. Khan et fouillé sa voiture ne concordait pas avec la preuve documentaire ni avec le sens commun. La Cour a estimé raisonnable de conclure qu’il s’agissait de profilage racial, M. Khan étant un jeune homme noir, au volant d’une voiture de luxe.

[186] Dans Johnsonsupra, note 127, au par. 57, la commission d’enquête de la Nouvelle-Écosse a estimé que, pour déterminer l’existence prima facie d’un traitement différentiel, une commission d’enquête doit essayer d’établir de quelle façon les événements se déroulent normalement dans une situation analogue. Les écarts de la pratique normale et les marques d’intransigeance ou d’impolitesse permettent de conclure à un traitement différentiel.

[187] Johnsonidem. La commission d’enquête a jugé que la manière non professionnelle dont la personne avait été traitée lors d’un incident de la circulation était due à sa race et qu’il serait difficile d’imaginer qu’on traite un automobiliste blanc de la même façon. Voir aussi Radek v. Henderson Development (Canada) Ltd. (No. 3) (2005), 52 C.H.R.R. D/430 (B.C.H.R.T.), au par. 471 [Radek]; Nassiahsupra, note 176, aux par. 100-106.

[188] Voir Radekidem.

[189] Voir, par exemple, McKaysupra, note 176.

[190] R. v. Parks, 1993 CanLII 3383 (Ont. C.A.). Voir aussi Adams v. Knoll North America, 2009 HRTO 1381 (CanLII), confirmé dans Knoll North America Corp. v. Adams, 2010 ONSC 3005 (CanLII).

[191] L’analyse proposée dans le contexte du profilage racial est la suivante : « [P]our déterminer s’il y a eu traitement différentiel, la commission doit nécessairement faire une hypothèse sur la façon dont les choses se seraient passées si le chauffeur et son passager avaient été blancs plutôt que noirs […] Je trouve difficile d’imaginer que ces événements se seraient déroulés de la même façon si un automobiliste blanc du Texas avait été en cause ici ». Voir Johnsonsupra, note 127, aux par. 51 et 57. Voir aussi Abbott v. Toronto Police Services Board, 2009 HRTO 1909 (CanLII).

[192] Par exemple, dans Maynard v. Toronto Police Services Board, 2012 HRTO 1220 (CanLII), aux par. 175 et 176 [Maynard], la CODP a conclu qu’un agent de police avait le TDPO a estimé que l’agent de police avait « tant élargi le champ de ses recherches » que la race était le facteur prédominant qui l’avait poussé à s’intéresser à un jeune Noir. 

[193] Maynardidem, au par. 154; Commission ontarienne des droits de la personne. Politique et directives sur le racisme et la discrimination raciale, 2005, p. 23.

[194] Pour en savoir davantage sur le concept de l’intersectionnalité et de son application dans la jurisprudence, voir le document de travail de la CODP de 2001 intitulé Approche intersectionnelle de la discrimination pour traiter les plaintes relatives aux droits de la personne fondées sur des motifs multiples (www.ohrc.on.ca/fr/approche-intersectionnelle-de-la-discrimination-pour-t...).

[195] L’examen mené par la CODP des plaintes déposées auprès du Tribunal des droits de la personne de l’Ontario (« requêtes ») et citant la croyance comme motif de discrimination a révélé qu’une majorité des requêtes relatives à la croyance citaient aussi un motif lié à la race (pour une analyse plus poussée des requêtes realtives à la croyance déposées auprès du TDPO, voir le Rapport de recherche et de consultation sur les droits de la personne et la croyance de la CODP). Voir aussi la section 3.3 pour une exploration plus poussée des tendances actuelles.

[196] Big Inc., supra, note 139.

[197] Voir, par exemple, R. c. N.S., [2012] 3 R.C.S. 726 [N.S.].

[198] Pour de plus amples renseignements sur les dynamiques intersectionnelles faisant intervenir le sexe et la croyance, voir, par exemple, Caroline Sweetman's (éd.). Gender, Religion and Spirituality, 1998, Royaume-Uni, Oxfam International.

[199] Voir la section 10.6.1 pour obtenir plus de renseignements sur l’obligation d’accommodement de la pratique du jeûne rattaché à la croyance, par exemple. L’obligation d’accommodement peut être limité ou inexistant s’il créerait un préjudice injustifié, ou s’il peut être démontré que la règle, la norme ou la tâche en cause constitue une exigence de bonne foi. Voir la section 9.5.2 pour en savoir davantage sur les exigences de bonne foi.

[200] Par exemple, dans Krall v. Vedic Hindu Cultural Society (2005), 56 C.H.R.R. D/306 (B.C.H.R.T.), une femme a déposé une plainte contre un temple hindou auprès du tribunal des droits de la personne de la C.-B., après qu’on lui a demandé de quitter la salle à une occasion et de prier à l’arrière du temple parce que lorsqu’elle prie, elle entre en transe, crie, gesticule et saute. Selon le tribunal, l’arrêt Amselem confirmait que l’interprétation personnelle qu’une personne a de sa foi est protégée et que les limites ayant été imposées à la requérante constituaient en effet de la discrimination fondée sur la religion. Toutefois, le tribunal a également conclu que son comportement perturbait les autres fidèles et effrayait les enfants. Par conséquent, les autorités du temple avaient proposé une mesure d’adaptation raisonnable en lui demandant de prier à l’arrière du temple. Voir l’Examen de la jurisprudence relative à la croyance pour obtenir des exemples récents de décisions judiciaires. Pour en connaître davantage sur la tendance vaste et croissante que constitue la diversité intrareligieuse, et sur le rôle de la laïcisation et l’individualisation, voir le Rapport de recherche et de consultation sur les droits de la personne et la croyance de la CODP. Pour en savoir davantage sur le déclin des formes institutionnelles centralisées d’autorité religieuse dans l’ère moderne et de ses répercussions sur la diversité religieuse contemporaine, voir aussi Woodhead, L. et coll. Religions in the Modern World (revised 2nd edition): Traditions and TransformationsNew York, Routledge, 2009.

[201] Hadzic v. Pizza Hut, (1999), 37 C.H.R.R. D/252 (B.C.H.R.T.).

[202] McGuire v. Better Image Property Maintenance Inc. (2006), CHRR Doc. 06-744, 2006 BCHRT 544.

[203] Rill v. Kashruth Council of Canada, 2008 HRTO 162 (CanLII). Le requérant, qui avait précédemment obtenu la certification, avait tenté de faire une nouvelle demande pour devenir traiteur casher en février 2008 parce qu’il était d’avis que la politique du Kashruth Council permettait à un traiteur non orthodoxe d’obtenir la certification tant qu’un mashgiach orthodoxe était présent en tout temps pour superviser la préparation des aliments. Cependant, l’intimé ne lui a pas permis de déposer une nouvelle demande.

[204] Voir la section 9.2.

[205] Voir l’art. 12 du Code des droits de la personne de l’Ontario pour obtenir de plus amples renseignements sur la discrimination fondée sur l’association : www.ontario.ca/fr/lois/loi/90h19

[206] Idem.

[207] Voir p. ex. Knibbssupra, note 101, et Petterson, supra, note 101.

[208] Le paragraphe 11(1) du Code indique qu’il peut y avoir discrimination dans le cas suivant :

[L]’existence d'une exigence, d'une qualité requise ou d'un critère qui ne constitue pas une discrimination fondée sur un motif illicite, mais qui entraîne l'exclusion ou la préférence d'un groupe de personne identifié par un motif illicite de discrimination et dont la personne est membre […]

[209] Big Inc.supra, note 139, au par. 112.

[210] Cela est établi à l’al. 11(1)b) du Code.

[211] Cela est établi à l’al. 11(1)b) du Code. Voir la section 8 (Défenses et exceptions) et 9.8 (Obligation d’accommodement) pour en savoir davantage sur les exceptions prévues par la loi.

[212] Dans Moore, supra, note 116, la Cour suprême du Canada a réaffirmé la définition de discrimination systémique qu’elle avait établie en 1987 dans son arrêt charnière CN. c. Canada (Commission canadienne des droits de la personne), [1987] 1 R.C.S. 1114, c’est-à-dire « des pratiques ou des attitudes qui, de par leur conception ou par voie de conséquence, gênent l’accès des particuliers ou des groupes à des possibilités d’emplois, en raison de caractéristiques qui leur sont prêtées à tort » (aux par. 1138 et 1139). La CODP emploie « discrimination systémique » pour parler d’institutions individuelles ou de systèmes institutionnels auxquels s’applique le Code (p. ex. le système d’éducation). 

[213] Pour en savoir davantage sur la création d’une culture organisationnelle axée sur les droits de la personne, voir : www.ohrc.on.ca/fr/droits-de-la-personne-et-services-policiers-cr%C3%A9er...

[214] Comme l’a indiqué la CODP dans Big Inc. : « Aux fins du Code, les représailles impliquent un acte délibéré. À la différence d’une allégation de discrimination, qui ne nécessite pas l’existence d’une intention pour faire la preuve d’une violation du Code, le requérant doit démontrer qu’un geste a été posé en guise de punition ou de représailles » : supra, note 139, au par. 186, citant Noble v. York University, 2010 HRTO 878 (CanLII) [Noble], Jones v. Amway of Canada Ltd., 2001 CanLII 26217 (HRTO), Ketola v. Value Propane Inc., 2002 CanLII 46510 (HRTO) et Moffatt v. Kinark Child & Family Services (1998), 35 CHRR D/205.

[215] Noble, idem, au par. 34.

[216] Nobleidem, au par. 33.

[217] Dans les lettres, les membres du personnel se plaignaient d’avoir été « forcés de goûter à du porc » et de manger d’autres aliments durant le mois sacré musulman du Ramadan, de n’avoir pas eu droit de prendre une journée de congé pour célébrer la fête religieuse musulman de l’Eid et d’avoir été menacés d’être licenciés et remplacés par du personnel blanc.

[218]Big Msupra, note 5.

[219]Voir par exemple le Résumé des conclusions du sondage sur les droits de la personne et la croyance de la CODP. Les commentaires de membres de groupes de travail issus de minorités religieuses, dont beaucoup parlaient au nom de récents immigrants en Ontario, révèlent la même situation.

[220] Voir la section 13 pour connaître des pratiques exemplaires.


 

8. Défenses et exceptions

Le Code comprend des défenses et exceptions spécifiques qui permettent d’adopter des conduites qui autrement seraient discriminatoires. Certaines de ces défenses et exceptions reconnaissent les droits des communautés de croyance d’accorder la préférence, dans certaines circonstances, à des personnes qui partagent les mêmes convictions ou pratiques rattachées à la croyance[221].

Dans bien des cas, ses défenses reflètent les efforts des législateurs en vue de concilier différents droits contradictoires et (ou) des droits individuels et collectifs[222]. La Cour suprême du Canada a souligné le fait que ces types de dispositions devraient être traitées non seulement comme des dispositions limitant des droits, ce qui exige une interprétation restrictive, mais aussi comme des dispositions conférant des droits, ce qui exige une interprétation libérale et téléologique (respectueuse de l’esprit et de l’objet du Code)[223].

Toute organisation qui souhaite invoquer les défenses ou exceptions prévues doit démontrer qu’elle répond à toutes les exigences de la disposition pertinente.

8.1 Programmes spéciaux

L’article 14 du Code protège les « programmes spéciaux » conçus pour pallier les désavantages historiques auxquels se heurtent les personnes visées par un motif du Code. Par conséquent, les programmes conçus tout spécialement pour venir en aide aux personnes identifiées par la croyance ne sont pas discriminatoires si l’organisation peut démontrer que ces programmes :

  • sont destinés à alléger un préjudice ou un désavantage économique
  • ont pour but d’aider un groupe défavorisé à bénéficier ou à tenter de bénéficier de chances égales
  • sont susceptibles de contribuer à l’élimination de la discrimination.

Pour obtenir plus de renseignements sur les programmes sociaux, voir le document de la CODP intitulé Guide des programmes spéciaux et du Code des droits de la personne[224].

8.2 Groupements sélectifs

Aux termes de l’article 18 du Code[225], les organismes religieux et autres comme les organismes de bienfaisance, les écoles, les clubs sociaux et les confréries d’étudiants ou d’étudiantes de l’université qui désirent limiter l’adhésion et la participation aux personnes adhérant à une religion ou à une croyance particulière peuvent le faire tant qu’elles servent principalement les intérêts des membres de ce groupe.

Exemple : Des étudiants d’une université créent un club qui offre des possibilités sociales et éducatives, ainsi que des occasions de réseautage, aux étudiants issus d’un groupe confessionnel particulier. Seuls les membres de ce groupe peuvent se joindre au club, conformément à l’article 18 du Code.

L’article 18 du Code établit trois exigences permettant à une organisation de fournir des services ou des installations qui, autrement, seraient jugés discriminatoires aux termes du Code :

  1.  S’agit-il d’un organisme ou d’un groupement à vocation religieuse, philanthropique, éducative, de secours mutuel ou sociale?
  2.  L’organisme ou le groupement a-t-il pour objectif principal de servir les intérêts de personnes identifiées par leur croyance?
  3.  La participation à l’organisme ou au groupement en tant que membre ou que participant est-elle limitée aux personnes identifiées par cette croyance[226]?

Pour se qualifier pour l’exemption, l’article 18 du Code n’exige pas qu’un organisme ou groupement fournisse ses services uniquement aux membres d’un groupe identifié par une croyance[227]. L’article indique que la prestation de tels services doit constituer son « principal » objectif.

Par conséquent, cette disposition pourrait permettre aux organismes religieux d’accorder la préférence sur le plan de leurs politiques d’admission ou de l’adhésion aux personnes de même confession religieuse. Dans la jurisprudence, l’interprétation de cet article assure la conciliation du droit du public à un traitement équitable sans discrimination et du droit d’une organisation privée de limiter ses membres à un groupe de personnes précis[228]. Les tribunaux administratifs et judiciaires ont aussi reconnu que ce type de disposition protège les dimensions associatives et collectives des droits religieux protégés par le Code et la Charte.

« La diversité de la société canadienne se reflète en partie dans les multiples groupements religieux qui caractérisent le paysage social et il y a lieu de respecter cette diversité d’opinions ». – Cour suprême du Canada[229]

 « La liberté de religion au sens où il faut l’entendre pour l’application de la Charte doit [...] tenir compte du fait que les convictions religieuses sont bien ancrées dans la société et qu’il existe des liens solides entre ces croyances et leur manifestation par le truchement d’institutions et de traditions collectives » – Cour suprême du Canada.[230]

L’affectation de fonds publics à des organismes privés à caractère religieux ou axé sur la croyance, comme des fournisseurs de soins de santé, de logements ou de services qui ont un passé, une mission ou un mandat à vocation confessionnelle et représentent des groupements sélectifs au sens du Code, peut être permise aux termes du Code, pourvu que ce financement ne soit pas affecté de façon discriminatoire (p. ex. en octroyant des fonds uniquement à un groupe religieux).

8.3 Emploi particulier

L’al. 24(1)(a) indique qu’un organisme ou un groupement religieux, philanthropique, éducatif, de secours mutuel ou social dont le principal objectif est de servir les intérêts de personnes identifiées par certains motifs du Code, dont la croyance, peut, au moment de l’embauche, accorder la préférence à ces personnes ou imposer une qualité requise en lien avec la croyance, si la qualité requise est exigée de façon raisonnable et de bonne foi compte tenu de la nature de l’emploi.

Exemple : Un organisme religieux embauche des personnes de même confession pour enseigner aux enfants inscrits à des programmes d’éducation religieuse parascolaires ou de fin de semaine. Une des exigences essentielles du poste est que les candidats soient membres de la même communauté de croyance et aient une bonne maîtrise des articles de foi de la communauté. 

Pour être admissible à l’exemption aux termes du Code, l’employeur spécial à vocation religieuse ou axée sur la croyance doit démontrer :  

  1. qu’il s’agit d’un organisme ou d’un groupement à vocation religieuse, philanthropique, éducative, de secours mutuel ou sociale
  2. que l’organisme ou le groupement a pour objectif principal de servir les intérêts de personnes identifiées par leur croyance et n’emploie que des personnes ainsi identifiées ou leur accorde la préférence au moment de l’embauche
  3. que la qualité requise sur le plan de la religion ou de la croyance est exigée de façon raisonnable et de bonne foi compte tenu de la nature de l'emploi[231].

Les législateurs ont démontré l’importance de garder à l’esprit le double objectif (limiter les droits et conférer des droits) et la fonction d’équilibrage de l’article 24 au moment d’interpréter cette disposition[232].

Étape 1 : Il s’agit d’un organisme à vocation religieuse, philanthropique, éducative, de secours mutuel ou sociale.

Pour être admissible à l’exemption pour emploi particulier aux termes de l’article 24, un organisme doit être en mesure de démontrer qu’il fait partie de la classe d’organismes (religieux, philanthropiques, éducatifs, de secours mutuel ou social) à laquelle s’applique l’article.

Avant de déterminer l’admissibilité d’un organisme à la défense de l’article 24, il pourrait être nécessaire de clarifier et de déterminer ce qui constitue l’organisme aux fins de l’analyse, surtout dans les cas où un organisme a beaucoup de bureaux, de programmes et (ou) d’emplacements. Cela pourrait être déterminé au cas par cas, selon les faits, le contexte, et la structure organisationnelle et d’affaires[233].

Le fait qu’un organisme se donne une vocation religieuse ne signifie pas qu’il sera qualifié d’organisme religieux[234]. Pour déterminer si un organisme peut être considéré comme un organisme religieux, un examen objectif de l’histoire, de l’objectif, des principes fondateurs et des statuts de l’organisme pourrait devoir être mené[235].

L’obtention de fonds publics ou la prestation de services sociaux aux membres du public n’empêche pas une organisation de se qualifier en tant qu’organisme religieux aux termes du Code[236].

Étape 2a : L’organisme a pour objectif principal de servir les intérêts de personnes identifiées de façon similaire par leur religion ou leur croyance.

Si l’étape 1 a été respectée, l’organisme religieux doit ensuite démontrer qu’il a pour objectif principal de servir les intérêts de personnes identifiées de façon similaire par leur religion ou leur croyance.

On ne détermine pas quelles personnes bénéficient principalement de l’activité d’un organisme en vérifiant qui, en fait, utilise les services ou les programmes de l’organisme, ou comment un acteur externe objectif perçoit l’activité de l’organisme. À cette étape, l’analyse repose plutôt sur l’évaluation de la façon dont l’organisme voit l’activité qu’il exerce et de la relation entre cette activité et la raison d’être sous-jacente de l’organisme[237].

Un organisme religieux ou axé sur la croyance qui offre des services au grand public et ne limite pas l’accès à ses programmes ou services en fonction de la croyance, peut quand même être considéré comme un organisme servant principalement les intérêts de personnes identifiées par une religion ou une croyance[238].

Exemple : La Cour divisionnaire de l’Ontario a conclu qu’un service de soutien au logement offert par un organisme évangélique chrétien à des personnes aux prises avec des troubles du développement, quelle que soit leur croyance, servait principalement les intérêts de personnes identifiées par la croyance (notamment les intérêts religieux de l’organisme et de ses membres). Si l’organisme offre des services sans discrimination fondée sur la croyance, c’est parce qu’il juge que le fait d’offrir des services à toutes les personnes qui en ont besoin, sans égard à leur croyance, fait partie de son mandat religieux[239].

Étape 2b : L’organisme accorde la préférence au moment de l’embauche aux personnes identifiées de façon similaire.

Cette partie de l’étape 2 exige que l’on examine la nature des exigences professionnelles et qualités requises fondées sur la croyance mises de l’avant par l’employeur.

Un organisme qui ne privilégie pas l’embauche de personnes identifiées de façon similaire par la religion ou la croyance et qui n’a pas d’antécédents ou de modèle uniforme d’imposition de qualités requises fondées sur la croyance pour une catégorie d’emploi donnée, peut avoir de la difficulté à satisfaire aux critères de l’étape 2.

Comme on en discute plus bas, il arrive que seulement certains postes offerts par un organisme puissent nécessiter l’imposition de qualités requises en lien avec la religion à titre d’exigences professionnelles de bonne foi (p. ex. postes de leadership ou « d’âme dirigeante » dans un organisme à vocation axée sur la croyance, ou postes de propagation ou d’enseignement direct de la croyance).

Exemple : L’Armée du Salut est un organisme évangélique chrétien et une division de l’Église de l’Armée du Salut. Elle a pour mission de prêcher l’Évangile de Jésus-Christ, de combler les besoins essentiels des gens, d’offrir du counseling individuel et d’entreprendre la réhabilitation morale, spirituelle et physique de toutes les personnes dans le besoin qui traversent sa sphère d’influence, quel que soit leur race, couleur, croyance, sexe, âge ou orientation sexuelle. L’Armée du Salut prend part à de nombreuses activités de services sociaux, y compris l’exploitation d’hôpitaux et la prestation de soins aux personnes ayant des troubles du développement. Son énoncé de valeurs exige que tous les employés adhèrent aux valeurs chrétiennes que sont le respect, l’honnêteté, l’intégrité, la justice, la clémence et la compassion. Cependant, l’adhérence à des normes relatives à la morale et au mode de vie est une qualité requise pour certains postes seulement, comme celui de pasteur, mais pas pour d’autres, comme celui d’infirmière autorisée[240].

Étape 3 : La qualité requise sur le plan de la religion ou de la croyance est exigée de façon raisonnable et de bonne foi compte tenu de la nature de l'emploi.

L’élément final des critères de l’alinéa 24(1)(a) du Code exige que la qualité requise sur le plan de la religion ou de la croyance soit « exigée de façon raisonnable et de bonne foi » compte tenu de la nature de l’emploi.

Les tribunaux administratifs et judiciaires ont établi un critère en deux parties visant à déterminer si une qualité requise ou une exigence est de bonne foi aux termes de l’article 24(1)(a) du Code[241].

Il incombe à l’employeur d’établir que l’exigence, la norme ou la qualité requise sur le plan de la religion ou de la croyance :

  1. est imposée honnêtement, de bonne foi et avec la conviction sincère que cette restriction est nécessaire en vue d'assurer la bonne exécution du travail en question, et non pour des motifs inavoués allant à l'encontre de ceux du Code
  2. se rapporte objectivement à l'exercice de l'emploi en question, en étant raisonnablement nécessaire pour assurer l'exécution efficace du travail et l’atteinte de son objectif.

La première partie de ce critère est subjective. Elle nécessite l’évaluation du point de vue de l’employeur concernant la nature de l’emploi et des qualités requises sur le plan religieux. Des éléments de preuve doivent venir démontrer que l’organisme croit sincèrement que les qualités requises sur le plan de la religion ou de la croyance sont nécessaires à l’exercice adéquat des fonctions du poste. 

La seconde partie du critère est objective et doit être interprétée de façon étroite parce qu’elle a pour résultat de limiter des droits[242]. Elle exige de déterminer si la fonction professionnelle d’un poste donné, y compris son rapport avec les objectifs, activités et services d’ensemble de l’organisation, requiert l’imposition de qualités requises discriminatoires[243]. En ce sens, il est essentiel qu’elle repose sur un examen détaillé de la nature des tâches, fonctions et activités réelles de l’employé[244].

Exemple : Une école confessionnelle peut préférer embaucher des enseignants de même confession ou croyance. Cette politique d'embauche serait permise si la croyance des enseignants est liée aux fonctions professionnelles qu’ils exercent dans une école confessionnelle. Cette même défense pourrait cependant ne pas s’appliquer à l’embauche de personnel d’entretien, à moins que l’école puisse démontrer que le fait d’adhérer à une confession donnée est nécessaire, de façon objective et de bonne foi, pour exécuter les tâches essentielles du poste de personnel d’entretien[245].

On ne peut et ne doit pas simplement en déduire qu’une norme ou qu’une qualité requise sur le plan de la religion ou de la croyance est valide en examinant uniquement la philosophie religieuse générale et la mission d’ensemble d’un organisme. La validité d’une telle norme ou qualité requise dépend directement et clairement de l’exécution des fonctions du poste en question[246].

Sur le plan procédural, les organismes pourraient devoir montrer qu’ils ont entrepris un processus sérieux d’examen de la nécessité de la qualité requise sur le plan religieux, à la lumière de leurs objectifs, de la nature des services fournis et des tâches spécifiques du poste[247]. Au moment de déterminer si une qualité requise ou une norme est raisonnablement nécessaire, il pourrait être pertinent d’examiner les pratiques d’autres organismes religieux en situation semblable[248].

Les organismes qui imposent des qualités requises et des normes de façon incohérente (sans raison valable ou explication) d’un employé à l’autre pourraient ne pas satisfaire la composante objective de ce critère[249].

Même lorsqu’il est admissible à l’exemption de l’article 24, un organisme demeure assujetti aux autres aspects du Code et doit assurer le maintien d’un milieu de travail autrement libre de discrimination[250]. L’exemption de l’article 24 ne donne pas le droit aux organismes d’effectuer toute autre discrimination, mise à part l’imposition de ses exigences et qualités requises de bonne foi en matière de croyance.

Les employés qui ont contrevenu à une exigence relative à la croyance doivent être traités d’une manière respectueuse qui préserve leur dignité[251].

8.4 Célébration du mariage par les autorités religieuses

L’article 18.1[252] du Code permet aux autorités religieuses[253] de refuser de célébrer un mariage (ou d’aider à célébrer un mariage) dans un « lieu sacré »[254] ou de refuser qu’un « lieu sacré » soit utilisé pour la tenue d’un événement lié à la célébration d’un mariage si cela est contraire à leurs convictions religieuses ou aux doctrines, rites ou coutumes de la confession religieuse à laquelle ils appartiennent.

Jusqu’à présent, aucune décision n’a porté sur l’application de cette disposition du Code de l’Ontario. Cependant, en Colombie-Britannique, une décision a été rendue aux termes de mesures législatives similaires.

Exemple : Un couple de lesbienne a déposé une requête en droits de la personne contre un organisme d’hommes catholiques après qu’il a refusé de lui permettre de tenir sa réception de noces dans une salle appartenant à l’Église catholique et exploitée par les Chevaliers de Colomb. Les Chevaliers ont soutenu qu’ils avaient une justification raisonnable et de bonne foi pour annuler le contrat conclu avec le couple et qu’ils pouvaient également se prévaloir de la défense prévue à l’article 41 du Code des droits de la personne de la Colombie-Britannique.

Le tribunal de la Colombie-Britannique a conclu que le refus était « raisonnable et de bonne foi » en affirmant que le fait de permettre à sa salle d’être utilisée pour des mariages de même sexe aurait exigé que les Chevaliers « approuvent indirectement » une action qui est contraire à leurs convictions religieuses fondamentales[255].

8.5 Maintien des droits des écoles séparées

L’article 19 du Code protège les droits et privilèges des écoles séparées aux termes de la Constitution canadienne et de la Loi sur l’éducation[256]Ces lois maintiennent les droits consentis aux écoles confessionnelles à la confédération. Cela signifie dans les faits que les écoles catholiques publiques, financées par l’État, et l’éducation morale et catholique prodiguée dans ces écoles ne peuvent pas être jugées en contravention du Code.

Exemple : Un groupe de parents dont les enfants fréquentaient des écoles confessionnelles privées a contesté la pratique du gouvernement de l’Ontario consistant à financer les écoles catholiques mais pas les autres écoles confessionnelles. Dans Adler c. Ontario[257], la Cour suprême du Canada a rejeté l’argument selon lequel ce financement préférentiel portait atteinte aux droits religieux et droits à l’égalité des requérants aux termes de l’alinéa 2(a) et de l’article 15 de la Charte. La Cour a confirmé qu’en raison de l’article 93 de la Loi constitutionnelle de 1867, l’Ontario avait le droit de financer les écoles séparées catholiques. Ce statut spécial est le produit d’un compromis historique essentiel à la Confédération[258].

Il a également été établi que le droit à la liberté de religion aux termes de l’al. 2a) de la Charte protégeait le droit des écoles confessionnelles, y compris les écoles catholiques romaines, de fonder leur enseignement sur une perspective religieuse confessionnelle[259].

Exemple : La Cour suprême du Canada a conclu que l’exigence du gouvernement du Québec selon laquelle une école privée catholique doit enseigner tous les volets du programme d’études Éthique et culture religieuse (ÉCR) prescrit par l’État, selon une perspective neutre et non confessionnelle, y compris en ce qui a trait à l’enseignement du catholicisme, limitait indûment la liberté de religion. Soulignant les aspects collectifs de la liberté de religion, « dans le cas qui nous occupe, la manifestation et la transmission de la foi catholique par le truchement d’une école privée confessionnelle », la Cour a conclu à l’unanimité que : « Dicter à une école catholique la façon dont elle doit expliquer sa religion porte atteinte à la liberté des membres de sa communauté qui ont choisi de donner effet à la dimension collective de leurs convictions religieuses en se joignant à une école confessionnelle »[260]. En même temps, la Cour a affirmé que d’autres volets du programme ÉCR qui traitaient de l’éthique et d’autres religions devraient faire l’objet d’un enseignement neutre, conformément aux objectifs du programme visant à préparer les élèves à vivre au sein d’une société démocratique pluraliste, ce qu’elle a qualifié de constitutionnel et d’« importance capitale pour le public »[261]. À cet égard, la Cour confirmait une décision précédente (S.L.) : « Dans une société multiculturelle, le fait d’être obligé d’étudier (ou d’enseigner) la doctrine et l’éthique d’autres religions du monde d’une façon neutre et respectueuse ne saurait constituer une violation de la liberté de religion de qui que ce soit »[262].

Les tribunaux ont jugé que les droits accordés aux écoles confessionnelles aux termes de l’article 93 de la Charte, et protégés à l’article 19 du Code, comprennent le droit de privilégier l’embauche d’enseignants catholiques[263].

Exemple : Dans Caldwell c. Stuart[264], la Cour suprême du Canada a conclu qu’une école catholique pouvait congédier une enseignante catholique qui avait épousé un homme divorcé lors d’un mariage civil, ce qui est contraire aux règles de l’Église catholique. La Cour a admis que l’école avait le « droit » de préserver les fondements religieux de l’école en employant des enseignants qui acceptent et observent les enseignements de l’Église. Elle a donc considéré que l’exigence selon laquelle les enseignants catholiques devaient se conformer aux préceptes de la religion était une exigence professionnelle légitime et de bonne foi. De plus, l’école pouvait invoquer l’art. 22 du Code des droits de la personne de la Colombie-Britannique, lequel est semblable à l’art. 18 du Code de l’Ontario, pour accorder la préférence à des enseignants catholiques qui acceptent et observent les enseignements de l’Église.

En contexte d’emploi cependant, les préférences et qualités requises sur le plan religieux imposées par des écoles ou conseils scolaires catholiques peuvent être assujetties aux critères prévus à l’article 24 du Code (voir la section 9.3). Ces critères exigent, entre autres, que les qualités requises en matière de religion soient raisonnables et de bonne foi, compte tenu de la nature de l’emploi.

Si l’article 19 du Code permet aux conseils d’écoles séparées catholiques de maintenir le fondement religieux de leurs écoles, cela n’exclut pas que des requêtes pour politiques et conduites discriminatoires au sein d’écoles catholiques soient entendues aux termes du Code ou de la Charte.

Exemple : Un élève gai a obtenu une injonction d’un tribunal de l’Ontario interdisant au conseil scolaire de son école catholique de l’empêcher d’assister au bal des finissants avec son copain[265]. En appliquant les critères d’établissement du bien-fondé de l’injonction, le tribunal a reconnu les protections accordées aux écoles catholiques à l’art. 93 de la Loi constitutionnelle. Cependant, le tribunal a également affirmé que ces protections ne signifient pas que les écoles séparées sont dispensées de respecter la Charte. Le tribunal a plutôt fait valoir le besoin d’établir au cas-par-cas un équilibre entre une conduite nécessaire pour assurer le bon fonctionnement d’une école catholique et une conduite qui enfreint les droits consentis par la Charte, comme les droits à l’égalité protégés aux termes de l’article 15. Dans cette affaire, l’injonction a été accordée et M. Hall a été autorisé à assister au bal des finissants avec son partenaire de même sexe[266]. En fin de compte, l’affaire a été abandonnée et les questions constitutionnelles et relatives à la Charte en cause n’ont jamais été pleinement débattues.


[221] Caldwell c. Stuart, [1984] 2 R.C.S. 603.

[222] Idem.

[223] Ontario Human Rights Commission c. Christian Horizons (2010), 102 O.R. (3d) 267 (Div. Ct.), [Christian Horizons]

[224] Disponible au téléchargement [25/11/2014] à l’adresse Guide des programmes spéciaux et du Code des droits de la personne.

[225] Selon l’article 18 du Code :

Ne constitue pas une atteinte aux droits, reconnus dans la partie I, à un traitement égal en matière de services et d’installations, avec ou sans adaptation, le fait qu’un organisme ou un groupement religieux, philanthropique, éducatif, de secours mutuel ou social dont le principal objectif est de servir les intérêts de personnes identifiées par un motif illicite de discrimination, n’accepte que des personnes ainsi identifiées comme membres ou participants. L.R.O., 1990, chap. H.19, art. 18; 2006, chap. 19, Annexe B, art. 10. 

[226]Voir Kostiuk v. Toronto Community Housing Corporation, 2012 HRTO 388 (CanLII), au par. 44 et Martinie v. Italian Society of Port Arthur (1995), 24 C.H.R.R. D/169 (Ont. Bd. Of Inquiry), aux par. 47-49.

[227] Voir Martinie, idem, au par. 48. Voir la section 8.3 pour obtenir plus d’information sur la façon dont les tribunaux administratifs et judiciaires ont déterminé si une organisation a pour « principal objectif […] de servir les intérêts de personnes identifiées par un motif illicite de discrimination » aux termes du par. 24(1) du Code.

[228] Idem.

[229]Trinity Western University c. College of Teachers, [2001] 1 R.C.S. 772, au par. 33.

[230] Loyolasupra, note 8, au par. 60.

[231]Code, al. 24(1)(a).

[232] D’un autre côté, cet article assure la protection et la promotion de la liberté de religion et du droit de s’associer et de se rassembler pour exprimer des points de vue religieux en lien avec la religion ou la croyance au moyen de l’exécution d’activités communes. Il convient de l’interpréter libéralement et téléologiquement. D’un autre côté, le fait d’invoquer une défense limite les droits d’autrui dans les situations ou l’article s’applique (par exemple, les personnes qui ne sont pas membres de l’association et dont les droits peuvent, par conséquent, être entravés). Dans un tel cas, l’article doit être interprété de façon restrictive et l’employeur souhaitant se prévaloir de la défense doit pouvoir démontrer qu’elle s’applique dans les circonstances. Voir Christian Horizonssupra, note 223, aux par. 57-62.

[233] Heintz v. Christian Horizons, 2008 HRTO 22 (CanLII) [Heintz, HRTO], au par. 149. Voir la section 12 de la présente politique pour obtenir des renseignements supplémentaires sur la responsabilité des organisations en matière de contravention des droits de la personne.

[234] Idem, aux par. 112-113, tel que l’a confirmé la décision de la Cour divisionnaire dans Christian Horizons, supra, note 223, au par. 26.

[235] Idem.

[236] Heintz, HRTOidem, aux par. 115-117, tel que l’a confirmé la décision de la Cour divisionnaire dans Christian Horizons, supra, note 223, au par. 26.

[237] Dans Christian Horizons, idem, la Cour divisionnaire a clarifié comment le second élément de l’al. 24(1)(a) devrait être interprété. La Cour a conclu que pour déterminer si un groupe particulier servait les intérêts de ses membres, identifiés par une caractéristique comme la croyance, il était nécessaire d’examiner la raison d’être de l’association. Le langage et l’objet de l’al. 24(1)(a) exige l’analyse de la nature d’une activité particulière exécutée par le groupement religieux pour déterminer si le groupe y voit fondamentalement une activité religieuse. On doit évaluer ensuite si l’activité assure l’avancement de la raison d’être religieuse du groupement et de ses membres, et par conséquent s’il sert les intérêts des membres du groupement religieux (voir les par. 64 et 73).

[238] Christian Horizons, idem, aux par. 65-67.

[239] Idem, aux par. 73, 77.

[240] Exemple tiré de Heintz, HRTO, supra, note 233, aux par. 192-195.

[241] Christian Horizons, supra, note 223, au par. 80, citant Ontario (Commission des droits de la personne) c. Etobicoke (Borough), [1982] 1 R.C.S. 202, au par. 208. Cette défense relative à une qualité professionnelle requise exigée de bonne foi (DQPBF) en deux volets, tirée d’Etobicoke, diffère du critère standard d’établissement d’une exigence de bonne foi (CEBF) en trois volets tiré de la décision de la Cour suprême du Canada dans Colombie-Britannique (Public Service Employee Relations Commission) c. BCGSEU, [1999] 3 R.C.S. 3 [Meiorin], étant donné qu’il n’y a pas d’obligation d’accommodement jusqu’au point de préjudice injustifié (voir aussi Heintz, HRTO supra, note 233, au par. 169).

[242] Christian Horizons, idem, au par. 84, citant Brossard (Ville) c. Québec (Commission des droits de la personne), [1988] 2 R.C.S. 279, au par. 56.

[243] Cela exige de considérer objectivement « si l’activité de l’organisation, les services offerts et les fonctions de l’emploi menant à la prestation de ces services nécessitent l’imposition d’une qualité discriminatoire » (Heintz, HRTO supra, note 233, au par. 181). Le TDPO poursuit en indiquant, au par. 178, que l’analyse peut s’étendre non seulement aux tâches individuelles mais aussi, de façon plus large, à la nature de l’emploi, y compris aux activités et objectifs de l’organisation.

[244] Christian Horizonssupra, note 223, au par. 88.

[245] Dans Caldwell c. Stuart, supra, note 221, la Cour suprême du Canada a conclu qu’une école catholique pouvait congédier une enseignante catholique qui avait épousé un homme divorcé dans un mariage civil, ce qui est contraire aux règles de l’Église catholique. La Cour a admis que l’intimé avait le « droit » de préserver les fondements religieux de l’école en employant des enseignants qui acceptent et observent les enseignements de l’Église. Par conséquent, l’exigence que les enseignants catholiques observent la religion a été considérée comme une exigence professionnelle légitime et imposée de bonne foi.

[246] Voir Christian Horizonssupra, note 223, au par. 90. Dans Caldwell v. Stuart, la Cour suprême du Canada a poursuivi en affirmant : « Ce n’est que dans de rares circonstances qu’un facteur comme l’observance religieuse peut satisfaire au critère d’exigence réelle ». (Caldwell c. Stuartidem, au p. 625; cité dans Christian Horizons, au par. 90.)

[247] Heintz, HRTO, supra, note 233, au par. 201; Christian Horizons, idem, aux par. 95-97.

[248] La décision de la Cour supérieure de l’Ontario dans l'affaire Christian Horizonsidem, au par. 98, a confirmé la validité de l’approche de la CODP dans Heintz (voir supra, note 233, au par. 200) qui consistait à tenir compte, au moment d’évaluer la validité objective de la qualité requise (analyse de la DQPBF), des pratiques d’autres organisations semblables qui imposent des qualités religieuses requises.

[249] Voir Heintz, HRTO, supra, note 233, au par. 185, citant Parks v. Christian Horizons (No.1) (1992), 16 C.H.R.R. D/40; (1993), au par. 57. De telles incohérences peuvent laisser entendre que la qualité requise ou la norme n’est en fait pas une exigence de bonne foi et (ou) dénoter la mauvaise foi, un effet discriminatoire ou l’intention de faire de la discrimination.

[250] Heintz, HRTO, supra, note 233, au par. 204.

[251] Idem, par. 205.

[252] L’article 18.1 a été ajouté au Code en 2005, après que la loi canadienne a conféré aux couples de même sexe le droit de se marier.

[253] Cette exemption s’applique uniquement aux autorités religieuses inscrites en vertu de l’article 20 de la Loi sur le mariage, dans le contexte des célébrations du mariage et des activités connexes ayant lieu dans des lieux sacrés. Elle ne s’applique pas aux fonctionnaires responsables des mariages civils (voir la décision de la Cour suprême Renvoi relatif au mariage entre personnes du même sexe, [2004] 3 R.C.S. 698, ainsi que la décision de la Cour d’appel de la Saskatchewan, Mariage Commissioners Appointed Under the Mariage Act (Re), 2011 SKCA 3 (CanLII).

[254] Conformément au par. 18.1(3) du Code, « lieu sacré » s’entend d’un lieu de culte et de toutes installations auxiliaires ou accessoires.

[255] Smith v. Knights of Columbus (2005), 55 C.H.R.R. D/10, 2005 BCHRT 544. Tout en acceptant cette défense relative à une exigence de bonne foi, le tribunal a aussi déterminé que les Chevaliers, en annonçant subitement au couple qu’il ne pouvait plus louer la salle une fois le contrat signé et les invitations envoyées, devraient avoir pris des mesures actives pour atténuer l’effet négatif sur les droits et la dignité du couple (par exemple en le rencontrant pour expliquer la situation, en s’excusant formellement, en offrant immédiatement de lui rembourser toute dépense engagée en raison de l’annulation du contrant et peut-être même en lui offrant d’aider à trouver une autre solution).

[256] Le par. 19(1) du Code signifie dans les faits que le fait de financer des écoles catholiques séparées ne contrevient pas au Code. Selon le Code :

19(1) La présente loi n’a pas pour effet de porter atteinte à un droit ou à un privilège dont jouissent les conseils d’écoles séparées ou leurs contribuables en vertu de la Loi constitutionnelle de 1867 et de la Loi sur l’éducation relativement aux écoles séparées. L.R.O. 1990, chap. H.19, par. 19(1).

Fonctions des enseignants

(2) La présente loi n’a pas pour effet de porter atteinte à l’application de la Loi sur l’éducation en ce qui concerne les fonctions des enseignants. L.R.O. 1990, c. H.19, par. 19(2).

Les droits des écoles confessionnelles prévus à l'art. 93 de la Loi constitutionnelle préservent et protègent les écoles confessionnelles. Cette mesure constitue un élément important du « compromis de la Confédération ». Bien qu’aucune décision de tribunal des droits de la personne ne semble jusqu’à présent avoir interprété l’article 19 du Code, plusieurs décisions ont traité d’aspects des droits des écoles séparées aux termes de la Charte et des lois relatives aux droits de la personne d’autres provinces.

[257] [1996], 3 R.C.S. 609.

[258] Cependant, le Comité des droits de l’homme des Nations-Unies a déclaré que le fait de financer uniquement les écoles catholiques en Ontario est discriminatoire aux termes du PIDCP. Dans Waldman v. Canada (Communication No. 694/1996, U.N. Doc. CCPR/C/67/D/694/1996 [1999]), un parent juif de l’Ontario a déposé une requête auprès du Comité des droits de l’homme des Nations-Unies. Le comité a déterminé que le financement exclusif des seules écoles catholiques de l’Ontario violait l’article 26 du PIDCP (interdiction de la discrimination) (voir Arieh Hollis Waldman v. Canada, Communication No. 694/1996, U.N. Doc. CCPR/C/67/D/694/1996 [5 novembre 1999]). Extrait le 26 janvier 2015 de www1.umn.edu/humanrts/undocs/session67/view694.htm]).  

[259] Cependant, la Loi sur l’éducation prévoit des exemptions de l’éducation religieuse dans certaines circonstances. Tous les élèves de l’Ontario peuvent fréquenter une école secondaire catholique, sans égard à leurs convictions religieuses. Certains élèves (qui satisfont aux conditions requises pour être élèves résidents d’une écoles secondaire relevant d’un conseil scolaire mais fréquentent une école secondaire relevant d’un conseil catholique) peuvent obtenir une dispense des cours d’enseignement religieux et des programmes à caractère religieux, y compris des activités comme la liturgie et les retraites religieuses; voir Loi sur l’éducationL.R.O. 1990, chap. E.2, art. 42 et Erazo v. Dufferin-Peel Catholic District School Board ( 2014), 119 O.R. (3d) 347 (Sup. Ct.) ONSC 2072 (CanLII).

[260] Loyolasupra, note 8, au par. 62.

[261] Idem, par. 74.

[262] Idem, par. 71. Ici, la Cour cite la décision de la juge Deschamps dans S.L.supra, note 153, au par. 40. La Cour a également cité à l’appui le Renvoi relatif au mariage entre personnes du même sexe, [2004] 3 R.C.S. 698, aux par. 46 et 48. Cependant, la Cour clarifie que l’exigence relative à l’enseignement de l’éthique et des autres religions de façon neutre « ne signifie pas […] qu’il leur est interdit d’expliquer la perspective catholique et en quoi elle diffère des autres religions » (au par. 78).

[263] Voir Daly et al v. Attorney General of Ontario (1999), 44 O.R. (3d) 349 (C.A.).

[264] Supra, note 221.

[265] Hall (Litigation guardian of) v. Powers (2002) 59 O.R. (3d) 423.

[266] Idem. Principalement, la Cour s’est demandé si le fait de permettre à un élève gai d’assister à son bal des finissants accompagné de son copain affecterait de façon préjudiciable les droits conférés aux écoles confessionnelles aux termes de l’article 93 de la Loi constitutionnelle. La réponse est « non ». Premièrement, la preuve indiquait une telle diversité d’opinions existait dans la communauté catholique, et qu’il était donc difficile de déterminer quelle ligne de conduite serait nécessaire pour veiller à ce que les droits des écoles confessionnelles ne soient pas entravés. Deuxièmement, le droit en cause (de contrôler qui pouvait assister aux danses organisées par l’école) n’était pas visé en 1867. Enfin, en examinant objectivement la situation, on ne pouvait dire que la conduite en cause touchait de manière essentielle la nature confessionnelle de l’école. En fin de compte, le tribunal a conclu que les droits à l’égalité de M. Hall seraient plus gravement atteints s’il était privé de la possibilité d’assister à son bal de finissants. D’un autre côté, une injonction ne pourrait obliger ou interdire des enseignements à l’intérieur de l’école ni toucher les croyances catholiques. Puisqu’une injonction interdit une conduite et non des convictions, elle ne porte pas atteinte à la liberté de religion du défendeur. En fin de compte, l’affaire a été abandonnée avant d’en arriver à un examen complet des questions constitutionnelles en cause.

9. Obligation d’accommodement

Aux termes du Code, les employeurs, syndicats, fournisseurs de logements et fournisseurs de services ont une obligation d’accommodement des convictions ou pratiques sincères rattachées à la croyance jusqu’au point de préjudice injustifié, lorsqu’une exigence, une règle ou une norme a un effet préjudiciable sur celles-ci[267].

L’accommodement des besoins a pour but d’aider tout le monde à bénéficier des mêmes possibilités et avantages, et du même accès. Les mesures d’adaptation liées à la croyance permettent aux personnes affiliées à une croyance de participer et de contribuer à part entière et égale dans des domaines comme l’emploi, les services, le logement, les syndicats et les associations professionnelles, là où ces personnes se heurteraient autrement à des obstacles en raison de leur croyance. Les mesures d’adaptation aident à faire en sorte que ces personnes n’aient pas à faire de choix entre la pratique de leur religion ou de leur croyance et celui d’occuper un emploi rémunérateur, ou d’accéder à un logement, à un emploi ou à un service (ou d’en bénéficier) à part égale[268].

L’obligation d’accommodement vient en partie de la reconnaissance du fait que « les façons habituelles de faire les choses » au sein d’organisations et de la société ne sont souvent pas « neutres » et peuvent plutôt par inadvertance créer un désavantage ou un privilège pour certains groupes ou mieux répondre aux besoins de certains groupes par rapport aux autres. Au lieu d’accorder des privilèges ou avantages spéciaux, les mesures d’adaptation aident à « créer un terrain de jeu équitable » en assurant l’inclusion et l’accommodement de toutes les Ontariennes et de tous les Ontariens.

[L]e Code des droits de la personne de l’Ontario a pour objectif de favoriser la création d’une société qui permet le plein épanouissement de la diversité. Il a été conçu en vue de protéger les besoins et intérêts de ceux et celles qui différent lu groupe majoritaire dominant et d’en tenir compte. Bien que le Code n’exige pas qu’une personne ou qu’un groupe assure l’accommodement d’une personne jusqu’au point [où cela créé] de préjudice injustifié, de souffrance grave ou de privation disproportionnée, il envisage l’existence d’inconvénients et d’un certain degré de perturbations et de coûts. Dans la mesure où nous voulons favoriser, dans nos collectivités, la coexistence confortable de ceux qui diffèrent sur le plan de la religion, du sexe, de l’orientation sexuelle, de la race, du handicap et de l’unité familiale, nous devons tous en assumer les coûts connexes[269].

La plupart des mesures d’adaptation ne sont pas difficiles à mettre en place ou coûteuses, et n’imposent pas de fardeau considérable aux personnes responsables. La conception inclusive en amont peut souvent éliminer le besoin d’accommodement en intégrant les questions de diversité et d’égalité aux façons habituelles de faire les choses (pour obtenir un complément d’information, voir la section 10.2.4).

Le non-accommodement des personnes auxquelles a nui une exigence, un critère ou une règle peut entraîner un verdict de violation du Code.

Exemple : Un employeur a avisé un employé qu’il n’autoriserait aucun congé pour des fêtes religieuses et l’a ensuite congédié pour une absence non autorisée à des fins d’observance d’une fête religieuse. Il a été déterminé que l’employeur avait enfreint le Code des droits de la personne de la Colombie-Britannique[270]. Aucune preuve n’indiquait que l’employeur avait fait le moindre effort pour fournir une mesure d’adaptation à l’employé.

9.1 Conception inclusive

Par « conception inclusive » ou « conception universelle », on entend une forme de conception qui tient compte de l’ensemble des personnes [271]. Cela suppose d’être conscient des différences qui caractérisent les membres des groupes protégés par le Code au moment de faire des choix sur le plan de la conception afin d’éviter de créer des obstacles.

Pour favoriser l’intégration et la pleine participation, il faut assurer une conception sans obstacle et inclusive dès le départ et éliminer les obstacles qui existent. L’approche inclusive ou « universelle » est préférable à l’élimination des obstacles après leur apparition ou à l’offre de mesures d’adaptation au cas par cas, deux approches qui reposent sur l’idée que les structures existantes sont adéquates ou auraient uniquement besoin de légères modifications pour les rendre acceptables. Selon la Cour suprême du Canada, les normes en place devraient tenir compte de tous les membres de la société, dans la mesure où cela est raisonnablement possible[272].

Exemple : Un établissement de santé mentale aménage une salle multiconfessionnelle de prière/réflexion pour permettre aux personnes de différentes confessions d’observer leurs convictions ou pratiques rattachées à la croyance. La salle est conçue de façon à favoriser et à permettre l’observance de diverses croyances.

Les organisations ont l’obligation d’être conscientes des différences entre les personnes et les groupes et d’intégrer les concepts d’égalité aux normes, règles et exigences[273]. Cela signifie qu’il faille tenir compte des besoins de personnes de croyances diverses, de façon inclusive, au moment d’élaborer ou de modifier des politiques, programmes, procédures, normes ou exigences, et de concevoir ou de modifier des installations. En plus de prévenir les obstacles dès la conception initiale au moyen de méthodes inclusives, les organisations devraient être conscientes des obstacles systémiques qui existent au sein de leur structure organisationnelle et systèmes existants. Elles devraient prendre des mesures actives pour cerner et tenter d’éliminer ces obstacles au moyen d’examens de conception inclusive. Il ne faut jamais créer de nouveaux obstacles au moment de construire ou de rénover des installations.

Cette approche dynamique est plus efficace parce qu’elle met l’accent sur l’accessibilité et l’inclusivité dès le départ. Elle réduit également le besoin de demander des mesures d’adaptation.

Exemple : Une université composée d’une population étudiante considérable et diversifiée sur le plan religieux adopte comme politique d’éviter de convoquer des examens lors de fêtes religieuses importantes. Cela permet à l’université d’économiser du temps et des ressources considérables qu’elle aurait autrement été obligé d’affecter à la tenue et à la surveillance de périodes d’examen de rechange à l’intention de certains étudiants.

Les organisations constateront que la conception inclusive, l’élimination des obstacles et l’accommodement des besoins individuels bénéficient souvent à un plus grand nombre de personnes.

9.2 Obligations d’accommodement procédurale et de fond

L’obligation d’accommodement a deux composantes, soit une composante procédurale (la procédure) et une composante de fond (la mesure d’adaptation fournie). Ces deux composantes sont très importantes[274].

L’obligation procédurale fait référence aux éléments à considérer, évaluations et mesures prises pour tenir compte du besoin en matière d’accommodement. Le fait de ne pas envisager ou prendre en compte une question relative à l’accommodement ou une demande d’accommodement, y compris les mesures pouvant être prises, le cas échéant, pourrait constituer un manquement à l’obligation « procédurale » d’accommodement[275].

Exemple : Un employeur a mis fin au processus de recrutement d’un candidat dès qu’il apprend que ce dernier aurait besoin d’une mesure d’adaptation liée à la croyance. Le TDPO a conclu qu’il a « immédiatement refusé » la demande du requérant et que cela était discriminatoire. Il confirme que l’employeur avait l’obligation procédurale de prendre des mesures adéquates pour évaluer et explorer les mesures d’adaptation possibles[276]

L’obligation de fond fait référence au caractère approprié ou raisonnable de la mesure d’adaptation retenue, ainsi qu’aux raisons de ne pas fournir de mesure d’adaptation, y compris les preuves de préjudice injustifié[277].

9.3 Principes

L’obligation d’accommodement repose sur plusieurs principes qui se chevauchent et se renforcent mutuellement, dont le respect de la dignité, l’unicité, l’intégration, la pleine participation, la conception inclusive et l’adoption de la mesure d’adaptation appropriée.

9.3.1 Respect de la dignité

La dignité humaine s’articule autour de nombreux facteurs, dont le respect de l’identité, de l’intégrité et de la valeur personnelle des personnes. On porte atteinte à la dignité lorsqu’on marginalise, stigmatise, ignore ou dévalue des personnes. L’autonomisation, la vie privée, la confidentialité, le confort, l’individualité et l’estime de soi sont tous des facteurs importants.

La dignité englobe la manière de fournir les mesures d’adaptation et la participation de la personne au processus. Elle suppose de ne pas chercher à se renseigner outre mesure sur les convictions et choix d’une personne en matière de croyance, au-delà de ce qui est minimalement requis pour déterminer qu’elle est la mesure d’adaptation appropriée. Cela signifie également de respecter et d’apprécier les points de vue des personnes adhérant à une croyance, même lorsque ceux-ci diffèrent amplement des siens, et de ne pas adopter de vision réductionniste d’une personne qui tient uniquement compte de son identité de croyance ou système de convictions.

Les organisations responsables de l’accommodement de la croyance devraient songer attentivement aux différents types de mesures d’adaptation dont les gens pourraient avoir besoin en milieu de travail ou de vie, ou au moment d’obtenir un service, afin de s’assurer de respecter leur dignité.

Exemple : Une entreprise de camionnage exige qu’un conducteur sikh, qui ne peut pas porter de casque de sécurité dans la zone de déchargement des camions en raison de son turban, demeure dans la cabine du camion à son arrivée au lieu de livraison. Étant donné que les émanations du camion présentent des risques sur le plan de la santé et de la sécurité, le conducteur est tenu d’interrompre le moteur à son arrivée à destination, pendant que d’autres procèdent au déchargement. Cela expose le conducteur à des températures élevées en été et froides en hiver pendant qu’il attend dans la cabine. L’entreprise a le devoir d’envisager des mesures d’adaptation qui respectent davantage la dignité de l’employé.

9.3.2 Unicité

Il n’existe aucune formule préétablie pour déterminer les mesures d’adaptation liées à la croyance à offrir. Chaque personne a des besoins uniques sur lesquels on doit jeter un regard neuf lorsque des mesures d’adaptation sont demandées. Une solution ayant fonctionné pour une personne ne fonctionnera pas nécessairement pour une autre.

Il peut également être nécessaire de passer en revue à une date ultérieure les mesures d’adaptation fournies pour s’assurer qu’elles continuent de répondre adéquatement aux besoins de la personne.

Exemple : Un hôpital offre à un homme musulman de la nourriture casher pour combler ses besoins alimentaires sur le plan religieux étant donné que cela à combler ses besoins et ceux d’autres patients musulmans par le passé. Cependant, l’homme croit maintenant sincèrement que cela n’est pas permis en raison de sa compréhension actuelle de la loi religieuse, et demande de la nourriture halal. L’hôpital refuse d’acquiescer à sa demande et l’homme se plaint de discrimination pour manque d’accommodement de sa conviction sincère.

Bien que certaines mesures d’adaptation satisfassent uniquement les besoins d’une personne, les organisations trouveront qu’un bon nombre des changements qu’elles apportent bénéficieront à d’autres également.

9.3.3 Intégration et pleine participation

Les emplois, logements, services et installations devraient être conçus, et pourraient devoir être adaptés, en vue de tenir compte des besoins des personnes affiliées à une croyance de la manière qui favorisera le plus leur intégration et leur pleine participation[278].

Il a été clairement établi dans les lois relatives aux droits de la personne que l’égalité passe parfois par l’application d’un traitement différent, si cela ne porte pas atteinte à la dignité de la personne. Dans certains cas, le meilleur moyen d’assurer l’égalité des personnes adhérant à une croyance est de les exempter d’une activité ou d’un devoir, ou de leur offrir des services distincts ou spécialisés.

La ségrégation sur le plan de l’emploi, de l’obtention de services ou du logement est généralement moins digne ou acceptable, à moins qu’on puisse démontrer qu’il s’agit du meilleur moyen d’atteindre l’égalité dans les circonstances[279].

Exemple : Un conseil scolaire assure l’accommodement des élèves qui ne peuvent pas participer aux programmes de musique de l’école pour des motifs liés à la croyance en leur offrant une variété de mesures d’adaptation. Ces mesures cherchent à maximiser leur participation aux programmes, tout en comblant leurs besoins individuels. Par exemple, un élève qui n’a pas le droit de:

  • souffler dans un instrument mais peut participer à toutes les autres facettes du programme de musique se voit donner un instrument à percussion (p. ex. tambour)
  • créer ou de jouer de la musique, mais peut écouter de la musique, participe uniquement aux volets du programme d’études non axés sur l’exécution musicale (p. ex. histoire, théorie et analyse critique de la musique); on peut aussi créer un programme individualisé en se basant sur les attentes du programme d’études non axées sur l’exécution musicale 
  • créer, de jouer et d’écouter de la musique a droit à une exclusion complète du programme de musique à titre de mesure d’adaptation[280].

9.4 Accommodement approprié

En plus d’assurer une conception inclusive et l’élimination des obstacles, les organisations doivent donner suite aux demandes d’accommodement individuelles. L’obligation d’accommodement exige de déterminer quelle est la mesure d’adaptation la plus appropriée pouvant être mise en place sans causer de préjudice injustifié, et de l’offrir.

Une mesure d’adaptation est jugée appropriée si elle permet à la personne qui la requiert d’obtenir les mêmes avantages et privilèges que les autres personnes, ou si elle satisfait les besoins particuliers de la personne en matière de croyance et qu’on l’adopte ou la propose dans le but d’atteindre l’égalité des chances. La mesure d’adaptation la plus appropriée est celle qui est la plus susceptible de :

  • respecter la dignité (y compris l’autonomie, le confort et la confidentialité)
  • combler les besoins particuliers de la personne
  • permettre l’intégration et la pleine participation.

Plutôt qu’une proposition de type tout ou rien, l’accommodement est un processus qui s’apparent à un continuum et est question de degré. Le point le plus élevé possible du continuum, sans préjudice injustifié, doit être atteint[281]. À une extrémité du continuum se trouve le plein accommodement qui respecte le plus la dignité de la personne et le caractère confidentiel de la situation. Des mesures d’adaptation de rechange (qui ne sont pas « idéales ») peuvent constituer la prochaine solution le long du continuum lorsqu’il est impossible d’instaurer la mesure d’adaptation la plus appropriée sans créer de préjudice injustifié. Il est également possible de mettre temporairement en œuvre une (la meilleure) mesure d’adaptation de rechange en attendant la mise en place graduelle de la solution la plus appropriée ou son implantation ultérieure, lorsque des ressources pourront y être consacrées.

Les organisations devraient déterminer quelle est la mesure d’adaptation idéale ou la plus appropriée compte tenu des circonstances avant de se demander si cette mesure causerait un préjudice injustifié. S’il est démontré qu’une mesure d’adaptation particulière causerait un préjudice injustifié, on doit alors envisager et mettre en place la meilleure solution de rechange (ne causant pas de préjudice injustifié).

Exemple: Un employé a besoin d’un espace en milieu de travail où réciter les prières religieuses quotidiennes qui coïncident avec les heures de travail. L’employeur lui offre d’utiliser un placard qui sert également à l’entreposage des ordures. Cette option ne respecte pas la dignité ou la santé et la sécurité de l’employé en quête d’accommodement, et contreviendrait probablement au Code.

Si on a le choix entre deux mesures d’adaptation qui comblent les besoins de la personne et respectent sa dignité tout autant, le fournisseur de la mesure d’adaptation peut choisir la solution la moins coûteuse ou celle qui entraînerait le moins de perturbations pour l’organisme.

Dans certains cas, la modification des politiques, pratiques et autres exigences de l’organisation, pour les rendre plus inclusives, peut constituer la mesure d’adaptation la plus appropriée.

9.5 Critère juridique

L’article 11 du Code interdit la discrimination résultant d’exigences, de qualités requises ou de critères qui peuvent sembler neutres, mais ont un effet préjudiciable sur des personnes identifiées par un motif protégé par le Code[282]. Ce type de discrimination est appelé discrimination « indirecte » ou discrimination « par suite d’un effet préjudiciable » (voir la section 7.8 présentée précédemment). Les organisations ont une obligation d’accommodement des personnes qui se heurtent à de la discrimination indirecte au motif de la croyance, jusqu’au point de préjudice injustifié.

Exemple: Un concessionnaire d’automobiles ouvre ses portes sept jours par semaines et exige que ses employés soient à sa disposition durant les fins de semaine, qui constituent les jours les plus achalandés et les plus profitables pour le concessionnaire. Cette exigence a un effet préjudiciable sur les employés chrétiens et juifs qui ne peuvent pas, en raison de leur croyance, travailler les fins de semaine durant les jours du Sabbat. L’entreprise a l’obligation de tenir compte des besoins de ces employés jusqu’au point de préjudice injustifié.

9.5.1 Établissement de l’existence de discrimination indirecte

Il incombe à une personne d’établir qu’il y a eu discrimination à première vue avant qu’entre en jeu l’obligation d’accommodement. Dans le contexte de la croyance, cela signifie qu’il faille démontrer que la personne a subi un effet préjudiciable en raison d’une exigence, d’une qualité requise ou d’un critère dans un domaine social protégé par le Code, et que cet effet est en partie dû à une conviction sincère rattachée à la croyance (voir la section 9.5.3 pour en connaître davantage sur les « convictions sincères »)[283].

Les effets préjudiciables sur la croyance d’une personne ne sont pas nécessairement tous discriminatoires aux termes du Code. Les atteintes aux pratiques et convictions qui n’ont qu’un effet marginal sur la personne ou qu’un lien périphérique à sa croyance peuvent ne pas bénéficier de protection[284]. Par exemple :

  • participer à des activités bénévoles à l’Église[285] ou à d’autres activités sociales ou communautaires associées à une religion ou à une croyance[286]
  • participer à des programmes confessionnels ou culturels[287]
  • assister à une réunion de sélection de revendications territoriales[288]
  • exprimer des aspects de son identité religieuse par des moyens qui ne sont ni exigés ni perçus comme étant nécessaires pour « établir une communication avec le divin » ou « le sujet ou l’objet de sa propre croyance spirituelle »[289]

Il peut être nécessaire de faire la démonstration, au moyen de preuves objectives, des effets préjudiciables d’une exigence, d’une règle ou d’une pratique sur une personne en raison d’une conviction sincère rattachée à la croyance[290].

Exemple : Un collège procédait à l’accommodement d’un enseignant juif en lui permettant de donner tous ses cours à compter de 13 h pour lui permettre d’enseigner l’informatique le matin dans une école secondaire juive, mais a mis fin à cette pratique au moment de se doter d’un nouveau système automatisé d’élaboration des horaires. L’enseignant a déposé un grief en alléguant que le collège avait manqué à son obligation d’accommodement d’une conviction religieuse sincère selon laquelle il devait rendre un dû à sa communauté, ce qu’il soutenait faire en enseignant dans une école secondaire juive. Se fondant sur la décision S.L. de la Cour suprême, le comité des griefs a fait remarquer que si des critères subjectifs servaient à établir l’existence d’une conviction religieuse, « il était nécessaire d’appliquer des critères objectifs pour déterminer si on a porté atteinte à une conviction religieuse ». Soulignant le fait que le plaignant pouvait redonner son dû à sa communauté de nombreuses façons, le comité a conclu que le collège avait porté atteinte non pas à l’exigence religieuse elle-même, mais au choix de l’enseignant de la manière d’y satisfaire. Compte tenu de cela, l’employeur n’était pas tenu d’offrir une mesure d’adaptation[291].

9.5.2 Défense fondée sur une exigence de bonne foi

L’article 11 du Code permet aux organisations de démontrer que l’exigence, la qualité requise ou le critère ayant entraîné de la discrimination est raisonnable et de bonne foi (légitime). Pour faire cette démonstration, cependant, l’organisation doit montrer dans un premier temps qu’il est impossible de tenir compte des besoins de la personne (y compris les « besoins du groupe »[292] auquel elle appartient) sans causer de préjudice injustifié.

La Cour suprême du Canada a établi un cadre permettant d’examiner si une organisation peut se prévaloir de la défense relative à l’exigence de bonne foi[293]. S’il est déterminé à première vue qu’il y a eu discrimination, l’intimé doit démontrer, selon toutes probabilités, que la norme, l’exigence, la règle ou le critère :

  1. a été adopté dans un but ou un objectif rationnellement lié à la fonction exercée (comme un emploi, une location ou la participation à un service)
  2. a été adopté de bonne foi, en croyant qu’il était nécessaire pour réaliser ce but ou cet objectif
  3. est raisonnablement nécessaire à la réalisation de ce but ou cet objectif, en ce sens qu’il est impossible de tenir compte des besoins de la personne sans imposer de préjudice injustifié[294].

En fin de compte, la personne qui désire justifier une exigence, règle ou norme discriminatoire doit démontrer que la norme prévoit l’accommodement des besoins jusqu’au point de préjudice injustifié[295]. Cela signifie que l’exigence a été conçue ou modifiée afin d’assurer l’inclusion du plus grand nombre de personnes possible, et qu’on a tenu compte de tout besoin individuel restant jusqu’au point de préjudice injustifié[296].

Parmi les facteurs à prendre en compte au moment de l’analyse figurent[297] :

  • si ou non le fournisseur de la mesure d’adaptation a examiné les diverses solutions de rechange non discriminatoires
  • les raisons pour lesquelles ces solutions pratiques n’ont pas été adoptées
  • la possibilité de mettre en place des normes différentes qui tiennent compte des différences et capacités individuelles et collectives
  • si ou non le fournisseur de la mesure d’adaptation pourrait réaliser ses objectifs légitimes de façon moins discriminatoire
  • si ou non la norme est conçue de manière à ce que la qualité requise soit obtenue sans qu’un fardeau indu ne soit imposé aux personnes visées
  • si ou non les autres parties qui sont tenues de contribuer à la recherche de mesures d’adaptation ont rempli leurs rôles.

9.5.3 Sincérité de la conviction rattachée à la croyance

L’article 11 du Code protège les gens contre la discrimination par suite d’un effet préjudiciable au motif de leurs convictions, pratiques ou observances personnelles rattachées à la religion ou la croyance, pourvu qu’elles soient sincères[298].

En ce qui a trait aux critères juridiques d’établissement de l’obligation d’accommodement énumérés ci-haut, les organisations sont tenues d’assurer l’accommodement des convictions sincères des gens en matière de croyance.

Même si les protections consenties aux termes de l’article 11 du Code exigent qu’une conviction ou qu’une pratique à laquelle on a porté atteinte par suite d’un effet préjudiciable soit associée à une croyance[299], il n’est pas nécessaire pour y être admissible de démontrer que la conviction, pratique ou observance :

  • constitue un élément « essentiel » de la croyance[300]
  • est exigée ou jugée valable par les autorités religieuses, ou fait partie des préceptes « officiels » de la croyance[301]  
  • correspond aux convictions, pratiques ou observances des autres adeptes de sa foi[302].

Les organisations ont une obligation d’accommodement à la fois des expressions obligatoires et volontaires de la foi, pourvu qu’elles soient sincères. C’est la nature religieuse ou spirituelle liée à la croyance d’un acte qui entraîne la protection, et non le fait que la pratique de cet acte soit obligatoire ou perçue comme telle[303].

Exemple : M. Amselem et deux autres membres juifs orthodoxes d’un syndicat de copropriétaires ont souligné la fête juive du Souccoth en installant une petite hutte temporaire close (connue sous le nom de souccah)[304] sur le balcon de leur unité de copropriété. Quand le syndicat des copropriétaires leur a demandé de démonter les souccahs, en partie par ce qu’elles violent les règlements de la copropriété aux termes de la déclaration de copropriétaires, ils ont refusé d’acquiescer en alléguant que cela contrevenait à leurs droits religieux. Le syndicat de copropriété a déposé une demande d’injonction pour interdire les souccahs. La Cour supérieure du Québec a accordé l’injonction en partie en raison du témoignage d’un rabbin selon lequel l’installation d’une souccah n’est pas (d’un point de vue objectif) une exigence religieuse de la foi. La Cour d’appel du Québec a maintenu l’injonction. Les trois membres juifs ont interjeté appel devant la Cour suprême du Canada, qui a renversé la décision et permis aux requérants de conserver leurs souccahs sur le balcon. Selon la Cour suprême, le critère approprié à appliquer dans cette affaire est non pas de se demander si la religion exige l’installation d’une souccah mais plutôt de se demander si les requérants croient sincèrement que le fait d’installer leur propre souccah ou d’y habiter revêt pour eux une importance religieuse, peu importe s’ils croient subjectivement que leur religion les astreint à installer leur propre souccah[305].

La sincérité de la conviction signifie l’honnêteté de la croyance[306]. En règle générale, on devrait accepter de bonne foi qu’une conviction est sincère à moins d’avoir des raisons évidentes d’en croire autrement. Lorsque la situation le justifie, l’investigation de la sincérité de la conviction d’une personne devrait être la plus limitée possible (voir la section 9.5.3)[307]. L’enquête doit uniquement établir qu’une conviction invoquée est avancée « de bonne foi, qu’elle n’est ni fictive ni arbitraire et qu’elle ne constitue pas un artifice »[308]. Dans bien des cas, cette démonstration ne sera pas nécessaire ou sera facile à faire. Cependant, dans d’autres cas, il peut être nécessaire d’obtenir des éléments de preuve, habituellement de la part de la personne revendiquant le droit, pour établir que la revendication est sincère.

Lorsqu’il existe des raisons de douter de la sincérité d’une personne[309], la crédibilité de la demande d’accommodement de la personne devient un facteur important dans l’établissement de la sincérité de la conviction. Pour établir la sincérité de la conviction, il eut être nécessaire d’évaluer le niveau de cohérence qui existe entre les pratiques actuelles de la personne et les mesures d’adaptation demandées[310]. Cela peut exiger que la personne en quête de l’accommodement fournisse des preuves de sa conviction et pratique au moment de la demande d’accommodement[311]

L’adhérence inégale actuelle ou passée à une pratique rattachée à la croyance peut laisser entendre que la conviction n’est pas sincère, mais cela n’est pas toujours le cas. « Il est possible qu’un croyant sincère s’écarte à l’occasion de la pratique, que ses convictions changent au fil du temps ou que ses convictions permettent des exceptions à la pratique dans des cas particuliers[312] ». Le contexte du manque de cohérence doit être examiné. Par exemple, bien qu’il peut être extrêmement difficile pour une personne de sacrifier ou de compromettre ses convictions en matière de croyance ou de religion, elle peut en avoir un besoin plus pressant dans certains contextes qui la pousse à effectuer ce compromis, comme dans le cas où cela serait nécessaire pour conserver un emploi ou avoir accès à un service. Selon la Cour suprême, un écart par rapport aux pratiques habituelles peut parfois démontrer la « force » de la conviction, laquelle est différente de la « sincérité » de la conviction[313].

Exemple : Un tribunal de l’Ontario s’est demandé si on pouvait exiger d’une femme musulmane qui porte le niqab (un voile recouvrant tout le visage, sauf les yeux) pour des motifs religieux qu’elle l’enlève au moment de témoigner au sujet d’actes allégués d’agression sexuelle subis dans son enfance[314]. Le tribunal a rejeté la demande d’accommodement de la femme, qui voulait porter le niqab au moment de témoigner. Le juge a indiqué qu’elle n’avait pas satisfait au critère de sincérité de la conviction parce qu’elle avait enlevé son niqab dans le passé pour prendre la photo de son permis de conduire et avait admis qu’elle l’enlèverait également si elle devait le faire à un contrôle de sécurité. Le juge estimait que ses convictions n’étaient pas assez fortes pour justifier un accommodement. En définitive, la Cour suprême du Canada a conclu que ses convictions étaient sincères, en ajoutant que la « force » de la conviction et la « sincérité » de la conviction sont deux questions distinctes et que les convictions n’avaient qu’à être sincères pour bénéficier de protection[315].

Les adeptes d’une croyance accordent généralement une importance particulière à certaines périodes de l’année. Durant ces périodes, ils leur arrivent de se soumettre plus intensément aux pratiques rattachées à leur croyance, comparativement à d’autres périodes de l’année, sans que cela ne réduise leur sincérité.

Exemple : Un homme musulman cesse de se raser la barbe durant le mois sacré du Ramadan. Il se rase le reste de l’année. Son employeur a une politique interdisant aux employés de porter la barbe. L'employeur à l’obligation de tenir compte des convictions ou pratiques religieuses de l’employé. Le fait que l’employé porte uniquement la barbe pendant le Ramadan ne devrait pas être perçu comme une preuve du manque de sincérité de sa conviction.

Les organisations devraient se garder d’imposer leurs propres normes et points de vue de ce que constitue l’adhérence authentique ou sincère à une croyance[316]. Par exemple, les traditions en matière de religion et de croyance n’exigent pas toutes un engagement exclusif[317].

Exemple : Durant les mois d’été, un employé se soumet aux pratiques spirituelles autochtones traditionnelles en lien avec la terre et la chasse. Cet employé est aussi membre de l’Église catholique. Le fait qu’il adhère à plus d’une tradition en matière de religion et de croyance n’est pas en soi signe d’une incohérence ou d’un manque de sincérité de la conviction. Un employeur pourrait avoir l’obligation d’accommoder les deux catégories de convictions de l’employé. 

9.6 Renseignements à fournir

Le fait de poser des questions sur les convictions ou pratiques rattachées à la croyance d’une personne et les besoins en matière d’accommodement connexes soulève des questions sur le plan de la vie privée et de la dignité. En même temps, les organisations doivent posséder assez d’information pour pouvoir respecter leur obligation d’accommodement.

Une personne en quête d’accommodement doit aviser le fournisseur de mesures d’adaptation qu’elle nécessite des mesures d’adaptation en raison d’une conviction ou pratique rattachée à la croyance. Voici des exemples de renseignements qu’elle peut généralement devoir fournir :

  • les besoins associés à la conviction ou pratique rattachée à la croyance
  • sa capacité d’exécuter les tâches ou de satisfaire aux exigences essentielles de l’emploi, de la location ou de l’obtention des services avec ou sans accommodement (probablement plus pertinent en contexte d’emploi)
  • le type de mesures d’adaptation qui pourraient s’avérer nécessaires pour permettre à la personne d’exécuter les tâches ou de satisfaire aux exigences essentielles de l’emploi, de la location, de l’obtention des services ou autre.

Quand des fournisseurs de mesures d’adaptation reçoivent une demande d’accommodement, ils peuvent devoir demander des renseignements additionnels. En règle générale, le fournisseur de mesures d’adaptation devrait :

  • considérer qu’il s’agit d’une demande d’accommodement de bonne foi[318] (à moins de preuves du contraire)
  • limiter les demandes de renseignements aux informations pouvant raisonnablement être associés à l’établissement des obligations juridiques, à l’évaluation des besoins, des limites et des restrictions, et à la mise en place des mesures d’adaptation.

Quand des renseignements additionnels sur la conviction ou la pratique rattachée à la croyance d’une personne sont requis, la demande d’information doit faire le moins possible incursion dans la vie privée de la personne tout en veillant à ce que le fournisseur de mesures d’adaptation obtienne des renseignements suffisamment complets pour mettre en place des mesures d’adaptation appropriées. Un fournisseur de mesures d’adaptation devrait être en mesure d’expliquer clairement pourquoi l’information additionnelle est requise.

Dans de rares cas, l’organisation pourrait avoir des motifs raisonnables de douter de la sincérité d’une demande d’adaptation ou de la véracité des renseignements fournis. Dans le contexte de la croyance, les questions reposent habituellement sur le besoin d’établir clairement, quand il y a des motifs raisonnables de peut-être en croire autrement, que la conviction ou la pratique à accommoder est en effet (1) sincère et (2) rattachée à une croyance et (3) qu’une exigence ou règle lui porte atteinte par suite d’effet préjudiciable.

Les fournisseurs de mesures d’adaptation devraient généralement accepter de bonne foi que la conviction est sincère, à moins de raisons légitimes de penser le contraire. Lorsque la situation le justifie, l’investigation de la sincérité de la conviction d’une personne devrait être la plus limitée possible[319] et servir uniquement à établir qu’une conviction invoquée est avancée « de bonne foi, qu’elle n’est ni fictive ni arbitraire et qu’elle ne constitue pas un artifice »[320]. Dans bien des cas, cette démonstration ne sera pas nécessaire ou sera facile à faire. Dans d’autres, cependant, des éléments de preuve peuvent être exigés pour établir la sincérité de la conviction, habituellement de la personne revendiquant le droit. Toute preuve indiquant que la personne en quête d’accommodement met actuellement en pratique de façon cohérente sa conviction rattachée à la croyance et nécessitant un accommodement peut aider à établir que la conviction est sincère. Cependant, le fait de ne pas adhérer à une conviction ou à une pratique de façon uniforme n’indique pas nécessairement le manque de sincérité de la conviction (voir la section 9.5.3)[321].

Il n’est pas approprié d’exiger des opinions d’experts pour démontrer qu’une conviction ou qu’une pratique est obligatoire ou exigée[322], ou qu’elle est sincère. Cependant, une personne en quête d’accommodement pourrait choisir d’aiguiller un fournisseur de mesure d’adaptation vers une figure d’autorité religieuse ou un expert pour appuyer sa demande d’accommodement[323].

Au moment d’évaluer une demande d’accommodement de la croyance, il peut être nécessaire d’explorer davantage certaines considérations objectives. Pour que ses convictions ou pratiques bénéficient de protection aux termes de l’article 11 du Code, une personne doit être en mesure d’établir un lien entre ces convictions ou pratiques et une croyance (voir la section 4.1)[324].

Exemple : Un tribunal a rejeté la demande d’un homme voulant être exempté de l’interdiction de production et de possession de marijuana aux termes de la Loi réglementant certaines drogues et autres substances[325] au motif de l’exercice des droits religieux et à l’égalité consentis à l’alinéa 2 et à l’article 15 de la Charte.[326] L’homme, un « révérend » de l’« Église de l’univers », a allégué que la consommation de sept grammes de marijuana par jour était liée à sa conviction religieuse que le cannabis est « l’arbre de la vie », comme l’affirme le Livre de l’Apocalypse de la Bible. Le tribunal a plutôt conclu que l’homme ne croyait pas en Dieu ou à la Bible en soi et qu’il n’y avait pas de rite, de rituel ou de cérémonie associé à sa conviction, tout comme il n’existait pas d’obligation ni de précepte moral ou éthique, ni d’idées ultimes à propos de l’existence humaine, associé à sa pratique de consommation de marijuana. 

En définitive, le tribunal a conclu que bien que l’homme croyait sincèrement aux avantages de la consommation de marijuana, sa pratique de consommation de marijuana était liée à « l’idée très profane que la plante de cannabis a de nombreuses applications utiles ou […] "fruits" qui peuvent et devraient servir au mieux-être de l’humanité »[327]. En assimilant la pratique de l’homme davantage à un « mode de vie » laïque qu’à une religion, le tribunal a affirmé que malgré la déférence que l’on se doit de montrer envers les points de vue subjectifs (sincères) d’une personne relativement aux convictions ou pratiques religieuses qu’elle pouvait adopter, cette déférence ne s’applique pas à la question de savoir si une pratique ou une conviction a un lien avec une religion authentique[328].

Des renseignements additionnels pourraient être requis lorsqu’il n’est pas clair ou évident qu’une conviction se rattache à une croyance aux termes du Code[329] ou que sa pratique « [permet] à l’individu de communiquer avec l’être divin ou avec le sujet ou l’objet de [sa] foi spirituelle »[330] ou croyance. Dans de tels rares cas, les organisations devraient limiter leur investigation au fait de déterminer si la conviction ou pratique à accommoder se rattache réellement à la croyance et si elle permet, aux yeux de la personne, de communiquer avec l’être divin ou avec le sujet ou l’objet de sa foi spirituelle ou croyance.

Enfin, les organisations peuvent demander à une personne en quête d’accommodement de démontrer de quelle façon une politique, une norme, une règle, une qualité requise ou une pratique a porté atteinte, dans un domaine social protégé par le Code, à sa capacité de mettre en pratique sa conviction sincère en matière de croyance. La personne pourrait devoir fournir des renseignements sur la nature de la conviction ou pratique afin de cerner l’effet préjudiciable et de clarifier les besoins correspondants en matière d’accommodement. Les fournisseurs de mesures d’adaptation pourraient également demander à la personne qu’elle est l’étendue éventuelle des exceptions pouvant être faites dans le cadre de sa conviction[331]. Si la personne n’accepte pas de fournir les renseignements susmentionnés, demandés de façon légitime, et que le fournisseur de mesures d’adaptation peut démontrer que cette information est requise, il pourrait être établi que la personne en quête d’accommodement n’a pas participé au processus d’accommodement, ce qui relèverait le fournisseur de mesures d’adaptation de toute responsabilité additionnelle[332].

9.7 Confidentialité

Le maintien du caractère privé et confidentiel des renseignements sur la croyance d’une personne peut s’avérer critique en raison non seulement de considérations juridiques et des lois sur la vie privée en vigueur, mais également de la stigmatisation et des stéréotypes auxquels peuvent faire face certaines personnes au motif de leur croyance.

Les organisations devraient avoir des motifs légitimes de recueillir et d’utiliser des renseignements personnels à propos de la croyance d’une personne. Elles devraient assurer la confidentialité des renseignements sur les convictions et pratiques rattachées à la croyance de cette personne, y compris toute information sur les mesures d’adaptation prises en matière d’accommodement de sa croyance. Le fait de ne pas assurer la confidentialité de cette information pourrait s’avérer discriminatoire.

Exemple : Un fournisseur de logements coopératifs reçoit une demande d’accommodement d’un locataire qui n’est pas en mesure de s’acquitter de ses trois heures de travail bénévole les samedis matin étant donné que c’est le jour du Sabbat. Le fournisseur de logements demande aux autres locataires ce qu’ils pensent de cette demande d’accommodement même si cela n’a pas d’effet direct sur eux et qu’il serait facile pour la personne de remplir son obligation de travail bénévole un autre jour sans créer de préjudice injustifié. La divulgation de la demande d’accommodement du locataire pourrait contrevenir aux mesures législatives bien établies de protection de la vie privée et de respect de la confidentialité. Elle pourrait aussi heurter la dignité de la personne en quête d’accommodement et porter atteinte à son estime de soi, particulièrement si cela pourrait l’exposer à une attention publique non désirée ou éventuellement à des railleries et des insultes[333]. Cela pourrait contrevenir au Code.

Les organisations devraient uniquement divulguer des renseignements sur l’accommodement de la croyance d’une personne aux personnes qui doivent y avoir accès pour assurer l’adoption de la mesure d’adaptation, à moins que la personne en quête d’accommodement en décide autrement.

Exemple : Une personne qui doit se présenter devant le tribunal a besoin qu’on adapte l’horaire des audiences pour tenir compte d’une pratique religieuse. La documentation à l’appui de sa demande d’accommodement est transmise uniquement au coordonnateur de l’accessibilité de la cour. Il peut suffire au reste du personnel de la cour de savoir qu’il doit fournir cette mesure d’adaptation à la personne.

Dans certaines circonstances limitées et inévitables, il peut s’avérer nécessaire de divulguer des renseignements sur les besoins d’une personne en matière d’accommodement de la croyance à des tierces parties. En pareil cas, on devrait respecter les mesures législatives en matière de vie privée de manière à assurer la plus grande confidentialité possible dans les circonstances.

Exemple : Un employeur demande que tout son personnel se garde de réchauffer des aliments contenant du porc dans un second four à micro-ondes, acheté pour répondre aux besoins en matière d’accommodement religieux de certains employés. L’employeur ne divulgue aucun renseignement personnel à propos des employés à qui s’adresse la mesure d’adaptation. Bien que le reste du personnel puisse éventuellement comprendre la nature de l’accommodement et savoir à qui elle s’adresse, la conduite de l’employeur est peu susceptible de contrevenir au Code au motif d’une atteinte à la confidentialité et à la dignité.

Liste de vérification des pratiques exemplaires de respect de la confidentialité et de la vie privée:

  • Limiter l’information recueillie à propos de la croyance d’une personne aux seuls renseignements pertinents.
  • Assurer le plus grand respect du caractère privé et confidentiel de toute information liée à la croyance d’une personne, en tenant compte des souhaits de cette personne. Cela inclut tout renseignement donnant des indications directes ou indirectes sur la croyance d’une personne, ou les convictions ou pratiques qui y sont rattachées.
  • Respecter la vie privée d’une personne en divulguant les renseignements en lien avec son accommodement uniquement aux personnes qui participent directement à la satisfaction de ses besoins.
  • Veiller à ce que les renseignements recueillis soient confiés exclusivement au personnel désigné (le responsable des ressources humaines, par exemple) et conservés dans un système de classement sécurisé.
  • Dans certains rares cas où il est évident aux yeux des autres qu’un accommodement à été effectué, le fait d’offrir une formation aux autres employés, clients ou gestionnaires peut contribuer à prévenir les réactions négatives et le ressentiment. La formation peut créer un environnement plus inclusif et accueillant en aidant les autres à mieux comprendre une diversité de besoins en matière d’accommodement.

9.8 Rôles et responsabilités

L’accommodement est un processus faisant intervenir plusieurs parties ayant une responsabilité commune[334]. Chaque partie doit collaborer de façon respectueuse pour trouver et mettre en place des solutions adéquates en matière d’accommodement.

La personne en quête d’une mesure d’adaptation doit :

  • informer le fournisseur de la mesure d'adaptation (p. ex. employeur, locateur, fournisseur de services) qu’elle a des besoins liés au Code qui nécessitent une mesure d’adaptation
  • dans la mesure du possible[335], communiquer les besoins en matière d’accommodement dans un délai raisonnable avant de mettre en place la mesure d’adaptation[336] ou avant d’apporter toute modification à une mesure d’adaptation existante
  • répondre aux questions ou fournir de l’information sur les limites ou restrictions pertinentes[337]
  • prendre part aux discussions sur les mesures d’adaptation possibles
  • collaborer au processus d’accommodement au meilleur de ses capacités
  • satisfaire aux normes et exigences de rendement convenues, une fois que la mesure d’adaptation a été adoptée
  • travailler de manière continue avec le fournisseur de la mesure d’adaptation afin de gérer le processus d’accommodement.

Le fournisseur de la mesure d'adaptation doit :

  • accepter la demande d’accommodement de bonne foi (à moins de posséder des éléments de preuve de son manque de sincérité)
  • limiter ses demandes d’information aux renseignements qui sont raisonnablement nécessaires pour déterminer la nature et l’étendue de la limite ou de la restriction, ainsi que la mesure d’adaptation appropriée à fournir[338]
  • contribuer activement aux efforts déployés pour s’assurer d’investiguer les approches de rechange et mesures d’adaptation possibles[339], et explorer les diverses formes possibles d’accommodement et de mesures d’adaptation de rechange[340]
  • conserver des dossiers sur la demande d’accommodement et les mesures prises
  • veiller à ce que les renseignements qui se rapportent à l’accommodement demeurent confidentiels et accessibles seulement aux personnes qui en ont besoin pour mettre en place les mesures d’adaptation requises
  • mettre en œuvre les mesures d’adaptation en temps opportun, jusqu’au point de préjudice injustifié
  • couvrir tous les coûts appropriés ayant trait à la mesure d’adaptation[341].

Bien que la personne en quête d’accommodement ait l’obligation d’aider à mettre en place la mesure d’adaptation appropriée qui répondra à ses besoins, elle n’est pas responsable de trouver cette mesure[342] ou de diriger le processus d’accommodement. Le fournisseur de la mesure d’adaptation est ultimement responsable de mettre en place les solutions envisagées, avec la collaboration de la personne en quête d’accommodement. Après la mise en place de la mesure d’adaptation, la personne bénéficiant de cette mesure doit pouvoir satisfaire aux exigences essentielles du poste, de la location ou de l’obtention du service.

En contexte d’emploi, les syndicats et les associations professionnelles doivent appuyer les mesures d’adaptation, même si ces mesures se heurtent aux conventions collectives, à moins que cela ne crée un préjudice injustifié[343]. Ils pourraient également devoir jouer un rôle proactif de partenaires dans le processus d’adaptation et partager avec l’employeur la responsabilité de faciliter l’accommodement des besoins[344].

Les organisations qui retiennent les services d’une tierce partie (p. ex. pour fournir un service ou régler les questions de ressources humaines) devraient s’assurer que cette tierce partie s’acquitte de ses obligations aux termes du Code, y compris l’obligation d’accommodement qu’il prévoit.

Exemple : Une organisation embauche une agence de placement pour recruter et embaucher le personnel. L’agence de placement manque à son obligation d’accommodement des convictions sincères rattachées à la croyance des candidats. L’organisation qui a retenu les services de l’agence et l’agence elle-même peuvent toutes les deux avoir contrevenu au Code[345].

9.9 Préjudice injustifié

Les organisations visées par le Code ont une obligation d’accommodement jusqu’au point de préjudice injustifié. Elles ne sont pas tenues d’offrir des mesures d’adaptation si celles-ci causent un préjudice injustifié ou excessif. Un certain degré de préjudice est cependant acceptable.

Aux termes du Code, on doit uniquement prendre trois facteurs en compte au moment de déterminer si une mesure d’adaptation peut causer un préjudice injustifié :

  • coûts
  • sources extérieures de financement, le cas échéant
  • exigences de santé et de sécurité, le cas échéant.

Aucun autre facteur ne peut être pris en considération[346]. Par exemple, les inconvénients professionnels, le moral des employés et les préférences de tierces parties ne sont pas des considérations valides lorsque vient le temps d’évaluer le préjudice injustifié que pourrait causer une mesure d’adaptation[347].

Dans bien des cas, l’accommodement de la croyance d’une personne n’engagera pas de frais énormes. Parfois, il s’agira simplement d’assouplir les politiques, règles et exigences en vigueur. Cet assouplissement des politiques, règles et exigences pourrait causer quelques inconvénients administratifs, qui ne sont pas en soi un facteur d’évaluation du préjudice injustifié.

Pour se prévaloir de la défense relative au préjudice injustifié, une organisation doit démontrer que le fait d’accommoder une personne cause un préjudice injustifié[348]. Il ne revient pas à la personne ayant des besoins en lien avec la croyance de prouver que la mesure d’adaptation peut être fournie sans que cela n’impose de préjudice injustifié.

La démonstration du préjudice injustifié doit être fondée sur des preuves objectives, réelles, directes et, lorsqu’il s’agit de coût, quantifiables. L’organisation doit présenter des faits, des chiffres ainsi que des données ou des avis scientifiques à l’appui de son allégation de préjudice injustifié. Il ne suffit pas simplement d’affirmer que le coût ou le risque est « trop élevé » en se basant sur des impressions ou des stéréotypes sans preuve à l’appui[349].

Exemple : Le TDPO a conclu qu’un employeur a fait de la discrimination à l’endroit d’un candidat à un poste lorsqu’il a rejeté sa candidature après avoir appris qu’il avait des besoins en matière d’accommodement de la croyance. Le tribunal a pris en compte l’argument de l’employeur selon lequel la mesure d’adaptation demandée lui causerait un préjudice injustifié. Les affirmations de l’employeur au sujet des difficultés posées par la convention collective (« problèmes avec le syndicat », difficultés d’établissement de l’horaire et coûts relatifs aux heures supplémentaires) ont été jugés vagues et hypothétiques, sans preuve concrète offerte à leur appui[350].

Parmi les exemples de preuves objectives figurent :

  • états financiers et budgets
  • données scientifiques, information et données découlant d’études empiriques
  • opinions d’experts
  • renseignements détaillés sur l’activité et la mesure d’adaptation demandée
  • renseignements sur les circonstances de l’activité et leurs effets sur la personne ou le groupe adhérant à la croyance.

9.9.1 Coût

La norme relative aux coûts est élevée. Les coûts représentent un préjudice injustifié si les conditions suivantes sont réunies :

  • ils sont quantifiables
  • il est démontré qu’ils découlent de la mise en œuvre de la mesure d’adaptation  
  • ils sont d’une importance telle qu’ils modifieraient la nature essentielle de l’organisation ou nuiraient considérablement à sa viabilité.

Exemple : Une petite entreprise compte quatre employés, dont trois pratiquent le Sabbat, qui représente pour eux un jour de repos. Ces personnes ne peuvent donc pas travailler le vendredi soir et le samedi, soit la période de travail la plus achalandée et la plus profitable. L’entreprise commence à avoir des difficultés et pourrait bientôt déposer son bilan. Par conséquent, l’employeur embauche un nouvel employé à temps partiel afin de pouvoir rester ouvert durant cette période et indique comme qualité requise dans son offre d’emploi que l’employé doit travailler la fin de semaine. Au moment d’être embauché, le nouvel employé demande une mesure d’adaptation parce qu’il lui est impossible de travailler le vendredi soir et le samedi. L’employeur n’est pas en mesure d’assurer son accommodement sans que cela ne mine considérablement la viabilité de l’entreprise, donc sans préjudice injustifié.

On établira le préjudice injustifié en se basant sur le solde des coûts après que l’ensemble des frais, avantages, déductions et autres facteurs ont été pris en considération. Tous les coûts projetés que l’on peut quantifier et dont on peut démontrer le lien avec la mesure d’adaptation projetée seront pris en considération. Par contre, les spéculations pures et simples (p. ex. sur les pertes financières qui pourraient découler de l’accommodement des besoins en matière de croyance d’une personne) ne seront habituellement pas convaincantes.

Si une mesure d’adaptation dépasse le budget établi par l’organisation pour l’accommodement des besoins, le fournisseur de la mesure d’adaptation doit tenter de la financer à même son budget global, à moins que cela ne lui cause de préjudice injustifié. Le coût d’une mesure d’adaptation donnée doit être réparti le plus largement possible sur l’ensemble de l’organisation, de manière à éviter que le fardeau financier engendré par cette mesure soit porté seulement par un service ou une division[351].

Lorsque l’adoption de la mesure d’adaptation appropriée occasionnerait un préjudice injustifié, le fournisseur de la mesure d’adaptation doit rechercher la solution de rechange la plus appropriée. Par exemple, il pourrait mettre en place une mesure d’adaptation provisoire en attendant de créer le fonds de réserve nécessaire pour mettre graduellement en place la mesure d’adaptation la plus appropriée.

9.9.2 Sources extérieures de financement

Pour réduire leurs coûts, les organisations ont l’obligation de prendre en considération toute source extérieure de financement pouvant les aider à fournir une mesure d’adaptation. La personne en quête d’accommodement doit également tirer parti de toute source extérieure de financement éventuelle pour aider à payer les dépenses engagées pour lui fournir la mesure d’adaptation.

Avant de pouvoir plaider que la prise en compte des besoins en matière de croyance d’une personne causerait un préjudice injustifié sur le plan des coûts, les organisations doivent démontrer qu’elles ont tiré parti de toute aide financière gouvernementale (ou autre) offerte pour aider à assumer les coûts de l’accommodement.

9.9.3 Santé et sécurité

Si une mesure d’adaptation est susceptible d’entraîner des risques considérables pour la santé et la sécurité, il pourrait s’agir d’un « préjudice injustifié ». Les employeurs, fournisseurs de logements et organisations de services ont l’obligation de protéger la santé et la sécurité de tous les employés, clients et locataires, y compris les personnes qui adhèrent à une croyance, dans le cadre d’activités d’affaires sûres et des exigences de la Loi sur la santé et la sécurité au travail[352]. Le Code reconnaît l’importance de trouver un juste milieu entre le droit de vivre à l’abri de la discrimination et les considérations de santé et de sécurité.

Un employeur, fournisseur de logements ou fournisseur de services peut se poser les questions suivantes pour déterminer si la modification d’une exigence relative à la santé ou à la sécurité, la dérogation à une telle exigence ou toute autre forme de mesure d’adaptation présentera un risque important :

  • La personne en quête d’accommodement est-elle prête à courir un risque pour sa santé ou sa sécurité lorsqu’elle est la seule à courir ce risque?
  • Peut-on raisonnablement prévoir que le fait de modifier une exigence ou d’y déroger, ou encore de mettre en œuvre un autre type de mesure d’adaptation présentera un risque grave pour la santé ou la sécurité des autres employés, locataires, membres du personnel ou usagers?
  • Quels autres types de risques assume l’organisation, et quels types de risques la société en général tolère-t-elle?

L’évaluation du préjudice injustifié relatif à la santé et à la sécurité que créerait l’adoption d’une mesure d’adaptation doit reposer sur une compréhension fidèle des risques fondée sur des preuves objectives plutôt que des impressions stéréotypées. On ne peut pas mesurer le risque de préjudice injustifié en se basant sur des impressions, des éléments de preuve anecdotiques ou des justifications après coup[353]. En outre, une organisation ne devrait pas alléguer de préjudice injustifié sur la base de préjudices anticipés reposant uniquement sur une évaluation hypothétique ou infondée des conséquences négatives que « pourrait » entraîner l’accommodement des besoins d’une personne[354].

Les organisations devraient se poser les questions suivantes pour mesurer la gravité ou l’importance d’un risque potentiel :

  • la nature du risque : Quel effet néfaste la mesure pourrait-elle avoir?
  • La gravité du risque : Quelle serait la gravité de l’effet néfaste, s’il se produisait?
  • La probabilité du risque : Quels sont les risques que la mesure ait l’effet néfaste envisagé?
  • S’agit-il d’un risque réel ou simplement d’un risque hypothétique ou spéculatif? Pourrait-il se produire souvent?
  • La portée du risque : Qui serait touché si l’effet néfaste se produisait?

Si le préjudice possible est mineur et peu susceptible de se produire, le risque ne devrait pas être jugé grave. S’il y a risque pour la sécurité publique, on prendra en considération le nombre additionnel de personnes pouvant être touchées et la probabilité qu’un événement néfaste se produise.

Il est possible qu’une personne adhérant à une croyance accepte de courir un risque. Autant que possible, les personnes adhérant à une croyance devraient avoir le droit d’assumer avec dignité les risques auxquels elles sont exposées, sous réserve de la norme de préjudice injustifié. Le risque qu’entraîne la modification d’une exigence relative à la santé et à la sécurité, ou la dérogation à une telle exigence, doit être évalué en fonction du droit à l’égalité de la personne adhérant à la croyance[355].

Dans les cas où ce risque a une importance telle qu’il l’emporte sur les avantages de l’égalité, il est réputé donner lieu à un préjudice injustifié. En vertu de la législation relative à la santé et à la sécurité, les organisations ont le devoir d’éviter toute situation qui pourrait entraîner une menace directe ou blesser des gens. Une probabilité élevée d’effets préjudiciables considérables pourrait être considérée comme un préjudice injustifié.

Les organisations doivent tenter d’atténuer les risques qui existent. Le niveau de risque qui demeure après l’adoption des mesures d’adaptation et des mesures d’atténuation des risques (jusqu’au point de préjudice injustifié, en fonction des coûts) déterminera s’il existe ou non un préjudice injustifié. Dans certains cas, comme en cas de risque grave ou imminent, les tentatives d’atténuation des risques peuvent causer un préjudice injustifié[356].

9.10 Autres limites

Le Code indique que seulement trois facteurs peuvent être pris en compte lorsqu’on détermine si une mesure d’adaptation est susceptible de causer un préjudice injustifié (coût, sources extérieures de financement et exigences relatives à la santé et à la sécurité). Cependant, les tribunaux administratifs et judiciaires ont reconnu dans certains cas que le droit à l’accommodement n’est pas absolu, même lorsque ces trois facteurs ne causent aucun préjudice injustifié[357]. Dans un nombre limité de situations, il pourrait s’avérer impossible de tenir compte des besoins liés à la croyance d’une personne. Ces situations sont abordées plus loin.

Les organisations ne doivent cependant pas sauter à la conclusion qu’un accommodement n’est pas possible ou nécessaire. Elles doivent satisfaire à leur obligation procédurale d’accommodement en examinant les situations au cas par cas et en explorant les mesures d’adaptation de rechange, comme les mesures graduelles ou provisoires. C’est aux organisations que reviendra la tâche de démontrer quelles étapes elles ont suivies et les raisons concrètes pour lesquelles l’accommodement n’était pas possible.

9.10.1 Non-participation au processus d’accommodement

Toutes les parties au processus d’accommodement ont l’obligation d’y collaborer au meilleur de leurs capacités. Dans certains cas, une organisation pourrait être réputée avoir rempli ses obligations procédurales et de fond en lien avec l’accommodement si la personne en quête d’accommodement n’a pas pris part au processus.

Par exemple, une personne pourrait être réputée ne pas avoir pris part au processus si elle refuse de donner suite à des demandes raisonnables d’information requise pour évaluer ou combler ses besoins en matière d’accommodement ou de collaborer à l’élaboration des mesures d’adaptation. Les décisionnaires ont également conclu que les personnes doivent faire connaître leurs besoins en matière d’accommodement de la croyance dans des délais raisonnables. Si elles ne le font pas, les tribunaux pourraient conclure que l’organisation n’a pas manqué à son obligation d’accommodement.

Exemple : Le TDPO a conclu qu’un employé qui se qualifiait de musulman n’avait pas informé son employeur en temps opportun qu’il avait besoin de quatre heures de congé sans solde pour célébrer une fête religieuse. L’employeur autorisait généralement ce genre de congé lorsqu’il recevait un préavis suffisant. Dans cette affaire, le préavis de 72 heures donné par l’employé n’était pas suffisant pour permettre à l’employeur de trouver quelqu’un pour le remplacer[358].

Avant de conclure qu’une personne n’a pas collaboré au processus d’accommodement, les organisations devraient prendre en considération tout facteur lié à la croyance ou à un autre motif du Code qui pourrait empêcher la personne d’y prendre part. Elles pourraient devoir également tenir compte de ces facteurs. Les organisations devraient également déterminer s’il est nécessaire de modifier la mesure d’adaptation parce qu’elle ne fonctionne pas.

9.10.2 Conciliation de droits contradictoires

Les droits de la personne relatifs à la croyance se sont souvent retrouvés au cœur de scénarios et de conflits de droits contradictoires. Le débat public a souvent mis à tort en opposition les « droits religieux » et l’« accommodement religieux », d’une part, et les « droits de la personne » et les « droits à l’égalité » de l’autre. Les droits associés à la religion et à la croyance sont des droits à l’égalité/de la personne[359]. Bien que certains allèguent que ces droits puissent parfois entrer en conflit avec d’autres droits de la personne, la législation canadienne inclut un système vigoureux de poids et de contrepoids qui assure l’équilibre et la protection de tous nos droits de la personne dans toute la mesure du possible.

Habituellement, quand une personne soumet une demande d’accommodement, l’organisation sera en mesure de fournir la mesure d’adaptation sans que cela n’ait de répercussion sur les droits reconnus d’autrui.

Parfois cependant, une demande d’accommodement pourrait se transformer en situation de « droits contradictoires ». Cela complique l’approche habituelle de résolution des conflits relatifs aux droits de la personne, où l’atteinte concerne les droits de la personne d’une partie uniquement. Dans certains cas, une seule partie dépose une requête en matière de droits de la personne, mais cette requête touche aussi les droits de la personne d’une autre ou de plusieurs autres parties.

Les organisations et groupements qui mènent des activités en Ontario sont tenus, selon la loi, de prendre des mesures pour prévenir les situations de droits contradictoires et régler celles qui surviennent.

Exemple : Un employé qui occupait un quart de nuit dans une usine de transformation du poisson avait pour conviction sincère que sa pratique religieuse exigeait qu’il « prêche et enseigne l’Évangile, convertisse et baptise des personnes ». Il s’obstinait à prêcher l’Évangile et à tenter de convertir ses collègues durant les heures de travail. D’autres employés se sont plaints et ont été transférés au quart de jour.

Quand l’employé est devenu superviseur, ses activités religieuses au travail sont devenues encore plus préoccupantes en raison de sa nouvelle position d’autorité. Son employeur l’a averti à plusieurs reprises de respecter les croyances de ses collègues et de cesser de prêcher l’Évangile et de tenter de convertir les employés durant les heures de travail. Il a été mis à pied après avoir refusé d’acquiescer.

Le tribunal de la Colombie-Britannique a déterminé que l’exigence de l’employeur de ne pas prêcher l’Évangile durant les heures de travail constituait une exigence professionnelle de bonne foi compte tenu des droits contradictoires des autres employés. L’employeur avait l’obligation de maintenir un environnement de travail dans lequel tous les employés, quels que soient leurs antécédents religieux, se sentaient à l’aise et respectés. Le tribunal a conclu que la réaction de l’employeur, qui avait fait tout ce qu’il pouvait jusqu’au point de préjudice injustifié, n’était pas excessive. La plainte a été rejetée[360].

La Politique sur les droits de la personne contradictoires[361] de la CODP propose un cadre d’analyse et de résolution des situations de droits contradictoires. Elle présente aussi des mesures proactives concrètes que peuvent prendre les organisations pour réduire les conflits relatifs à des droits de la personne et situations de droits contradictoires éventuelles.

En vertu du Code, les organisations ont le devoir de tenir compte des besoins des personnes en lien avec le Code. Au moment d’examiner la nature d’une revendication, les organisations doivent déterminer si la situation concerne uniquement des activités d’affaires ou si elle fait intervenir des droits contradictoires d’autres personnes et groupes. Les revendications qui touchent uniquement des activités d’affaires relèvent de l’obligation d’accommodement (c’est-à-dire si une mesure d’adaptation est appropriée ou constitue un préjudice injustifié). Il ne s’agit pas de revendications de droits de la personne contradictoires.

Exemple : Une femme se plaint de discrimination quand son employeur refuse sa demande de modification de son horaire de travail en vue d’assister à des services religieux hebdomadaires et de faire l’observance du Sabbat. Sa demande ne semble pas avoir d’incidence sur les droits légaux d’autres personnes. Par conséquent, il ne s’agit pas ici d’une situation de droits contradictoires, mais plutôt d’une demande de mesure d’adaptation relative aux droits de la personne[362].

Vous trouverez ci-après certains principes clés de l’analyse des droits contradictoires[363].

Aucune hiérarchie des droits/aucun droit absolu

En matière de droits contradictoires, la Cour suprême du Canada a confirmé qu’il n’y avait aucune hiérarchie relativement aux droits énoncés dans la Charte. Tous les droits ont le même statut, aucun droit n’étant plus important qu’un autre[364]. À cela est relié le principe selon lequel aucun droit n’est absolu. Tous les droits sont en soi limités par les droits et libertés d’autrui[365]. Par conséquent, si des droits s’opposent, les principes de la Charte commandent une « conciliation des droits » qui respecte pleinement l’importance des deux catégories de droits de sorte que le plus grand exercice possible de chacun des droits soit réalisable[366].

Importance du contexte

La conciliation des droits contradictoires ne peut s’effectuer dans l’abstrait. Les droits garantis par la Charte n’existent pas dans le vide et leur sens et leur contenu dépendent du contexte. Bien qu’on retrouve dans la jurisprudence plusieurs principes fondamentaux servant de guide à la conciliation des droits contradictoires, il n’existe pas de « règle nette » à ce chapitre[367]. Le contexte détermine comment concilier les droits contradictoires dans une affaire donnée[368].

Portée des droits : Détermination des droits en jeu et de la possibilité qu’ils aient été enfreints

Lorsqu’une situation de droits contradictoires potentiels survient, on doit avant tout déterminer quels droits sont revendiqués ou en jeu. Par exemple, les organisations doivent déterminer s’il existe un lien entre une demande d’accommodement donnée et un droit légitime, et si l’adoption d’une mesure d’adaptation aurait un effet réel sur les droits d’autrui aux termes du Code ou de la Charte.

Dans bien des cas, les droits que la situation fait intervenir sont évidents. Mais dans d’autres, les droits en jeu sont plus difficiles à repérer. Il peut être nécessaire de mener une enquête plus approfondie et d’entendre des preuves permettant d’établir que la requête s’inscrit dans la portée d’un droit, telle que définie par les tribunaux[369].

Dans le contexte des droits religieux, bien des conflits apparents de droits contradictoires ont été résolus en se demandant tout simplement si la requête s’inscrivait dans la portée du droit dans la présente situation. La délimitation de la portée de chaque droit peut parfois révéler qu’il n’existe pas d’empiètement réel d’un droit sur un autre.

Exemple : En 2004, la Cour suprême du Canada a été appelée à se prononcer sur la constitutionalité d’un projet de loi qui étendrait le droit de se marier aux personnes du même sexe[370]. Selon l’un des arguments présentés, le fait de permettre l’accès au mariage aux couples de même sexe porterait atteinte aux droits à l’égalité ou aux droits religieux des personnes qui s’opposent au mariage entre personnes de même sexe pour des motifs religieux. La Cour a rejeté l’argument voulant qu’il s’agisse d’un conflit de droits contradictoires et déclaré que la reconnaissance des droits des gais et lesbiennes de se marier ne pouvait, en soi, porter atteinte aux droits d’autres groupes[371].

L’analyse initiale de la portée d’un droit consiste entre autres à examiner si la situation fait l’objet d’une exemption législative ou si elle relève de la compétence du Code. Cela est particulièrement vrai lorsqu’il s’agit de droits relatifs à la croyance.

Exemple : Une femme qui s’oppose aux convictions de l’Église catholique au sujet de l’avortement n’a pas pu invoquer le Code pour contester une inscription sur un monument situé sur le terrain d’une église[372]. Au moment d’interpréter le sens de « service » ou d’« installation » aux termes du Code, le TDPO a tenu compte du droit de l’Église catholique d’exprimer sa liberté de religion. Le tribunal a conclu que l’inscription d’une conviction religieuse sur un bien situé sur le terrain d’une église n’est ni un « service » ni une « installation » au sens de l’article 1 du Code.

Quand il s’agit de déterminer l’étendue des protections offertes en matière de croyance, les tribunaux ont soutenu que la protection des convictions religieuses pourrait être plus grande que la protection des conduites motivées par ces convictions[373]. Cela est dû au fait que les gestes que nous posons en fonction de nos convictions peuvent avoir un plus grand effet néfaste ou préjudiciable sur les droits d’autrui[374].

En même temps, on doit pouvoir démontrer à l’aide de preuves que l’exercice des droits des uns nuirait à celui des droits d’autrui. Cette démonstration ne peut être fondée uniquement sur des spéculations ou des points de vue hypothétiques sur l’effet que pourrait avoir sur certains le fait de reconnaître un droit relatif à la croyance et d’en assurer l’accommodement[375].

Exemple : La Cour suprême du Canada s’est demandé si des diplômés d’une université chrétienne privée (Trinity Western), qui exige que ses étudiants suivent certaines « normes communautaires » interdisant les « activités homosexuelles », devraient obtenir du British Columbia College of Teachers leur permis d’enseignement au sein du système d’éducation public[376]. L’ordre des enseignants soutenait que les programmes d’enseignement devaient être offerts dans un milieu qui reflétait les valeurs inhérentes aux droits de la personne et qu’un établissement qui veut former des enseignants à des fins d’emploi au sein du système d’éducation public doit démontrer qu’il offre un environnement qui prépare adéquatement les futurs enseignants à la diversité des élèves qui composent le système d’éducation public. L’ordre des enseignants a également affirmé avoir des raisons de craindre que les diplômés du programme de Trinity Western ne fassent de la discrimination fondée sur l’orientation sexuelle. La Cour suprême a conclu que cette affaire pouvait être résolue « en délimitant correctement les droits et valeurs en cause ». Une bonne délimitation de la portée des droits a permis d’éviter un conflit réel. La Cour a conclu que la ligne de démarcation appropriée dans cette affaire se situait entre la liberté d’adhérer à des convictions et celle d’agir en fonction de ces convictions. Il n’y a aucune preuve concrète indiquant que les diplômés de Trinity Western agiraient de manière discriminatoire du seul fait qu’ils ont certaines convictions au sujet de « l’homosexualité ».

On peut parfois croire à tort qu’on assiste à une situation de droits contradictoires en raison de notions préconçues, d’hypothèses ou de stéréotypes à l’endroit de personnes identifiées par une croyance, de la nature de leurs convictions ou pratiques, ou du rapport qu’entretiennent ces personnes avec d’autres groupes protégés par le Code. Même si les motifs de droits de la personne les plus souvent cités dans les requêtes en matière de droits de la personne contradictoires incluent le sexe, la croyance, l’orientation sexuelle et le handicap, les organisations doivent se garder d’adopter des stéréotypes sur les rapports conflictuels entre les communautés de croyance et les expressions de l’identité, ou de présumer que ces dernières sont mutuellement exclusives[377].

Évaluation de la portée de l’entrave aux droits et équilibre approprié à atteindre

Si deux catégories de droits entrent réellement en jeu, l’organisation qui doit concilier les droits contradictoires devrait évaluer la portée de l’atteinte sur chacune des catégories de droits. S’agit-il d’une entrave importante au droit, ou d’une entrave négligeable et insignifiante? Des éléments fondamentaux du droit ont-ils été atteints, ou est-ce que l’entrave touche uniquement ses éléments périphériques? S’il l’entrave à un des droits est jugée négligeable, l’analyse prendra fin et ce droit devra généralement céder la place à l’autre.

Exemple : Un homme gai s’est présenté dans une imprimerie pour commander du papier à en-tête et des cartes de visite au nom de l’organisme Gay and Lesbian Archives. Le propriétaire de l’imprimerie a refusé la commande pour des motifs religieux. Une commission d’enquête en matière de droits de la personne a conclu que le propriétaire avait fait preuve de discrimination fondée sur l’orientation sexuelle[378]. Le propriétaire a fait appel de la décision devant la Cour divisionnaire[379] et a demandé à la Cour d’annuler la décision au motif de son droit constitutionnel à la liberté de religion. Au moment de déterminer si la décision de la commission d’enquête avait limité de manière indue ce droit, la Cour a souligné que plus une activité s’éloigne des éléments « fondamentaux » de la liberté de religion, plus elle est susceptible d’avoir des répercussions sur autrui et moins elle est susceptible de mériter de protection. Elle a établi que les services d’impression commerciaux du propriétaire de l’entreprise se trouvaient à la périphérie des activités protégées en vertu de la liberté de religion. La Cour a donc conclu que les limites imposées à son droit à la liberté de religion sont justifiées pour prévenir la discrimination fondée sur l’orientation sexuelle. Cependant, la Cour a ajouté que dans un contexte différent, les conclusions pourraient être différentes, par exemple si le contenu du matériel à imprimer entrait plus directement en conflit avec des éléments fondamentaux des convictions de l’imprimeur[380].

Quand l’atteinte aux deux catégories de droits est considérable, l’organisation devrait se demander quel préjudice entraînerait le fait de limiter chacune des catégories de droits. Dans cette analyse, le contexte est primordial.

Les organisations devraient faire tout en leur possible pour chercher un compromis constructif ou assurer l’accommodement des deux catégories de droits de façon à minimiser l’entrave et à maximiser dans la mesure du possible l’exercice des droits de chacune des parties[381]. La recherche d’un compromis inclut l’examen de mesures qui pourraient atténuer le préjudice causé à chaque catégorie de droits. Les questions à poser incluent ce qui suit :

  • Peut-on assurer l’accommodement des deux catégories de droits ou faire les rajustements nécessaires à chacune des catégories pour en arriver à un « compromis constructif »?
  • Existe-t-il une solution assurant la jouissance de chacun des droits?
  • S’il n’en existe pas, y a-t-il une solution de rechange qui minimise tout effet préjudiciable éventuel?

S’il n’est pas possible de trouver une solution qui assure la jouissance maximale de chacun des droits, l’organisation devrait examiner s’il existe une solution de rechange qui minimise tout effet préjudiciable éventuel.

Exemple : La Cour d’appel de l’Ontario et la Cour suprême du Canada ont considéré la question de savoir si une femme musulmane qui porte le niqab (un voile recouvrant tout le visage, sauf les yeux) pour des raisons religieuses pourrait être tenue de l’enlever au moment de témoigner au sujet d’actes allégués d’agression sexuelle subis dans son enfance[382]. Les deux cours ont souligné l’importance d’explorer les « mesures d’adaptation » ou « compromis constructifs » qui pourraient permettre de faire des rajustements raisonnables à la fois à la liberté de religion du témoin et au droit des accusés à une défense pleine et entière, comme le fait de prévoir un tribunal présidé par une femme et composé uniquement de personnel féminin[383].

Parfois, le processus de prise en compte des droits contradictoires satisfait les parties au conflit. À d’autres moments, un droit pourrait devoir en définitive avoir préséance sur un autre dans les circonstances, malgré les meilleurs efforts déployés et processus entrepris.

Au moment d’explorer les différentes options de conciliation de droits contradictoires, les organisations ont parfois besoin de tenir compte des valeurs constitutionnelles sous-jacentes, des intérêts de la société et des méfaits plus vastes pour la société de l’atteinte à un ou l’autre des droits. Parmi les intérêts reconnus dans la jurisprudence figurent le respect de la dignité humaine, la promotion de la justice sociale et de l’égalité sociale, l’acceptation d’une grande variété de croyances, l’accommodement d’une grande variété de convictions, l’attribution de stéréotypes négatifs aux groupes minoritaires, l’égalité des sexes, la protection du meilleur intérêt de l’enfant, l’accès à la justice et la confiance du public dans le système de justice.

Exemple : Une majorité des juges de la Cour suprême du Canada a conclu que la décision d’un couple de refuser une transfusion de sang à leur bébé pour des motifs religieux était protégée en vertu de la liberté de religion[384]. Grâce à une démarche autorisée par la Loi sur les services à l’enfant et à la famille de la province, l’enfant avait été jugé pupille à titre temporaire de la société d’aide à l’enfance, qui avait consenti à la transfusion sanguine. Au moment d’explorer la constitutionalité de la Loi sur les services à l’enfant et à la famille, la Cour s’est fondée sur l’article 1 de la Charte pour mettre en opposition les intérêts de l’État relativement à la protection des enfants à risque et les droits à la liberté de religion des parents. Elle a conclu que les intérêts de l’État l’emportaient sur les droits religieux et que l’atteinte au droit des parents aux termes de la Charte était justifiée. Cependant, les tribunaux ont rendu des décisions différentes dans d’autres affaires relatives au droit des parents de refuser un traitement médical au nom de leurs enfants pour des motifs religieux, moraux ou culturels, compte tenu du contexte différent et d’autres facteurs, comme l’âge de l’enfant[385] et les droits ancestraux et issus de traités des autochtones, aux termes de l’article 35 de la Charte[386] .

La recherche de solutions peut s’avérer difficile, prêter à controverse ou mécontenter une des parties au conflit. Quelle que soit la situation, il importe de ne pas sauter aux conclusions. Le Code exige que les organisations procèdent au cas par cas pour trouver des solutions élaborées de façon collaborative qui permettent de concilier les droits contradictoires et de tenir compte des besoins des personnes et des groupes, dans la mesure du possible.

L’adoption d’un processus rigoureux est un facteur clé du succès de toute résolution de conflits. Ce processus devrait comprendre :

  • la participation de toute les parties prenantes aux négociations, dans la mesure du possible, en tenant compte des déséquilibres de pouvoir possibles et en prenant les mesures nécessaires pour les atténuer
  • la recherche de solutions favorables à toutes les parties et de compromis qui aident les parties adverses à cerner et comprendre les droits contradictoires des personnes auxquelles leurs propres droits portent atteinte
  • assurer la vie privée, la confidentialité et le respect de toutes les parties prenantes, à toutes les étapes du processus. 

Pour en savoir davantage sur ce qui contribue au succès du processus de résolution des conflits, et sur les étapes pertinentes de l’analyse, voir la Politique sur les droits de la personne contradictoires de la CODP[387].

9.11 Facteurs exclus

9.11.1 Moral des employés

Dans certains cas, l’accommodement d’un employé, locataire ou usager de services peut susciter des réactions négatives de la part de collègues ou d’autres locataires ou usagers de services qui ne connaissent pas les raisons de l’accommodement ou qui croient que la personne reçoit un traitement préférentiel. La réaction peut aller du ressentiment à l’hostilité. La CODP a entendu que ce type de réaction négative et de ressentiment représentait souvent des défis de taille pour les fournisseurs de mesures d’adaptation et les personnes en quête d’accommodement.

La réaction négative d’autrui ne peut pas servir à justifier le manque d’accommodement[388]. L’organisation et la personne responsables de fournir la mesure d’adaptation devraient plutôt s’assurer que les employés s’appuient mutuellement et contribuent à faire régner un climat favorable pour tous les employés. Le fait d’offrir une formation peut aider les autres à mieux comprendre la diversité de croyances, ainsi que prévenir ou atténuer les réactions négatives et le ressentiment. Il n’est pas acceptable de permettre que des attitudes discriminatoires dégénèrent en hostilités qui empoisonnent l’atmosphère dans laquelle travaillent les personnes s’identifiant à une religion ou croyance particulière.

De plus, les personnes qui adhèrent à une religion ou à une croyance ont droit à des mesures d’adaptation qui respectent leur dignité. On fait un affront à la dignité de quelqu’un lorsqu’on néglige de prévenir ou de régler des problèmes liés au moral des employés et aux idées fausses découlant de la perception d’un manque d’équité.

9.11.2 Préférence des tiers

La jurisprudence sur les droits de la personne indique que les préférences de tierces parties ne justifient pas des actes discriminatoires. Ce principe s’applique également aux préférences des clients[389].

Exemple : Un centre récréatif fait en sorte que plusieurs de ses classes de natation soient offertes aux femmes seulement, afin de tenir compte des besoins d’ordre religieux des femmes juives orthodoxes, musulmanes et mennonites vivant dans la région et de favoriser la participation de ces femmes. Certains usagers des services s’opposent à cette mesure d’adaptation parce qu’ils croient qu’elle équivaut à l’imposition sur les « canadiens du courant dominant » de « valeurs et de modes de vie étrangers ». Les points de vue et préférences des usagers de services n’ont aucune pertinence et ne s’inscrivent pas dans les facteurs de justification du retrait de la mesure d’adaptation, à moins que l’on puisse prouver que cette mesure porte dans les faits atteinte à un droit contradictoire.

Exemple : Une organisation bouddhiste cherche à ériger un temple. La municipalité refuse de lui octroyer le permis de construction du temple en raison de l’opposition des résidents au style architectural proposé pour l’immeuble. Les résidents allèguent que ce style ne « cadre » pas avec l’entourage sur le plan culturel. Aucun droit contradictoire ni exigence de bonne foi n’est revendiqué aux termes du Code, et il n’existe pas de principe de droit municipal pouvant justifier le refus d’octroyer le permis. L’organisation allègue qu’il s’agit de discrimination fondée sur la croyance.

9.11.3 Inconvénients professionnels ou droits économiques

Les « inconvénients professionnels » (ou « inconvénients commerciaux ou économiques ») ne constituent pas un argument à l’appui du non-respect de son obligation d’accommodement[390].

Exemple : Un syndicat de copropriétaires d’un immeuble n’a pas permis à plusieurs copropriétaires juifs d’installer des souccahs (huttes temporaires closes) sur leur balcon[391]. Le syndicat soutenait que l’installation de ces structures réduirait la valeur économique et esthétique de leur propriété et nuirait indûment à leur droit de propriété. Le tribunal a rejeté cet argument et déterminé que les droits et libertés des résidents juifs en matière de religion, auxquels une interdiction des souccahs porterait une atteinte substantielle, « l’emporterait clairement » sur les inquiétudes non étayées des autres copropriétaires concernant la perte de valeur de leur propriété.

Les coûts relatifs à la baisse de productivité ou d’efficacité peuvent être pris en compte dans l’évaluation du préjudice injustifié en vertu de la norme en matière de coût, pourvu qu’ils soient quantifiables et qu’on puisse démontrer qu’ils sont liés à la mesure d’adaptation projetée.

9.11.4 Conventions collectives ou contrats

Les tribunaux ont statué que les conventions collectives et les contrats doivent respecter les exigences des lois sur les droits de la personne. L’inverse équivaudrait à permettre aux parties de conclure des accords qui portent atteinte à leurs droits aux termes du Code, sous l’égide d’ententes privées. Sous réserve de la norme de préjudice injustifié, les dispositions des conventions collectives ou d’autres contrats ne peuvent justifier des actes discriminatoires interdits par le Code.

Exemple : Une organisation exige que tous ses employés signent un contrat d’emploi qui les oblige à travailler n’importe quel jour de la semaine, au besoin. L’employeur utilise les dispositions de ce contrat pour refuser d’acquiescer aux demandes d’accommodement fondé sur la croyance de ses employés (par exemple, congés d’emploi pour participer à des fêtes religieuses) lorsque celles-ci entrent en conflit avec les horaires de travail existants. Cela pourrait enfreindre le Code étant donné que l’employeur n’a pas respecté son obligation procédurale ou de fond d’assurer l’accommodement de la croyance jusqu’au point de préjudice injustifié. Même si les employés signent une telle dérogation, ni l’employeur ou ses employés ne peuvent abdiquer des droits de la personne et responsabilités connexes par voie de contrat.

Un syndicat peut engendrer de la discrimination ou y contribuer en participant à la formulation d’une contrainte professionnelle, comme une disposition d’une convention collective, ayant un effet discriminatoire[392]. Il appartient conjointement aux syndicats et aux employeurs de négocier des conventions collectives qui respectent les lois sur les droits de la personne. Ils devraient inclure le concept d’égalité dans les conventions collectives[393].

Cependant, si un employeur et un syndicat ne parviennent pas à s’entendre sur une question d’accommodement, l’employeur doit mettre en œuvre la mesure d’adaptation nécessaire malgré la convention. Si le syndicat s’oppose à l’accommodement ou refuse de collaborer au processus d’accommodement, il peut être cité comme intimé dans le cadre d’une requête en droits de la personne.

Exemple : Un gardien d’école et adventiste du septième jour a demandé à son employeur de tenir compte de ses besoins en lui permettant de ne pas travailler les vendredis après-midi pour se soumettre au Sabbat. Le syndicat s’est opposé à la modification de son horaire de travail, étant donné que cela nécessiterait une exception à la convention collective. Comme le syndicat a menacé de déposer un grief, l’employé n’a pas obtenu la mesure d’adaptation demandée et a été licencié lorsqu’il a refusé de se présenter à son quart de travail du vendredi soir.

La Cour suprême du Canada a confirmé que lorsqu’une convention collective a un effet préjudiciable sur des employés en raison de leur croyance, le syndicat et l’employeur ont une responsabilité commune et partagée de chercher et de fournir des mesures d’adaptation, jusqu’au point de préjudice injustifié. L’employeur et le syndicat ont tous les deux été jugés responsables du défaut de tenir compte des besoins de l’employé[394].

Les syndicats doivent satisfaire aux mêmes exigences de démonstration du préjudice injustifié sur le plan des coûts et de la santé et sécurité. Par exemple, s’il peut être démontré qu’une dérogation à une convention collective occasionnerait des coûts financiers directs, ce facteur peut être pris en considération en vertu de la norme de coûts.

9.11.5 Conviction ou pratique jugée déraisonnable

« Force est de constater que la tolérance de croyances divergentes est la marque d’une société démocratique ». – Cour suprême du Canada[395]

Pour déclencher l’obligation d’accommodement, il n’est pas nécessaire que la conviction ou la pratique sincère d’une personne en matière de croyance satisfasse à quelconque critère ayant trait à son « caractère raisonnable » ou sa « justesse »[396].

L’obligation d’accommodement prévue au Code s’étend à une variété de convictions ou de pratiques, pourvu qu’elles se rattachent à une croyance, sous réserve des limites présentées aux sections 9.9 et 9.10 de ce document.

« Lorsqu’on demande aux gens d’être tolérants envers autrui, on ne leur demande pas de renoncer à leurs convictions personnelles. On leur demande simplement de respecter les droits, les valeurs et le mode de vie des personnes qui ne partagent pas ces convictions. La croyance que les autres ont droit au même respect s’appuie non pas sur la croyance que leurs valeurs sont justes, mais sur la croyance qu’ils ont droit au même respect que leurs valeurs soient justes ou non ». – Cour suprême du Canada[397]

Lorsqu’on donne suite à une demande d’accommodement, il n’est pas approprié d’évaluer le « caractère raisonnable » ou la « justesse » des convictions ou pratiques d’une personne[398], à moins d’avoir des motifs raisonnables de croire que cela pourrait promouvoir la haine ou la violence, l’inciter ou contrevenir au droit criminel[399]. Si un accommodement de la croyance porte atteinte aux droits d’autrui, l’organisation doit adopter une approche de conciliation des droits contradictoires[400]. Elle devra évaluer le rapport entretenu entre la conviction ou pratique et un droit réel, et les répercussions de l’exercice de ce droit sur les droits d’autrui.

9.11.6 Laïcité et devoir de neutralité

La Cour suprême du Canada a confirmé que l’État et les institutions gouvernementales devaient faire preuve de neutralité en matière de religion.[401] Cela leur interdit (à moins de bénéficier d’une exemption aux termes de la loi) d’imposer, de professer, d’adopter ou de favoriser une conviction à l’exclusion des autres[402], que cette conviction soit religieuse ou non.

« [L]a neutralité de l’État est assurée lorsque celui-ci ne favorise ni ne défavorise aucune conviction religieuse; en d’autres termes, lorsqu’il respecte toutes les positions à l’égard de la religion, y compris celle de n’en avoir aucune, tout en prenant en considération les droits constitutionnels concurrents des personnes affectées ». – Cour suprême du Canada[403]

Le devoir de neutralité est fondé sur le droit des personnes et des communautés à un traitement égal dans la sphère publique, sans égard à leur religion ou croyance, ainsi que sur des engagements constitutionnels fondamentaux envers le multiculturalisme, le pluralisme, la liberté et la démocratie[404]. Il n’exige pas que les personnes « laissent leur convictions religieuses ou rattachées à la croyance à la porte » parce qu’elles évoluent dans une sphère « laïque » ou « publique »[405].

« Une réponse laïque obligeant les témoins à laisser de côté leur religion à l’entrée de la salle d’audience est incompatible avec la jurisprudence et la tradition canadienne, et restreint la liberté de religion là où aucune limite n’est justifiable ». – Cour suprême du Canada[406]

« La poursuite de valeurs laïques implique le respect du droit d’avoir et de professer des convictions religieuses différentes. Un État laïque respecte les différences religieuses; il ne cherche pas à les faire disparaître ». – Cour suprême du Canada[407]  

« À mon sens, le Code assure l’égalité en matière de croyance, mais ne chasse pas la croyance de tous les lieux publics. En effet, une telle politique serait contraire aux valeurs de diversité et d’inclusion du Code ». – Tribunal des droits de la personne de l’Ontario[408]

En règle générale, il est préférable pour les organisations d’assurer l’égalité au moyen d’une conception inclusive qui reconnaît la diversité culturelle et en tient compte, plutôt que par l’exclusion universelle, à moins de pouvoir démontrer qu’une telle exclusion constitue la meilleure façon d’assurer l’égalité dans les circonstances.

Exemple : Une organisation célèbre la fête de Noël en même temps que d’autres fêtes et dates religieuses et non religieuses importantes. En agissant ainsi, elle offre la même reconnaissance à toutes les croyances (plutôt que de tenir compte d’aucune d’entre elles).

Les organisations ne doivent pas rejeter les demandes d’accommodement de la croyance d’employés, d’usagers de services ou de locataires du seul fait qu’elles évoluent dans la sphère publique laïque.

Les gens ont le droit à l’accommodement de leur religion ou croyance, et à des « changements de procédures » au sein des institutions publiques laïques, aux termes du Code et de la Charte[409]. Le fait de ne pas tenir compte des observances religieuses ou rattachées à la croyance d’une personne ou de traiter les gens différemment en raison de leur croyance dans des domaines sociaux protégés par le Code (services, biens et installations, emploi, logement, contrats et associations professionnelles) pourrait contrevenir au Code.

Exemple : Une ville de la Nouvelle-Écosse a pour politique administrative d’interdire les spectacles ayant un message religieux ou politique sur ses scènes publiques. Lorsqu’un révérend a demandé d’utiliser la scène Marina pour un spectacle intitulé This Blood is For You, qui comprenait une courte pièce de théâtre, des chants gospel et des sermons inspirés de l’Évangile, la demande a été refusée au motif que le spectacle contenait un message religieux. Comme la religion a été un facteur dans la décision de ne pas permettre au révérend d’utiliser la scène de la municipalité, un tribunal a conclu qu’il y avait eu discrimination[410].

En même temps, le droit à un traitement égal en matière de croyance et l’obligation d’accommodement ne permettent pas aux personnes de professer, d’adopter ou de favoriser une conviction à l’exclusion des autres lorsqu’elles agissent dans l’exercice de fonctions organisationnelles officielles[411].


[267] Voir la section 9.5 sur le critère juridique. L’obligation d’accommodement de la croyance a été reconnue par la Cour suprême du Canada dans Commission ontarienne des droits de la personne c. Simpsons-Sears, [1985] 2 R.C.S. 536, lorsque la Cour a conclu que l’employeur doit assurer l’accommodement d’un employé qui ne peut travailler du coucher du soleil, le vendredi, au coucher du soleil le samedi.

[268] Cela est conforme aux objectifs fondamentaux du Code des droits de la personne de l’Ontario, qui sont établis dans le préambule du Code et incluent le fait de « créer un climat de compréhension et de respect mutuel de la dignité et de la valeur de toute personne de façon à ce que chacun se sente partie intégrante de la collectivité et apte à contribuer pleinement à l’avancement et au bien-être de la collectivité et de la province ».

[269] Janssen v. Ontario Milk Marketing Board (1990), 13 C.H.R.R. D/397 (Ont. Bd. Inq.), au par. 30.

[270] Derksen v. Myert Corps. Inc. (No. 2), 2004 BCHRT 60, 50 C.H.R.R. D/109.

[271] Le Center for Universal Design de la North Carolina State University définit la conception universelle comme « la conception de produits et d’environnements que tous les usagers, dans toute la mesure du possible, peuvent utiliser ou fréquenter sans nécessiter de mesures d’adaptation ou de caractéristiques spécialisées ». Voir www.tiresias.org/guidelines/inclusive.htm. Information extraite le 30 juillet 2004.

[272] Meiorin, supra, note 241, au par. 68.

[273] Idem.

[274] Voir Meiorinsupra, note 241, aux par. 65-66 et Colombie-Britannique (Superintendent of Motor Vehicles) c. British Columbia (Council of Human Rights), [1999] 3 R.C.S. 868 [Grismer], aux par. 22 et 42-45. Voir aussi ADGA v. Lane, supra, note 93.

[275] ADGA v. Lane, idem, au par. 107 (Ont. Div. Ct.) et plus récemment Lee v. Kawartha Pine Ridge District School Board, 2014 HRTO 1212 (CanLII), aux par. 96-97.

[276] Qureshi v. G4S Security Services, 2009 HRTO 409 (CanLII) [Qureshi v. G4S].

[277] Dans Gourley v. Hamilton Health Sciences, 2010 HRTO 2168 (CanLII), l’arbitre a indiqué ce qui suit : « La composante de fond de l’analyse examine le caractère raisonnable de la mesure d’adaptation offerte ou les raisons pour lesquelles l’intimé ne fournit pas de mesure d’adaptation. Il revient à l’intimé de démontrer que des éléments ont été considérés, des évaluations ont été menées et des mesures ont été prises pour tenir compte des besoins de l’employé jusqu’au point de préjudice injustifié […] » (au par. 8).

[278] Eaton c. Conseil scolaire du comté de Brant, [1997] 1 R.C.S. 241.

[279] Idem. Bien que la Cour suprême ait déclaré que « l’intégration devrait être reconnue comme la norme d’application générale en raison des avantages qu’elle procure habituellement » (au par. 69), elle a jugé qu’en raison de l’état d’Emily Eaton, il était préférable qu’elle vive dans un milieu séparé.

[280] Cet exemple est tiré de Conseil scolaire de district de la région de York (CSDRY). Program Accommodations for Faith Purposes : A Guideline for Religious Accommodations, 2014. Extrait le 21 juillet 2015 de www.yrdsb.ca/Programs/equity/Documents/ReligiousAccomodation.pdf. Ce guide offre divers exemples de mesures d’adaptation (y compris les exemples cités ici). Ces exemples s’inscrivent habituellement le long d’un continuum allant de la pleine intégration et participation, ce qui représente l’idéal dans la mesure du possible, à la pleine exemption lorsque cela est approprié, selon la nature des restrictions nécessaires.

[281] Quesnel v. London Educational Health Centre, (1995) 28 C.H.R.R. D/474, au par. 16 (Ont. Bd. of Inq.).

[282] Voir l’article 11(1) du Codesupra, note 281.

[283] O'Malley, supra, note 74. Voir aussi Moore, supra, note 116, à propos du critère général de détermination de discrimination à première vue.

[284] Par exemple, dans Clipperton-Boyer v. RedFlagDeals.com, la CODP a affirmé ce qui suit : « Comme l’indique clairement la jurisprudence, les manifestations personnelles de la croyance d’une personne […] ne sont pas toutes en mesure de faire intervenir les protections prévues au Code. Au contraire, la protection du Code contre la discrimination religieuse est circonscrite de façon à ne couvrir que certains aspects significatifs des convictions et pratiques religieuses d’une personne » (2014 HRTO 1796 (CanLII) [Clipperton-Boyer], au par. 15).

[285] Dans Eldary v. Songbirds Montessori School Inc., 2011 HRTO 1026 (CanLII), le tribunal a conclu que la requérante n’avait pas été en mesure d’établir que le fait de gérer un camp de jour organisé par son église à titre d’activité de financement avait une nature religieuse suffisante pour mériter la protection du Code au motif de la croyance.

[286] Hendrickson Spring v. United Steelworkers of America, Local 8773 (Kaiser Grievances), [2005] O.L.A.. no. 382, 142 L.A.C. (4th) 159. Cette affaire a plus tard été citée dans une autre décision selon laquelle le fait d’offrir des présents de nature religieuse (p. ex., des stylos portant une inscription religieuse) en milieu de travail n’est pas un droit protégé, même si la possibilité de le faire était extrêmement importante pour l’auteure du grief. Aucune preuve n’indiquait que cette activité faisait partie de sa religion en tant que chrétienne régénérée; Ontario Public Service Employees Union v. Ontario (Ministry of Community and Social Services) (Barillari Grievance), [2006] O.G.S.B.A. No. 176, 155 L.A.C. (4th) 292.

[287] Assal v. Halifax Condominium Corp. No. 4 (2007), 60 C.H.R.R. D/101 (N.S. Bd. Inq.). Une commission d’enquête de la Nouvelle-Écosse a rejeté la requête voulant qu’un condominium soit tenu de prendre des mesures pour satisfaire à une demande d’installation d’une soucoupe, à l’encontre de ses propres règlements internes, pour permettre au requérant de capter des émissions religieuses et culturelles musulmanes de sources internationales. La commission a déclaré que pour pouvoir établir qu’il y a eu discrimination, il faut faire plus que montrer un lien quelconque avec la religion. Rien n’indiquait que l’accès au service par satellite constituait une pratique, une conviction, une obligation, une coutume religieuse ou qu’il faisait partie des préceptes de la foi ou de la culture de la famille. Bien que le requérant ait voulu avoir accès à une technologie permettant d’exposer davantage les membres de sa famille à leur culture, leur langue et leur religion, rien n’indiquait que son absence compromettrait de quelque façon que ce soit l’observance de leur foi.

[288] Whitehouse v. Yukon (2001), 48 C.H.R.R. D/497 (Y.T.Bd.Adj.). Dans cette décision, la commission d’arbitrage du Yukon n’a pas reconnu à un membre des Premières Nations le droit à un congé spécial pour assister à une réunion de sélection de revendications territoriales en raison de ses devoirs ancestraux et religieux.

[289] Clipperton-Boyer, supra, note 284. Voir le par. 16 en particulier, qui s’inspire d’Amselemsupra, note 5, au par. 69.

[290] Dans la plupart des cas, cela ne sera pas très difficile à démontrer. Par exemple, il est facile de démontrer qu’une exigence sur le plan de l’horaire nuit à l’observance d’une fête religieuse ou pratique temporelle. Cependant, l’établissement d’une entrave à un droit relatif à la croyance n’est pas toujours si évident et peut parfois nécessiter une analyse objective des règles, événements ou actions en cause, afin de déterminer s’ils ont porté atteinte aux droits relatifs à la croyance d’une personne, et dans quelle mesure. Les éléments de preuve de l’entrave peuvent prendre toutes les formes reconnues par la loi, mais doivent reposer sur des faits objectivement démontrables (S.L., supra, note 153, aux par. 22-24). Par exemple, dans McAteer v. Canada (Attorney General) (2014), 121 O.R. (3d) 1 (C.A.), la Cour d’appel de l’Ontario a rejeté la plainte de trois résidents permanents selon laquelle le fait d’exiger qu’ils jurent « fidélité et sincère allégeance à Sa Majesté la reine Elizabeth Deux, Reine du Canada, à ses héritiers et successeurs » pour obtenir la citoyenneté violait leur liberté de conscience et de religion aux termes du par. 2(a) de la Charte. Les trois requérants soutenaient que l’exigence selon laquelle la Reine devait être anglicane faisait en sorte que le serment privilégiait une religion à l’exclusion de toutes les autres, et que leurs convictions en matière de religion et de conscience les empêchaient de prêter serment à quelconque personne ou à un souverain étranger. Au moment de rejeter la requête, la Cour a affirmé que le serment requis aux termes de la Loi sur la citoyenneté était de nature « laïque ». La Cour a confirmé la décision de la Cour supérieure de justice, qui a conclu que le critère de détermination d’une entrave à la liberté de religion compte à la fois une composante objective et une composante subjective (aux par. 113 et 120). Pour consulter une décision similaire, voir aussi Roach c. Canada ( Ministre d'État au Multiculturalisme et à la Citoyenneté ), [1994] 2 CF 406.

[291] Ontario Public Service Employees Union, Local 560 v Seneca College, 2014 CanLII 39592 (ON LA).

[292] Selon le par. 11(2) du Code :

Le Tribunal ou un tribunal judiciaire ne doit pas conclure qu’une exigence, une qualité requise ou un critère est établi de façon raisonnable et de bonne foi dans les circonstances, à moins d’être convaincu que la personne à laquelle il incombe de tenir compte des besoins du groupe dont la personne est membre ne peut le faire sans subir elle-même un préjudice injustifié, compte tenu du coût, des sources extérieures de financement, s’il en est, et des exigences en matière de santé et de sécurité, le cas échéant.

[293] Meiorin, supra, note 241, au par. 54.

[294] Voir Hydro-Québec v. Syndicat des employé-e-s de techniques professionnelles et de bureau d’Hydro-Québec, section locale 2000, [2008] 2 R.C.S. 561 pour prendre connaissance des observations récentes de la Cour suprême du Canada relatives au sens du troisième élément de ce critère, dans la pratique, dans le contexte de l’accommodement des besoins de personnes handicapées en milieu de travail.

[295] Le critère de détermination du préjudice injustifié est présenté à la section 9.9 et examiné plus en détail dans le document de la CODP intitulé Politique et directives concernant le handicap et l'obligation d'accommodement. La même norme s’applique à tous les motifs du Code, y compris la croyance.

[296]Du fait de ce critère, la règle ou la norme elle-même doit être la plus inclusive possible et doit chercher à tenir compte des différences entre les personnes jusqu’au point de préjudice injustifié plutôt qu’à maintenir des normes discriminatoires et à prévoir des mesures d’adaptation complémentaires pour les personnes qui ne peuvent pas y satisfaire.

[297] Meoirin, supra, note 241, au par. 65.

[298] Le fait de s’en tenir à l’interprétation subjective qu’a la personne de sa religion n’est pas propre au droit canadien. On retrouve cette même approche dans des lois et résolutions internationales en matière de droit de la personne. Par exemple, un rapport d’activité de la rapporteuse spéciale sur la liberté de religion ou de conviction de l’Assemblée générale des Nations Unies (2009) affirme qu’« [i]l appartient aux fidèles eux-mêmes de définir les contenus d’une religion ou d’une conviction ».

[299] Voir la section 9.6 pour un complément d’information sur la possibilité de mener une « enquête objective », au besoin, sur le lien qui existe entre une conviction et une religion ou croyance.

[300]Singh v. Workmen's Compensation Board Hospital & Rehabilitation Centre (1981), 2 C.H.R.R. D/549 (Ontario Board of Inquiry).

[301] Amselem, supra, note 5, par. 66 affirme également que : « [S]elon la Charte québécoise (et la Charte canadienne), la personne qui invoque la liberté de religion n’a pas à démontrer que ses pratiques religieuses reposent sur une doctrine de foi obligatoire ».

[302] Des tribunaux administratifs et judiciaires ont indiqué qu’ils n’entreprendront pas de débats théologiques sur la validité ou le statut officiel de convictions ou de pratiques rattachées à la croyance (Amselem, supra, note 5, au par. 50; Cybulski v Canadian Corps of Commissionaires, Ottawa Division, 2014 HRTO 312 (CanLII). Les organisations ne devraient pas, non plus, tenter de le faire. Plutôt, l’attention doit être portée sur la sincérité de la croyance et non sur la validité qu’accordent à la conviction ou à la pratique les autres personnes de même foi (Amselem, au par. 43; R. c. Jones, [1986] 2 R.C.S. 284, au par. 20; Multanisupra, note 183, au par. 35).

[303] Amselem, idem, au par. 47.

[304] Une souccah est une petite hutte ou cabane temporaire close que certaines personnes juives jugent être tenues d’« habiter » temporairement pendant les neuf jours de la fête du Souccoth, qui commémore les 40 années de pérégrinations du peuple hébreu dans le désert à la suite de son exode hors d’Égypte.

[305] Amselem, supra, note 5, au par. 72.

[306] Idem, au par. 51.

[307] N.S., au par. 87. Voir également Edwards Bookssupra, note 5, au par. 142 et Amselem, idem, au par. 52.

[308] Amselem, idem.

[309] Voir la section 9.6.

[310] Amselemsupra, note 5, au par. 53. Par exemple, dans Bothwell v. Ontario (Minister of Transportation), 2005 CanLII 1066 (ON SCDC), un homme a dit qu’il s’opposait à la prise d’une photo numérique pour son permis de conduire, au motif de ses convictions religieuses. Cependant, il n’a pas été capable de démontrer que son objection avait trait à ses convictions religieuses sincères. Le tribunal a constaté de nombreuses incohérences dans ses actions qui jetaient un doute sur sa sincérité. Par exemple, il avait affiché sa photo numérique sur son propre site Web et avait été photographié par caméra numérique dans plusieurs autres contextes. De plus, dans plusieurs lettres envoyées au ministère et à d’autres correspondants, il avait soulevé des inquiétudes concernant la protection de la vie privée, et non des objections de nature religieuse, du fait que la photo numérique du permis de conduire était conservée dans la base de données du gouvernement.

[311] Amselem, idem.

 [I]l ne convient pas non plus que le tribunal analyse rigoureusement les pratiques antérieures du demandeur pour décider de la sincérité de ses croyances courantes. Tout comme une personne change au fil des ans, ses croyances peuvent elles aussi changer. De par leur nature même, les croyances religieuses sont fluides et rarement statiques. Il peut fort bien arriver que le lien ou les rapports d’une personne avec le divin ou avec le sujet ou l’objet de sa foi spirituelle, ou encore sa perception de l’obligation religieuse découlant de ces rapports changent et évoluent avec le temps. Vu le caractère mouvant des croyances religieuses, l’examen par le tribunal de la sincérité de la croyance doit s’attacher non pas aux pratiques ou croyances antérieures de la personne, mais plutôt à ses croyances au moment de la prétendue atteinte à la liberté de religion (au par. 53; voir également le par. 71).

D’un autre côté, des éléments de preuve de l’application constante de la pratique par le passé peuvent aider à conclure qu’une conviction est sincère, en augmentant la crédibilité d’ensemble de la prétention. 

[313] N.S., idem.

[314] Voir R. v. N.S., 2009 CanLII 21203 (ON SC) pour une analyse de l’ordonnance émise par le juge Weisman durant l’enquête préliminaire et obligeant la requérante à retirer son niqab lors de son témoignage.

[315] N.S., décision de la CSC, supra, note 197, au par. 13.

[316] Forersupra, note 79.

[317] Un nombre croissant de personne de toutes confessions suivent, de façon combinée, plus d’un système de convictions lié à la religion ou à la croyance, sans que cela ne réduise pour autant la sincérité de leur croyance. Voir le Rapport de recherche et de consultation sur les droits de la personne et la croyance de la CODP.

[318]Yeats v. Commissionaires Great Lakes, 2010 HRTO 906 (CanLII), aux par. 47-48.

[319] Amselem, supra, note 5, au par. 52

[320] Amselem, idem.

[321] Comme l’indiquait la Cour suprême dans N.S., idem : « [L]’observance irrégulière d’une pratique religieuse peut laisser croire à l’absence d’une croyance sincère, mais ce n’est pas nécessairement le cas. Il est possible qu’un croyant sincère s’écarte à l’occasion de la pratique, que ses convictions changent au fil du temps ou que ses convictions permettent des exceptions à la pratique dans des cas particuliers » (au par. 13).

[322] Voir la section 9.5 pour un complément d’information sur le critère juridique approprié de détermination de la sincérité de la croyance, lequel n’exige pas la démonstration du caractère « essentiel » ou « obligatoire » de la conviction ou de la pratique pour faire intervenir la protection du Code ou de la Charte.

[323] Bien qu’on ne doive pas exiger ou utiliser une opinion d’expert pour « mettre en doute » une demande d’accommodement, les preuves objectives offertes par un expert relativement à la nature d’une conviction et à son rattachement à une croyance peuvent néanmoins aider à établir un lien entre une conviction et une croyance (voir Huang supra, note 79, et Forersupra, note 79). Ces preuves peuvent également aider à conclure qu’une conviction est sincère en augmentant la crédibilité d’ensemble de la prétention (voir Amselem supra, note 5, au par. 73).

[324] Comme l’indiquait la Cour fédéral dans Bennett dans le contexte de la liberté de religion, la Cour a statué dans Amselem que les tribunaux ne sont pas tenus d’admettre qu’une pratique est religieuse (par opposition à non religieuse ou séculière) uniquement parce que le requérant l’affirme. Au contraire, le juge Iacobucci a laissé entendre qu’il faut procéder à un examen objectif de la pratique « puisque seules sont protégées par la garantie relative à la liberté de religion les croyances, convictions et pratiques tirant leur source d’une religion, par opposition à celles qui soit possèdent une source séculière ou sociale, soit sont une manifestation de la conscience de l’intéressé » (Bennett c. Canada (Procureur général), 2011 CF 1310, au par. 8, citant Amselem, au par. 39).

325 Meiorin, supra, note 241, au par. 54.

326 Voir les commentaires de la Cour suprême du Canada à propos du sens que revêt, dans la pratique, la troisième partie de ce critère en contexte d’accommodement du handicap en milieu de travail dans Hydro-Québec c. Syndicat des employé-e-s de techniques professionnelles et de bureau d’Hydro-Québec, section locale 2000, [2008] 2 R.C.S. 561.

327 Le critère de détermination du préjudice injustifié est présenté à la section 9.9 et, de façon plus exhaustive, dans le document de la CODP intitulé Politique et directives concernant le handicap et l'obligation d'accommodement. La même norme est applicable à tous les motifs couverts par le Code, y compris la croyance.

328 En raison de ce critère, la règle ou norme elle-même doit être la plus inclusive possible et chercher à assurer l’accommodement des différences individuelles jusqu’au point de préjudice injustifié, plutôt que de permettre le maintien de normes discriminatoires accompagnées de mesures d’adaptation pour les personnes incapables de s’y conformer.

[329] Il pourrait être davantage nécessaire d’obtenir des renseignements additionnels dans le cas de demandes d’accommodement de croyances peu connues (voir York Region District School Board v. Ontario Secondary School Teachers’ Federation, District 16 (Faith Day Grievance), [2008] O.L.A.A. No. 442, 176 L.A.C. (4th) 97. Un des exemples de la section 10.1 aborde cette affaire.

[330] Amselem, supra, note 5.

[331] R v. N.S. (2010), 102 O.R. (3d) 161 (C.A.), au par. 69. Dans Audmax Inc. v. Ontario Human Rights Tribunal, 2011 ONSC 315 (CanLII), la Cour divisionnaire de l’Ontario qui a procédé à la révision judiciaire de l’affaire a exprimé son désaccord avec la conclusion du TDPO, selon laquelle les questions de l’employeur sur certains aspects des vêtements ou du hijab de l’employé constituait de la discrimination fondée sur le sexe et la croyance. Le tribunal a conclu que le TDPO aurait dû se demander s’il aurait été possible pour Mme Saadi de respecter le code vestimentaire de l’employeur sans compromettre ses convictions religieuses à l’égard du port de vêtements religieux appropriés (au par. 86). Dans la pratique, cette décision a permis à l’employeur de poser des questions sur l’observance religieuse de la requérante et d’établir une distinction entre les aspects de cette observance (dans le présent cas en ce qui a trait à la forme de vêtement religieux) qui se rapportaient à la croyance par opposition aux préférences de « style » subjectives de la requérante. Par conséquent, la décision du TDPO a été annulée et l’affaire a été renvoyée au TDPO pour être entendue par un arbitre différent.

[332] Pour obtenir un exemple relatif au handicap, voir Baber v. York Region Dist. School Board, 2011 HRTO 213 (CanLII) [Baber]. Pour de plus amples renseignements, voir également la section 9.10.1.

[333] Le Bureau du commissaire à l’information et à la protection de la vie privée de l’Ontario et le Commissariat à la protection de la vie privée du Canada offrent des renseignements additionnels sur la législation relative à la vie privée et son application aux fournisseurs de logements, employeurs et fournisseurs de services des secteurs privé et public. Voir : www.priv.gc.ca/index_f.asp et www.ipc.on.ca/french/home-page/default.aspx. Les organisations sont assujetties à différentes lois sur la protection de la vie privée. Par exemple, les fournisseurs de logements privés sont assujettis à la Loi sur la protection des renseignements personnels et les documents électroniques (LPRPDE) et sont autorisés à divulguer des renseignements personnels sur la santé dans certaines circonstances uniquement (voir l’al. 7(3)e)).

[334]Central Okanagan School District No. 23 c. Renaud [1992] 2 R.C.S. 970 [Renaud].

[335] Les besoins en matière d’accommodement ne se prêtent pas toujours à de long préavis, y compris dans un environnement de services caractérisé par l’allée et venue de clients différents. De façon similaire, certaines pratiques rattachées à la croyance ne permettent pas de fournir de préavis. Par exemple, les personnes qui observent la pratique spirituelle autochtone de purification au foin d’odeur peuvent être appelées à se purifier en temps de détresse ou pour aider à rétablir l’équilibre spirituel, deux situations qu’elles ne peuvent pas toujours anticiper. Dans de tels cas, la conception exclusive peut constituer une pratique exemplaire de facilitation de la purification lorsque le besoin se manifeste, particulièrement dans les milieux où l’observance régulière de cette pratique est à anticiper.

[336] Par exemple, dans l’affaire Daginawala v. SCM Supply Chain Management Inc., 2010 HRTO 205 (CanLII) [Daginawala], le TDPO a conclu que le requérant n’avait pas informé son employeur qu’il avait besoin de quatre heures de congé non payé en lui donnant un préavis suffisant pour lui permettre de trouver quelqu’un pour le remplacer. L’employé avait donné un préavis d’environ 72 heures et l’employeur avait ordinairement autorisé le congé lorsqu’il avait reçu un avis suffisant.

[337] Dans Babersupra, note 332, le TDPO a conclu que même si Mme Baber avait fait une demande d’accommodement, l’employeur avait rempli son obligation en ce sens parce qu’elle n’avait pas collaboré au processus d’accommodement en rejetant des demandes raisonnables d’information ayant pu confirmer ses besoins. Elle a toujours refusé de fournir les renseignements médicaux pertinents. Le tribunal a également établi que l’employeur n’avait pas manqué à son obligation d’accommodement en mettant fin à son emploi.

[338] Voir la section 9.6.

[339] Meiorin, supra, note 241, aux par. 65-66.

[340] Conte v. Rogers Cable systems Ltd., (1999) 36 C.H.R.R. D/403 (C.H.R.T.); Mazuelos v. Clark (2000) C.H.R.R. Doc. 00-011 (B.C.H.R.T.); Lane v. ADGA Group Consultants Inc.supra, note 93; Krieger v. Toronto Police Services Board, 2010 HRTO 1361 (CanLII).

[341] En général, s’il faut mettre en œuvre une mesure d’adaptation pour permettre à une personne de prendre part aux activités d’une organisation sans obstacle lié à la croyance, l’organisation doit prendre en charge les coûts de la mesure d’adaptation requise à moins que cela ne cause de préjudice injustifié. Voir Eldridge c. la Colombie-Britannique (procureur général), 1997, 3 R.C.S. 624.

[342]Renaud, supra, note 334.

[343] La décision de la Cour suprême du Canada dans Renaud, idem, établit les obligations des syndicats.

[344] Renaudidem.

[345] Voir aussi la section 7.1 sur la discrimination indirecte et la section 12 sur la prévention de la discrimination et l’intervention en vue de la faire cesser.

[346] Dans McDonald v. Mid-Huron Roofing, 2009 HRTO 1306 (CanLII), au par. 42 [McDonald v. Mid-Huron] la CODP a dit ce qui suit à propos des facteurs de préjudice injustifié qui pourraient être admissibles aux termes du Code : « Les facteurs à évaluer sont stipulés à l’article 11 et les principes applicables d’interprétation des textes législatifs suggèrent qu’il convient de ne tenir compte d’aucun autre élément en dehors de ces facteurs et des dispositions réglementaires en vigueur ». Conséquemment, la CODP a rejeté l’emploi du moral des employés comme facteur de préjudice injustifié.

[347] Il est à noter que dans de rares cas, le TDPO a pris indirectement en considération des facteurs autres que les coûts ou la santé et la sécurité. Voir, par exemple, Espey v. London (City), 2009 HRTO 271 (CanLII); Munroe v. Padulo Integrated Inc., 2011 HRTO 1410 (CanLII); Wozenilek v. City of Guelph, 2010 HRTO 1652 (CanLII). Également, dans l’affaire Bubb-Clarke v. Toronto Transit Commission, 2002 CanLII 46503 (HRTO), le TDPO a avancé de façon incidente l’hypothèse voulant que l’adoption d’une mesure d’adaptation pouvant avoir comme résultat de retirer un emploi à un autre employé pourrait entraîner un préjudice injustifié. Mais voir aussi Fair v. Hamilton-Wentworth District School Board, 2012 HRTO 350 (CanLII).

[348] Grismer, supra, note 274, au par. 42.

[349] Meiorin, supra, note 241, au par. 78-79, et Grismersupra, note 274, au par. 41. Depuis Meiorin et Grismer, d’autres ont aussi eu recours à cette exigence stricte en matière de preuve matérielle; voir, à titre d’exemple, Miele v. Famous Players Inc. (2000), 37 C.H.R.R. D/1 (B.C.H.R.T).

[350] Qureshi v. G4Ssupra, note 276.

[351] Mooresupra, note 116.

[352] L.R.O. 1990, chap. 0-1. Les règlements pris en application de la Loi sur la santé et la sécurité au travail (LSST) prévoient des clauses d’équivalence pour permettre l’adoption d’autres mesures que celles stipulées, à la condition que ces autres conditions fournissent aux travailleurs une protection égale ou supérieure. Dans un tel cas, l’employeur doit montrer qu’il a procédé à une évaluation objective du risque et que ses solutions de rechange offrent des chances égales à la personne adhérant à la croyance. Il peut cependant invoquer un préjudice injustifié si un risque important demeure après la prise de mesures d’adaptation. Cependant, le fait de respecter une disposition de la LSST ne signifie pas nécessairement qu’on a rempli le critère de détermination d’un préjudice injustifié ou d’une exigence de bonne foi. Le Code a primauté sur la LSST et peut parfois l’emporter sur elle lorsqu’il y a un conflit entre les deux.

[353] Voir Buttar v. Halton Regional Police Services Board, 2013 HRTO 1578 (CanLII). Voir aussi, R.B. v. Keewatin-Patricia District School Board, 2013 HRTO 1436 (CanLII).

[354] Lane v. ADGA Group Consultants Inc., supra, note 93; ADGA v. Lanesupra, note 93. Voir aussi Bobyk-Huys v. Canadian Mental Health Assn., [1994] O.J. No. 1347.

[355] Voir Dhillon v. British Columbia (Ministry of Transportation and Highways),(1999), 35 C.H.R.R. D/293 (B.C.H.R.T.); R. v. Badesha, 2008 ONCJ 94 (CanLII); R. v. Badesha, 2011 ONCJ 284 (CanLII) pour un exemple d’analyses divergentes des risques pour la sécurité que présente l’exemption des lois relatives au port obligatoire du casque de moto en Colombie-Britannique et en Ontario, lorsque vient le temps de concilier les questions de sécurité, la liberté de religion et les droits à l’égalité.

[356] Buttar v. Halton Regional Police Services Boardsupra, note 353.

[357] Voir Hydro-Québec, supra, note 294; Centre universitaire de santé McGill (Hôpital général de Montréal) c. Syndicat des employés de l'Hôpital général de Montréal [McGill], [2007] 1 R.C.S. 16.

[358] Daginawalasupra, note 336. Fait à noter, lorsqu’il peut être démontré que l’employeur est capable de composer avec des absences imprévues ou de remplacer un employé à la dernière minute (en cas de maladie par exemple), il peut être jugé discriminatoire de ne pas le faire dans le cas de demandes de permission de dernière minute pour des motifs rattachés à la croyance.

[359] Dans Big Msupra, note 5, la Cour suprême du Canada a expliqué pourquoi les droits relatifs à la religion et à la conscience conférés au par. 2(a) constituent des droits « fondamentaux » aux termes de la Charte canadienne des droits et libertés, y compris parce que les libertés fondamentales « constituent […] le fondement même de la tradition politique dans laquelle s'insère la Charte » (par. 122). De nombreux penseurs soutiennent de façon similaire que les droits relatifs à la religion et à la croyance non seulement sont antérieurs à d’autres droits démocratiques fondamentaux, mais ont aussi fourni et continuent de fournir à ces droits démocratiques un fondement essentiel. Voir, par exemple, Van der Vyver, J. D. et Witte, J. (éd.). Religious Human Rights in Global Perspective: Legal Perspectives, La Haye, Martinus Nijhoff Publishers, 1996. Voir aussi Grim et Finkesupra, note 4.

[360] Friesen v. Fisher Bay Seafood Ltd. (2008), 65 C.H.R.R. D/400, 2009 BCHRT 1.

[362] Pour limiter son obligation d’accommodement, l’employeur pourrait tenter d’alléguer que les répercussions financières d’une telle mesure causeraient un préjudice injustifié à son entreprise. Cependant, une analyse des droits de la personne contradictoires ne serait pas appropriée dans ce cas.

[363] Pour obtenir plus de renseignements, voir la Politique sur les droits de la personne contradictoires de la CODP.

[364] Renvoi relatif au mariage entre personnes du même sexe, supra, note 253; Dagenais c. Société Radio, [1994] 3 R.C.S. 835, au par. 877; R. c. Mills, [1999] 3 R.C.S. 668, au par. 61.

[365] Mills, idem; Trinity Western, supra, note 229, au par. 29. S.L., supra, note 153.

[366] Mills, idemDagenaissupra, note 364.

[367] Comme l’explique la Cour d’appel de l’Ontario dans N.S., supra, note 197.

[368] Mills, supra, note 364, aux par. 17, 21 et 61; Renvoi relatif au mariage entre personnes du même sexe, supra, note 253, aux par. 50 et 52; l’honorable juge Frank Iacobucci « Reconciling Rights: the Supreme Court of Canada’s Approach to Competing Charter Rights », S.C.L.R. (2e), vol. 20 (2003), p. 137, aux p. 140, 141 et 159; R. v. N.S., supra, note 197, par. 48.

[369] Dans Bothwell v. Ontario (Minister of Transportation)supra, note 310, le tribunal a conclu que le requérant n’avait pas réussi à démontrer que son opposition à la prise d’une photo numérique pour son permis de conduire était liée à ses convictions religieuses. La preuve montrait que le demandeur avait soulevé plusieurs points relatifs à la protection de la vie privée, plutôt que d'ordre religieux, et que ses actions étaient contraires aux convictions religieuses qu'il avait fait valoir.

[370] Renvoi relatif au mariage entre personnes du même sexe, supra, note 253.

[371] En ce qui concerne les situations possibles de conflits des droits qui pourraient découler de la légalisation du mariage entre personnes de même sexe, la Cour a refusé de porter un jugement au sujet de scénarios hypothétiques. La Cour a confirmé la nécessité de présenter des faits réels pour appliquer correctement l’approche contextuelle qui doit être utilisée dans la conciliation de droits contradictoires.

[372]Dallaire v. Les Chevaliers de Colomb, supra, note 124.

[373] Comme l’a indiqué la Cour suprême, « la liberté de croyance est plus large que la liberté d’agir sur la foi d’une croyance » (Université Trinity Western c. British Columbia College of Teachers, [2001] 1 RCS 772).

[374] R. v. Big M, supra, note 5, au par. 123.

[375] Voir, par exemple, Renvoi relatif au mariage entre personnes du même sexesupra, note 253; Trinity Western, idemS.L., supra, note 153.

[376] Trinity Western, supra, note 229.

[377] Voir Shipley, H. « Droits de la personne, sexualité et religion : Entre les politiques et l'identité », Diversité canadienne, vol. 9, no 3 (2012), p. 52-55. Extrait de www.ohrc.on.ca/fr/la-croyance-la-libert%C3%A9-de-religion-et-les-droits-...

[378] La commission d’enquête a ordonné à M. Brockie de fournir les services d’impression aux gais et lesbiennes et aux organismes de gais et lesbiennes et à payer 5 000 $ en dommages-intérêts.

[379] Brockie v. Brillinger (No. 2) (2002), 43 C.H.R.R. D/90 (Ont. Sup.Ct.).

[380] La Cour a modifié en conséquence l’ordonnance de la Commission selon laquelle M. Brockie doit fournir des services d’impression aux personnes gaies et lesbiennes, et à leurs organisations, en y ajoutant que cela s’applique pourvu que « cette ordonnance n’exige pas de M. Brockie ou de Imaging Excellence qu’ils impriment des documents d’une nature que l’on pourrait raisonnablement considérer comme étant en conflit direct avec les éléments de base de ses convictions religieuses ».

[381] R. v. N.S., 2010 ONCA 670, au par. 84.

[382] Décision de la Cour d’appel de l’Ontario, idemN.S., Cour suprême du Canada, supra, note 197.

[383] Cour suprême du Canada, idem, au par. 31. La Cour suprême du Canada a établi qu’il fallait maintenir, entre les deux catégories de droits, un équilibre qui, à la fois, n’interdit pas l’accommodement religieux dans les salles d’audience mais ne protège pas de façon absolue le droit de porter un niqab si cela porte atteinte au droit contradictoire à un procès équitable. Selon la Cour, il revient au juge de déterminer comment atteindre ce juste équilibre, selon les circonstances. L’affaire a donc été renvoyée au juge présidant l’enquête préliminaire, pour qu’il décide de la marche à suivre conformément aux principes de conciliation des droits établi dans le jugement de la Cour. L’année suivante, le juge Weisman de la Cour de justice de l’Ontario, a décidé que les conséquences négatives potentielles pour les accusés si N.S. ne retirait pas son niqab l’emportaient sur toute atteinte éventuelle aux droits contradictoires du témoin. Bien que N.S ait décidé d’« accepter un compromis » au début de 2014 et de témoigner sans son niqab dans la salle d’audience sans la présence des membres du public, la Couronne a plus tard retiré les accusations d’agression sexuelle contre les défendeurs pour manque de possibilités raisonnables de condamnation.

[384] B. (R.) c. Children's Aid Society of Metropolitan Toronto, [1995] 1 R.C.S. 315.

[385] Dans A.C. c. Manitoba (Directeur des services à l'enfant et à la famille), [2009] 2 R.C.S. 181, la Cour suprême a pris en compte le droit d’une fillette de 14 ans, témoin de Jéhovah, de refuser une transfusion sanguine qui pouvait potentiellement lui sauver la vie. Les dispositions de la Loi sur les services à l’enfant et à la famille du Manitoba, auxquelles s’était fié le directeur des services à l’enfant et à la famille pour appréhender la fillette en tant qu’enfant ayant besoin de protection et demander au tribunal de rendre une ordonnance judiciaire autorisant les transfusions de sang, étaient constitutionnelles. Le critère de détermination du « meilleur intérêt » de l’enfant prévu dans la législation devrait être interprété d’une façon qui accorde une déférence croissance aux désirs de l’enfant sur le plan religieux à mesure que ce dernier gagne en maturité. Il s’agit là d’une réaction proportionnée au besoin de trouver le juste équilibre entre les droits religieux et les objectifs de l’État en matière de protection de l’enfance.

[386] Voir Hamilton Health Sciences Corp. v. D.H., 2014 ONCJ 603 (CanLII); Hamilton Health Sciences Corp. v. D.H., 2015 ONCJ 229 (CanLII).

[387] Offerte en ligne à l’adresse : www.ohrc.on.ca/en/policy-competing-human-rights.

[388] McDonald v. Mid-Huronsupra, note 346.

[389] La question de la préférence des clients, des tiers et des employés est traitée dans Keene, J. Human Rights in Ontario, 2e édition, Toronto, Carswell, 1992), p. 204-205. Voir aussi Qureshi v. G4Ssupra, note 276.

[390] Voir, par exemple, Giguere v. Popeye Restaurant, 2008 HRTO 2 (CanLII), qui cite plusieurs autres décisions en matière de droits de la personne. Dans l'arrêt Giguere, le TDPO a affirmé ceci : « Les droits et intérêts économiques ne priment pas sur les droits de la personne, à moins qu'il existe une exemption spécifique dans la loi » (par. 77). Les tribunaux administratifs et judiciaires ont également rejeté de façon ferme la notion selon laquelle les personnes ont la liberté d’adopter des pratiques discriminatoires en matière d’utilisation ou de vente de biens personnels (p. ex. logements ou contrats). Voir, par exemple, Grant v. Willcock (1990), 13 C.H.R.R. D/22 (Ont. Bd.Inq.), dans le cadre duquel une commission d’enquête de l’Ontario a conclu que les droits à la liberté garantis aux termes de l’art. 7 de la Charte n’englobaient pas la liberté de faire de la discrimination fondée sur un motif interdit dans le contexte d’une vente publique d’un bien privé.

[391] Amselem, supra, note 5.

[392] Renaud, supra, note 334.

[393]Meiorin, supra, note 241, au par. 68. Les personnes qui établissent les normes et les règles devraient se préoccuper des différences entre les personnes et les groupes de personnes. Les normes et les règles ne devraient pas être basées uniquement sur la « majorité ». Pour en savoir davantage sur le rôle des syndicats dans le processus d’accommodement, voir la section 9.8.

[394] Renaudsupra, note 334. La Cour a confirmé que les syndicats pouvaient être déclarés responsables d’un acte de discrimination dans deux situations. Premièrement, le syndicat peut causer la discrimination ou y contribuer en participant à l’élaboration de règles de travail qui ont un effet discriminatoire. Deuxièmement, un syndicat peut être jugé responsable s’il bloque les efforts raisonnables déployés par un employeur pour fournir une mesure d’adaptation.

[395] Cour suprême du Canada dans Trinity Western, supra, note 229, au par. 36.

[396] Il revient plutôt à la partie qui limite le droit relatif à la religion ou à la croyance de démontrer qu’il est raisonnable d’agir ainsi, en raison d’une règle, d’une exigence ou d’un critère « raisonnable et de bonne foi », ou d’une autre justification permise par le Code, y compris le besoin de concilier des droits contradictoires.

[397] Cour suprême du Canada dans Chamberlainsupra, note 168, au par. 66.

[398] Cela est conforme à la jurisprudence dans laquelle les décideurs se gardent de mener des débats doctrinaux internes sur la croyance et de déterminer quels adhérents à une religion ou à une croyance on devrait croire ou ne pas croire (Voir, par exemple, Amselemsupra, note 5, au par. 50).

[399] Voir la section 4.2 pour un complément d’information sur les pratiques non admissibles aux protections prévues par le Code.

[400] Voir la section 9.10.2.

[401] S.L., supra, note 153, au par. 32; voir aussi les décisions de la Cour suprême dans Loyola, supra, note 8, et Saguenay, supra, note 41.

[402] Saguenayidem, au par. 83.

[403] S.L.supra, note 153, au par. 32.

[404] Dans Saguenaysupra, note 41, la Cour suprême du Canada a établi un lien explicite entre le devoir de neutralité de l’État et son obligation, aux termes de l’al. 2a) de la Charte d’« agir dans le respect de la liberté de conscience et de religion de chacun » (au par. 1). La Cour a également affirmé ce qui suit : « J’ajouterai que, en plus de promouvoir la diversité et le multiculturalisme, l’obligation de neutralité religieuse de l’État relève d’un impératif démocratique. Les droits et libertés énumérés dans [la Charte canadienne] traduisent la poursuite d’un idéal : celui d’une société libre et démocratique. La poursuite de cet idéal requiert de l’État qu’il encourage la libre participation de tous à la vie publique, quelle que soit leur croyance » (par. 75).

Dans Loyola, supra, note 8, la Cour lie la neutralité de l’État au pluralisme et à la démocratie (au par. 45), ainsi qu’à la liberté de religion et aux droits à l’égalité des personnes (au par. 44). À l’appui du dernier point, la Cour cite le professeur Richard Moon (idem) :

À la base de l’exigence de cette neutralité [de l’État] et du principe du cloisonnement entre, d’une part, les convictions et les pratiques religieuses et, d’autre part, les décisions politiques, se trouve une conception de la croyance et de l’engagement religieux qui sont profondément enracinés, ou de l’engagement envisagé comme un élément de l’identité de l’individu plutôt que comme une simple question de choix ou de jugement personnels […] Si la religion constitue un aspect de l’identité d’une personne, l’État qui considère les pratiques ou les convictions religieuses de cette personne comme étant moins importantes ou moins véridiques que celles d’une autre ou qui marginalise d’une manière ou d’une autre sa communauté religieuse ne fait pas que rejeter les opinions et les valeurs de cette personne; il nie que cette personne a la même valeur que les autres êtres humains (cité également dans Saguenaysupra, note 41).

[405] Les tribunaux administratifs et judiciaires ont rejeté l’idée que la « laïcité » ou la « neutralité » exige d’interdire toute forme d’expression religieuse au sein de la vie publique organisationnelle, établissant plutôt que cela va plutôt à l’encontre de ces idéaux. Voir le Rapport de recherche et de consultation sur les droits de la personne et la croyance de la CODP pour une analyse plus poussée des décisions de la Cour suprême sur le sens de « laïcité », lesquelles traduisent massivement une interprétation d’un fait laïque « ouvert » et « inclusif » sur le plan de la religion et de son accommodement dans la vie publique. Voir aussi Janet Epp Buckingham. « La relation entre les religions et la société laïque »,

Diversité Canadienne, vol. 9, no 3 (2012), p. 12-15, produit pour le compte de la CODP durant son processus de consultation en vue de l’élaboration de sa politique relative à la croyance.

[406] Dans N.S., supra, note 197, au par. 2, où la Cour confirme l’interprétation d’une « laïcité » inclusive sur le plan religieux dans la législation canadienne.

[407] Loyola, supra, note 8, au par. 43.

[408] R.C. v. District School Board of Niagarasupra, note 67. Dans cette affaire, un parent et un élève athées s’opposaient à la politique de leur conseil scolaire qui permettait uniquement la distribution de « textes religieux reconnus sur la scène internationale » en milieu scolaire. Le TDPO a confirmé la place légitime qu’occupe l’expression de diverses opinions et pratiques religieuses au sein des écoles et institutions publiques : « les activités en lien avec la croyance menées à l’extérieur de la salle de classe ne doivent pas automatiquement être éliminées, tant que la participation à ces activités est facultative, que les élèves ne subissent pas de pression en vue d’y participer, et que l’école conserve sa neutralité, montre clairement qu’elle appuie ce genre d’activités pour toutes les croyances et qu’elle ne fait pas la promotion d’une croyance particulière ».

[409] La distinction entre les sphères publique et privée a peu d’importance aux termes du Code lorsqu’il s’agit de déterminer s’il existe une obligation d’accommodemnt de la religion ou de la croyance dans les cinq domaines sociaux régis par le Code.

[410]Gilliard v. Pictou (Town) (No. 2), (2005), 53 C.H.R.R. D.213 (N.S. Bd.Inq.).

[411] Voir Saguenaysupra, note 41, aux par. 84 et 119.

10. Cas particuliers

10.1 Congés payés ou sans solde et observances rituelles en lien avec la croyance

En Ontario, les horaires de travail et heures d’ouverture ont de tout temps été articulés autour du calendrier chrétien. Beaucoup de croyances exigent que leurs adhérents se soumettent à des célébrations et actes d’adoration spécifiques à des moments particuliers de la journée, de la semaine ou de l’année. Lorsque ces observances ne coïncident pas avec les horaires de travail, heures d’ouverture, pauses et congés existants, les personnes qui doivent s’y soumettre peuvent se heurter à un effet préjudiciable.

Les organisations ont l’obligation de tenir compte des observances sincères rattachées à la croyance, jusqu’au point de préjudice injustifié, notamment en accordant des permissions et des congés en vue de la célébration de fêtes religieuses, la récitation des prières rituelles, l’observance du Sabbat et autres.

Exemple : L’une des premières décisions relatives aux droits de la personne portant sur l’accommodement des besoins en matière de congés pour observances religieuses est l’arrêt de la Cour suprême dans l’affaire Commission ontarienne des droits de la personne c. Simpsons-Sears[412]. Le magasin à rayons Sears exigeait que ses employés à temps plein travaillent à tour de rôle le vendredi soir et le samedi. Après être devenue adventiste du septième jour, Mme O’Malley, une employée de magasin, ne pouvait plus travailler durant son Sabbat (du soleil couchant le vendredi au soleil couchant le samedi). Elle a été forcée d’accepter un poste à temps partiel, ce qui entraînait une réduction de son salaire et de ses avantages sociaux. La Cour suprême du Canada a conclu que le magasin n’avait pas démontré qu’il aurait pu faire davantage pour tenir compte des besoins de Mme O’Malley Elle a ajouté que la discrimination peut découler de règles et d’exigences qui, bien que neutres, ont un effet préjudiciable intentionnel ou non sur des personnes visées par un motif du Code.

Un employeur devrait offrir à ses employés des mesures d’adaptation permettant d’observer leurs pratiques rattachées à la croyance sans perte de salaire[413]. Ces mesures pourraient inclure des congés rémunérés spéciaux ou pour raisons familiales, le réaménagement de l’horaire de travail, des possibilités de surtemps ou d’utilisation de congés compensatoires, des semaines de travail comprimées et, si l’employeur est en activité durant un congé férié, la possibilité de travailler pendant le congé (conformément aux exigences de la Loi sur les normes d’emploi relatives au salaire pour jour férié)[414]. Il est toujours préférable d’offrir le choix entre plusieurs mesures, au moyen d’une « série d’options » Le fait de forcer un employé à utiliser ses jours de vacances au lieu d’explorer d’autres options serait probablement discriminatoire[415].

Lorsque le milieu de travail ou les circonstances particulières de l’employé sont telles que ce dernier risque une perte de salaire en raison d’heures de travail perdues parce qu’il doit s’absenter pour des motifs religieux, l’employeur doit envisager d’autres formes d’accommodement. Cela pourrait inclure l’offre d’un nombre de congés payés équivalent au nombre de congés fériés rattachés au calendrier chrétien et offerts par l’employeur (généralement deux ou trois)[416].

Exemple : La Cour suprême du Canada a examiné la demande d’enseignants juifs voulant se prévaloir d’une disposition de leur convention collective qui prévoyait des congés spéciaux payés et leur permettrait de prendre congé sans perte de salaire pour célébrer Yom Kippur[417]. L’employeur a plutôt indiqué aux enseignants qu’ils pouvaient prendre un congé sans solde. La Cour a fait remarquer que les fêtes religieuses chrétiennes de Noël et du Vendredi saint sont prévues au calendrier scolaire et que les employés chrétiens peuvent donc célébrer leurs fêtes religieuses avec rémunération. Les enseignants juifs, dont ce n’est pas le cas, feraient donc l’objet de discrimination à moins qu’une mesure d’adaptation ne soit offerte par l’employeur. Il n’est pas possible de tenir compte des besoins des enseignants en modifiant leur horaire de travail puisque l’enseignement peut uniquement se faire lorsque les écoles sont ouvertes. Par conséquent, l’employeur est tenu de leur offrir les congés payés prévus dans la convention collective.

En même temps, personne n’a de droit automatique à des jours de congé rémunérés pour célébrer des fêtes ou respecter leurs observances religieuses[418].

Exemple : La Cour d’appel de l’Ontario a examiné le grief d’un membre de l’Église universelle de Dieu qui demandait 11 jours de congé payés par année pour des fêtes religieuses[419]. La politique de l’employeur offrait deux jours de congés payés, en permettant aux employés d’honorer le reste de leurs obligations religieuses en modifiant leur horaire de travail. L’employeur a fait à l’employé diverses propositions d’accommodement de ses besoins en matière d’observance religieuse, mais ce dernier les a toutes refusées sous prétexte qu’il avait droit à 11 jours de congé payés. La Cour d’appel a conclu que la politique de l’employeur respectait son obligation d’accommodement[420].

Personne ne devrait être pénalisé de quelque façon que ce soit, ou perdre d’avantages ou de possibilités, par suite d’un accommodement.

Exemple : Un employé qui n’était pas en mesure de travailler le jour du Sabbat alléguait que le programme de reconnaissance de l’assiduité établi par son employeur était discriminatoire à son endroit puisque les employés ayant une parfaite assiduité recevaient une prime à laquelle il n’avait pas accès en raison de ses absences les jours de Sabbat. Le TDPO a conclu que le fait que l’employeur exige qu’il soit présent tous les jours de travail prévus pour avoir une parfaite assiduité et recevoir une prime équivalait à de la discrimination fondée sur la croyance [421].

Des congés pourraient également être nécessaires pour la pratique d’autres observances, comme la participation à un pèlerinage, à des rites de passage ou à des rituels funéraires ou de deuil en lien avec la croyance.

Exemple : La « Shiva » juive est une période de deuil d’une semaine que doivent observer après le décès les membres immédiats de la famille. Les sept jours suivant l’enterrement, les endeuillés doivent « s’asseoir pour la Shiva » au domicile du disparu. Les élèves et membres du personnel d’une école qui doivent observer la Shiva ont droit aux congés requis pour effectuer leur deuil. 

L’obligation de tenir compte des besoins sur le plan du temps de prière, du Sabbat, des fêtes religieuses et des autres observances liées à la croyance s’applique à l’emploi mais aussi à tous les autres domaines sociaux prévus dans le Code.

Exemple : Un agriculteur de l’Ontario a allégué que son droit de vivre à l’abri de la discrimination fondée sur la croyance en matière de contrat a été enfreint par la politique de la Commission ontarienne de commercialisation du lait à l’égard des agriculteurs qui, pour des motifs religieux, n’acceptent pas de livrer de lait le dimanche. La Commission de commercialisation a permis aux agriculteurs de ne pas offrir de service le dimanche et a pris des mesures pour que le lait soit ramassé le samedi et le lundi, moyennant des frais supplémentaires. La Commission d’enquête de l’Ontario (qui a précédé le TDPO) a conclu que cette mesure d’adaptation n’offrait pas d’accommodement suffisant aux agriculteurs qui, pour des motifs religieux, n’acceptaient pas de livrer de lait le dimanche. La Commission d’enquête a comparé cette mesure à celle d’obliger les personnes à mobilité réduite à payer pour l’installation d’une rampe d’accès aux fauteuils roulants. Le fait de répartir le coût de cette mesure d’adaptation sur l’ensemble des producteurs laitiers ou de trouver d’autres moyens d’absorber les coûts de la mesure par l’entremise du cadre réglementaire de la Commission de commercialisation du lait ne créerait pas de préjudice injustifié[422].

Les enfreintes aux convictions ou pratiques rattachées à la croyance ne déclenchent pas toutes une obligation d’accommodement. Dans certains cas, on pourrait juger qu’une pratique se rattache davantage à la vie culturelle ou politique qu’à une religion ou à une croyance. Des convictions ou pratiques qui n’ont qu’un effet marginal sur la croyance ou qu’un lien périphérique avec elle peuvent également ne pas déclencher d’obligation d’accommodement[423].

Un employeur peut prendre des mesures proactives pour gérer et anticiper les fêtes religieuses, par exemple en élaborant un calendrier, une politique, une directive ou une ressource similaire qui établit les fêtes ou observances religieuses de diverses communautés de croyance pouvant nécessiter un accommodement, et en y renvoyant ses employés. Cependant, de telles listes ne devraient pas être jugées complètes ou considérées comme un compte rendu exhaustif de tous les besoins en matière d’accommodement. Elles ne devraient pas non plus servir à se soustraire à son obligation d’accommodement des besoins des personnes qui se soumettent à des observances peu connues ou encore à des observances connues, de manière sincère mais particulière et individuelle[424]. Le respect de l’individualité est au cœur de la notion de dignité de la personne qui adhère à une croyance et du concept de l’accommodement. Les règles « générales » qui ne permettent la prise en compte d’aucune circonstance ou d’aucun besoin individuel ne sont pas en mesure de satisfaire les besoins individuels et sont susceptibles d’être jugées discriminatoires.

Les organisations sont libres de consulter des autorités religieuses ou dirigeants de communautés de croyance au moment de s’efforcer d’intégrer les différents besoins en matière d’accommodement à leurs mesures de conception inclusive, mais elles devraient s’assurer de ne pas laisser les points de vue de ces dirigeants éclipser ou nier leur obligation d’accommodement des convictions sincères et besoins individuels rattachés à la croyance qui pourraient s’avérer divergents[425]. Des renseignements additionnels peuvent cependant être requis dans le cas où il est difficile d’établir un lien clair entre une observance et un droit relatif à la croyance protégé par le Code[426].

Exemple : Un conseil scolaire reconnaissait les « fêtes confessionnelles importantes » rattachées aux religions connues et la légitimité de leur accommodement, mais ne procédait pas à l’accommodement des fêtes religieuses rattachées à une croyance ne figurant pas sur sa liste. Un arbitre du travail a déterminée qu’il s’agissait de discrimination. Cependant, l’arbitre a accepté la pratique du conseil scolaire visant à présumer que les demandes de congé en lien avec les « fêtes confessionnelles importantes » connues étaient légitimes, et à demander des renseignements additionnels à ses employés lorsqu’il s’agissait de croyances moins connues afin de vérifier la légitimité du besoin d’obtenir un congé[427].

10.1.1 Observance de la prière

Certaines croyances exigent que leurs adeptes observent de courtes périodes de prière à certains moments précis de la journée.

Certaines personnes de confession musulmane récitent la prière cinq fois par jour à des heures précises qui peuvent changer tout au long de l’année, selon la position du soleil et l’heure à laquelle il se lève et se couche. Certains enfants commencent à prier à un jeune âge. La récitation de la prière peut se faire de façon individuelle ou en communauté. En règle générale, les hommes et les femmes prient séparément. Les musulmans assistent aussi à des prières collectives toutes les semaines, les vendredis après-midi. Avant le souper, les musulmans entreprennent un processus de purification physique et spirituelle appelé « ablutions », qui inclut le nettoyage du visage, des mains, de la tête et des pieds[428].

Certaines personnes de confession juive prient trois fois par jour, le matin, l’après-midi et le soir. Beaucoup de personnes juives essaient de prier en minyane (communauté), une assemblée publique qui permet la récitation de prières spécifiques. On peut réciter les prières du matin du lever du soleil au milieu de l’avant-midi, approximativement, et les prières de l’après-midi du milieu de l’après-midi (un peu après) au coucher du soleil. Le Sabbat, que l’on doit consacrer à ses propres besoins spirituels, commence le vendredi au crépuscule et se termine à la tombée de la nuit le samedi[429].

Lorsqu’une personne fait l’objet d’un effet préjudiciable et est privée de l’observance d’une conviction rattachée à sa croyance en raison d’une règle, pratique, norme ou exigence organisationnelle, l’organisation a l’obligation de procéder à l’accommodement de l’observance jusqu’au point de préjudice injustifié. Cette obligation s’étend aux situations ou l’observance des prières entre en conflit avec les habitudes quotidiennes de travail et heures d’ouverture régulières.

L’accommodement des observances de la prière qui ont lieu à des moments précis peut s’effectuer d’une variété de façons, y compris en :

  • modifiant les politiques relatives aux pauses et horaires de travail ou politiques de participation à un service pour assurer leur flexibilité
  • permettant aux employés de travailler durant l'heure du repas ou les pauses afin de pouvoir quitter le travail plus rapidement ou d’échelonner leurs heures de travail dans le but de participer à un service religieux (p. ex. activités scolaires)
  • prévoyant des heures d'arrivée et de départ différentes les jours où la personne ne peut pas travailler ou satisfaire aux exigences du service pendant toute la période
  • faisant appel à des congés compensatoires ou en ne prévoyant pas d’heures de travail les jours où les convictions rattachées à la croyance des gens ne leur permettent pas de travailler durant la journée ou à certaines heures.

Exemple : Un conseil scolaire informe ses administrateurs scolaires qu’ils doivent procéder à l’accommodement des élèves et du personnel qui récitent la prière à des moments précis de la journée, y compris lorsque cela coïncide avec la tenue des cours. Il avise les enseignants de tenir compte de l’observance de la prière au moment de prévoir les examens, sorties scolaires et nuits passées à l’extérieur du domicile. Il donne en exemple les mesures d’adaptation suivantes : la désignation d’espaces privés ou de salles en vue de la récitation de la prière, l’aménagement d’une salle de bains privée pour se laver les mains avant la prière ou, si cela n’est pas possible, la désignation d’une salle de bains à cette fin, la dispense de participation aux activités scolaires durant les moments de récitation obligatoire de la prière en communauté et l’octroi aux élèves et au personnel du temps de préparation nécessaire à l’observance du Sabbat, surtout les jours où le soleil se couche tôt[430].

Les employeurs devraient offrir aux employés des options leur permettant de s’absenter du travail sans perte de salaire ou d’avantages sociaux. En règle générale, les absences d’une durée négligeable qui sont requises pour l’observance de la prière ne devraient pas mener à une perte de salaire, et ne devraient pas faire l’objet d’une attention supérieure à celle que reçoivent les autres courtes pauses du travail[431]. Les employeurs devraient offrir des possibilités d’horaires flexibles dans la mesure du possible, lorsque cela ne crée pas de préjudice injustifié (conformément à the Loi sur les normes d’emploi, mais s’en s’y restreindre)[432].

Exemple : Les employés d’un milieu de travail ont droit à deux pauses de 15 minutes (une le matin et une l’après-midi) par jour, en plus d’une pause pour le repas. Certains employés profitent de ce temps pour prendre une collation ou une cigarette, tandis que d’autres le consacre à la récitation de la prière. 

L’accommodement de l’observance de la prière peut parfois exiger que l’on procure un espace privé approprié en vue d’actes de dévotion individuelle ou communautaire, à moins que cela ne cause de préjudice injustifié.

Au moment de prévoir un espace pour les actes de dévotion et d’observance de la croyance, il est recommandé aux organisations de concevoir ces espaces le plus inclusivement possible, afin de tenir compte de la diversité des croyances des personnes qui utiliseront éventuellement cet espace, et ainsi éviter d’engager des coûts dans l’avenir. Les mesures prises devraient respecter la dignité et la vie privée des personnes adhérant à une croyance.

Le Multi-Faith Centre for Spiritual Study and Practice de l’Université de Toronto tient compte d’une grande diversité de pratiques rattachées à la spiritualité et à la croyance et encourage l’intégration d’un dialogue multiconfessionnel et du développement spirituel dans l’expérience d’apprentissage de tous les étudiants. Le centre bénéficie du soutien de l’association des aumôniers du campus, qui offre des services d’aumônerie aux personnes bouddhistes, chrétiennes (catholiques, orthodoxes et protestantes), hindoues, humanistes, jains, juives, musulmanes, autochtones, païennes et sikhes. Conçu de façon inclusive, le centre compte cinq salles de tailles variées, qui sont mises à la disposition des croyants pour la prière et d’autres pratiques spirituelles, ainsi que pour des activités éducatives, des forums et des réunions. Le système de ventilation de la salle d’activités principale est conçu de façon à permettre les célébrations autochtones, hindoues et autres qui incluent de la fumée et (ou) des feux. Un des murs de la salle principale est également orienté vers l’Est pour favoriser la récitation communautaire des prières. Les salles de recueillement et de méditation incluent des tapis de yoga et de prière, et des coussins de méditation. Le centre compte aussi des installations pour les ablutions. 

Occasionnellement, des espaces désignés pour l’observance des pratiques rattachées à la croyance peuvent se heurter aux revendications contradictoires d’adhérents à des croyances différentes ou de personnes ayant d’autres besoins en matière de droits de la personne. Dans de tels cas, la CODP recommande aux organisations d’appliquer son cadre de conciliation des droits contradictoires[433].

Les observances rattachées à la religion ou à la croyance prennent parfois des formes collectives[434]. Une organisation pourrait offrir de prévoir un espace sur place pour l’observance des formes collectives d’adoration, dans le cadre d’une approche de conception inclusive, lorsque des personnes nécessitent des mesures d’adaptation pour satisfaire leurs besoins en matière d’adoration collective durant les heures régulières de travail/d’ouverture.

Exemple : Une école secondaire permet l’utilisation d’un espace privé pour la pratique des observances de la prière collective de sa grande population d’élèves musulmans.

Il est généralement préférable d’adopter une approche de conception inclusive qui tient compte des besoins du groupe plutôt que d’éliminer les obstacles après qu’ils deviennent manifestes ou que d’assurer l’accommodement au cas par cas. Cela est dû au fait que la première option favorise l’accessibilité et l’inclusivité dès le début, répond aux besoins de nombreuses personnes de façon proactive et minimise la nécessité d’effectuer des demandes individuelles d’accommodements[435].

Bien qu’il existe une obligation d’accommodement des observances et besoins en matière d’adoration collective rattachés à la croyance, la façon de combler et d’accommoder ces besoins peut varier d’une organisation à l’autre, ou d’une situation à l’autre. L’accommodement des besoins du groupe au moyen de mesures de conception inclusive comme la mise à leur disposition sur place d’un espace pour la pratique des observances collectives n’est peut-être pas toujours possible[436]. De plus, cela peut parfois être compliqué, surtout lorsque la diversité au sein du groupe et les divergences d’opinion quant à la façon de pratiquer les observances collectives sont considérables. Une organisation pourrait choisir une forme de conception inclusive qui répondrait le mieux aux besoins du plus grande nombre de personnes possible, mais ne doit pas s’immiscer dans les questions et formes d’adoration purement religieuses[437]. Elle doit aussi assurer l’accommodement de toute personne dont les besoins ne sont pas satisfaits par les mesures de conception inclusive mises en place pour répondre aux besoins du groupe.

Les organisations doivent également faire preuve de diligence raisonnable pour veiller à ce que l’on protège tous les droits contradictoires éventuels, et que l’on élabore les mesures d’adaptation les plus susceptibles de respecter les droits de toutes les parties (pour en savoir davantage sur la conciliation des droits contradictoires, voir la Politique sur les droits de la personne contradictoires de la CODP).

Au moment de procéder à un accommodement ou à la conception inclusive dans le but de répondre aux « besoins du groupe », les organisations doivent :

  • indiquer clairement à toutes les parties prenantes ou touchées qu’il ne s’agit pas d’une activité parrainée par l’organisation ou de l’appui de l’organisation envers une croyance particulière, mais plutôt d’une façon de satisfaire les besoins de personnes en matière d’accommodement de la religion
  • être conscientes de la façon dont pourrait être perçue la participation des personnes en position de pouvoir ou d’autorité, et éviter d’exercer une pression indue ou de sembler partisanes
  • élaborer et fournir la mesure d’adaptation de la façon la plus inclusive possible en consultant le plus de personnes directement touchées possible et en restant attentives aux dynamiques de groupe internes et différences sur le plan des besoins en matière d’accommodement
  • traiter les membres de toutes les communautés de croyance nécessitant un accommodement de façon égale, y compris les groupes minoritaires au sein de communautés de croyance, sans en avantager ou en désavantager, en appuyer ou en prôner une plus que l’autre 
  • maintenir un environnement libre de pression ou de coercition en lien avec la religion ou la croyance
  • ne pas s’ingérer ou s’enliser dans des questions qui ont purement trait à une religion ou à une croyance  
  • prendre en compte et concilier tout droit contradictoire auquel on pourrait faire entrave (conformément à la Politique sur les droits de la personne contradictoires de la CODP).

10.2 Code vestimentaire, apparence et exigences

Les milieux de travail, fournisseurs de services et installations ont souvent des règles sur la façon de se vêtir ou l’apparence à adopter. Cela peut inclure le fait de devoir porter un uniforme ou des vêtements protecteurs, ou encore d’interdire le port de la barbe ou d’un voile. De telles règles peuvent contrevenir directement à des exigences religieuses. En pareil cas, on doit tenir compte des besoins de la personne, à moins que cela ne cause de préjudice injustifié.

Exemple : La politique d’une entreprise de services de sécurité, qui exige que tous les gardiens de sécurité portent un casque de sécurité et se rasent de près, est jugée discriminatoire à l’endroit d’un homme sikh portant le turban qui désire travailler comme gardien pour le compte de l’entreprise. En concluant que l’entreprise aurait pu procéder à l’accommodement de l’homme sans créer de préjudice injustifié, la Commission d’enquête de l’Ontario (comme on appelait le TDPO à l’époque) a rejeté l’argument de l’entreprise selon lequel les membres du public seraient mal à l’aise de composer avec un gardien de sécurité portant la barbe et le turban[438].

Les facteurs à prendre en considération en matière de code vestimentaire incluent ce qui suit :

  • Quelle est la nature exacte de l'observance religieuse?
  • Quelle est la raison motivant l'uniforme ou le code vestimentaire?
  • Quelles mesures peuvent être prises pour tenir compte des besoins de la personne jusqu’au point de préjudice injustifié?
  • Y a-t-il d'autres solutions possibles?
  • La situation fait-elle intervenir des questions de santé et de sécurité [439]?

Les exigences relatives à la tenue vestimentaire ont parfois un effet préjudiciable sur des personnes en raison de leur croyance parce qu’elles entrent en conflit avec des exigences relatives à la modestie rattachées à la croyance.

Exemple : Les directives sur l’accommodement religieux du Conseil scolaire de district de la région de York incluent (au moment de rédiger cette politique) de nombreux exemples d’accommodement de la tenue vestimentaire. Parmi les exemples de mesures d’adaptation en lien avec les vêtements à porter pour l’éducation physique figurent : 

  • l’accommodement des élèves qui n’ont pas le droit de porter des shorts ou des t-shirts à l’école en leur permettant de porter d’autres vêtements sécuritaires et confortables
  • l’accommodement d’élèves qui ne peuvent se changer devant d’autres personnes avant et après le cours d’éducation physique en mettant une cabine à leur disposition dans le vestiaire, en leur permettant de se changer dans un endroit privé ou en leur accordant assez de temps pour leur permettre de se changer en privé
  • l’accommodement des élèves qui n’ont pas le droit de participer à un cours de natation en raison du type de tenue requis pour la baignade en leur permettant de porter une tenue autre, fournie par la famille et conforme aux exigences de sécurité de la piscine (comme une combinaison de natation isothermique ou de protection solaire)[440].

En règle générale, les normes en matière d’apparence et les règles relatives aux uniformes qui n'ont pas de lien logique avec la santé et la sécurité peuvent être facilement modifiées pour tenir compte des besoins des personnes en matière d’observance de la croyance. Les préférences de l’organisation ou les coutumes, conventions et traditions culturelles ne constituent pas des motifs légitimes pour refuser d’assurer l’accommodement d’exigences relatives à la tenue vestimentaire ou à la conduite et rattachées à la croyance.

Exemple : Un magasin à rayons de vêtements a pour politique d’interdire les tatouages, le perçage corporel et l’art corporel de toutes les sortes. Une employée hindoue porte un bindi (pastille) rouge sur le front dans le cadre de l’observance de sa religion. Un autre employé qui se qualifie de praticien de la Religion Traditionnelle Africaine porte des cicatrices au visage, également pour des motifs religieux. Le magasin a une obligation d’accommodement des expressions corporelles relatives à la croyance lorsqu’on peut établir un lien entre ces expressions et l’observance d’une conviction sincère rattachée à la croyance. 

En même temps, les organisations sont uniquement tenues de prendre en compte les besoins réels rattachés à une croyance et non les préférences de style.

Exemple : Il a été établi qu’un employeur avait le droit de demander à une employée s’il était possible de porter une « forme de hijab (voile musulman recouvrant la tête) acceptable sur le plan religieux » qui respectait davantage son code vestimentaire. Sur contrôle judiciaire, la Cour divisionnaire de l’Ontario a établi une distinction entre les préférences vestimentaires de « style » et les exigences vestimentaires fondées directement sur la croyance, ne consentant de protection en matière de droits de la personne qu’aux secondes[441].

Les organisations invoquent souvent des considérations de sécurité lorsqu’elles traitent de conduites ou de vêtements religieux[442]. Si une mesure d’adaptation est susceptible d’entraîner des risques considérables pour la santé et la sécurité, il pourrait s’agir d’un « préjudice injustifié ». Les employeurs, fournisseurs de logements et fournisseurs de services ont l’obligation de protéger la santé et la sécurité de tous les employés, clients et locataires, y compris les personnes qui adhèrent à une croyance, dans le cadre d’activités d’affaires sûres et conformément aux exigences de la Loi sur la santé et la sécurité au travail[443]. Voir la section 9.9.3 pour un complément d’information sur la façon de composer avec les risques pour la santé et la sécurité.

Dans certains cas, les vêtements ou accessoires qu'il faut porter pour des raisons de santé ou de sécurité peuvent constituer une exigence de bonne foi de l'emploi.

Exemple : Un homme sikh a perduré son poste dans une usine de pâte à papier parce qu’il ne peut porter de masque de sécurité en cas d’urgence en raison de la barbe qu’il porte pour respecter un précepte de sa religion. À titre d’« opérateur à la caustification », il supervisait la zone de l’usine ou sont acheminés des gaz toxiques sous conduite et était responsable des arrêts d’urgence en cas de une fuite de gaz toxique dans la zone. Un tribunal des droits de la personne a conclu que la mise en application d’un règlement de la commission des accidents du travail exigeant que toute personne pouvant être exposée à des gaz toxiques porte le masque de sécurité constitue une exigence de bonne foi. Il a également conclu que le fait d’exempter les travailleurs qui portent la barbe pour des motifs religieux, comme le demandait le requérant, constituerait un préjudice injustifié en ce qu’il nuirait à l’étanchéité du masque et minerait la raison même du règlement, soit de protéger les travailleurs contre l’exposition à des gaz toxiques. Dans le présent cas, le risque ne menaçait pas seulement l’opérateur à la caustification, mais aussi les autres travailleurs. Si l’opérateur était frappé d’incapacité soudaine en raison de son exposition à des gaz toxiques, ses collègues de travail seraient tenus de le secourir, ce qui les mettrait également en danger. De plus, l’opérateur ne pourrait pas exercer ses fonctions consistant à procéder à un arrêt d’urgence. Par conséquent, son employeur n’était pas obligé de tenir compte de ses besoins[444].

Même lorsqu’une exigence vestimentaire est jugée de bonne foi pour des raisons de santé et de sécurité, l’employeur ou le fournisseur de services peut conserver l’obligation de chercher à procurer des mesures d’adaptation à l’employé, par exemple en examinant la possibilité de le muter à un autre poste vacant qui n’exige pas le port du vêtement ou de l’appareil en cause.

Le respect inégal des normes de santé et de sécurité (même lorsqu’elles sont de bonne foi), par exemple en les appliquant de façon sélective dans des cas ayant trait à la croyance, peut entraîner un verdict de discrimination[445].

10.2.1 Kirpans

Les organisations doivent tenir compte des besoins des personnes portant des objets religieux jusqu’au point de préjudice injustifié.

Les décisions des tribunaux administratifs et judiciaires sur le port du kirpan au sein des institutions publiques et des milieux de travail se sont articulées autour de préoccupations relatives à la sécurité.

Qu’est-ce que le kirpan?

Objet religieux fait de fer ou d’acier, le kirpan est une représentation stylisée d’une épée (ressemblant à un poignard). Sa taille peut varier, allant généralement de 15 à 22 cm (6 à 9 po). Les femmes et les hommes sikhs initiés (amritdhari) doivent porter le kirpan contre le corps en tout temps. Le kirpan doit être placé dans un fourreau et enveloppé dans une ceinture de toile portée contre le corps. Le kirpan est l’un de cinq articles de foi sikhs, souvent appelés les 5K. Il symbolise la sagesse spirituelle et le devoir de s’opposer à l’injustice[446].

En contexte d’éducation, les tribunaux des droits de la personne ont généralement rejeté les arguments mis de l’avant par les conseils scolaires pour interdire le port du kirpan cérémonial pour des raisons de sécurité, d’avis que le port du kirpan ne soulève pas de préoccupations suffisamment convaincantes en matière de sécurité[447].

Exemple : La décision de la Commission d’enquête de l’Ontario, maintenue par la Cour divisionnaire, a établi que la politique d’un conseil scolaire interdisant le port du kirpan contrevenait aux droits des élèves et enseignants aux termes du Code. La commission a rejeté l’argument du conseil scolaire voulant qu’il ne puisse prévoir l’accommodement du kirpan sans causer de préjudice injustifié[448]. La Cour suprême du Canada s’est penchée sur la même question en 2006[449] et déterminé elle aussi que le fait d’interdire un élève de porter un kirpan à l’école, sous aucune condition, contrevenait à sa liberté de religion en lui privant dans les faits de son droit de fréquenter une école publique. L’atteinte à son droit n’a pas été jugé légitime aux termes de l’art. 1 de la Charte compte tenu qu’elle ne représentait pas une entrave minimale à l’exercice de son droit religieux. Le conseil scolaire pouvait en effet répondre aux besoins religieux de l’élève en lui permettant de porter le kirpan pourvu qu’il respecte certaines conditions visant à assurer la sécurité.

La jurisprudence indique clairement que les politiques scolaires ne peuvent pas interdire le port du kirpan à l’école, mais qu’elles peuvent assujettir cette pratique à certaines conditions.

En matière de port du kirpan, les organisations doivent adopter une approche individualisée d’accommodement des besoins religieux des personnes.

Exemple : La Cour suprême du Canada a rejeté l’argument d’un conseil scolaire selon lequel il n’a pas contrevenu à la liberté de religion d’un élève sikh qui croyait devoir porter un kirpan de métal. Le conseil scolaire a plaidé sans succès que le requérant aurait dû accepter de porter un kirpan en plastique parce que d’autres élèves sikhs de la même école avaient accepté de le faire[450].

Le port du kirpan peut être interdit ou restreint dans certaines circonstances. Dans l’arrêt Multani[451], la Cour suprême a souligné l’importance de prendre en compte le contexte et le milieu au moment d’appliquer des règles relatives au kirpan. Les avions et milieux judiciaires sont bien différents des milieux scolaires et de travail, et soulèvent des questions de sécurité bien différentes.

Exemple : Dans l’affaire Nijjar c. Lignes aériennes Canada 3000 Ltée [452], le Tribunal canadien des droits de la personne a rejeté la plainte déposée par un homme au motif qu’on lui avait refusé le droit de porter son kirpan à bord d’un avion des Lignes aériennes Canada 3000, entre autres parce qu’il n’avait pas démontré que le fait de porter le kirpan d’une manière conforme aux politiques de Canada 3000 serait contraire à ses convictions religieuses[453].

En règle générale, les récents jugements et règlements de causes portées devant les tribunaux ont permis le port du kirpan dans les palais de justice, sous réserve de certaines limitations et de l’évaluation des risques au cas par cas[454].

10.3 Affichage de symboles religieux ou liés à la croyance

Aucune disposition du Code n’interdit nécessairement l’affichage de symboles religieux ou liés à la croyance dans l’espace « laïque » ou « public »[455]. En fin de compte, on doit adopter une approche au cas par cas pour déterminer si l’affichage d’un symbole lié à la croyance pourrait déclencher, promouvoir ou violer les protections prévues au Code.

Le fait de permettre à quelqu’un d’afficher un symbole personnel religieux ou rattaché à la croyance en contexte de travail, de logement ou de services peut constituer une pratique inclusive ou équitable. Cela peut également être requis dans le cadre de l’obligation d’accommodement des convictions et pratiques rattachés à la croyance des personnes, à laquelle sont soumises les organisations.

Exemple : Une employée qui subit beaucoup de stress à la maison et au travail installe un petit miroir octogonal (« ba gua » ou « huit trigrammes ») dans son bureau, face à la porte. L’employée, qui pratique le taoïsme, a pour conviction que le miroir l’aidera à rétablir l’équilibre dans son bureau en repoussant l’énergie négative, ce qui protégera sa santé et son bien-être. L’employeur lui ordonne de retirer son miroir sur la base d’une politique non officielle d’interdiction de la religion dans le milieu de travail. Cela cause chez l’employé une angoisse considérable. Le geste de l’employeur pourrait s’avérer discriminatoire aux termes du Code.

Le fait d’assurer l’accommodement des besoins en matière de croyance d’une personne en lui permettant de porter ou d’afficher un symbole lié à la croyance ne signifie pas nécessairement que l’organisation avalise ou privilégie une croyance au détriment des autres[456].

Exemple : La Cour fédérale a rejeté l’allégation selon laquelle la décision du commissaire de la GRC de permettre à ses agents sikhs de porter le turban portait atteinte à la capacité des agents sikhs et de la GRC de sembler « neutre » aux yeux du public. La Cour a souligné que les interactions entre un membre du public et un agent de police n’avaient pas de composante religieuse, et que le port du turban ne contraignait pas les membres du public à adopter ou à partager les convictions ou pratiques religieuses de l’agent, ni à s’y soumettre. Le seul geste imposé aux membres du public est de constater l'appartenance religieuse de l’agent de police. Il a été déterminé que cela ne créait pas de biais religieux au sein de la GRC à titre d’organisation, et ne contrevenait pas à la liberté de religion et aux droits à l’égalité de membres individuels du public[457].

En même temps, les expressions de la religion ou de la croyance ne bénéficient pas toutes des protections prévues au Code et ne déclenchent pas toutes une obligation d’accommodement.

Exemple : Le TDPO a rejeté l’allégation d’un requérant selon laquelle un service de ventes en ligne avait violé ses droits relatifs à la croyance en exigeant qu’il retire son avatar de « poisson chrétien » (qui contenait les mots « Jésus-Christ », « Fils de Dieu » et « Sauveur ») de son forum de discussions en ligne. Les règles relatives au forum de l’entreprise interdisaient l’utilisation de contenu pouvant s’avérer controversé, y compris les messages religieux ou politiques. La décision du TDPO établissait que les manifestations personnelles de la croyance d’une personne ne déclenchent pas toutes les protections prévues au Code. Le requérant n’avait pas fait valoir que l’utilisation du poisson chrétien constituait sur le plan objectif ou subjectif une exigence de sa religion, ou qu’elle lui permettait d’établir un lien personnel profond ou significatif avec l’ordre divin. Il a plutôt davantage qualifié le poisson chrétien de signe extérieur de ses convictions religieuses et l’a comparé à un t-shirt ou à un tatouage. Bien que cela lui eût procuré un bien-être et lui eût rappelé sa foi, le TDPO a conclu qu’il ne s’agissait pas d’un aspect suffisamment significatif de ses convictions ou pratiques religieuses pour mériter la protection du Code en matière de discrimination fondée sur la croyance[458].

Il existe une différence considérable entre une personne qui exprime ses convictions rattachées à la croyance en utilisant un symbole en sa capacité personnelle et une organisation qui affiche ou avalise un symbole lié à une croyance. La question de savoir si l’affichage d’un symbole lié à la croyance dans un domaine social respecte le Code peut dépendre de plusieurs facteurs, y compris : qui affiche le symbole et pourquoi[459], l’emplacement du symbole et sa visibilité[460], sa signification contemporaine, c’est-à-dire dans quelle mesure il peut être associé à l’organisation dans son ensemble plutôt qu’à un membre individuel[461], et si ou non l’affichage a un effet négatif significatif (par exemple, en créant de la pression, de l’exclusion ou de la discrimination en lien avec la croyance)[462].

Exemple : Une municipalité a un grand nombre de panneaux de rue portant le nom de saints de l’Église catholique. Ces panneaux peuvent n’être qu’un artefact de la réalité démographique et du patrimoine traditionnels locaux, plutôt que le reflet de l’affiliation ou d’un biais religieux actuel de la municipalité[463].

Les organisations et personnes qui agissent en une capacité organisationnelle officielle ont la responsabilité de traiter toutes les personnes de façon égale sur le plan religieux et de maintenir un environnement libre de toute pression ou discrimination fondée sur la croyance. Dans certains cas, la meilleure façon d’y parvenir est d’interdire aux organisations d’afficher des symboles liés à la croyance (même si cela pourrait ne pas éliminer l’obligation d’accommodement des observances rattachées à la croyance des personnes).

Exemple : Pour conserver sa neutralité religieuse, un tribunal n’affiche aucun symbole religieux sur les murs de sa salle d’audience.

Par ailleurs, une organisation pourrait promouvoir l’égalité au moyen d’une conception inclusive et de la reconnaisse et l’inclusion égales de symboles variés liés à la croyance.

Exemple : Un centre récréatif affiche à part égale une variété de symboles et d’information rattachés à des systèmes de convictions diverses (religieuses et non religieuses) et, par le fait même, reflète la diversité de sa clientèle sur le plan de la culture et de la croyance.

Qu’il s’agisse de l’action d’un employé ou d’une organisation, l’affichage de symboles liés à la croyance en contexte de travail, de services ou de logement pourrait se voir restreint ou interdit, s’il peut être démontré qu’il nuit à une exigence de bonne foi, crée un préjudice injustifié ou contrevient aux droits d’autrui, par exemple en :

  • créant un environnement inéquitable pour ses employés, résidents ou usagers de services (par exemple, une organisation qui privilégie ou désavantage une croyance par rapport à une autre, ou procure un milieu accueillant ou non à des gens, en fonction de leur croyance)
  • créant une atmosphère empoisonnée pour les membres d’un groupe protégé par le Code
  • exerçant une pression en lien avec la religion ou la croyance sur des personnes afin qu’elles se conforment ou donnent leur accord à une conviction, une pratique ou un système de convictions donné, rattaché à la croyance.

Les cas d’exposition à un symbole lié à la croyance dans un domaine social ne seront pas tous considérés comme exerçant de la pression ou portant atteinte à l’égalité religieuse ou aux droits à la liberté d’autrui[464].

Le fait d’exiger qu’une personne affiche un objet ayant une signification religieuse ou liée à une croyance dans un domaine social du Code pourrait contrevenir aux droits relatifs à la croyance ou à d’autres motifs du Code, selon les circonstances.

Exemple : Un employeur exige qu’un employé installe un présentoir de poinsettias dans un magasin, même si l’employé lui indique que cela va à l’encontre de sa foi. Lorsque l’employé refuse, l’employeur lui dit que s’il veut garder son emploi, il lui faut obéir. Aucune preuve n’indique qu’il était impossible pour l’employeur de tenir compte des besoins de l’employé. Cependant, plutôt que d’exempter l’employé de l’activité, l’employeur le force dans les faits à choisir entre sa foi et son emploi. Cela entraîne un verdict de discrimination[465].

10.4 Photos et information biométrique

Le fait d’exiger qu’une personne se fasse photographier pour avoir droit à un service, un emploi ou un avantage pourrait contrevenir au Code si l’on manque à l’obligation d’accommodement (jusqu’au point de préjudice injustifié) des personnes dont les convictions rattachées à la croyance ne permettent pas qu’elles soient photographiées.

Exemple : Un arbitre du travail a conclu qu’une entreprise aurait pu tenir compte de l’opposition de ses employés pentecôtistes au balayage biométrique de la main effectué à des fins de sécurité sans créer de préjudice injustifié. La compagnie a manqué à son obligation procédurale d’accommodement car elle n’a pas fait d’efforts suffisants pour explorer les mesures qu’elle aurait pu prendre pour répondre aux besoins des auteurs du grief. En ce qui a trait à l’obligation de fond, l’arbitre a rejeté l’argument de l’entreprise selon lequel il lui faudrait complètement abandonner le balayage biométrique si les auteurs du grief en étaient dispensés pour des motifs religieux[466].

Les organisations qui exigent la prise de photos devront se demander s’il s’agit d’une exigence de bonne foi (légitime) aux termes du Code[467]Cela exige de déterminer, entre autres, si l’objectif de la photographie peut être atteint autrement, sans créer de préjudice injustifié.

Exemple : Les services gouvernementaux de l’Ontario qui exigent des formes d’identification avec photo prévoient des exemptions pour une variété de raisons, dont l’existence de convictions religieuses interdisant la prise de photos. Service Ontario à une relation de longue date avec la communauté mennonite et a mis en place une exemption générale visant à exempter les membres orthodoxes ou âgés de la communauté de la prise de photos[468]. Pour la prise de la photo en vue de l’obtention de la carte Santé, Service Ontario offre aussi diverses mesures d’adaptation aux femmes musulmanes qui portent un voile, selon la nature de leur conviction sincère rattachée à la croyance[469].

Les considérations de santé, de sécurité et de coûts prévues au Code et les préoccupations de sécurité prévues à l’art. 1 de la Charte peuvent limiter l’obligation d’accommodement de la croyance au moyen d’une exemption de la prise de photo à des fins d’identification.

Exemple : En 2003, la province de l’Alberta a adopté de nouveaux règlements qui obligent tous les détenteurs d’un permis à se faire photographier, sans exception. Les photos devaient être versées dans une banque provinciale de données de reconnaissance faciale. Les membres des colonies huttérites, qui croient que le deuxième commandement leur interdit de se faire photographier volontairement, ont contesté la nouvelle loi devant les tribunaux. La Cour suprême a reconnu que l’obligation universelle de se faire photographier constituait une atteinte à la liberté de religion[470]. Cependant, la majorité des juges ont conclu que cette exigence était justifiée aux termes de l’art. 1 de la Charte.

10.5 Exemptions fondées sur la croyance

Dans les cas où une personne pourrait subir un préjudice en raison de sa croyance, l’obligation d’accommodement peut parfois obliger une organisation à exempter des personnes de la participation à des activités qui contreviendraient à leurs convictions ou pratiques rattachées à la croyance. Les exemptions sont un type de mesure d’adaptation.

Exemple : Un employeur a contrevenu au Code des droits de la personne de Terre-Neuve lorsqu’il a suspendu un employé qui avait refusé, pour des motifs religieux, de vendre des billets pour une activité sociale lors de laquelle serait vendu de l’alcool[471]. L’employé était un membre actif de l’Église pentecôtiste et affirmait qu’un précepte de sa foi voulait que ses membres s’abstiennent de consommer de l’alcool et d’en encourager la consommation de quelconque façon. Selon le tribunal de Terre-Neuve, lorsque l’employeur a pris connaissance des objections religieuses de l’employé, il aurait dû tenir compte de ses besoins en demandant à quelqu’un d’autre de vendre les billets, plutôt que de le suspendre.

En règle générale, les organisations devraient chercher en premier lieu une manière d’accommoder les convictions et pratiques rattachées à la croyance des gens à l’aide de la mesure d’adaptation qui favorise le plus leur intégration et pleine participation, à moins qu’elles puissent démontrer que la ségrégation ou l’exemption complète de l’activité est la meilleure façon d’assurer l’égalité dans les circonstances[472].

Exemple : Plutôt que devoir s’abstenir de participer à un programme artistique parascolaire administré par la ville, un élève à qui il n’est pas permis de dessiner ou de peindre des visages humains pour des motifs religieux obtient le droit d’employer la silhouette et (ou) le masque, ou d’appliquer des éléments graphiques de façon non représentative. Un autre enfant qui, pour des motifs religieux, n’a pas le droit d’inclure des symboles nationalistes à ses œuvres est encouragé plutôt à concevoir une œuvre qui reflète son appréciation d’un élément de la vie au Canada[473].

Les personnes qui sont exemptées de participer à une activité en raison de leur croyance ne devraient pas être pénalisées ou désavantagées, ou perdre des privilèges offerts aux autres, compte tenu de leur exemption. Le processus d’accommodement et les mesures d’adaptation prises doivent préserver la dignité et la vie privée de la personne en quête d’un accommodement[474].

L’accommodement d’une personne au moyen d’exemptions peut être limité si cela causerait un préjudice injustifié ou refusé si l’activité constitue une exigence de bonne foi. S’il peut être démontré que la participation à une activité est une exigence de bonne foi, l’organisation conserve l’obligation d’assurer l’accommodement jusqu’au point de préjudice injustifié (par exemple, en offrant à un employé une affectation de rechange ou en le mutant ailleurs dans l’organisation).

Exemple : Après être devenue témoin de Jéhovah, une infirmière de l’Ontario ne voulait plus exécuter certaines étapes d’une transfusion sanguine. Elle travaillait dans une unité de soins intensifs et, après des études bibliques intensives, a conclu qu’elle ne pouvait plus « suspendre du sang » en vue de transfusions sanguines[475]. Son employeur soutenait qu’il s’agissait de fonctions essentielles du personnel infirmier et l’a congédiée[476]. Une majorité des arbitres du conseil d’arbitrage en matière de travail a conclu que l’employeur aurait dû procéder à son accommodement, plutôt que de simplement la congédier, en lui offrant un poste dans une autre unité de l’hôpital où un autre membre du personnel infirmier aurait pu suspendre le sang[477]. Cependant, le conseil a également conclu que l’employeur n’était pas tenu de permettre à la femme de demeurer dans son poste actuel dans l’unité de soins intensifs (ou de travailler dans la salle des urgences) étant donné qu’il était raisonnablement nécessaire d’exiger que le personnel infirmier travaillant dans ces unités soit en mesure de suspendre du sang en cas d’urgence pour assurer la santé et la sécurité des patients de ces unités.

Au moment de procéder à un accommodement sous forme d’exemption, les organisations doivent aussi tenir compte des droits contradictoires des autres. Il peut ne pas être possible d’exempter une personne d’une activité qui contrevient à ses convictions rattachées à la croyance si cela nuit considérablement à l’exercice de droits contradictoires et (ou) entraîne un préjudice ou risque significatif.

Exemple : Un établissement médical procède à l’accommodement d’un médecin qui ne prescrit pas de contraceptifs oraux en raison de ses convictions rattachées à la croyance, tout en prenant en considération le droit contradictoire des patients à un accès égal à des services de santé. L’établissement prend des mesures proactives pour s’assurer que tout service non fourni par le médecin en question est offert par l’établissement aux patients qui en ont besoin. 

Les demandes d’exemption peuvent parfois être faites en milieu scolaire par des parents, élèves ou enseignants qui se préoccupent du contenu et des activités du programme d’études qui vont à l’encontre de leurs convictions ou sont jugés non appropriés pour des motifs liés à la croyance.

Le paragraphe 18(4) du Pacte international relatif aux droits civils et politiques somme les États partis (dont le Canada) « à respecter la liberté des parents et, le cas échéant, des tuteurs légaux, de faire assurer l’éducation religieuse et morale de leurs enfants conformément à leurs propres convictions »[478]. La liberté de religion prévue aux termes de la Charte s’étend au droit des parents d’élever leurs enfants conformément à leurs propres convictions religieuses, sans coercition ou endoctrinement en matière d’éducation relativement à la religion, à la croyance ou à la moralité de leurs enfants[479].

L’obligation d’accommodement des besoins en matière de croyance d’une personne pourrait inclure l’offre d’exemptions de volets du programme d’études qui ont un effet préjudiciable sur certaines personnes en raison de leur croyance.

Exemple : Une école intègre des activités d’Halloween dans son programme d’études de l’automne. Les enfants participent à une parade costumée qui défile dans l’école. Les élèves qui ne célèbrent pas l’Halloween pour des motifs religieux sont exemptés de la parade et participent plutôt à des activités de rechange, toutes aussi agréables et éducatives, qui sont prévues pour éviter qu’ils ne se sentent pas isolés et exclus. 

Comme l’indique la section 7.4, il n’existe pas de droit général de ne pas être exposé aux points de vue et convictions qui contredisent les siens ou diffèrent de ceux-ci, y compris en matière de programmes d’études[480]

 « En tant que membres d’un corps scolaire hétérogène, les enfants y sont exposés tous les jours [à certaines dissonances cognitives] dans le système d’enseignement public. À l’heure des repas, ils voient leurs camarades de classe, et peut-être aussi leurs professeurs, manger des aliments qui leur sont interdits, que ce soit en raison des restrictions religieuses de leurs parents ou d’autres croyances morales. Ils voient leurs camarades porter des vêtements dont leurs parents désapprouvent les caractéristiques ou les marques. Et ils sont également témoins, dans la cour d’école, de comportements que leurs parents désapprouvent. La dissonance cognitive qui en résulte fait simplement partie de la vie dans une société diversifiée. Elle est également inhérente au processus de croissance. C’est à la faveur de telles expériences que les enfants se rendent compte que tous ne partagent pas les mêmes valeurs. On peut soutenir que l’exposition à certaines dissonances cognitives est nécessaire pour que les enfants apprennent ce qu’est la tolérance ». – Cour suprême du Canada[481]

Les décisions judiciaires prises jusqu’à présent laissent entendre que les parents qui souhaitent faire exempter leurs enfants de programmes d’études allant à l’encontre de leur croyance doivent démontrer comment l’exposition aux idées et points de vue véhiculés contrevient objectivement à la liberté de religion de leurs enfants, par exemple en :

  • nuisant à l’habileté des parents et des enfants de pratiquer, d’exprimer, d’observer ou de transmettre leur foi (y compris l’habileté des parents de transmettre leur foi à leurs enfants)
  • constituant de l’endoctrinement ou de la coercition en matière de croyance
  • créant un environnement inégal, par exemple en privilégiant ou en désavantageant une croyance par rapport à une autre, ce qui contrevient au principe de la neutralité et de la non-discrimination.

Exemple : La Cour suprême du Canada a rejeté l’allégation de certains parents du Québec selon laquelle l’exposition de leurs enfants à un nouveau cours portant sur une variété de traditions morales, religieuses et laïques nuirait à leur habileté à transmettre leur foi catholique à leurs enfants et causerait préjudice à ces derniers[482]. La Cour a confirmé que le gouvernement ne pouvait pas établir un système d’éducation qui favorisait une religion ou vision de la religion en particulier, ou y nuisait, et a reconnu le droit des parents d’élever leurs enfants dans leur propre foi sans coercition. Cependant, elle a aussi conclu que les requérants n’avaient pas démontré comment le programme faisait objectivement entrave au fait d’élever leurs enfants dans la foi catholique, et a rejeté l’allégation selon laquelle le programme n’était pas neutre et que le fait d’être exposé à une présentation exhaustive de convictions différentes entraînerait l’endoctrinement des élèves. Elle a également déterminé que l’exposition des enfants dès le plus jeune âge à différentes réalités est un fait de la vie au sein de la société canadienne multiculturelle, qu’on pourrait même qualifier de passage obligé pour apprendre aux enfants ce que la tolérance signifie vraiment.

Dans certaines situations, la participation à un programme, à un cours ou à un programme d’études peut constituer une exigence de bonne foi en vue d’atteindre des objectifs d’apprentissage requis et obtenir une reconnaissance ou un crédit. Dans un tel cas, les organisations devraient chercher à mettre en place des solutions de rechange permettant d’atteindre les objectifs d’apprentissage. Il n’est cependant pas toujours possible d’assurer l’accommodement des élèves afin qu’ils puissent atteindre ces objectifs d’une autre façon, sans créer de préjudice injustifié. Dans un tel cas, les élèves devraient continuer d’être traités avec dignité et respect.

10.6 Interdits alimentaires rattachés à la croyance

Certaines religions peuvent imposer des pratiques ou interdits sur le plan alimentaire à leurs adhérents. Les interdits alimentaires peuvent toucher la production, l’entreposage, la transformation, la manutention, le transport ou la consommation d’aliments. Les organisations doivent tenir compte des besoins sincères des personnes sur le plan alimentaire qui sont rattachés à la croyance, jusqu’au point de préjudice injustifié. Le non-accommodement de ces besoins peut contrevenir au droit d’une personne de jouir d’un accès et de possibilités égales en matière de logement, de services, d’emploi, de contrat ou d’adhésion à un syndicat ou à une association professionnelle.

Exemple : Une personne hospitalisée dans un centre de santé mentale a besoin de choix de repas végétariens en raison de sa croyance. On ne lui permet pas de quitter les lieux pour trouver de la nourriture appropriée, et elle n’est pas en mesure de préparer sa propre nourriture. L’établissement a l’obligation de procéder à l’accommodement des besoins sur le plan alimentaire de la personne jusqu’au point de préjudice injustifié en lui offrant des aliments appropriés pour lui permettre de demeurer dans l’établissement.

Exemple : Pour tenir compte des besoins des employés qui ne peuvent pas manipuler de produits du porc pour des motifs religieux, une usine de transformation des aliments affecte ces employés à des postes qui ne nécessitent pas la manipulation de tels aliments.

La meilleure façon de composer avec les interdits alimentaires rattachés à la croyance consiste à élaborer des choix de repas à l’avance, de façon à satisfaire équitablement les besoins sur le plan alimentaire rattachés à la croyance.

Les directives sur l’accommodement religieux du Conseil scolaire de district de la région de York (CSDRY) offre (au moment de rédiger cette politique) de nombreux exemples de mesures de conception inclusive traitant des interdits alimentaires rattachés à la croyance. Ces directives conseillent aux enseignants et au personnel de la cafétéria de porter attention aux interdits alimentaires, de prendre soin de garder les aliments végétariens et non végétariens dans des endroits séparés, et de s’assurer d’utiliser pour chacun des cuillères et ustensiles de service différents. Elles leur conseillent également de bien étiqueter les aliments et goûters préparés au moyen de sous-produits animaux (p. ex. lard et suif de bœuf) et de ne pas en servir aux élèves qui ne peuvent pas consommer de tels aliments pour des motifs religieux. Le CSDRY conseille aussi aux enseignants et aux écoles de songer à mettre à la disposition des élèves des aliments et goûters du commerce dont l’emballage porte un sceau fiable de certification halal ou casher, dans la mesure du possible. Il encourage aussi les enseignants ou les écoles à modifier leurs goûters, journées pizza, fêtes foraines et programmes de repas afin de tenir compte des interdits alimentaires religieux (et autres) des élèves.

Les adhérents à une même croyance peuvent se soumettre de différentes façons et à différents degrés aux interdits alimentaires rattachés à leur croyance. Les organisations ont l’obligation d’assurer l’accommodement de la conviction sincère rattachée à la croyance de la personne. Elles doivent donc s’informer de la nature précise des besoins des personnes qui affirment avoir des interdits alimentaires rattachés à la croyance, afin d’éviter de se fier à des idées préconçues ou des généralisations à propos de la nature de ces interdits.

L’obligation d’accommodement pourrait ne pas s’appliquer aux situations qui changeraient la nature intrinsèque des services d’une organisation.

Exemple : Un restaurant spécialisé dans les grillades qui sert uniquement des produits animaliers et n’offre pas de mesures d’adaptation aux clients végétariens ne fait pas de discrimination. L’offre d’un menu composé de produits animaliers peut être considérée comme faisant partie de la nature intrinsèque du service offert par le restaurant de grillades. Cependant, un restaurant qui offre déjà des choix alimentaires végétariens peut être tenu d’assurer l’accommodement d’un client qui doit suivre un régime alimentaire végétarien en raison de sa croyance en préparant le repas végétarien de cette personne à l’aide d’ustensiles propres, qui ne contiennent aucune trace de viande, à moins de pouvoir démontrer que cela entraîne un préjudice injustifié.

S’il peut être établi que l’organisation a une obligation d’accommodement des besoins d’une personne, l’organisation a également l’obligation d’assumer les coûts des mesures d’adaptation mises en place.

Exemple : Une locataire juive habitant dans un logement avec services de soutien de 10 locataires se soumet aux lois relatives à l’alimentation casher, lesquelles ne lui permettent pas d’accompagner un repas de viande d’un verre de lait, ou d’entreposer, de préparer ou de servir du lait et des viandes en même temps. En raison des frais exorbitant que la locataire juive serait tenue d’assumer en achetant des repas de commerce cashers déjà cuits pour satisfaire ses besoins, le fournisseur de logements achète un second réfrigérateur de petite taille, ainsi que des casseroles, des assiettes et des ustensiles pour lui permettre d’acheter et de préparer ses propres aliments, comme le font les autres locataires.

Les organisations qui prévoient des mesures d’adaptation pour tenir compte des interdits alimentaires devraient offrir des aliments qui ont une valeur nutritive comparable à celle des aliments offerts aux autres[483]. Elles devraient également s’assurer de traiter de façon égale les personnes qui ont besoin de mesures d’adaptation[484].

10.6.1 Jeûne

Les adhérents à certaines croyances sont tenus de jeûner ou de s’abstenir de consommer des aliments à certains moments. Lorsque ce genre d’exigence nuit à la capacité d’une personne d’exécuter une tâche ou de respecter quelconque règle ou horaire de travail, des adhérents à une croyance peuvent subir un effet préjudiciable. 

Les organisations ont une obligation d’accommodement des observances sincères rattachées à la croyance de leurs employés, usagers de services ou locataires, y compris le jeûne, jusqu’au point de préjudice injustifié.

Exemple : Durant le mois de Ramadan, certains musulmans s’abstiennent de manger ou de boire avant le lever du soleil jusqu’à son coucher. Certains s’adonnent aussi à de longues prières durant la nuit. Ces prières, jumelées au jeûne et à la consommation de repas avant le lever du soleil, peuvent avoir un effet physique sur la personne. Les personnes qui se soumettent au jeûne du Ramadan peuvent devoir rajuster leur horaire pour observer le début et la fin du jeûne au lever et au coucher du soleil, et (ou) pour se soumettre aux prières de nuit. Par exemple, dans la mesure du possible, les employeurs pourraient permettre à leurs employés qui jeûnent de travailler durant l’heure du dîner pour pouvoir quitter tôt en soirée et se rendre à la maison en temps pour interrompre le jeûne au coucher du soleil.

L’interprétation et la pratique du jeûne peuvent varier d’une personne à l’autre, tout comme l’effet du jeûne sur leur vie et les mesures d’adaptation dont elles peuvent avoir besoin.

L’observance du jeûne peut parfois s’avérer exigeante sur le plan de la santé physique et mentale. Le jeûne peut également coïncider avec d’autres formes d’observance religieuse intensive, qui ont un effet sur la santé physique. Selon la personne, sa constitution physique et son interprétation sincère des exigences de sa foi, le jeûne peut plus ou moins nuire à la capacité de s’adonner à des activités exigeantes sur le plan physique et mental. Les fournisseurs de mesures d’adaptation peuvent s’informer du niveau de flexibilité de la conviction de la personne sur le plan de l’observance du jeûne[485].

Lorsque le jeûne a un effet préjudiciable sur la capacité d’une personne d’exécuter une tâche ou une fonction, ou de se conformer à une norme, pratique ou exigence, les organisations ont une obligation d’accommodement jusqu’au point de préjudice injustifié, à moins de pouvoir démontrer que la règle ou l’activité constitue une exigence de bonne foi. Les mesures d’adaptation mises en place devraient répondre aux besoins individuels en matière d’accommodement, qui peuvent varier d’une personne à l’autre. Lorsque la pratique rattachée à la croyance d’une personne a un effet sur un handicap préexistant, l’obligation d’accommodement jusqu’au point de préjudice injustifié peut être fondé sur les motifs combinés de la croyance et du handicap (voir la section 7.6.3).

Comme c’est le cas pour toutes les situations d’accommodement, la meilleure approche consiste à anticiper les besoins en matière d’accommodement de la croyance à l’avance, au moyen d’une conception inclusive.

Exemple : Une école met un espace séparé (p. ex. la bibliothèque) à la disposition des élèves qui observent le jeûne dans le cadre de leur croyance afin qu’ils puissent éviter la cafétéria sur l’heure du lunch. L’école évite d’organiser des événements de soirée ou articulés autour de la consommation de nourriture (p. ex. journées pizza, voyages scolaires) si un nombre considérable d’élèves observent le jeûne. Elle exempte aussi les élèves qui observent le jeûne des activités physiques exigeantes et tente de convoquer les examens à des périodes de l’année où la plupart des élèves ne jeûnent pas. Si cette dernière mesure est impraticable, elle convoque les examens tôt le matin et permet aux élèves qui jeûnent de les reporter à un moment où ils ne jeûnent pas. De plus, afin d’assurer l’accommodement des élèves, l’école s’efforce de sensibiliser davantage la population étudiante et le personnel au jeûne, pour aider à dissiper tout malentendu[486].


[412] [O’Malley]supra, note 74.

[413] Smith v. Network Technical Services Inc., 2013 HRTO 1880 (CanLII), au par. 19, explique l’obligation qu’a l’employeur de tenir compte des besoins de s’absenter des employés pour l’observance de pratiques religieuses sans encourir de pertes d’heures de travail régulières ou de salaire en vue :

Dans l’arrêt Markovic v. Autocom Manufacturing Ltd., 2008 HRTO 64 (CanLII), le tribunal affirme :

« Parfois, les exigences de l’emploi entrent en conflit avec la capacité des employés de pratiquer leur religion, souvent en raison de l’établissement d’horaires de travail qui, bien qu’ils aient été adoptés pour des motifs d’affaires valides, nuisent involontairement à l’observance de pratiques religieuses. La jurisprudence abonde de décisions de tribunaux administratifs et judiciaires traitant de la conciliation des exigences d’emploi et de la liberté de pratiquer sa religion. Il y a de nombreuses années, la Cour suprême du Canada, dans Commission canadienne des droits de la personne c. Simpsons-Sears, 1985 CanLII 18 (SCC), [1985] 2 R.C.S. 536 [Simpsons-Sears], a déterminé que l’employeur avait l’obligation de prendre des mesures raisonnables pour tenir compte des besoins d’un employé incapable, en raison de convictions religieuses, de respecter l’horaire de travail établi. L’obligation d’accommodement exige qu’un employeur examine les façons de tenir compte des besoins du demandeur de s’absenter pour des motifs religieux. Cette obligation peut donc exiger que l’employeur rajuste les fonctions du demandeur afin de lui permettre d’accumuler les heures de travail qui seraient autrement à sa disposition s’il n’avait pas besoin de s’absenter pour des motifs religieux. L’objectif doit être de donner au demandeur la possibilité d’accumuler la totalité de ses heures de travail, sans porter entrave à ses convictions religieuses, que l’accommodement sans préjudice injustifié prenne la forme d’affectation de tâches compensatoires ou d’autres réaménagements de l’horaire »

[414] En Ontario, la Loi de 2000 sur les normes d'emploi, L.O. 2000, chap. 41, prévoit diverses options concernant le travail et le droit à une rémunération de jour férié. Elle prévoit la majoration du salaire des employés qui travaillent les jours fériés. Si les dispositions du Code et de la Loi sur les normes d’emploi sont contradictoires, cependant, le Code devrait avoir préséance en raison de son statut quasi-constitutionnel.

[415] Shapiro v. Peel (Regional Municipality)(No. 2) (1997), 30 C.H.R.R. D/172 (Ont. Bd. Inq.). Le fait que l’employeur insiste pour que Mme Shapiro utilise des jours de vacances ou des congés compensatoires, ou qu’elle prenne un congé sans solde pour des fêtes juives était discriminatoire. La proposition de Mme Shapiro de travailler des heures supplémentaires pour compenser était raisonnable et aurait pu être acceptée sans entraîner de préjudice injustifié. Le fait que le temps supplémentaire n’était pas offert à tous les employés n’est pas pertinent puisque les mesures d’adaptation sont fondées sur une évaluation individualisée et qu’il n’est pas nécessaire d’offrir la même mesure d’adaptation à tous les employés.

[416] De cette façon, les membres des communautés de croyance minoritaires ne risquent pas de faire l’objet d’un traitement préjudiciable ou d’un désavantage injuste en raison de leur religion ou de leur croyance, en étant forcés d’utiliser les jours de vacances prévus dans leurs avantages sociaux pour l’observance des fêtes religieuses, tandis qu’on reconnaît aux fêtes religieuses des membres de groupes religieux dominants le statut de congés fériés.

[417] Chambly (Commission scholaire régionale) c. Bergevin, [1994] 2 R.C.S. 525.

[418]Par exemple, dans Koroll v. Automodular Corp., 2011 HRTO 774 (CanLII), un membre de l’Église du Dieu vivant a allégué que son employeur avait porté atteinte à ses droits en ne lui donnant pas de congé payé pour observer les sabbats annuels. Le TDPO a adopté la même position que dans l’affaire Markovic v. Autocom Manufacturing Ltd. (2008), supra, note 413, et a rejeté la prétention du requérant selon laquelle il avait automatiquement droit à des congés payés pour les fêtes religieuses. Dans l’affaire Markovic, le TDPO s’est penché sur le cas d’un employeur n’ayant pas offert à un employé le nombre (2) de jours de congé payés correspondant à ceux prévus pour les fêtes religieuses chrétiennes. La politique de l’employeur offrait plutôt une gamme de mesures d’adaptation, comprenant la possibilité de reprendre le temps, de changer de quart avec un autre employé, de travailler un jour férié laïque lorsque l’entreprise est ouverte (sous réserve de la Loi sur les normes de travail), de réaménager l’horaire des quarts, d’utiliser des jours de vacances ou de prendre un congé sans solde. Selon M. Markovic le refus d’Autocom de lui accorder un congé payé pour célébrer la fête de Noël selon le rite de l’Église orthodoxe serbe était discriminatoire. Le TDPO a conclu qu’en offrant un processus permettant aux employés de prendre des dispositions pour avoir congé afin d’observer des fêtes religieuses au moyen d’options d’aménagement de leur horaire, sans perte de salaire, l’employeur avait établi une politique appropriée et non discriminatoire. Le TDPO a indiqué :

[L]’obligation de l’employeur consiste à concevoir des normes relatives au milieu de travail qui reconnaissent les différences sur le plan religieux de ses divers employés, et tiennent compte de ces différences. Sa tâche consiste à inclure les besoins d’un effectif diversifié aux règles du milieu de travail dans le but d’accroître la participation et l’inclusion. Dans le cas des observances religieuses, il est possible d’atteindre ces objectifs en permettant la modification de l’horaire de travail sans perte de salaire (au par. 47).

Le TDPO a fait la distinction avec l’arrêt de la Cour suprême dans l’affaire Chambly parce que la modification de l’horaire n’était pas possible dans cette situation en raison de la nature du milieu de travail et que, même si la convention collective permettait trois jours de congés spéciaux payés, l’employeur avait pris pour position qu’ils ne pouvaient pas être utilisés à des fins d’observance religieuse. Cependant, le TDPO a observé qu’il pourrait y avoir des personnes pour lesquelles aucune des options d’aménagement de l’horaire ne pourrait convenir et que, en pareille situation, il faudrait explorer d’autres mesures d’adaptation.

[419] Ontario (Ministry of Community and Social Services) v. Grievance Settlement Board (2000), 50 O.R. (3d) 560 (C.A.).

[420] Idem. Les options de réaménagement de l’horaire prévues dans la politique ont été jugées « une mesure d’adaptation viable pour les employés qui avaient besoin de congés supplémentaires au-delà des deux jours déjà prévus. Cela leur permet de planifier l’accumulation des heures de travail qui leur sont affectées d’une façon qui ne les oblige pas à choisir entre, d’une part, la perte de salaire ou l’utilisation de leurs acquis existants [c’est-à-dire des jours de vacances], et de l’autre, l’observance de leurs fêtes religieuses sacrées ». Le tribunal a aussi noté que dans Chambly, la Cour suprême a trouvé significatif qu’il serait impossible pour un enseignant de reprendre un congé utilisé pour observer une fête religieuse en travaillant un jour de plus. Elle a donc conclu que les employeurs pouvaient satisfaire à leur obligation d’accommodement en offrant un réaménagement approprié de l’horaire de travail, sans devoir au préalable prouver que le fait d’accorder un congé payé entraînerait un préjudice injustifié de nature économique ou autre.

[421] Koroll v. Automodular Corp., supra, note 418. Le TDPO a accordé 2 000 $ en dommages-intérêts pour atteinte à la dignité et à la fierté, et a ordonné à l’intimé de réviser son programme de reconnaissance de l’assiduité pour enlever l’effet discriminatoire qu’il a sur les employés qui ont des convictions religieuses exigeant qu’ils s’absentent du travail.

[422] Janssen v. Ontario (Milk Marketing Bd.) (1990), 13 C.H.R.R. D/397 (Ont. Bd.Inq.).

[423] Voir la section 9.5.1.

[424] Voir la section 9.3.2 pour en savoir davantage sur le besoin d’adopter une approche individualisée. Voir la section 9.5.3. pour en savoir davantage sur le besoin d’accommodement des convictions sincères individuelles.

[425] Voir la section 9.6 pour en savoir davantage sur les renseignements qui pourraient être exigés et les formes appropriées de demandes d’information.

[426] Voir la section 9.6. Il pourrait être davantage nécessaire d’obtenir des renseignements additionnels dans le cas de demandes d’accommodement de croyances peu connues (voir York Region District School Board v. Ontario Secondary School Teachers’ Federation, District 16 (Faith Day Grievance)supra, note 329. Un des exemples de la section 10.1 aborde cette affaire.

[427] Idem. Dans cette affaire, le syndicat du district 16 de la FEESO a déposé un grief relatif à une politique au nom d’un membre qui allègue que la mise en application, par l’employeur, des dispositions sur les fêtes confessionnelles prévues dans la convention collective contrevenait au Code, entre autres. Selon l’arbitre du travail, tout employé qui a une conviction sincère pouvant être liée à une religion et qui croit honnêtement devoir, en raison d’une exigence de la foi ou d’une coutume, observer une fête religieuse devrait être jugé admissible à un congé pour motifs religieux, que cette fête religieuse soit ou non incluse dans la liste de fêtes confessionnelles connues du conseil. De plus, il n’est pas nécessaire que la conviction de l’employé s’appuie sur les dogmes officiels ou la position des autorités religieuses pour que la demande de congé soit légitime. En même temps, l’arbitre a indiqué que l’employeur n’était pas tenu d’« accepter aveuglément » les demandes de congés de plusieurs journées pour motifs religieux quand les adeptes de la foi du demandeur ne sont pas généralement requis d’éviter de travailler. L’arbitre a mentionné qu’un requérant était toute de même tenu de faire la preuve de sa prétention de droit, même si les convictions religieuses des personnes peuvent être personnelles et privées.

[428] Pour obtenir plus d’information, voir The Multifaith Information Manual, Conseil multiconfessionnel ontarien des services spirituels et religieux, 2000.

[429] Source : Directives sur l’accommodement religieux de 2014 du Conseil scolaire de district de la région de York supra, note 280, élaboré en consultation avec le Conseil multiconfessionnel ontarien des services spirituels et religieux.

[430] Cet exemple est basé sur les directives sur l’accommodement religieux de 2014 du Conseil scolaire de district de la région de York, supra, note 280.

[431] Voir la section 10.1 pour en savoir davantage sur les situations d’observances de la croyance nécessitant de longues absences.

[432] Lorsque l’accommodement d’un droit aux termes du Code contrevient à un règlement ou à une loi de la province, comme la Loi sur les normes d’emploi, L.O. 2000, le Code a préséance et l’emporte, à moins que la loi en indique autrement (article 47 du Code).

[433] Pour obtenir un complément d’information, voir la section 9.10.2 et la Politique sur les droits de la personne contradictoires de la CODP. Les facteurs à considérer incluent (sans s’y limiter) l’évaluation de la portée de l’entrave à la conviction ou la pratique rattachée à la croyance, le cas échéant, le lien entre l’entrave et un droit protégé par le Code, et le type d’entrave, c’est-à-dire si elle touche un élément fondamental ou périphérique du droit. Les organisations peuvent aussi tenir compte du niveau de souplesse de la pratique rattachée à la croyance par rapport à son observance (p. ex. de la mesure dans laquelle elle doit être observée à un moment précis).

[434] Comme il est mentionné précédémment, la Cour suprême du Canada a reconnu les dimensions communautaires et collectives de l’expression de la religion dans plusieurs de ses jugements (plus récemment dans Loyola, supra, note 8, au par. 60).

[435] Voir la section 9.1. pour en savoir davantage sur le principe de conception inclusive.

[436] Dans certaines circonstances, d’autres mesures d’adaptation pourraient satisfaire aussi bien des besoins individuels sur le plan religieux tout en représentant un fardeau moindre pour chacune des parties et en ne créant pas de préjudice injustifié. Si on a le choix entre deux mesures d’adaptation qui comblent les besoins de la personne en matière d’accommodement et respectent tout autant sa dignité, le fournisseur de la mesure d’adaptation peut choisir la solution la moins coûteuse ou celle qui entraîne le moins de perturbation pour l’organisme.

[437] Cela est conforme aux principes de neutralité de l’état et de non-ingérence en matière de conviction, de doctrine et de pratique religieuses. La Cour suprême du Canada a indiqué dans Amselemsupra, note 5 que le fait de « [s]tatuer sur des différends théologiques ou religieux ou sur des questions litigieuses touchant la doctrine religieuse amènerait les tribunaux à s’empêtrer sans justification dans le domaine de la religion ». Cependant, les organisations ne doivent pas étendre la protection du Code aux pratiques et observances qui sont haîneuses, incitent à la haîne ou à la violence à l’endroit d’autres personnes ou groupes, ou contreviennent au droit criminel (voir la section 4.2).

[438] Singh (Ishar) v. Security and Investigation Services Ltd., Commission d’enquête sur les droits de la personne de l’Ontario, décision non publiée du 31 mai 1977.

[439] Voir la section 9.9.3 pour obtenir plus de renseignements sur les considérations relatives à la santé et à la sécurité.

[440] Directives sur l’accommodement religieux du Conseil scolaire de district de la région de York (tableau d’exemples de mesures d’adaptation en lien avec le programme d’études), supra, note 280.

[441] Voir Saadi v. Audmaxsupra, note 331.

[442] Voir la section 9.9.3 pour obtenir plus de renseignements sur les considérations relatives à la santé et à la sécurité.

[443] Supra, note 352.

[444] Pannu v. British Columbia (Worker’s Compensation Board) (No. 2) [2000], 38 C.H.R.R. D/494, 2000 BCHRT 56. Il importe cependant de souligner que, dans cette affaire, l’employeur avait activement cherché d’autres fonctions pour le requérant. La question en litige était de savoir s’il avait droit à une mesure d’adaptation dans le cadre de son poste d’opérateur en caustification particulier.

[445] Loomba v. Home Depot Canada 2010 HRTO 1434 (CanLII). La CODP a scindé la cause, mais en fin de compte n’a pas rendu de jugement sur le second aspect de l’affaire, soit la relation entre l’obligation d’accommodement du Code et les exigences de sécurité de la Loi sur la santé et la sécurité au travail.

[446] Le mot Kirpan signifie miséricorde ou grâce. L’information fournie ici est adaptée de www.worldsikh.org/what_is_the_kirpan (extrait le 20 juin 2015).

[447] Voir Pandori v. Peel Board of Education (1990), 12 C.H.R.R. D/364, confirmé dans (1991), 3 O.R. (3d) 531 (Ont. Div. Ct.), autorisation d’appel à la Cour d’appel refusée.

[448] Idem.

[449] Multani, supra, note 183.

[450] Idem. Pour un complément d’information sur l’obligation d’accommodement du kirpan, voir la section 10.2.1.

[451] Idem.

[452] (1999), 36 C.H.R.R. D/76 (Can. Trib.). Un homme sikh a témoigné du fait que le port d’un type particulier de kirpan plutôt que d’un autre était affaire de préférence personnelle et non de conviction religieuse.

[453] Il est à noter que cette affaire a été tranchée avant que des règles de sécurité encore plus strictes ne soient entrées en vigueur à la suite des événements du 11 septembre.

[454] Dans R. v. Hothi (1985), [1985] 3 W.W.R. 256 (Man. Q.B.), confirmé dans [1986] 3 W.W.R. 671 (Man. C.A.), un tribunal du Manitoba a maintenu la décision d’un juge interdisant le port du kirpan dans une salle d’audience. Cependant, le juge dans cette affaire entendait une cause où le prévenu était accusé de voies de fait. Des développements plus récents ont fait de cette décision une exception à la règle. Par exemple, une entente conclue en 2012 entre la Commission ontarienne des droits de la personne, les services de police de Toronto, le Conseil de services policiers de Toronto et le ministère du Procureur général permet aux personnes de confession sikhe de porter le kirpan dans toutes les aires publiques des palais de justice de Toronto. Cependant, une nouvelle procédure de sécurité dans les salles d’audience prévoit une certaine discrétion pour assurer la sécurité publique. Cela inclut la conduite d’évaluations individualisées des risques portant sur des facteurs comme la raison pour laquelle la personne est présente, le type de cause entendu et tout modèle notable de comportements précédents pouvant occasionner une menace de violence. D’autres services de police et organismes de maintien de la paix dans les palais de justice ont suivi le pas en adoptant des politiques qui permettent aux gens de porter le Kirpan dans les salles d’audience, y compris à Windsor et en Colombie-Britannique.

[455] Voir la section 9.11.6.

[456] Cela est particulièrement le cas quand le port ou l’affichage d’un symbole religieux découle du respect, par l’organisation, de l’obligation d’accommodement d’une personne.

[457]Grant c. Canada (Procureur général), [1995] 1 CF 158.

[458] Clipperton-Boyersupra, note 284. Dans cette décision, la CODP a conclu (s’inspirant de la décision de la Cour suprême dans Amselemsupra, note 5, au par. 69) que « pour bénéficier de la protection du Code contre la discrimination fondée sur la croyance, le requérant doit démontrer qu’il croit sincèrement qu’une certaine pratique ou conviction possède, suivant son expérience, une nature religieuse, en ce :

  1. qu’elle est objectivement prescrite par la religion
  2. qu’il croit subjectivement que la religion le prescrit ou
  3. qu’il croit sincèrement que la pratique crée un lien personnel subjectif avec l’ordre divin ou avec le sujet ou l’objet de sa foi spirituelle, dans la mesure où la pratique en question est liée à la religion » (par. 16).

[459] Par exemple, Il y a une différence entre le fait, pour une organisation, d’afficher un symbole lié à une croyance et celui, pour une personne, en sa qualité personnelle, d’afficher un symbole par suite d’un besoin d’accommodement.

[460] Par exemple, le fait d’afficher un symbole lié à une croyance bien en vue dans un endroit caractérisé par l’interaction fréquente de personnes, comme le hall principal, la salle de conférence ou la réception d’une organisation, peut soulever des questions et préoccupations diverses qui n’interviendraient pas si le symbole était affiché dans un endroit davantage privé, comme le poste de travail d’un employé, où on serait moins susceptible de l’associer à l’organisation dans son ensemble.

[461] Par exemple, aux termes de l’al. 2(a) de la Charte, les organisations d’État ont un devoir de neutralité auquel elles pourraient contrevenir si elles professaient, adoptaient ou favorisaient une conviction à l’exclusion des autres, sans bénéficier d’exemption aux termes de la loi (Saguenaysupra, note 41, au par. 83).

[462] Par exemple, un symbole pourrait empoisonner l’environnement d’autres groupes protégés aux termes du Code, ou ne pas bénéficier de protection aux termes du Code parce qu’il véhicule un message de haine (per section 4.2).

[463] Bien qu’elle reconnaisse dans Saguenay « que l’on trouve dans le paysage culturel canadien de nombreuses pratiques traditionnelles et patrimoniales à caractère religieux [et] que ce ne sont pas toutes ces manifestations culturelles qui violent l’obligation de neutralité de l’État », la Cour suprême du Canada met également en garde contre le fait de pousser ce principe trop loin. Le patrimoine culturel ne saurait excuser l’instrumentalisation par l’État d’une pratique discriminatoire à des fins religieuses. C’est ce qui caractérise la prière de la Ville (supra, note 41, au par.116).

[464] Le fait d’être exposé à des symboles liés à une croyance en contexte d’emploi, de services, d’installations ou de logement ne pourra généralement pas être jugé, à lui seul, de la pression à caractère religieux (voir la section 7.4).

[465] Jones v. C.H.E. Pharmacy Inc. (2001), 39 C.H.R.R. D/93, 2001 BCHRT 1. Le tribunal a ordonné à l’intimé de payer à l’employé des dommages-intérêts pour la perte de salaire et d’avantages sociaux ainsi que pour l’atteinte à sa dignité et à son respect de soi.

[466] 407 ETR Concession Company v. National Automobile, Aerospace, Transportation and General Workers Union of Canada, CAW-Canada, 2007 CanLII 1857 (ON LA).

[467] Voir la section 9.5.2.

[468] Bien que certains mennonites ne s’opposent pas à la prise de photos, bon nombre de mennonites orthodoxes ou plus âgés le font. Ces personnes bénéficient d’une exemption générale et n’ont pas besoin de se soumettre au processus d’examen de l’admissibilité à l’Assurance-santé. Une simple lettre des autorités religieuses de leur communauté permet de les exempter de la prise de photos.

[469] Par exemple, les femmes musulmanes qui ont besoin d’accommodement peuvent prendre la photo dans un endroit privé à la fin de la journée quand peu de personnes sont présentes, ou être accompagnée dans une salle privée où une femme, membre du personnel, prendra la photo, comblant ainsi leur besoin d’accommodement.

[470] Hutterian Brethren, supra, note 106.

[471] Warford v. Carbonear General Hospital (1988), 9 C.H.R.R. D/4947 (Nfld. Comm. Inq.).

[472] Voir la section 9.3.3.

[473] Exemple adapté des directives sur l’accommodement religieux de 2014 du Conseil scolaire de district de la région de York (Tableau d’exemples de mesures d’adaptation en lien avec le programme d’études), supra, note 280.

[474] Cela inclut le fait de veiller à ce que les renseignements qui se rapportent à l’accommodement de la croyance d’une personne soient uniquement mis à la disposition des personnes qui en ont besoin pour mettre en œuvre et fournir les mesures d’adaptation requises (voir la section 9.4).

[475] Re Peterborough Civic Hospital and Ontario Nurses’ Association, [1981] O.L.A.A. No. 97, 3 L.A.C. (3d) 21 [QL].

[476] L’infirmière acceptait d’exécuter de nombreuses autres étapes de la procédure : consigner les signes vitaux du patient, insérer l’aiguille de transfusion, faire couler la solution saline dans la veine, commander le sang du laboratoire et l’apporter à la chambre du patient, entrer les données au registre et effectuer les vérifications requises. Elle n’était pas disposée à « suspendre le sang », ce qui consiste à ouvrir le sac contenant le sang, à y insérer le tube de transfusion, à fermer la valve de solution saline, à ouvrir la valve de sang et à accrocher le sac au support de transfusion.

[477]Le conseil a déterminé qu’il n’était pas nécessaire que tous les membres du personnel infirmier de l’hôpital soit en mesure du suspendre du sang (d’ailleurs, 15 % n’étaient pas qualifiés pour le faire). Comme les règles exigeaient qu’il y ait toujours deux infirmières présentes auprès d’un patient qui nécessitait une transfusion, il y avait toujours une autre personne qui pouvait suspendre le sang.

[478] L’article 26 de la Déclaration universelle des droits de l’homme des Nations Unies, de laquelle le Canada est signataire, affirme également :

2. L'éducation doit viser au plein épanouissement de la personnalité humaine et au renforcement du respect des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Elle doit favoriser la compréhension, la tolérance et l'amitié entre toutes les nations et tous les groupes raciaux ou religieux, ainsi que le développement des activités des Nations Unies pour le maintien de la paix.

3. Les parents ont, par priorité, le droit de choisir le genre d'éducation à donner à leurs enfants [nous soulignons].

[479] Voir les décisions de la Cour suprême dans Loyola (supra, note 8) et S.L. (supra, note 153). Voir également l’arrêt B. (R.) c. Children’s Aid Societysupra, note 384, dans laquelle la Cour suprême a conclu que la liberté de religion s’étend aux droit des parents d’élever leurs enfants conformément à leurs convictions religieuses.

[480] Voir La décision de la Cour suprême dans Loyola, idem, S.L., idem, et Chamberlainsupra, note 168.

[481] Chamberlain, idem, aux par. 65-66; cité dans S.L., idem, au par. 39.

[482] S.L., idem.

[483] Par exemple, une organisation demande des renseignements sur des restrictions alimentaires rattachées à la croyance et autres besoins en matière d’accommodement lorsqu’elle envoie des invitations à ses activités, afin de pouvoir prévoir des mesures d’adaptation appropriées à l’avance. Si de la viande est offerte, l’organisation s’efforce d’offrir des choix de viande qui respectent les restrictions alimentaires à caractère religieux (qui lui sont communiquées à l’avance). Un choix de repas nutritif équivalent est offert aux personnes qui suivent un régime végétarien en raison de leur croyance. Cela permet à toutes les personnes intéressées de participer aux activités de l’organisation de façon inclusive et efficace.

[484] Par exemple, une entreprise de haute technologie exige que ses employés prennent part à des réunions hebdomadaires tenues à l’heure du lunch et financées par la haute direction. Elle offre des choix de repas qui conviennent aux personnes ayant des allergies alimentaires (p. ex. sans gluten et végétalien) mais refuse de tenir compte des restrictions alimentaires à caractère religieux. Selon l’entreprise, la religion relève d’un choix, contrairement aux allergies alimentaires. Même si les membres du personnel adhérant à une religion peuvent combler leurs besoins alimentaires par leur propre moyen (p. ex apporter de la nourriture appropriée de la maison), l’organisation peut être reconnue coupable de discrimination en omettant de tenir compte de leurs besoins et en les traitant de façon inéquitable en raison d’une hiérarchisation inappropriée des motifs de discrimination interdits (c’est-à-dire l’accommodement d’un handicap mais non de la croyance).

[485] Par exemple, les règles d’une croyance peuvent permettre à une personne de se soustraire aux pratiques de jeûne habituelles dans certaines situations, comme lorsqu’elle doit effectuer un travail manuel exigeant dans le cadre de son travail. Si la conviction sincère de la personne permet de faire une telle exception, qui aurait davantage de répercussions négatives sur son travail, cette personne pourrait être tenue de ne pas observer la pratique du jeûne ou de la modifier, pourvu que cela ne porte pas atteinte à ses convictions sincères rattachées à la croyance.

[486] Adapté des directives sur l’accommodement religieux de 2014 du Conseil scolaire de district de la région de York, supra, note 280, dans ce dernier cas.

11. Pratiques spirituelles autochtones

En Ontario, les peuples autochtones suivent une variété de traditions spirituelles[487] qui reflètent la diversité des peuples autochtones de l’Ontario et du Canada[488]. La présente section porte sur l’obligation d’accommodement des convictions et pratiques spirituelles autochtones dans les domaines protégés par le Code.[489]

« Les peuples autochtones ont le droit de promouvoir, de développer et de conserver leurs structures institutionnelles et leurs coutumes, spiritualité, traditions, procédures ou pratiques particulières et, lorsqu’ils existent, leurs systèmes ou coutumes juridiques, en conformité avec les normes internationales relatives aux droits de l’homme ». – Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones[490]

La présente politique emploie le terme « autochtone »[491] dans un sens inclusif qui englobe l’ensemble des peuples et identités « autochtones », y compris les indiens inscrits et non-inscrits, les amérindiens, les Premières Nations, les Métis et les Inuits.

Qu’entend-on par « spiritualité autochtone »?

En reconnaissance de sa diversité et du droit des autochtones de la définir par eux-mêmes, la CODP ne définit pas « spiritualité autochtone »[492]. D’autres termes pourraient être utilisés ou privilégiés par les peuples autochtones, y compris certains termes touchant plus spécifiquement une nation, une langue, un lieu et (ou) un peuple.

Le mot inuktitut « upirusutuk » est utilisé par les Inuits pour signifier « avoir la foi ».

Dans la présente politique, le terme « spiritualité autochtone » fait référence aux convictions et pratiques spirituelles que les peuples autochtones qualifient de « traditionnelles » ou « coutumières ». Parfois, ces convictions et pratiques incluent d’autres traditions religieuses, comme le christianisme, ou sont observées en combinaison avec celles-ci[493].

« La spiritualité métisse peut inclure à la fois des cérémonies et le christianisme. Elle puise à la fois dans les racines et pratiques euro-chrétiennes et autochtones. Comme l’a indiqué le juge Phelan : "On peut honorer la plume et le violon" ». – Participant, groupe de travail de la CODP[494]

Le terme peut aussi inclure :

  • des pratiques d’origine plus récente qui s’inspirent d’anciennes traditions et identités spirituelle-culturelles autochtones, ou tentent de redonner vie à de telles tradition et identités
  • des pratiques traditionnelles qui ont pris avec le temps le sens plus sacré ou symbolique qu’ils ont aujourd’hui.

Exemple : Le qulliq (inuktitut : ᖁᓪᓕᖅ, API : [qulːiq]) est un type de lampe à l’huile à basse intensité faite de pierre à savon et d’une mèche de coton arctique et de mousse qui brûle de l’huile animale. Les Inuits l’utilisaient principalement par le passé comme outil de survie pour chauffer leurs habitations, sécher leurs vêtements et cuisiner. Ils l’utilisent parfois maintenant comme outil d’apprentissage rituel et comme symbole sacré d’identité et de culture traditionnelle inuites dans le cadre des cérémonies d’ouverture et de clôture de rassemblements. Nous avons entendu un aîné affirmer, tout en s’employant attentivement à garder la petite flamme allumée, « je me sens bien quand j’utilise le qulliq »[495]. Cela illustre bien le rapport étroit qui existe entre la culture, l’identité, la spiritualité et la santé.

Bien que les convictions et pratiques spirituelles autochtones varient de façon considérable entre les personnes et les groupes Métis, Inuits et des Premières Nations, et d’une région à l’autre, nos consultations des groupes autochtones ont mis en évidence certaines caractéristiques communes. Par exemple, de nombreuses personnes ont qualifié la spiritualité autochtone de « mode de vie » et « mode de pensée » (vision du monde) centrée sur un rapport avec le Créateur, la terre et « toutes nos relations ». Cela comprend habituellement toutes les autres créatures et formes de vie, y compris ce que l’on perçoit couramment comme des objets inanimés, mais auxquelles ces groupes attribuaient généralement un esprit ou une âme. La plupart des personnes sondées jugeaient que la spiritualité autochtone et leur culture et identité autochtones traditionnelles étaient indissociables.

Contexte historique

Durant les activités de consultations[496] des peuples autochtones menées par la CODP, beaucoup de personnes ont parlé de l’héritage que continue de laisser le colonialisme en Ontario. Cela comprend la suppression et le dénigrement actif de la culture, des langues, de la spiritualité et des modes de vie autochtones par les autorités gouvernementales et religieuses, ainsi que les efforts concertés déployés en vue de détruire, d’assujettir et d’assimiler les peuples autochtones[497].

Les survivants des pensionnats ont raconté avoir été forcés d’aller à l’église et de ne pas parler leur langue ou pratiquer leurs « méthodes traditionnelles », au risque d’être battus ou de se voir refuser de la nourriture.

« Certains de nos ainés qui ont fréquenté les pensionnats ne parleront pas de spiritualité ou de méthodes traditionnelles. Pour eux, il s’agit d’un sujet tabou [après que cela a été associé au "côté obscur" pendant tant d’années]. S’ils pratiquent, ils le font souvent "en cachette" ou n’y accordent pas de signification religieuse ou spirituelle ». – Participant, groupe de travail de la CODP[498]

De nos jours, beaucoup de personnes revendiquent et font renaître leurs traditions culturelles et spirituelles autochtones pour guérir et se rétablir des traumatismes du passé et de leur impact continu sur le présent[499].

« [E]nfants, nous devions cacher qui nous étions. J’ai grandi en ne disant mot de qui j’étais. Mon père disait qu’il était mexicain. Je me sens en sécurité de dire qui je suis depuis seulement environ 20 ans ». – Participant, groupe de travail de la CODP[500]

Il est important pour les résidents et les organisations de l’Ontario de comprendre et de ne pas répéter ce passé de dénigrement et de déni de la spiritualité, des cultures et des identités autochtones, ainsi que de reconnaître et de respecter les pratiques spirituelles autochtones, en leur qualité de droits de la personne, en d’en tenir compte, en accordant l’importance à la dignité et au bien-être des gens.

« Les cérémonies traditionnelles et pratiques spirituelles […] sont des cadeaux précieux offerts par le Créateur aux peuples autochtones. Ces méthodes sacrées nous ont permis, en tant que peuples autochtones, de survivre – miraculeusement – aux offensives de cinq siècles d’efforts continus de non-autochtones et de leur gouvernement en vue de nous exterminer et d’éliminer toute trace de notre mode de vie traditionnelle. Aujourd’hui, ces traditions sacrées précieuses continuent de [nous] donner la force et la vitalité requises pour poursuivre le combat que nous menons tous les jours; elles nous offrent aussi notre meilleur espoir en vue d’un avenir stable et prospère. Ces traditions sacrées constituent un « radeau de sauvetage » indispensable et durable sans lequel nous serions rapidement dépassés par les épreuves qui menacent encore notre survie. Parce que nos traditions sacrées sont si précieuses, nous ne pouvons pas leur permettre d’être profanées et malmenées ». – Christopher Ronwaien:te Jock[501]

Contexte actuel 

Les recherches et les consultations[502] menées par la CODP auprès des peuples autochtones ont démontré que beaucoup de ces peuples font face à des obstacles systémiques lorsqu’il s’agit de pratiquer leur spiritualité autochtone. Cela a souvent été dû à une interprétation étroite, au sein des organisations, de ce qui est protégé par le Code au motif de la croyance et de l’incapacité de ces organisations de reconnaître que les protections du Code s’étendent aux convictions et pratiques spirituelles autochtones. Parfois, cela a été le résultat de l’imposition d’une distinction excessivement rigide entre « culture » et « tradition » d’un côté, et « religion » et « croyance » de l’autre, ce qui a peu de sens en contexte autochtone compte tenu de la nature culturelle et holistique[503] de la spiritualité autochtone[504].

« Nous n’avons pas de religion. Nous avons un mode de vie qui est enraciné dans notre vie quotidienne ». – Participant, groupe de travail de la CODP

« Vous ne pouvez pas tout mettre dans une boîte et dire "voilà c’est la spiritualité" ». – Participant, groupe de travail de la CODP[505]

« La spiritualité autochtone est un phénomène plus complexe que ne le suggère le simple mot spiritualité, comme on l’entend habituellement. Au sein des communautés autochtones, la spiritualité a un rapport étroit avec la culture et les modes de vie, et exige une approche […] plus globale et exhaustive[506] ».

Bon nombre des obstacles auxquels se sont heurtés les peuples autochtones étaient aussi dus à la méconnaissance, au sein des organisations, de la spiritualité autochtone et de la façon dont elle se distingue parfois, dans sa forme et son expression, de la façon dont les gens comprennent ou pratiquent la religion ou la spiritualité.

« L’expression spirituelle anishinabek s’écarte considérablement de ce que beaucoup de personnes considèrent comme une religion ». – John Burrows[507]

« Comme bon nombre de Nord-Américains, ma socialisation m’a imprégnée d’une perception de la religion qui se limite aux églises, aux congrégations et à la participation au culte du dimanche. On ne peut pas adéquatement comprendre en ces termes la spiritualité autochtone. L’élément de la spiritualité autochtone qui est peut-être le plus difficile à saisir est
sa totale omniprésence ». – Lori Beaman[508]

Beaucoup de personnes ont dit à la CODP qu’elles préféraient ne pas qualifier leurs convictions et pratiques spirituelles de religion ou de croyance. Chez certaines, ces termes ont une connotation négative en raison de leur expérience des pensionnats autochtones.  

Aux termes du Code, une personne ou un groupe n’est pas tenu d’associer sa conviction ou pratique spirituelle à une religion ou à une croyance pour avoir droit à sa protection au motif de la croyance[509].

Cadre législatif

Le Code des droits de la personne de l’Ontario, la Loi canadienne sur les droits de la personne, la Constitution canadiennela Charte canadienne des droits et libertés et la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones protègent le droit fondamental des peuples autochtones de pratiquer leurs traditions religieuses et spirituelles, et de bénéficier d’un traitement égal et digne. 

Les employeurs, syndicats et fournisseurs de logements et de services relevant de la compétence provinciale[510] ont l’obligation juridique, aux termes du Code de l’Ontario, de défendre le droit des peuples autochtones de vivre à l’abri de la discrimination fondée sur la croyance. Dans le cadre de cette obligation, ils sont tenus d’assurer l’accommodement des convictions et pratiques spirituelles des peuples autochtones jusqu’au point de préjudice injustifié, lorsque ces convictions et pratiques font l’objet d’une entrave[511].

La jurisprudence reconnaît clairement que la croyance, aux sens du Code, s’étend à la spiritualité autochtone[512]. En règle générale, les organisations devraient accepter de bonne foi que la personne adhère à une croyance, à moins d’avoir des motifs substantiels d’en croire autrement[513]. Au moment de se demander si une demande d’accommodement concerne la croyance, les organisations devraient examiner les critères mis de l’avant à la section 4.1 de la présente politique.

Aucune personne ou organisation ne devrait imposer sa propre vision subjective de ce que constitue une croyance ou une pratique rattachée à la croyance (par exemple, le fait de présumer à tort qu’une croyance doit s’accompagner de dogmes ou d’articles de la foi)[514].

Les organisations qui ont des raisons légitimes de mettre en doute le lien entre une demande d’accommodement ou un besoin en matière d’accommodement donné et le motif de la croyance[515] doivent consulter sérieusement les personnes autochtones en quête d’accommodement pour connaître leur perspective sur le sens que revêt leur conviction ou pratique sincère sur le plan de la spiritualité ou de la croyance. Si elles ne le font pas, elles pourraient manquer à leur obligation d’accommodement, y compris sa composante procédurale[516].

Charte et Loi constitutionnelle

L’article 25 de la Charte[517] et l’article 35[518] de la Loi constitutionnelle de 1982 reconnaissent et affirment les droits constitutionnels des peuples autochtones du Canada. Cela comprend, sans s’y limiter, la mise à exécution des traités et accords relatifs aux revendications territoriales autochtones et le respect du droit au maintien des pratiques et activités culturelles traditionnelles, comme la pêche, la coupe, la chasse et d’autres traditions sacrées et coutumières.

Dans R. c. Van der Peet, la Cour suprême du Canada a discuté des fondements sous-jacents des droits des autochtones :

[…] la doctrine des droits ancestraux existe et elle est reconnue et confirmée par le par. 35(1), et ce pour un fait bien simple: quand les Européens sont arrivés en Amérique du Nord, les peuples autochtones s’y trouvaient déjà, ils vivaient en collectivités sur ce territoire et participaient à des cultures distinctives, comme ils l’avaient fait pendant des siècles. C’est ce fait, par-dessus tout, qui distingue les peuples autochtones de tous les autres groupes minoritaires du pays et qui commande leur statut juridique -- et maintenant constitutionnel -- particulier[519].

Dans ce contexte, la Cour a établi le critère de la « partie intégrante d’une culture distinctive » encore utilisé aujourd’hui pour déterminer si une situation fait intervenir un droit des autochtones aux termes du par. 35(1) de la Constitution :

[P]our constituer un droit ancestral, une activité doit être un élément d’une coutume, pratique ou tradition faisant partie intégrante de la culture distinctive du groupe autochtone qui revendique le droit en question […] Quand une collectivité autochtone peut démontrer qu’une coutume, pratique ou tradition particulière fait partie intégrante de sa culture distinctive aujourd’hui et marque une continuité avec les coutumes, pratiques et traditions de l’époque antérieure au contact avec les Européens, cette collectivité aura fait la preuve que cette coutume, pratique ou tradition est un droit ancestral au sens du par. 35(1)[520].

L’analyse employée pour déterminer si une situation fait intervenir des droits relatifs à la croyance aux termes du Code est différente de celle employée pour déterminer si la situation fait intervenir un droit des autochtones issu d’un traité, protégé par la Constitution. Par exemple, pour faire intervenir des droits relatifs à la croyance aux termes du Code, il n’est pas nécessaire de démontrer qu’une pratique ou conviction spirituelle autochtone marque une continuité avec les coutumes ou traditions de l’époque antérieure au contact avec les Européens[521].

Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones

Les lois et mesures législatives relatives aux droits de la personne du Canada et de l’Ontario qui ont des répercussions sur les peuples autochtones devraient être interprétées à la lumière de la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones (DDPA), et en respecter les dispositions. Adoptée par le gouvernement en 2010[522], la DDPA offre un cadre d’évaluation des droits de la personne des peuples autochtones, qui est reconnu à l’échelle international[523] et établit les « normes minimales nécessaires à la survie, à la dignité et au bien-être des peuples autochtones du monde »[524]. Plusieurs dispositions traitent directement des droits relatifs à la pratique de la spiritualité autochtone, y compris sans s’y limiter[525] :

Paragraphe 12(1) :

Les peuples autochtones ont le droit de manifester, de pratiquer, de promouvoir et d’enseigner leurs traditions, coutumes et rites religieux et spirituels; le droit d’entretenir et de protéger leurs sites religieux et culturels et d’y avoir accès en privé; le droit d’utiliser leurs objets rituels et d’en disposer; et le droit au rapatriement de leurs restes humains.

Article 25 :

Les peuples autochtones ont le droit de conserver et de renforcer leurs liens spirituels particuliers avec les terres, territoires, eaux et zones maritimes côtières et autres ressources qu’ils possèdent ou occupent et utilisent traditionnellement, et d’assumer leurs responsabilités en la matière à l’égard des générations futures.

Article 34 :

Les peuples autochtones ont le droit de promouvoir, de développer et de conserver leurs structures institutionnelles et leurs coutumes, spiritualité, traditions, procédures ou pratiques particulières et, lorsqu’ils existent, leurs systèmes ou coutumes juridiques, en conformité avec les normes internationales relatives aux droits de l’homme.

Les sections ci-après brossent le portrait de certaines questions pouvant faire intervenir l’obligation d’accommodement des pratiques et convictions rattachées à la croyance du Code en contexte autochtone, et des droits et obligations qui s’y rapportent.

11.1 Coutumes, pratiques et cérémonies

Aux termes du Code, les organisations qui relèvent de la compétence provinciale ont l’obligation d’assurer l’accommodement des convictions et pratiques spirituelles des peuples autochtones, y compris leurs cérémonies et coutumes sacrées, lorsque des règles, des pratiques, des normes ou des exigences ont un effet négatif sur ces convictions et pratiques en contexte de travail, de services, de logement, de contrats et d’adhésion à des syndicats ou à des associations professionnelles.

Exemple : Un homme autochtone détenu dans un centre correctionnel a demandé d’avoir accès aux services spirituels offerts par un agent de liaison autochtone. Ces services s’articulaient autour de la guérison, de l’expression de soi, du partage ou de la participation à des cercles sacrés, de cérémonies de purification et de suerie, de séances individuelles et de la fabrication et l’utilisation de sacs de médecine, de capteurs de songes ou de tambours. Malgré ses demandes répétées, l’agent de liaison autochtone ne lui a pas rendu visite et on ne lui a pas fourni d’ouvrages spirituels autochtones. Il a cependant reçu dans un délai raisonnable la visite d’un aumônier et des ouvrages chrétiens. Le tribunal des droits de la personne de la Colombie-Britannique a conclu que les détenus autochtones étaient en effet privés d’accès à des services spirituels autochtones, malgré la disponibilité raisonnable de services en lien avec la foi chrétienne, ce qui constitue une discrimination fondée sur la religion et l’ascendance[526].

Il est préférable de laisser un aîné ou un gardien du savoir animer certaines cérémonies.  

La cérémonie de purification au foin d’odeur est un rite que l’on pratique en Ontario et qui consiste à brûler une ou plusieurs herbes médicinales sacrées, comme du foin d’odeur, de la sauge, du cèdre et du tabac. Il y a plusieurs façons d’effectuer cette purification. Des personnes ont fait part à la CODP du fait que les personnes qui veulent se purifier au foin d’odeur font fréquemment face à des obstacles. Cela est souvent dû au manque de protocoles clairs et de mesures de conception exclusive visant à faciliter l’accomplissement de cette pratique de la façon appropriée, en temps opportun.

« En tant qu’élève, je devais présenter une demande de purification au foin d’odeur une semaine à l’avance. Mais le besoin de me purifier n’était pas quelque chose que je pouvais reporter d’une semaine ». – Participant, groupe de travail de la CODP

Le besoin de se purifier au foin d’odeur se manifeste souvent à des moments imprévisibles, par exemple à l’hôpital après un décès, ou à l’école ou au travail lorsque survient une crise. Lorsqu’une organisation est consciente de la possibilité que se manifeste un besoin d’accommodement de la cérémonie de purification au foin d’odeur, elle devrait prendre des mesures proactives pour faciliter son accomplissement de façon digne et opportune. 

Exemple : De nombreuses cérémonies autochtones s’articulent autour de la combustion d’herbes médicinales traditionnelles comme le foin d’odeur, la sauge, le tabac et le cèdre. Le ministère des Affaires autochtones de l’Ontario a entrepris la construction d’une salle de purification au foin d’odeur dans ses bureaux de Toronto. Les nouvelles installations permettront l’accomplissement de la purification au foin d’odeur et d’autres cérémonies traditionnelles autochtones dans les locaux du ministère. La salle est composée d’une grande pièce et d’une petite annexe où l’on conservera les herbes médicinales traditionnelles, et prévoit un accès à de l’eau propre à des fins cérémoniales. Lorsqu’elle n’est pas utilisée pour des cérémonies, la salle pourra accueillir des cercles et rassemblements plus importants. On trouvera aussi dans la salle des représentations autochtones gravées sur un mur de verre courbé, allant du sol au plafond, et des œuvres d’artistes autochtones. Le ministère collabore avec des aînés pour élaborer des directives et du matériel éducatif afin de l’aider à créer un espace positif et accueillant. La salle permettra à des aînés et gardiens du savoir de transmettre les enseignements autochtones traditionnels et d’offrir un encadrement adapté sur le plan culturel. Des mesures de santé et de sécurité ont été prévues afin de satisfaire, voire de surpasser, les normes du code du bâtiment de l’Ontario. 

D’affirmer la sous-ministre Deborah Richardson, « la salle de purification sera un endroit accueillant pour toutes les personnes qui travaillent au ministère ou s’y présentent. Il s’agira d’un lieu spécial où pratiquer les cérémonies autochtones traditionnelles et se familiariser avec ces cérémonies, et d’un endroit dédié où les gardiens du savoir et aînés de la communauté pourront transmettre les enseignements et offrir du counseling adapté sur le plan culturel ».

Le non-accommodement d’une conviction ou pratique spirituelle autochtone de façon appropriée et opportune peut constituer de la discrimination aux termes du Code[527].

Exemple : Une école située dans une collectivité composée d’une grande population étudiante autochtone dit à un élève d’aller à l’extérieur se purifier, même lorsqu’il fait mauvais. Les élèves qui se purifient au foin d’odeur sont également ridiculisés par leurs compagnons de classe et accusés à tort par ces derniers et le personnel de l’école de consommer de la drogue, ou du moins de sentir la drogue.

Le fait de dire aux élèves d’aller à l’extérieur se purifier, y compris lorsqu’il fait mauvais, pourrait contrevenir à l’obligation d’accommodement de l’école en raison du manque de respect de la dignité de la mesure adoptée[528]. Si l’école n’intervient pas pour remédier aux commentaires négatifs des élèves et du personnel, elle pourrait aussi contrevenir à son obligation de maintenir un environnement libre de discrimination et de harcèlement.

Le fait de ne pas prévoir l’accommodement inclusif à part égale des pratiques spirituelles autochtones, y compris celles des membres inscrits et non-inscrits des Premières Nations, des Métis et des Inuits, peut également s’avérer discriminatoire aux termes du Code.

Exemple : Une organisation reconnaît uniquement aux Premières Nations le droit d’obtenir l’accommodement de leurs cérémonies, et non aux Métis le droit à l’accommodement de leurs pratiques spirituelles.

Des questions de santé et sécurité font parfois obstacle à l’accommodement des pratiques spirituelles autochtones. Seuls les risques graves et fondés relatifs à la santé et à la sécurité peuvent servir de motifs de rejet ou de restriction des demandes d’accommodement de telles pratiques.

Exemple : Un employé d’un fournisseur de logements avec services de soutien à l’intention de femmes enceintes et de nouvelles mères empêche une femme autochtone de porter son bébé sur son dos dans un amauti, un manteau traditionnel muni d’un porte-bébé. La femme considère que ce vêtement et son utilisation pour le port du bébé sont des éléments essentiels de son identité culturelle, sa tradition et son mode de vie. L’employé l’empêche d’utiliser son amauti pour des motifs de santé et de sécurité non fondés ni investigués.

Même lorsqu’elles ont décelé un risque de bonne foi relatif à la santé et à la sécurité, les organisations doivent explorer les façons d’éliminer ou de réduire ce risque pour permettre l’accommodement jusqu’au point de préjudice injustifié[529].

La spiritualité autochtone peut également s’exprimer au moyen d’autres pratiques coutumières non cérémoniales. Par exemple, des organisations pourraient avoir l’obligation d’assurer l’accommodement des normes et exigences des peuples autochtones en matière d’alimentation et d’habillement/apparence, lorsque celles-ci se rattachent à une conviction spirituelle-culturelle autochtone.

Exemple : Un foyer pour jeunes enfants exige que tous ses pensionnaires portent les cheveux courts. On y oblige un jeune autochtone qui porte les cheveux longs en queue de cheval, pour des raisons culturelles et spirituelles, de se couper les cheveux. Cela contrevient aux pratiques coutumières et lois sacrées autochtones et pourrait s’avérer discriminatoire aux termes du Code.

Exemple : La greffière d’ascendance inuite d’un tribunal porte un médaillon de peau de phoque au-dessus de son uniforme. Le tribunal tient compte de son besoin de porter une broche ou un emblème en reconnaissance de sa valeur sacrée aux yeux de l’employée.

Les organisations ont aussi l’obligation de reconnaître les différences entre les personnes ou les groupes, et d’intégrer des concepts d’égalité aux normes, règles et exigences[530]. Cela signifie qu’elles doivent concevoir leurs milieux de travail, services et logements d’une manière inclusive qui tient compte des besoins des personnes qui pratiquent la spiritualité autochtone, y compris lorsqu’elles élaborent ou modifient des politiques, programmes, procédures, normes ou exigences, et aménagent ou modifient des installations, afin de s’assurer de l’accommodement de ces besoins de façon appropriée et opportune[531].

Le Sioux Lookout Meno Ya Win[532] Health Centre (SLMHC) fournit une grande variété de soins primaires généraux et spécialisés aux Premières Nations de la région de Sioux Lookout et du Nord[533]. L’hôpital régional de 145 000 pieds carrés et 60 places assure l’intégration de la médecine et des pratiques traditionnelles et modernes, et adopte et applique une approche de soins globale et adaptée à la culture, qui reconnaît le lien entre les dimensions physique, émotionnelle, mentale et spirituelle de la personne. Les Premières Nations de la région ont joué un rôle central dans la fondation, la planification et la construction de l’hôpital[534], et continuent encore aujourd’hui d’y occuper un rôle central de gouvernance[535]. L’établissement a été conçu par le cabinet Stantec Architecture et Douglas Cardinal, un architecte pied-noir/métis, en consultation avec l’aîné et guérisseur traditionnel Josiah Fidler (entre autres membres des Premières Nations de la région). Son architecture et aménagement intérieur reflète à fond les enseignements autochtones[536]. Le centre compte également une salle de guérison pour la pratique de la spiritualité autochtone et une salle adjacente pour l’entreposage et la préparation des herbes médicinales traditionnelles, y compris les quatre plantes de la guérison (tabac, sauge, foin d’odeur et cèdre).

La salle de guérison du chef Sakatcheway est munie d’un échangeur d’air permettant d’éliminer la fumée libérée lors de diverses cérémonies, comme la purification au foin d’odeur, et inclut des représentations des quatre éléments, y compris : une fosse au sol en terre battue contenant de la terre provenant des communautés partenaires, un foyer symbolique fait de catlinite, une paroi d’eau et des fenêtres et puits de lumière représentant l’air/la lumière. Le programme sur la guérison traditionnelle, les herbes médicinales, les aliments et les mesures de soutien du centre offre aux patients et clients un soutien et des choix d’approches de guérison. Un conseil d’aînés de huit membres appuie les activités de planification, de mise en œuvre et d’évaluation des programmes du conseil d’administration du centre. Le programme compte également deux aînés en résidence, des services d’interprétation en trois langues et 19 dialectes offerts nuit et jour et une liste de guérisseurs offrant des services de guérison traditionnelle (andaaw’iwewin) aux patients hospitalisés, en plus d’offrir l’accès à des herbes médicinales (maskiki) et aliments traditionnels.

En matière de conception inclusive permettant l’accommodement de la spiritualité autochtone, les employeurs, fournisseurs de services (p. ex. professionnels de la santé, services de police, services juridiques) et fournisseurs de logements devraient déterminer si leur personnel a les compétences culturelles requises pour reconnaître et satisfaire les besoins en matière de croyance des peuples autochtones[537]. Cela peut revêtir une importance particulière au sein des organisations qui fournissent des services aux membres du public.

Exemple : Une agence de protection de l’enfance dont la clientèle est composée de membres de peuples autochtones exige que son personnel suive une formation d’une journée sur les compétences culturelles autochtones. L’agence adopte aussi des politiques visant à faire en sorte que les enfants autochtones soient placés dans des milieux appropriés sur le plan culturel dans la mesure du possible, et offre des programmes de soutien et des services qui favorisent la pratique de la spiritualité autochtone. 

Il est recommandé d’adopter une stratégie organisationnelle exhaustive pour prévenir les situations de droits de la personne fondés sur la croyance, et intervenir lorsqu’elles se produisent[538]. Cette stratégie devrait aussi prévoir l’examen des pratiques d’emploi pour s’assurer qu'elles ne font pas de la discrimination en prévenant le recrutement et (ou) le maintien en poste de personnes autochtones qui ont les compétences requises pour travailler de façon efficace et égale auprès des membres autochtones de la population.

Exemple : Un hôpital offre aux patients hospitalisés des services de soutien religieux et spirituel qui ne s’étendent pas aux personnes qui pratiquent la spiritualité autochtone. L’organisation tente d’embaucher un « aumônier » pour combler le manque de services de counseling aux adhérents à la spiritualité autochtone, mais n’arrive pas à recruter quelqu’un. L’offre d’emploi exige que les candidats aient une maîtrise en théologie. L’organisation ne peut fournir de justification pour cette exigence, qui ne répond donc pas au critère d’exigence de bonne foi. D’ailleurs, cette exigence pourrait nuire à la capacité d’aînés et de gardiens du savoir autochtones compétents d’obtenir un tel emploi, et empêcher l’hôpital de fournir des services égaux.

11.2 Pratiques spirituelles autochtones et horaire

Certaines pratiques spirituelles autochtones exigent que leurs adhérents participent à des activités spécifiques, parfois à des moments précis de la journée, de la semaine ou de l’année. Lorsque l’observance de ces pratiques ne concorde pas avec les horaires de travail, congés fériés, heures de pause ou dispositions relatives aux congés, les organisations pourraient avoir une obligation d’accommodement jusqu’au point de préjudice injustifié.

Par exemple, cela pourrait inclure le fait de permettre à une personne de s’absenter du travail pour participer à :

  • une cérémonie marquant un moment important de la vie, comme une naissance, une adoption, le passage de l’adolescence à la vie adulte, une initiation ou un décès
  • une cérémonie spirituelle comme (sans s’y limiter) une suerie, une purification au foin d’odeur, une cérémonie du calumet, du jeûne ou de la pleine lune, une célébration du solstice ou toute autre cérémonie célébrant les saisons ou les récoltes  
  • un grand jour, comme la Journée nationale des Autochtones, la journée Louis Riel ou le jour des Inuits, durant lequel la personne pourrait participer à des activités ou des pratiques en lien avec la spiritualité autochtone.

La spiritualité autochtone est souvent étroitement liée à des activités axée sur la terre, comme la chasse, le piégeage et les pratiques de cultivation et de récolte.

Certains peuples métis de l’Ontario marquent la fin des récoltes au moyen d’un festival qui donne aux membres de la communauté une occasion spéciale de se réunir, participer à des activités culturelles métisses traditionnelles et transmettre les compétences traditionnelles et traditions orales essentielles à la culture, à l’identité, à la religion et à la spiritualité métisses.

Chez certaines Premières Nations, des cérémonies et traditions marquant des moments importants de la vie peuvent être intégrées aux activités de chasse saisonnières. Par exemple, la chasse à l’oie saisonnière[539] peut parfois débuter par une cérémonie « de la premières sortie » qui sert à accueillir les enfants au sein de la société crie. Une cérémonie « de la première sortie » peut aussi avoir lieu à l’hiver, lorsque l’enfant est assez vieux pour sortir en raquettes[540].

Les gardiens du savoir et aînés pourraient aussi avoir besoin de s’absenter pour animer ou appuyer les cérémonies des autres membres de leur communauté.

Les personnes autochtones pourraient aussi nécessiter des congés pour le deuil. Le Code prévoit l’accommodement de telles pratiques, lorsque celles-ci se rattachent aux convictions ou coutumes spirituelles autochtones[541]. Selon la coutume ou tradition spirituelle à laquelle elle adhère, les besoins en matière d’accommodement du deuil de la personne pourraient parfois entrer en conflit avec les politiques d’une organisation ou les dispositions de sa convention collective. Par exemple, la période de deuil pourrait être supérieure au temps alloué à cette fin dans une politique organisationnelle ou convention collective. Des personnes pourraient aussi nécessiter un congé pour l’observance ou l’animation de pratiques de deuil après le décès de personnes ne faisant pas partie de la famille immédiate, lorsqu’une coutume ou tradition culturelle-spirituelle le justifie.

Selon ce qu’a entendu la CODP, les Inuits ont parfois un homonyme. L’homonyme peut être considéré comme faisant partie de la « famille spirituelle » de la personne, et revêtir une importance encore plus grande que les membres de sa famille physique (sang ou alliance)[542]. Le fait d’assister aux funérailles de son homonyme ou de participer aux pratiques de deuil qui lui sont associées peut s’avérer tout aussi important que s’il s’agissait d’un membre de la famille immédiate.

Les politiques organisationnelles et dispositions des conventions collectives ne devraient pas être utilisées pour rejeter des demandes d’accommodement des pratiques de deuil rattachées à une conviction ou à une coutume spirituelle autochtone[543].

Voir la section 10.1 pour un complément d’information sur l’accommodement des observances rattachées à la croyance qui nécessitent la prise de congés.

11.3 Accès et recours aux objets et lieux sacrés

« Notre relation avec la terre définit notre identité; nous sommes les gardiens de la Terre, notre mère. Par conséquent, il n’y a pas que le lieu de sépulture qui soit sacré. L’emplacement des remèdes, des cérémonies, des histoires, des sépultures, des lieux traditionnels de récolte et de chasse, des villages et des zones commerciales est également "sacré". Ces sites sont vivants; ils ne sont pas des "artéfacts" relégués aux temps anciens. Les instruments créés pour célébrer les histoires et les cérémonies, pour protéger les remèdes et pour honorer nos ancêtres sont sacrés […] la définition de ce qui est « sacré » est déterminée par la communauté des Premières Nations elle-même et est le reflète des valeurs de la communauté par rapport au "sacré" ». – Les Chefs de l'Ontario (officiellement les Chiefs of Ontario)[544]

Les organisations peuvent avoir une obligation d’accommodement des pratiques spirituelles des peuples autochtones, y compris lorsque des politiques, règles ou pratiques organisationnelles ont un effet préjudiciable sur l’accès ou le recours aux lieux et objets sacrés rattachés à la pratique de la spiritualité autochtone dans un domaine social du Code, ou empêchent ou limitent l’accès ou le recours à ces lieux ou objets.

Lieux sacrés

Étant donné que les peuples autochtones sont présents en Ontario depuis plus de 11 000 ans[545], et que les terres des réserves représentent moins de 1 % de la superficie de l’Ontario[546], bon nombre des lieux sacrés autochtones se trouvent à l’extérieur des limites des réserves[547].

L’accès aux lieux de sépulture ancestraux, lieux cérémoniaux sacrés et autres lieux sacrés, leur utilisation et leur préservation font partie intégrante de la spiritualité autochtone. Les tribunaux ont reconnu l’aspect territorial de l’exercice des coutumes et droits religieux des peuples autochtones[548].

Les lieux de sépultures ancestraux sont l’un des types de lieux sacrés les plus connus en matière de spiritualité autochtone[549].

« Dans la culture anishnaabeg[550], il y a une relation permanente entre les morts et les vivants et entre les ancêtres et les descendants. Les vivants ont l’obligation de s’assurer que les membres de leur famille sont enterrés convenablement à un endroit approprié et de les protéger contre toute perturbation ou profanation. Tout manquement à cette obligation nuit non seulement aux morts mais aussi aux vivants. Il faut abriter et nourrir les morts, leur rendre visite et les fêter. Ces traditions affichent encore une continuité puissante ». – Darlene Johnson[551]

« Les Anishnaabegs croient que les âmes de leurs ancêtres disparus sont attachées à leurs os. Ainsi, ils traitent les os de leurs ancêtres avec beaucoup de révérence et détestent la violation des sépultures. Il en est ainsi depuis des temps immémoriaux et il en sera toujours ainsi ». – Succession de Dudley George et George Family Group[552]

« Il est important de comprendre comment les peuples des Premières Nations perçoivent les lieux de sépulture. Selon nous, nos ancêtres sont vivants et viennent s’asseoir avec nous lorsque nous jouons du tambour et chantons. Puisque nous ne les avons pas enterrés dans des cercueils, la terre et eux sont inséparables. Ils font littéralement et spirituellement partie de la terre qui fait tant partie de nous. C’est une des raisons pour lesquelles nous ressentons des sentiments si forts pour la terre de nos territoires traditionnels — nos ancêtres sont partout. Le seul fait de perturber la terre d’un lieu de sépulture est un sacrilège. Perturber des restes de quelque manière que ce soit nous fait outrage ». – Première Nation non cédée des Chippewas de Nawash[553]

Les gouvernements et organismes de réglementation chargés des activités d’aménagement du territoire (dont l’élaboration de politiques et de lois) pouvant avoir un effet négatif sur la capacité des peuples autochtones de pratiquer la spiritualité autochtone devraient tenir compte de tels effets, les prévenir et les atténuer. Ils devraient également assurer la participation des peuples autochtones au processus de prise de décisions de façon à prévenir et à atténuer encore davantage les effets négatifs et à faciliter la conception inclusive.

En 1996, la Commission royale sur les peuples autochtones (CRPA) a recommandé que les gouvernements rendent les terres sacrées à leurs propriétaires autochtones. La CRPA a aussi recommandé de créer un inventaire des sites historiques et sacrés, d’adopter des mesures législatives pour s’assurer que les peuples autochtones puissent prévenir la profanation de ces sites ou y mettre un terme et de passer en revue les lois touchant la conservation et l’exposition des artefacts culturels pour s’assurer de la participation des peuples autochtones[554].

Le Rapport de la Commission d’enquête sur Ipperwash de 2007 recommande également ce qui suit :

Le gouvernement provincial devrait travailler avec les Premières Nations et les organisations autochtones pour élaborer des politiques qui reconnaissent le caractère unique des lieux de sépulture et sites patrimoniaux autochtones, s’assurer que les Premières Nations sont au courant des décisions touchant les lieux de sépulture et sites patrimoniaux autochtones, et favoriser la participation des Premières Nations au processus décisionnel. Par la suite, ces règles et politiques devraient être incorporées, s’il y a lieu, à la législation provinciale, aux règlements et à d’autres politiques gouvernementales. 

… Des règles et attentes plus claires au sujet de la façon de traiter des lieux de sépulture et sites patrimoniaux autochtones profiteront à tous les Ontariens et Ontariennes et pas seulement aux Premières Nations.

… Cela favoriserait le respect et la compréhension de ces questions dans l’ensemble du gouvernement provincial. Cela favoriserait également la cohérence et la conformité sur le plan de leur application[555].  

Le rapport final de la Commission de vérité et réconciliation du Canada de 2015 :

[Demande] au gouvernement fédéral de collaborer avec les gouvernements provinciaux et territoriaux de même qu’avec les administrations municipales, l’Église, les collectivités autochtones, les anciens élèves des pensionnats et les propriétaires fonciers actuels pour élaborer et mettre en œuvre des stratégies et des procédures qui permettront de repérer, de documenter, d’entretenir, de commémorer et de protéger les cimetières des pensionnats ou d’autres sites où des enfants qui fréquentaient ces pensionnats ont été inhumés. Le tout doit englober la tenue de cérémonies et d’événements commémoratifs appropriés pour honorer la mémoire des enfants décédés[556].

La profanation ou la destruction de lieux ou d’objets sacrés, et (ou) le manque de consultation des communautés autochtones touchées ou de prise en compte des effets de mesures données sur la pratique de leur spiritualité pourraient contrevenir à plusieurs lois provinciales[557], fédérales ou internationales.

La CODP a formulé des recommandations dans le but de mieux tenir compte des droits des autochtones et autres droits de la personne que font intervenir les activités provinciales d’aménagement du territoire[558]. La Déclaration de principe provinciale (DPP) de l’Ontario de 2014, prise en application de la Loi sur l’aménagement du territoire[559], indique que les offices d’aménagement doivent tenir compte des intérêts des communautés autochtones dans le cadre de la conservation du patrimoine culturel et des ressources archéologiques. La DPP inclut à sa définition de patrimoine culturel les immeubles, structures, monuments et zones géographiques, entre autres, pouvant avoir été modifiés par l’activité humaine. La DPP indique aussi qu’elle sera mise en œuvre d’une façon qui respecte et réaffirme les droits des autochtones et droits issus des traités reconnus par la Loi constitutionnelle, ainsi que le Code des droits de la personne de l’Ontario et la Charte canadienne des droits et libertés. La DPP encourage la coordination des questions d’aménagement avec les communautés autochtones[560], y compris lorsqu’il s’agit de gérer le patrimoine naturel et culturel et les ressources archéologiques.

La Couronne (y compris les gouvernements provincial et fédéral) ont le devoir fiduciel de consulter les peuples autochtones et de tenir compte de leurs besoins au moment d’envisager de prendre des mesures ou des décisions qui pourraient avoir des répercussions sur tout droit des autochtones ou droit issu d’un traité établi ou éventuel, ou toute revendication de tel droit aux termes de la Constitution[561].

Aux termes de l’alinéa 2(a) de la Charte, la liberté de religion peut également étendre les protections garanties en matière d’accès à la préservation et à l’usage des lieux et objets sacrés. Ces droits religieux ne dépendent pas de l’existence d’une conviction ou pratique spirituelle autochtone depuis l’époque antérieure au contact avec les Européens[562].

La DDPA contient des dispositions importantes qui devraient orienter la mise à exécution des protections touchant le droit des peuples autochtones d’accéder à leurs lieux et objets sacrés, de les utiliser et de les préserver[563].

Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones, article 12 :

  1. Les peuples autochtones ont le droit de manifester, de pratiquer, de promouvoir et d’enseigner leurs traditions, coutumes et rites religieux et spirituels; le droit d’entretenir et de protéger leurs sites religieux et culturels et d’y avoir accès en privé ; le droit d’utiliser leurs objets rituels et d’en disposer ; et le droit au rapatriement de leurs restes humains.
  2. Les États veillent à permettre l’accès aux objets de culte et aux restes humains en leur possession et/ou leur rapatriement, par le biais de mécanismes justes, transparents et efficaces mis au point en concertation avec les peuples autochtones concernés [nous soulignons].

La Cour interaméricaine des droits de l’homme (CIDH), qui assure l’exécution de la Convention américaine relative aux droits de l’homme, que le Canada n’a pas encore ratifiée, a pris plusieurs décisions importantes qui donnent concrètement effet à de telles dispositions.

Dans Mayagna (Sumo) Awas Tingni Community v. Nicaragua[564], qualifiée de décision historique, la CIDH a décrit l’importance de la terre aux yeux des peuples autochtones et la raison pour laquelle les droits à ce chapitre doivent être protégés [565]:

« Les groupes autochtones, en raison de leur existence même, ont le droit de vivre librement sur leur propre territoire. Le lien étroit entre les peuples autochtones et la terre doit être reconnu, et il doit être entendu qu’il constitue un aspect fondamental de leur culture, vie spirituelle, intégrité et survie économique. Chez les communautés autochtones, le rapport avec la terre n’est pas seulement une question d’appartenance et l’exploitation […] [il a] également une composante matérielle et spirituelle dont elles doivent jouir pleinement, même dans le but de préserver leur patrimoine culturel et le transmettre aux générations futures[566] ».

Objets sacrés

Dans le cadre de leur obligation d’accommodement, les organisations pourraient également être tenues de faciliter et n’ont d’empêcher l’accès aux objets sacrés nécessaires à l’observance d’une pratique spirituelle autochtone dans un domaine social du Code.

« À l’école, les élèves qui veulent se purifier au foin d’odeur se font dire d’aller à l’extérieur, un fait qui les définit en tant qu’« autres ». Un jour, alors que mon fils portait un ballot de remèdes, son enseignant lui a demandé ce qu’il y avait dans son petit sac. Lorsqu’il a répondu qu’il contenait du tabac, on lui a dit de l’enlever parce que le tabac n’était pas permis
à l’école ». – Participant, groupe de travail de la CODP[567]

Exemple : En reconnaissance du lien étroit qu’établissent les Anishnaabe entre la consommation alimentaire traditionnelle et la santé, la culture, la spiritualité et l’identité, le Sioux Lookout Meno Ya Win Health Centre (SLMHC) offre à tous les patients des aliments traditionnels (miichim) une fois par semaine, conformément aux lignes directrices en matière de nutrition. L’hôpital, dont la clientèle compte plusieurs communautés autochtones du Nord-Ouest, offre également un choix de repas miichim surgelés aux patients qui désirent suivre leur régime alimentaire traditionnel au quotidien. Le SLMHC a entamé des négociations avec les autorités appropriées dans le but d’obtenir une exemption des lois et règlements qui auraient d’ordinaire empêché l’hôpital de recevoir, d’entreposer, et de servir des aliments et produits de la chasse (dont l’orignal, le caribou, le castor, le petit gibier, le corégone, l’oie, le canard, les bleuets locaux et le riz sauvage) offerts en don par les chasseurs, cueilleurs et pourvoyeurs locaux[568]. L’exemption permet à l’hôpital de créer un environnement de guérison confortable et familier pour les patients en leur servant des aliments traditionnels. Elle permet aussi à l’hôpital d’assurer l’accommodement des pratiques culturelles et spirituelles autochtones des patients, y compris celles qui exigent l’accès au miichim et son utilisation lors de cérémonies traditionnelles (en vue d’offrandes[569] ou de festins).

Les mesures d’adaptation appropriées qui sont prises ne devraient pas créer de délais indus ou constituer des obstacles inutiles à l’obtention de tels objets, ni créer de risques sur le plan de l’intégrité de tels objets, en contravention des normes, coutumes et lois spirituelles autochtones.

Exemple : À leur arrivée, les autorités pénitencières soumettent les aînés qui offrent du soutien spirituel aux détenus autochtones à de longs processus de fouille et de filtrage, pendant lesquels ils manipulent de façon non appropriée les herbes médicinales et objets cérémoniaux sacrés. Dans les faits, leur façon de manipuler ces objets les rendent inutilisables aux fins auxquelles ils étaient destinés, conformément aux lois coutumières autochtones régissant leur utilisation.

Exemple : Un tribunal compte une salle de purification au foin d’odeur munie d’un système de ventilation où l’on trouve aussi des objets sacrés comme une plume d’aigle. Lorsque des parties à une audience demandent de tenir une plume durant l’audience, on leur apprend que la salle de purification est fermée, rejetant dans les faits leur demande.

Dans des cas exceptionnels, la vérification et la manipulation d’objets, et la restriction de l’accès à ces objets peuvent constituer une exigence de bonne foi (voir la section 9.5.2 de la présente politique).

Les organisations devraient prendre des mesures proactives pour prévenir et limiter les effets négatifs sur les pratiques spirituelles autochtones des personnes, y compris l’élaboration de politiques et de procédures permettant d’assurer l’adoption de mesures d’adaptation appropriées, la manipulation appropriée des objets sacrés et l’accès aux objets sacrés.

Exemple : Le zoo de Toronto a élaboré à l’intention des employés un protocole, des lignes directrices et des activités d’éducation sur la façon de recueillir, de conserver et de distribuer les plumes d’aigle. Beaucoup de personnes autochtones considèrent que les plumes d’aigle sont sacrées, et s’opposent à leur manipulation par des personnes autres que celles prescrites par la loi coutumière. Les plumes d’aigle font d’ailleurs souvent partie de la trousse d’un aîné. 


[487] Selon l’Enquête nationale auprès des ménages de 2011, 62 % (ou 185 655 personnes) répondants autochtones se sont dits chrétiens (à 35 % les catholiques formaient le plus grand groupe confessionnel parmi les répondants autochtones de l’Ontario). Parmi les autochtones de l’Ontario venaient ensuite les personnes disant n’avoir « aucune appartenance religieuse » (32 % ou 96 800 personnes), suivies des personnes disant adhérer à la « spiritualité (autochtone) traditionnelle » (5 % ou 15 285 personnes) (Statistique Canada. « Tableau sur l’Ontario (code 35) », Profil de la population autochtone de l’Enquête nationale auprès des ménages (ENM), produit no 99-011-X2011007 au catalogue de Statistique Canada, Ottawa, 2013, 13 novembre 2013. Extrait le 9 septembre 2014 de www12.statcan.gc.ca/nhs-enm/2011/dp-pd/aprof/index.cfm?Lang=F).

Bien que la « spiritualité (autochtone) traditionnelle » figure comme exemple dans la question sur la religion de l’Enquête nationale auprès des ménages de 2011, Statistique Canada ne définit pas ce terme. Sur le plan national, un peu plus de 64 900 personnes ont rapporté dans ce sondage une appartenance à la spiritualité autochtone traditionnelle, ce qui représente 4,5 % de la population autochtone nationale et 0,2 % de la population dans son ensemble. La plupart des personnes déclarant une appartenance à la spiritualité autochtone traditionnelle vivaient en Ontario (24,5 %) et dans les provinces de l'Ouest, soit l'Alberta (23,3 %), la Saskatchewan (18,9 %) et la Colombie-Britannique (15,9 %) (Statistique Canada. Immigration et diversité ethnoculturelle au Canada, no 99-010-X2011001 au catalogue de Statistique Canada, ISBN : 978-1-100-22197-7, 2013; www12.statcan.gc.ca/nhs-enm/2011/as-sa/99-010-x/99-010-x2011001-fra.cfm).

[488] Selon l’Enquête nationale auprès des ménages de 2011, l’Ontario compte la plus grande population des Premières Nations du Canada (201 100 personnes ou 23,6 % de tous les membres des Premières Nations) (www12.statcan.gc.ca/nhs-enm/2011/as-sa/99-011-x/99-011-x2011001-fra.cfm; extrait le 10 mars 2015). La province compte la deuxième plus grande population de personne se qualifiant de Métis de toutes les provinces (86 015 personnes), ce qui représente 19 0 % de tous les Métis du Canada (www12.statcan.gc.ca/nhs-enm/2011/as-sa/99-011-x/99-011-x2011001-fra.cfm; extrait le 10 mars 2015). Les Inuits représentent environ 1 % des personnes autochtones de l’Ontario (2 035 personnes) : La majorité d’entre eux, soit 82 % habitent dans des centres urbains (www.aboriginalaffairs.gov.on.ca/english/services/datasheets/Inuit.pdf; extrait le 10 mars 2015).

En plus des peuples Inuits et Métis, on compte en Ontario 126 communautés des Premières Nations reconnues par le ministère des Affaires autochtones et du Nord canadien (AADNC) du Canada à titre de « bandes » et plus de 207 réserves et établissements (AADNC, www.aadnc-aandc.gc.ca/eng/1100100020284/1100100020288#ft2a [extrait le 9 septembre 2014]). Parmi les Premières Nations vivant en Ontario figurent peuples mushkegowuk, onkwehonwe et lenape (site Web des Chiefs of Ontario, à l’adresse at www.chiefs-of-ontario.org/faq; extrait le 10 mars 2015).

Ces peuples représentent 14 nations, dont les nations Mushkegowuk (Cri), Mohawk, Tuscarora, Seneca, Cayuga, Oneida, Onondaga (les peuples haudenosaunee – onkwehonwe), Delaware, Mississauga, Chippewa, Pottawotami, Algonquin, Odawa et Anishinabe (les peuples Anishinaabek) (idem).

[489] La Spiritualité autochtone inclut de nombreuses pratiques diverses, dont certaines seulement sont abordées dans la présente politique dans le contexte de questions d’accommodement qui pourraient faire intervenir le Code.

[490] Article 34 de la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones.

[491] Voir supra, note 15, ainsi que l’encadré connexe à la section 3.1 pour en savoir davantage sur ce terme.

[492] Bon nombre des personnes que nous avons consultées nous ont mis en garde contre le fait de définir ou de limiter les termes traitant des peuples autochtones, compte tenu de la longue tradition qu’a le gouvernement d’imposer une définition de l’extérieur, y compris par l’entremise de l’élaboration de politiques. Comme l’indiquait un participant à un groupe de travail : « Il est étrange de participer à un cercle sur les politiques gouvernementales compte tenu de notre histoire, et du fait que ces politiques ont longtemps servi à nous dire quoi faire ».

[493] Par exemple, certaines personnes peuvent intégrer le christianisme et d’autres orientations religieuses ou philosophiques à une vision du monde et une perspective autochtones. D’autres peuvent s’identifier à la dimension d’identité ou de perspective culturelle de la spiritualité autochtone, sans nécessairement croire à un Créateur ou à un monde spirituel.

[494] Participant à un groupe de travail de la CODP, citant une déclaration du plaignant Harry Daniels Jr., telle que citée dans Daniels c. Canada2013 FC 6 (CanLII), au par. 568.

[495] Source : participant, groupe de travail de la CODP.

[496] La CODP a convoqué six groupes de travail durant 2014-2015 à Waterloo, Toronto, Ottawa et Thunder Bay. En tout, les groupes comptaient 23 participants des Premières Nations, 10 participants métis et 14 participants inuits.

[497] Par exemple, le spécialiste du droit John Burrows (2008, p.168) a fait l’observation suivante : « Les peuples autochtones ont un long et tragique passé de persécutions graves au nom des religions européennes ». Burrows, J. « Living Law on a Living Earth: Aboriginal Religion, Law, and the Constitution », dans Moon R. (éd.), Law and Religious Pluralism in Canada (2008), Toronto, UBC Press, p.161-19.

[498] Participant, groupe de travail de la CODP, adapté légèrement pour préserver l’anonymat.

[499] La documentation scientifique du domaine social reconnaît abondamment le rôle principal joué par la spiritualité, la culture et la tradition autochtones dans l’amélioration de la santé et du bien-être, dans le contexte de tels historiques de déplacement et d’oppression. Voir Fleming, J. et Ledogar, R.J. « Resilience and Indigenous Spirituality : A Literature Review », Pimatisiwin : A Journal of Aboriginal and Indigenous Community Health, vol. 6, no 2 (2008). Voir aussi Waldram, J.B. The Way of the Pipe: Aboriginal Spirituality and Symbolic Healing in Canadian Prisons, 1re édition, Toronto, University of Toronto Press, Higher Education Division, 1997.

[500] Participant, groupe de travail de la CODP.

[501] Jock, Christopher Ronwaien :te. « Native American Spirituality for Sale : Sacred Knowledge in the Consumer Age », L. Irwin (éd.), Native American Spirituality  A Critical Reader, Lincoln, University of Nebraska Press, 2000. Cité dans Dre Karen Martin-Hill, Traditional Medicine in Contemporary Contexts  Protecting and Respecting Indigenous Knowledge and Medicine, Ottawa, Organisation nationale de la santé autochtone, 2003, tel que cité par le juge Gethin B. Edward dans Hamilton Health Sciences Corp. v. D.H., 2014 ONCJ 603, au par. 78; raisons additionnels du jugement Hamilton Health Sciences Corp. v. D.H., 2015 ONCJ 229 (CanLII). La Dre Hill, qui a témoigné durant l’affaire D.H., est un médecin des Six Nations qui a fait ses études en « médecine occidentale » mais exploite aussi un cabinet médical sur le territoire des Six Nations en compagnie d’Alba Jamieson, qui pratique la médecine traditionnelle.

[502] En plus des 23 membres de Premières Nations, 10 participants métis et 14 participants inuits ayant participé aux six groupes de travail formés par la CODP en 2014-2015 (un à Waterloo, un à Toronto, trois à Ottawa et un à Thunder Bay), des personnes autochtones ont aussi participé au dialogue stratégique sur la croyance mené par la CODP en 2012, ainsi qu’à son sondage en ligne de 2013 sur les droits de la personne relatifs à la croyance, auquel ont répondu 33 personnes autochtones.

[503] Pour illustrer le caractère global de la spiritualité autochtone, la Direction générale de l’éducation des Autochtones (du Manitoba) affirme ce qui suit : « De nombreuses Premières Nations ont en commun le concept de "mino-pimatisiwin", qui signifie « bonne vie » en langues crie et ojibway. Au cœur de ce concept figure la reconnaissance implicite du fait que toute la vie est une cérémonie; que le tout inclut le sacré et le fait laïque; que les gens sont des êtres entiers (physique, mental, esprit, émotions); et qu’on atteint le "mino- pimatisiwin" en prenant soin de tous les aspects de soi ». Ministère de l’Éducation et de l’Enseignement supérieur du Manitoba. Smudging Protocol and Guidelines For School Divisions, Direction générale de l’éducation des Autochtones, 2014. Extrait le 24 juillet 2015 de www.edu.gov.mb.ca/aed/publications/pdf/smudging_guidelines.pdf.

[504] Par exemple, on nous a dit que pour bon nombre de personnes, la spiritualité autochtone a autant à voir avec la langue et la culture, les formes de savoir et le lien étroit avec la terre, étant donné qu’elle s’articule autour de pratiques cérémoniales traditionnelles comme la purification au foin d’odeur ou la pipe sacrée. Pourtant, les organisations ont tendance à considérer uniquement que le dernier élément fait intervenir la protection du Code au motif de la croyance. Pour un examen des approches juridiques en matière de spiritualité autochtone, voir Burrows, supra, note 497; Ross, M.L. First Nations Sacred Sites in Canada's Courts, University of British Columbia Press, 2005; Beaman, L. « Aboriginal spirituality and the construction of freedom of religion », dans Beaman, L. (éd.), Religion and Canadian Society: Traditions, Transitions, and Innovations (2006), Toronto, Canadian Scholars Press Inc., p. 229-241. Ces penseurs montrent que les lois relatives à la liberté de religion et à l’égalité ont souvent été interprétées de manière à ne protéger qu’un éventail étroit des pratiques jugées sacrées et spirituelles d’un point de vue autochtone. Ils illustrent également que les catégories mêmes de « croyance » et de « religion », qui s’inspirent principalement de l’expérience et de la tradition historique chrétienne, donnent dans la pratique aux concepts occidentaux européens de la religion un statut de « norme par rapport à laquelle mesurer la spiritualité autochtone » ou « en prévoir l’accommodement » (Beaman, 2006, idem, p. 237; voir aussi Burrows, idem, et Beaman, L. « Le chaînon manquant : Tolérance, accommodement et… égalité », Diversité canadienne, vol. 9, no 3 (2012), p. 16-19.Extrait de www.ohrc.on.ca/fr/la-croyance-la-libert%C3%A9-de-religion-et-les-droits-....

[505] Participant, groupe de travail de la CODP. Durant ses consultations avec les peuples autochtones, la CODP a entendu ce point de vue à répétition. Un autre participant a indiqué : « Au sein de notre école […] nous tentons d’anticiper la situation en créant [une ressource sur l’accommodement religieux]. Lorsque les travaux ont débuté, je savais qu’on devait y tenir compte de la perspective autochtone. Mais ce que nous avons n’est pas une religion ou une foi. Qu’elle est donc notre place dans tout ça? »

[506] Fleming et Ledogar, 2008, supra, note 499, p. 47.

[507] John Burrows, professeur à la faculté de droit de l’Université de Victoria et membre de la Première Nation des Chippewas de Nawash, 2008, supra, note 497.

[508] 2002, p. 136-137. Beaman, L. « Aboriginal Spirituality and the Legal Construction of Freedom of Religion », Journal of Church and State, vol. 44, no 1 (2002).

[509] Par exemple, voir Huang v. 1233065 Ontariosupra, note 79.

[510] En Ontario, la plupart des entreprises et services relèvent de la législation provinciale (pour obtenir une liste d’employeurs du secteur privé qui relèvent de la compétence fédérale, voir www.hrsdc.gc.ca/eng/labour/equality/employment_equity/private_ crown/list/index.shtml). Dans le cas des organisations autochtones, il peut être difficile de déterminer si elles sont de compétence fédérale ou provinciale. Cette détermination se fait au cas par cas. Généralement, il s’agit d’examiner non pas l’emplacement du service ou de l’emploi (p. ex. situé ou non dans une réserve) mais plutôt la nature ou le type d’emploi/de service offert, c’est-à-dire s’il s’agit d’un type de service ou d’emploi qui relève généralement de la compétence provinciale (Voir NIL/TU,O Child and Family Services Society c. B.C. Government and Service Employees' Union, [2010] 2 RCS 696, 2010 CSC 45 (CanLII)). Cependant, si le logement, l’emploi ou le service est fourni par un gouvernement des Premières Nations, une bande ou l’un de leurs organismes, ou si la revendication est liée à du financement fédéral, il peut s’agir d’une compétence fédérale. Les organisations qui relèvent de la compétence fédérale peuvent avoir une obligation d’accommodement des pratiques religieuses et spirituelles des peuples autochtones aux ternes de la Loi canadienne sur les droits de la personne et de la Constitution canadienne. Pour en savoir davantage sur la compétence et les droits des peuples autochtones aux termes de la Loi canadienne sur les droits de la personne, voir le Guide explicatif - La Loi canadienne sur les droits de la personne et vous de la Commission canadienne des droits de la personne de 2010, extrait le 22 juin 2015 de www.innu-essipit.com/fichiers/2535/guideexplilcatif.pdf.

[511] Voir la section 9.5 pour connaître le critère juridique de détermination de l’obligation d’accommodement et la section 10.9 pour en connaître davantage sur le préjudice injustifié. Il peut aussi s’avérer nécessaire de tenir compte des besoins de la personne en matière de convictions et de pratiques rattachées à d’autres motifs entrecroisés (p. ex. ascendance, origine ethnique).

[512] Voir par exemple Kelly BCHRT supra, note 79. Voir aussi Ktunaxa Nation v. British Columbia (Forests, Lands and Natural Resource Operations), 2014 BCSC 568, au par. 275 (CanLII) [Ktunaxa Nation], qui accorde aux convictions autochtones le statut de religion aux termes de l’al. 2a) de la Charte. Sur appel, la cour d’appel de la Colombie-Britannique a confirmé cette décision; 2015 BCCA 352 (CanLII), au par. 57.

[513] Voir la section 9.6 pour en savoir davantage sur les raisons légitimes de ne pas accepter de demande d’accommodement de bonne foi.

[514] Dans Forer (supra, note 79), la Cour d’appel de l’Ontario a fait remarquer la variété de religions et de pratiques religieuses au Canada, et souligné le fait qu’une conviction ou pratique qui peut être jugée à caractère religieux par une religion peut être jugée laïque par une autre. La notion de religion ne devrait pas être interprétée selon le point de vue de la « majorité » ou du « courant dominant » d’une société. En même temps, la Cour suprême du Canada a affirmé que l’analyse du lien d’une pratique avec la croyance comprend des éléments objectifs; Bennett supra, note 71 au par. 7, citant la décision de la Cour suprême dans Amselem (supra, note 5), au par. 39. Pour en savoir davantage sur la façon de déterminer si une conviction est rattachée à une religion ou à une croyance, voir la section 9.5. Voir également la section 9.6 pour en apprendre davantage sur les formes appropriées de demandes d’information.

[515] Pour en savoir davantage sur les situations où il est approprié de poser davantage de questions sur les besoins en matière d’accommodement ou les demandes d’accommodement, et la nature et portée appropriées de ces demandes, voir la section 9.6.

[516] Pour un complément d’information sur les composantes procédurales et de fond de l’obligation d’accommodement, voir la section 9.2.

[517] Selon l'article 25 de la Charte :

Le fait que la présente Charte garantit certains droits et libertés ne porte pas atteinte aux droits ou libertés — ancestraux, issus de traités ou autres — des peuples autochtones du Canada, notamment :

a) aux droits ou libertés reconnus par la proclamation royale du 7 octobre 1763;

b) aux droits ou libertés existants issus d’accords sur des revendications territoriales ou ceux susceptibles d’être ainsi acquis.

[518] Selon l'article 35 de la Loi constitutionnelle :         

1) Les droits existants — ancestraux ou issus de traités — des peuples autochtones du Canada sont reconnus et confirmés.

Définition de « peuples autochtones du Canada »

2) Dans la présente loi, « peuples autochtones du Canada » s’entend notamment des Indiens, des Inuits et des Métis du Canada.

Note en marge : Accords sur les revendications territoriales

(3) Il est entendu que sont compris parmi les droits issus de traités, dont il est fait mention au paragraphe (1), les droits existants issus d’accords sur des revendications territoriales ou ceux susceptibles d’être ainsi acquis.

Note en marge : Égalité de garantie des droits des autochtones et droits issus de traités pour les deux sexes

(4) Indépendamment de toute autre disposition de la présente loi, les droits – ancestraux ou issus de traités – visés au paragraphe (1) sont garantis également aux personnes des deux sexes.

L’article 35 s’applique aux droits des autochtones et droits issus de traités qui existaient à compter de 1982 lorsque la Loi constitutionnelle de 1982 est entrée en vigueur, et est assujetti au critère établi dans R. v. Van der Peet. [1996] 2 R.C.S. 507, 1996 CanLII 216 (SCC).

[519] Idem, par. 30.

[520] Idem, aux par. 46 et 63.

[521] Le droit de vivre à l’abri de la discrimination fondée sur la croyance aux termes du Code s’étend aux pratiques, coutumes et traditions autochtones qui ne sont pas protégées aux termes des articles 25 et 35 de la Loi constitutionnelle. L’obligation d’accommodement aux termes du Code peut intervenir lorsqu’il peut être démontré qu’une règle, pratique, norme ou exigence a un effet négatif (préjudiciable) sur une conviction sincère d’une personne autochtone, que cela marque une continuité avec une tradition de l’époque antérieure au contact avec les Européens, ou est partie intégrante d’une telle tradition.

[522] La Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones (DDPA) a été adoptée par l’Assemblée générale des Nations Unies le 13 septembre 2007 à la suite du vote favorable de 143 États. Le Canada était à l’origine l’un de quatre pays (avec les États-Unis, l’Australie et la Nouvelle-Zélande) à voter contrer son adoption en 2007, mais le 3 mars 2010 a déclaré qu’il « prendra des mesures en vue d'appuyer ce document aspiratoire, dans le respect intégral de la Constitution et des lois du Canada » (Canada. Discours du Trône, 3 mars 2010, extrait le 24 juin 2010 de www.pco-bcp.gc.ca/index.asp?lang=fra&page=information&sub=publications&d...).

[523] Les déclarations des Nations Unies fournissent des « normes » reconnues à l’échelle internationale en vue de mesurer la conformité des États au droit international en matière de droits de la personne (y compris ses normes, pactes et conventions). Selon le rapporteur spécial des Nations Unies, S. James Anaya – qui a annoncé en août 2008 qu’il mesurerait la conduite des État envers les peuples autochtones à l’aune de la DDPA. La DDPA représente :

une conception commune autorisée, au niveau mondial, du contenu minimum des droits des peuples autochtones, fondée sur diverses sources tirées du droit international des droits de l’homme […]Les principes et les droits énoncés dans la Déclaration forment ou complètent les cadres normatifs dans lesquels inscrire les activités des organismes et des mécanismes des Nations Unies chargés de la protection des droits de l’homme et des institutions spécialisées en ce qu’elles s’adressent aux peuples autochtones.

(Conseil des droits de l’homme, 2008. Rapport du Rapporteur spécial sur la situation des droits de l’homme et des libertés fondamentales des populations autochtones, S. James Anaya, document des N.-U. A/HRC/9/9, 11 août 2008, par. 85 et 88, p. 24).

« Bien qu’elle n’ait pas en soi, techniquement et aux termes du droit positif de la Charte des Nations Unies, force de loi […] [une] déclaration peut avoir ou obtenir force de loi dans la mesure où les diverses dispositions, éléments fondamentaux ou principes qui y sont enchâssés sont appuyés par des pratiques d’État et opinions de droit correspondants » (Association de droit international, 2010, supra, note 17, p.1 et 6).

D’ailleurs, la DDPA reflète des engagements juridiques déjà enchâssés dans les traités internationaux existants qui peuvent être considérés comme du « droit coutumier » international et, en tant que tel, avoir force de loi (Idem; voir idem pour en connaître davantage sur le statut juridique de la DDPA en droit international). Le premier paragraphe du préambule de la Déclaration traduit cela en partie en stipulant qu’en adoptant la DDPA, l’Assemblée générale était « [g]uidée par les buts et principes énoncés dans la Charte des Nations Unies et convaincue que les États se conformeront aux obligations que leur impose la Charte » [nous soulignons]. Selon le compte rendu de la conférence de l’Association de droit international de 2010 (idem, p.5), « ce texte laisse clairement entendre que le respect de la DDPA représente un pré-requis essentiel du respect par les États de certaines des obligations prévues dans le Charte des Nations Unies ».

[524] DDPA, idem, article 43.

[525] Voir également, par exemple, les articles 8, 10, 11, 13 et 18, et le paragraphe 12(2).

[526] Kelly, BCHRT, supra, note 79.

[527] Meiorin, CSC, 1999, supra, note 241, au par. 68.

[528] Voir la section 9.4 pour en connaître davantage sur les mesures d’accommodement appropriées.

[529] Pour en savoir davantage sur la façon de composer avec les risques sur le plan de la santé et de la sécurité jusqu’au point de préjudice injustifié, voir la section 9.9.

[530] Meiorin, CSC, supra, note 241.

[531] Voir la section 9.1 pour en savoir davantage sur la conception inclusive et la section 12 sur la façon de prévenir et de réagir à la discrimination.

[532] Meno Ya Win vient du mo Oji-Cri « miinoyawin », qui signifie santé, bien-être, mieux-être et intégralité de l’être. Le nom reflète l’approche du centre en matière de santé, « laquelle est atteinte lorsque tous les aspects d’une personne, soit ses dimensions physique, émotionnelle, mentale et spirituelle, forment un tout en équilibre » (SLMHC. Points of Interest - Stories and Traditions, brochure, p. 3).

[533] Le centre de santé offre des services aux résidents de Sioux Lookout et des environs, des communautés du Nord de la Nation anishnawbe-Aski, de la communauté de la Première Nation de Lac Seul du territoire du Traité no 3, en plus de Hudson, Pickle Lake et Savant Lake. Des patients du SLMHC, 85 % vivent dans des communautés sans accès routier et doivent se rendre à Sioux Lookout en avion pour obtenir des soins. Chaque année, environ 30 000 personnes reçoivent des services du centre, dont le territoire est le plus vaste du réseau de la santé de l’Ontario et compte quelque 28 communautés anishinaabe du Nord et quatre collectivités plus au sud.

[534] L’entente quadripartite sur les services hospitaliers de Sioux Lookout, qui a menée à l’établissement de l’hôpital, a été rédigée par des membres du comité de négociation de l’hôpital de Sioux Lookout après quatre années de recherches et de négociations. Les parties à l’entente comprenaient des représentants des 28 chefs des Premières Nations de la zone de Sioux Lookout, de la ville de Sioux Lookout et des gouvernements du Canada et de l’Ontario.

[535] Le SLMHC est dirigé par un conseil d’administration composé de membres bénévoles des communautés des Première Nations et des collectivités de Sioux Lookout, Hudson, Pickle Lake, Savant Lake et des environs. La représentation au conseil est obtenue de façon proportionnelle : les Premières Nations y nomment 10 membres tandis que les collectivités du Sud y nomment cinq membres, deux médecins et un guérisseur traditionnel. Le conseil doit rendre des comptes aux communautés desservies et offrir des renseignements à intervalles réguliers à ces communautés d’une façon appropriée sur le plan culturel.

[536] Les éléments de conception autochtone sont omniprésents et incluent : un périmètre circulaire autour du terrain qui représente la roue médicinale et la philosophie de vie anishnaabe; des salles et des unités orientées conformément aux points cardinaux de la roue médicinale et des enseignements sur le cercle de la vie (p. ex. la maternité se trouve du côté est de l’établissement et les unités de soins palliatifs du côté ouest, conformément aux convictions anishinaabe sur les sept stades de la vie, représentées par les points cardinaux de la roue médicinale, qui débutent à l’Est et suivent la roue jusqu’à l’Ouest); un couloir principal conçu dans la forme d’un canot tourné vers le haut et illuminé par un puits de lumière; deux cours intérieures aménagées dans la forme d’un lit de rivière sinueux; quatre grands rochers grand-père orientés vers les quatre points cardinaux près de l’entrée principale de l’immeuble, et un foyer au centre pour la tenue de cérémonies spéciales et sacrées.

[537] Pour obtenir d’autres renseignements sur la compétence culturelle, dont sa définition, voir la section 12.1.

[538] Voir la section 12.

[539] Pour certains Cris, les produits de l’oie sont des « remèdes » qui ont une fonction thérapeutique importante.

[540] Les groupes de travail ont fait part à la CODP de telles activités. Pour en savoir davantage sur la signification de la chasse à l’oie et de la cérémonie de la première sortie, voir le site Web de l’Institut culturel cri AANISCHAAUKAMIKW, à l’adresse : www.creeculturalinstitute.ca/ (extrait le 12 mars 2015).

[541] Il peut y avoir également une obligation d’accommodement des personnes au motif de l’état familial et de l’ascendance.

[542] Nous avons entendu que les noms pouvaient créer des liens et des rapports spirituels entre les gens, et qu’une personne pouvait présenter certaines des caractéristiques de son homonyme.

[543] Voir la section 5.1. pour en savoir davantage sur la primauté du Code et les sections 9.8 et 9.11.4 pour en savoir davantage sur la relation entre le Code et les dispositions des conventions collectives en milieu syndiqué.

[544] Mémoire des Chiefs of Ontario, 2e partie, au par.76, tel que cité au p.135 du Rapport de la Commission d’enquête sur Ipperwash de 2007. « Lieux de sépulture et sites patrimoniaux autochtones », Rapport de la Commission d’enquête sur Ipperwash, l’honorable Sidney B. Linden, commissaire, Toronto, Publications Ontario, vol. 2, chap. 6 (site web : www.attorneygeneral.jus.gov.on.ca/inquiries/ipperwash/fr/index.html). Le gouvernement de l’Ontario a créé la Commission d’enquête sur Ipperwash aux termes de la Loi sur les enquêtes publiques pour faire enquête et rapport sur les événements entourant le décès de Dudley George, tué par balle en 1995 lors d’une manifestation organisée par des représentants des Première Nations au parc provincial Ipperwash. L’enquête avait aussi pour mandat de formuler des recommandations en vue d’éviter la violence dans des situations similaires à l’avenir. Les audiences ont débuté à Forest, en Ontario, en juillet 2004, sous la direction d’un commissaire nommé, l’honorable Sidney B. Linden, et se sont terminées en août 2006. Rendu public le 31 mai 2007, le rapport est accessible à l’adresse www.attorneygeneral.jus.gov.on.ca/inquiries/ipperwash/fr/report/index.html (extrait pour la dernière fois le 22 juin 2015).

[545] Idem. « La présence européenne est relativement récente et remonte à il y a environ 400 ans. Par conséquent, la période « ultérieure aux contacts » représente moins de 4 % de l’histoire humaine de la province » (idem).

[546] « Aujourd’hui, le gouvernement provincial possède environ 87 % des terres en Ontario. Environ 12 % des terres sont privées. Les terres de réserve des Premières Nations et les terres fédérales telles que les parcs nationaux représentent le reste (1 %) Fait peu surprenant, la plupart des lieux de sépulture et sites patrimoniaux autochtones sont situés à l’extérieur des limites des réserves » (idem, renvoyant à Respecting and Protecting the Sacred de Darlene Johnston [document d’information de l’enquête sur Ipperwash]).

[547] Selon les conclusions de la Commission d’enquête sur Ipperwash :

Il se peut que 8 000 sites patrimoniaux aient été détruits dans les municipalités régionales de Halton, Durham, Peel et York entre 1951 et 1991, la plupart d’entre eux avant 1971. Certains rapports mentionnent qu’environ 25 % de ces sites représentaient des ressources archéologiques importantes et méritaient une certaine enquête archéologique parce qu’ils auraient pu contribuer de manière significative à notre compréhension du passé, ou justifiaient une protection totale parce qu’il s’agissait de lieux ayant une signification culturelle pour les descendants des peuples des Premières Nations qui les avaient créés. On a constaté un « ralentissement marqué » du rythme de destruction de sites archéologiques dans la province [...] Pourtant, le risque de perte à l’avenir demeure très élevé en raison « de la croissance et du développement continus », notamment dans le Sud de l’Ontario, la région qui connaît le plus fort développement.

(Idem, p. 169-170, citant des chiffres des Archaeological Services Inc., “Legislation,” www.archaeologicalservices.on.ca/legislation.htm> [extrait le 24 janvier 2007]).

Le rapport poursuit : “La pression liée à cette question semble monter. D’autres affrontements sont à prévoir si nous n’agissons pas rapidement et de manière réfléchie » (Idem, p. 129). Voir aussi Ross, supra, note 504, et Burrows, supra, note 497, pour un complément d’information sur la nature des menaces guettant les lieux sacrés autochtones et du rôle du droit canadien à ce chapitre.

[548] Voir, par exemple, R. c. Sioui, [1990] 1 R.C.S. 1025. Quatre hommes hurons de la réserve indienne de Lorette qui sont entrés dans le parc de la Jacques-Cartier (un parc provincial situé près de la réserve) pour mettre en pratique certaines coutumes ancestrales et rites religieux ont été trouvés coupables d’avoir abattu des arbres, campé et fait des feux à des endroits non désignés à cette fin. La Cour d’appel du Québec a infirmé la déclaration de culpabilité. Le procureur général du Québec a fait appel. Dans une décision unanime, la Cour suprême du Canada a rejeté l’appel. La Cour suprême a déterminé que les Hurons à Lorette avaient conclu un traité avec les Britanniques en 1760 qui leur garantissait le droit d’exercer leurs coutumes et rites religieux dans des endroits situés « sur tout le territoire fréquenté par les Hurons à l'époque en autant que l'exercice des coutumes et des rites ne serait pas incompatible avec l'utilisation particulière que la Couronne ferait de ce territoire » [au par. 1070]. La Cour a statué que le procureur général du Québec n’avait pas pu établir que l’exercice des coutumes et rites hurons était incompatible avec l’aménagement d’un parc par la Couronne sur le territoire visé par la cause.

Voir aussi l’affaire Kelly Lake Cree Nation v. Canada (Ministry of Energy and Mines), [1998] B.C.J. No. 2471, [1999] 3 C.N.L.R. 126, au par. 23 (B.C.S.C.) (QL) [Kelly Lake Cree], dans le cadre de laquelle le tribunal a reconnu que le secteur de Twin Sisters Peaks en Colombie-Britannique revêtait une importance considérable sur le plan spirituel pour la Nation crie de Kelly Lake et la Première Nation des Saulteaux. Au regard du lien entre la terre et l’exercice des droits religieux, le tribunal a indiqué (aux par. 189-190) : « Le secteur des montagnes Twin Sisters constitue un aspect territorial de l’exercice des coutumes et droits religieux même si les éléments de preuve de l’exercice réel des coutumes religieuses, dans la pratique, se font rares. Les coutumes et droits religieux s’inscrivent dans la dimension prophétique et d’intendance intellectuelle que les Premières Nations accordent aux montagnes Twin Sisters. J’accepte que les pratiques religieuses de la Nation crie de Kelly Lake comportent un aspect territorial s’articulant autour des montagnes Twin Sisters même si aucune utilisation de ce secteur ne se fait à l’heure actuelle, et ne s’est fait dans un passé récent, à de telles fins ».

[549] S’ils sont bien connus, c’est principalement en raison des conflits profonds et hautement médiatisés qui ont entouré les efforts des communautés autochtones en vue de protéger des lieux de sépulture ancestraux contre la profanation et la destruction, comme à Oka et Ipperwash.

[550] « Le terme « Anishnaabeg » désigne les gens qui parlent l’anishinaabemowin, de sorte qu’il comprend les Odawas, les Potamwatomis, les Ojibways, les Mississaugas, ainsi que certaines autres tribus aux États-Unis » (Darlene Johnston, Respecting and Protecting the Sacred, document d’information de la Commission d’enquête sur Ipperwash, tel que cité dans le Rapport de la Commission d’enquête sur Ipperwash, idem, p. 183).

[551] Idem, p. 130. Pour obtenir un autre compte rendu détaillé de la nature sacrée des lieux de sépulture ancestraux des Anishnaabegs, voir l’affidavit de Darlene Johnston, professeure adjointe à la faculté de droit de l’Université de Toronto, tel que cité au par. 45 de l’arrêt Hiawatha First Nation v. Ontario (Minister of the Environment), 2007 CanLII 3485 (ON SCDC). Cette affaire avait trait à un litige foncier dans la région de Pickering.

[552] Présentation faite à la Commission d’enquête sur Ipperwash par la succession de Dudley George et des membres de la famille de Dudley George, p. 46, telle que citée dans le Rapport de la Commission d’enquête sur Ipperwashsupra, note 546, p. 165. Le document indique : « Voilà qui explique pourquoi le chef et le conseil ont demandé que le cimetière au parc Ipperwash soit clôturé et préservé lorsqu’il a été découvert en 1937. Voilà aussi une partie de la raison pour laquelle les gens de Stony Point ont occupé le parc en septembre 1995 – pour récupérer les cimetières de leurs ancêtres qui avaient été profanés ».

[553] Under Siege : How the People of the Chippewas of Nawash Unceded First Nation Asserted their Rights and Claims and Dealt with the Backlash (projet de l’enquête), p.21, tel que cité à la p. 131 du Rapport de la Commission d’enquête sur Ipperwash (Idem).

[554] Rapport de la Commission d’enquête sur Ipperwashsupra, note 544, p. 148, renvoyant à la Commission royale sur les peuples autochtones, Rapport de la Commission royale sur les peuples autochtones, vol. 2 : Une relation à redéfinir (Ottawa, Approvisionnements et Services Canada, 1996), (chap. 4, « Terres et ressources », recommandations no 2.4.58, 3.6.1 et 3.6). Il est à noter cependant que les Chiefs of Ontario ont rejeté la « création d’un “inventaire” de sites sacrés », comme le recommande la CRPA, indiquant dans leur mémoire à la Commission d’enquête sur Ipperwash (p. 77) : « À notre avis, toute tentative à cet effet mettrait en évidence les régions qui ne devraient pas être exposées et portées à l’attention du grand public et exposerait ainsi ces régions à un risque d’exploitation réel. De plus, elle pourrait créer l’effet illusoire d’imposer des limites quant au nombre de régions à inclure dans un tel inventaire.» (p. 135)

[555] Recommandation no 22, idem, p. 181,162, et 172. Voir les autres recommandations aux p. 181-182. Le rapport indique également : « À mon avis, la meilleure façon d’éviter les occupations autochtones concernant les lieux de sépulture et sites patrimoniaux autochtones consiste à faire participer les peuples autochtones au processus décisionnel. Ce type de participation est compatible avec l’honneur de la Couronne et avec les thèmes généraux du présent rapport » (p. 162).

[556] Commission de vérité et réconciliation du Canada. Honorer la vérité, réconcilier pour l’avenir : Sommaire du rapport final de la Commission de vérité et réconciliation du Canada, p. 293. Extrait le 2 4 juin 2015 de l’adresse www.trc.ca/websites/trcinstitution/File/French_Exec_Summary_web_revised.pdf

[557] Voir le Rapport de la Commission d’enquête sur Ipperwash (supra, note 544) pour obtenir un examen du régime juridique provincial complexe régissant les sites patrimoniaux et lieux de sépulture autochtones (y compris les sites et lieux sacrés), y compris les forces et restrictions des lois et règlements actuels, par exemple : Loi sur les cimetièresLoi sur les services funéraires et les services d’enterrement et de crémationLoi sur les terres publiquesLois sur les évaluations environnementalesLoi sur le patrimoine de l’OntarioLoi sur l’aménagement du territoireLoi sur la planification et l’aménagement du territoire de l’Ontario; et depuis 2011, Normes et directives à l’intention des archéologues-conseils, etc.

[558] Voir CODP. Mémoire de la Commission ontarienne des droits de la personne au ministre des Affaires municipales et du Logement sur les modifications proposées à la Déclaration de principes provinciale relative à l’aménagement du territoire, 23 novembre 2012. Offert en ligne à l’adresse : www.ohrc.on.ca/fr/examen-de-la-d%C3%A9claration-de-principes-provinciale....

[559] Offerte en ligne à l’adresse www.mah.gov.on.ca/AssetFactory.aspx?did=10463 (extrait le 24 juin 2015).

[560] Voir le document Déclaration de principes provinciale de 2014 : Principaux changements par domaine de politiques, offert en ligne à l’adresse : www.mah.gov.on.ca/AssetFactory.aspx?did=10547

[561] Voir, par exemple, les décisions de la Cour suprême dans Nation haïda c. Colombie-Britannique (Ministre des Forêts) 2004 SCC 73, [2004] 3 R.C.S. 511; R. c. Sparrow, [1990] 1 R.C.S. 1075; Première Nation Tlingit de Taku River c. Colombie-Britannique (Directeur d’évaluation de projet) 2004 CSC 74, [2004] 3 R.C.S. 550; Première nation crie Mikisew c. Canada (Ministre du Patrimoine canadien) 2005 CSC 69, [2005] 3 R.C.S. 388. Voir également les décisions plus récentes de la CSC dans Rio Tinto Alcan Inc. c. Conseil tribal Carrier Sekani, 2010 CSC 43, [2010] 2 R.C.S. 650 et Beckman c. Première Nation de Little Salmon/Carmacks 2010 CSC 53, [2010] 3 R.C.S. 103, dans laquelle la Cour suprême a également expliqué que l’obligation de consulter est un devoir constitutionnel qui fait intervenir l’honneur de la Couronne et doit être respecté.  

[562] Cependant, dans Kelly Lake Creesupra, note 548, et Ktunaxa Nationsupra, note 512, les tribunaux ont reconnu que l’al. 2a) aurait pu s’appliquer, mais que, selon les faits dont ils étaient saisis, les projets en cause (un puits de gaz et une station de ski) ne contreviendraient pas aux droits religieux des autochtones aux termes de la Charte. Les tribunaux ont déclaré que l’al. 2a) « ne protège pas un concept d’intendance d’un lieu de culte au motif de la liberté de religion » (Kelly Lake Cree, au par. 195) ni qu’il restreignait ou limitait le comportement d’autres personnes ou groupes qui n’adhèrent pas aux convictions religieuses du groupe afin de préserver le caractère religieux subjectif associé à un endroit (Ktunaxa Nation, BCCA, aux par. 73-74).

Pour un aperçu de la façon dont les tribunaux judiciaires canadiens ont composé avec les revendications de droits des autochtones portant sur les lieux sacrés, voir Ross (supra, note 504) et Burrows (supra, note 497). Pour un aperçu des résultats des revendications de droits religieux autochtones portant sur les lieux sacrés en Australie, au Canada, en Nouvelle-Zélande et aux États-Unis, voir Collins, Richard B. « Sacred Sites and Religious Freedom on Government Land »U. Pa. J. Const. L., vol. 5 no 2 (2003), p. 241.

[563] Plusieurs articles de la DDPA devraient être pris en compte, dont :

Article 8

1. Les autochtones, peuples et individus, ont le droit de ne pas subir d’assimilation forcée ou de destruction de leur culture.

2. Les États mettent en place des mécanismes de prévention et de réparation efficaces visant :

(a) Tout acte ayant pour but ou pour effet de priver les autochtones de leur intégrité en tant que peuples distincts, ou de leurs valeurs culturelles ou leur identité ethnique;

(b) Tout acte ayant pour but ou pour effet de les déposséder de leurs terres, territoires ou ressources;

Article 11

1. Les peuples autochtones ont le droit d’observer et de revivifier leurs traditions culturelles et leurs coutumes. Ils ont notamment le droit de conserver, de protéger et de développer les manifestations passées, présentes et futures de leur culture, telles que les sites archéologiques et historiques, l’artisanat, les dessins et modèles, les rites, les techniques, les arts visuels et du spectacle et la littérature.

2. Les États doivent accorder réparation par le biais de mécanismes efficaces — qui peuvent comprendre la restitution — mis au point en concertation avec les peuples autochtones, en ce qui concerne les biens culturels, intellectuels, religieux et spirituels qui leur ont été pris sans leur consentement préalable, donné librement et en connaissance de cause, ou en violation de leurs lois, traditions et coutumes.

Article 12

1. Les peuples autochtones ont le droit de manifester, de pratiquer, de promouvoir et d’enseigner leurs traditions, coutumes et rites religieux et spirituels ; le droit d’entretenir et de protéger leurs sites religieux et culturels et d’y avoir accès en privé; le droit d’utiliser leurs objets rituels et d’en disposer; et le droit au rapatriement de leurs restes humains.

2. Les États veillent à permettre l’accès aux objets de culte et aux restes humains en leur possession et/ou leur rapatriement, par le biais de mécanismes justes, transparents et efficaces mis au point en concertation avec les peuples autochtones concernés.

Article 18

Les peuples autochtones ont le droit de participer à la prise de décisions sur des questions qui peuvent concerner leurs droits, par l’intermédiaire de représentants qu’ils ont eux-mêmes choisis conformément à leurs propres procédures, ainsi que le droit de conserver et de développer leurs propres institutions décisionnelles.

Article 25

Les peuples autochtones ont le droit de conserver et de renforcer leurs liens spirituels particuliers avec les terres, territoires, eaux et zones maritimes côtières et autres ressources qu’ils possèdent ou occupent et utilisent traditionnellement, et d’assumer leurs responsabilités en la matière à l’égard des générations futures [nous soulignons].

[564] Mayagna (Sumo) Awas Tingni Community v. Nicaragua [31 Aug 2001], Inter-Am. Ct. H.R. (Ser.C) No 79, offert en ligne sur le site Web de l’Organisation des États américains, au www.oas.org/fr/default.asp, au par. 149; cité dans Ross, supra, note 504, p. 1.

[565] Ross, idem, p. 1. Pour en savoir davantage sur l’importance de ce jugement, voir aussi Association de droit international. Interim Conference Report, 2010, supra, note 17.

[566] CIDH, dans Mayagna (Sumo) Awas Tingni Community v. Nicaraguasupra, note 564, au par. 149; cité dans Ross, idem. Selon l’Association de droit international (supra, note 17, p. 47), la CIDH a depuis « proclamé de nombreux autres principes importants relatifs aux droits fonciers et droits culturels des peuples autochtones, plus particulièrement : le fait qu’on empêche aux peuples autochtones d’exercer leurs rituels conformément à leurs propres traditions (notamment l’exercice de leurs pratiques coutumières visant à honorer convenablement les morts) et qu’on les exclut de leur terres traditionnelles constitue "une épreuve-souffrance émotionnelle, psychologique, spirituelle et économique telle que l’État contrevient au par. 15(1)" [Convention américaine relative aux droits de l’homme] (qui préconise le droit de chaque personne "au respect de son intégrité physique, psychique et morale") [note de fin de page 311 : Voir l’affaire Moiwana Community v. Suriname, Series C No. 124, jugement rendu le 15 juin 2005 par. 98 ff] […] ». La CIDH a aussi statué à l’appui du principe d’ « [établissement] de monuments commémoratifs à la mémoire des torts causés aux peuples autochtones » (Association de droit international, supra, note 17, p. 48, paraphrasant la CIDH, idem, au par. 218), lequel principe a aussi été affirmé par la Commission de vérité et réconciliation du Canada, notamment dans son rapport final de 2015 (extrait le 24 juin 2015 à l’adresse www.trc.ca/websites/trcinstitution/File/French_Exec_Summary_web_revised.pdf).

[567] Participant, groupe de travail de la CODP.

[568] L’hôpital a aussi pris des mesures pour se conformer à de tels règlements dans la mesure du possible, jusqu’au point de préjudice injustifié. Cela a inclut l’aménagement de cuisine et de congélateurs séparés pour l’entrepose du gibier sauvage abattu par les chasseurs des Premières Nations locale, afin de se conformer aux règlements limitant l’usage et l’entreposage de tels aliments en milieu hospitalier.

[569] Par exemple, nous avons entendu parler d’une cérémonie durant laquelle on brûlait une petite portion d’un aliment traditionnel dans un bol cérémonial d’écorce de bouleau, puis l’offrait en offrande ou le plaçait à côté d’un arbre en guise s’offrande à l’arbre.

[570] Cet exemple est basé sur les directives sur l’accommodement religieux de 2014 du Conseil scolaire de district de la région de York, supra, note 280.

[571] Olarte v. DeFilippis and Commodore Business Machines Ltd. (No. 2) (1983), 4 C.H.R.R. D/1705 (Ont. Bd. Of Inq.), confirmé dans (1984), 49 O.R. (2d) 17 (Div. Ct.).

[572] Voir Payne v. Otsuka Pharmaceutical Co. (No. 3) (2002), 44 C.H.R.R. D/203 (Ont. Bd. Inq.), au par. 63 : « La nature du moment où un tiers ou une personne secondaire serait mêlé à la chaine de discrimination dépend des faits. Cependant, des principes généraux peuvent être établis. Le facteur clé est le contrôle ou le pouvoir que l’intimé incident ou indirect avait à l’égard du plaignant et de l’intimé principal. Plus le contrôle ou le pouvoir est grand sur la situation et sur les parties, plus impérative est l’obligation juridique de ne pas tolérer ou appuyer l’acte discriminatoire. Le pouvoir ou le contrôle est important, car il implique la capacité de rectifier la situation ou de faire quelque chose pour améliorer les conditions ».

[573] Voir Wamsley v. Ed Green Blueprinting, 2010 HRTO 1491 (CanLII).

[574] Kinexus Bioinformatics Corp. v. Asad, 2008 BCHRT 293; demande d’examen judiciaire rejetée Kinexus Bioinformatics Corporation v. Asad, 2010 BCSC 33 (CanLII). Voir aussi Dastghib v. Richmond Auto Body Ltd. (No. 2)supra, note 134.

[575] Wall v. University of Waterloo (1995), 27 C.H.R.R. D/44, aux par. 162-167 (Ont. Bd. Inq.). Ces facteurs aident à évaluer le caractère « raisonnable » de la réaction d’une organisation à du harcèlement, lequel peut avoir un effet sur les conséquences juridiques du harcèlement. Voir aussi Laskowska v. Marineland of Canada Inc., 2005 HRTO 30 (CanLII).

[576] Pour assurer un accès complet, il est nécessaire de veiller à ce que les nouvelles organisations et installations, et les nouveaux services et programmes ne renferment pas d’obstacles à l’emploi, au logement ou à l’obtention de services pour les adhérents à des religions et croyances diverses. Il faut aussi cerner et éliminer les obstacles existants. Tout processus d’élimination des obstacles devrait inclure l’examen de l’accessibilité, des politiques, des pratiques, des processus décisionnels et de la culture d’ensemble de l’organisation. Au moment d’assurer la conception inclusive et d’éliminer les obstacles, les organisations devraient consulter des adhérents à diverses croyances pour accroître leur compréhension de la diversité des besoins des gens et des façons les plus efficaces de combler ces besoins.

[577] L’éducation en matière de droits de la personne est la plus efficace quand elle s’accompagne d’une stratégie proactive solide de prévention et d’élimination des obstacles à la participation équitable, et de politiques et procédures efficaces de règlement des questions de droits de la personne qui surviennent. À elle seule, l’éducation sur les besoins en matière d’accommodement de la croyance ne suffit pas à modifier le comportement de personnes ou la culture d’une organisation. Les programmes qui mettent l’accent sur l’éducation, la sensibilisation et la modification des attitudes devraient aussi évaluer leur niveau de réussite en matière de modification des comportements à court et long terme, et les changements que cela a entraîné sur le plan des obstacles discriminatoires.

[578] La stigmatisation et les stéréotypes associés à certaines croyances, le manque de connaissance de ses droit et les peurs de représailles pourraient contribuer au fait que les gens ne savent pas comment déposer une plainte ou évitent de le faire, même s’ils sont d’avis que leurs droits de la personne ont été bafoués. Les organisations devraient veiller à fournir des renseignements et des formations adéquates sur le dépôt de plaintes, et indiquer clairement que les personnes qui déposent une plainte ne risquent aucunes représailles.

[579] Les stratégies générales de promotion des droits de la personne s’articulent habituellement autour de l’élaboration de politiques de lutte contre la discrimination et le harcèlement à l’interne et de politiques et de procédures d’accommodement. L’élaboration des politiques et procédures devraient prendre en considération les besoins spécifiques des adhérents à des religions et croyances diverses. Cela pourrait nécessiter l’élaboration d’une politique distincte et (ou) des lignes directrices traitant tout particulièrement des droits de la personne, de la croyance et de l’observance des pratiques rattachées à la croyance.

[581] Cross, T. L., Bazron, B. J., Dennis, K. W. et Isaacs, M. R. Towards a culturally competent system of care, Washington, DC, CAASP Technical Assistance Center, 1989. Dans cette optique, la compétence culturelle inclut non seulement les attitudes, la conscientisation, le savoir et les aptitudes sur le plan interpersonnel, mais aussi les politiques et structures sur le plan institutionnel et systémique qui permettent aux personnes et aux organisations de travailler de façon efficace en situations transculturelles. Cross et coll. qualifient la culture de « modèle intégré de comportement humain qui inclut les pensées, les styles de communication, les actions, les coutumes, les convictions, les valeurs et les institutions d’un groupe racial, ethnique, confessionnel ou social » (1989, p. 13). Des articles plus récents font aussi référence aux « cultures » LGBTQ, parmi d’autres sous-communautés culturelles.

Code Grounds: 

12. Prévention de la discrimination et intervention

La responsabilité ultime de maintenir un environnement libre de discrimination et de harcèlement revient aux employeurs, fournisseurs de logements, fournisseurs de services et autres parties responsables visées par le Code. Il n’est pas acceptable de choisir de fermer les yeux sur les situations de discrimination ou de harcèlement fondé sur la croyance, qu’une plainte pour violation des droits de la personne ait été déposée ou non.

Les organisations et les groupements qui exercent des activités en Ontario sont légalement tenus de prendre des mesures pour prévenir et régler les cas de violation du Code. Les employeurs, fournisseurs de logements, fournisseurs de services et autres parties responsables doivent veiller à maintenir des milieux accessibles et inclusifs qui respectent les droits de la personne et sont libres de discrimination et de harcèlement. Le fait d’autonomiser tous les membres de la société, quelle que soit leur croyance, et de les encourager à participer à la vie communautaire à tous les niveaux profite à l’ensemble de la société.

Exemple : Un conseil scolaire élabore des directives détaillées en matière de conception inclusive et de gestion de l’accommodement religieux dans les écoles. Au début de chaque année, l’école invite les élèves, familles et employés à l’informer de toute conviction ou pratique qui nécessiterait un accommodement au moyen de formulaires d’invitation à l’accommodement religieux, utilisés et distribués de façon proactive, et de questions posées durant les rencontres parents-enseignants[570].

Les employeurs, fournisseurs de logements, fournisseurs de services et autres parties responsables contreviennent au Code lorsqu’ils enfreignent celui-ci directement ou indirectement, intentionnellement ou non intentionnellement, ou lorsqu’ils ne l’enfreignent pas directement, mais autorisent, tolèrent ou adoptent une conduite contraire au Code.

Aux termes de l’article 46.3 du Code, les personnes morales, les syndicats, les associations commerciales ou professionnelles, les associations non dotées de la personnalité morale et les organisations patronales sont tenus responsables de la discrimination, que ce soit par des actions ou des omissions, pratiquée par des employés ou des mandataires dans l’exercice de leurs fonctions. C’est ce qu’on appelle la responsabilité du fait d’autrui. Autrement dit, la Commission est d’avis qu’une organisation est responsable de la discrimination qui résulte des actions de ses employés ou mandataires dans le cours normal de leurs fonctions, que l’organisation ait été ou non au courant de ces actions, qu’elle y ait ou non participé ou qu’elle ait eu ou non sur ces actions un quelconque contrôle.

Exemple : Le personnel d’une coopérative de logements refuse d’enquêter sur les allégations d’une locataire selon lesquelles un autre locataire fait à son égard de la discrimination fondée sur la croyance ou l’origine ethnique. Le conseil de la coopérative pourrait être tenu responsable du fait d’avoir toléré la discrimination et refusé de réagir aux allégations.

La responsabilité du fait d’autrui ne s’applique pas à la violation des articles du Code portant sur le harcèlement. Toutefois, comme le maintien d’un milieu empoisonné est une forme de discrimination, la responsabilité du fait d’autrui est restaurée lorsque le harcèlement aboutit à la création d’un milieu empoisonné. De plus, dans une telle situation, la « théorie organique de la responsabilité des sociétés » peut s’appliquer. Cela signifie qu’une organisation peut être responsable des actes de harcèlement de ses employés s’il peut être démontré que les membres de sa direction étaient au courant du harcèlement ou que l’auteur du harcèlement fait partie de la direction ou de l’« âme dirigeante » de l’organisation[571].

Le cas échéant, les décisions, actions ou omissions de l’employé engagent la responsabilité de l’organisation dans des causes de harcèlement si :

  • l’employé qui fait partie de l’« âme dirigeante » s’adonne à du harcèlement ou à un comportement non approprié qui est contraire au Code
  • l’employé qui fait partie de l’« âme dirigeante » ne réagit pas de façon adéquate au harcèlement ou au comportement non approprié alors qu’il en est au courant ou devrait raisonnablement en être au courant.

En règle générale, les cadres et les principaux décideurs d’une organisation constituent son « âme dirigeante ». En contexte d’emploi, les employés qui n’ont qu’une autorité de supervision peuvent également faire partie de l’« âme dirigeante » s’ils agissent ou paraissent agir en qualité de représentants de l’organisme. Même des non-superviseurs peuvent être considérés comme faisant partie de l’« âme dirigeante » s’ils ont de fait une autorité de supervision ou une responsabilité notable dans l’encadrement des employés. Le chef d’équipe d’une unité de négociation en est un exemple.

Aux termes de leurs obligations en matière de droits de la personne, les organisations doivent éviter de tolérer ou de perpétuer un acte discriminatoire déjà survenu pour ne pas poursuivre l’acte discriminatoire initial ou en prolonger la durée. Cette obligation s’étend aux personnes qui, sans être les principales parties concernées, se retrouvent dans une situation discriminatoire en raison de relations contractuelles ou autres[572].

Selon les circonstances, les employeurs, fournisseurs de logements, fournisseurs de services et autres parties peuvent être tenus responsables de ne pas être intervenus pour faire cesser la discrimination ou le harcèlement commis par des tierces parties (comme des usagers de services, clients et entrepreneurs)[573].

Des organisations multiples peuvent être tenues conjointement responsables d’une même situation de discrimination. Par exemple, un syndicat peut être tenu responsable de discrimination, de concert avec l’employeur, s’il a contribué à la mise en application de politiques ou de mesures discriminatoires en milieu de travail, p. ex. en négociant les dispositions discriminatoires d’une convention collective, en bloquant un accommodement approprié ou en ne prenant pas de mesure pour éliminer le harcèlement ou assainir un milieu de travail empoisonné.

Les instances qui rendent des décisions en matière de droits de la personne tiennent souvent des organisations responsables de n’être pas intervenues adéquatement pour stopper des situations de discrimination ou de harcèlement, et fixent des dommages-intérêts en conséquence.

Exemple : Un employé a été soumis à une enquête humiliante de la GRC après qu’une de ses collègues de travail communique avec la GRC pour dire qu’elle le soupçonne d’avoir été mêlé aux attentats du 11 septembre. Un tribunal a déterminé que la collègue avait agit sur la base de stéréotypes à propos de la religion musulmane du requérant. Le tribunal a également conclu que l’employeur n’était pas responsable du signalement à la GRC, qui avait été effectué à l’extérieur du milieu de travail, mais qu’il était responsable du profilage racial discriminatoire effectué au sein du milieu de travail parce qu’il avait laissé les soupçons à l’endroit du requérant perdurer sans intervenir pour en atténuer les effets. Au lieu de cela, l’employeur avait laissé l’employé se démener seul dans un milieu de travail empoisonné[574].

Même si une organisation intervient après avoir reçu une plainte de discrimination ou de harcèlement, elle peut être tenue responsable de ne pas avoir réagi adéquatement si le problème sous-jacent n’est pas résolu. Le milieu peut demeurer empoisonné et la culture organisationnelle propice au harcèlement après que l’organisation a fait en sorte que cesse le comportement des personnes responsables du harcèlement. En pareil cas, une organisation doit prendre d’autres mesures, comme organiser des activités de formation et d’éducation, pour mieux régler le problème.

Au moment de déterminer si une organisation a respecté son devoir d’intervention pour régler une plainte relative aux droits de la personne, on doit envisager :

  • les procédures en place à ce moment pour régler les situations de discrimination et de harcèlement
  • la rapidité d’intervention de l’organisation en vue de régler la situation
  • le sérieux accordé à la plainte
  • les ressources affectées au règlement de la plainte
  • si ou non l’organisation a créé un environnement sain pour la personne qui s’est plainte
  • si ou non les mesures prises ont mené à un règlement approprié de la situation
  • dans quelle mesure les mesures prises ont été adéquatement communiquées à l’auteur de la plainte[575].

Les organisations devraient élaborer des stratégies pour prévenir la discrimination fondée sur l’ensemble des motifs du Code, en prenant particulièrement en compte les droits de la personne relatifs à la croyance.

Les stratégies exhaustives de prévention et de règlement des questions de droits de la personne incluent ce qui suit :

  • un plan d’examen, de prévention et d’élimination des obstacles[576]
  • des politiques de lutte contre la discrimination et le harcèlement
  • un programme d’éducation et de formation[577]
  • une procédure interne de règlement des plaintes[578]
  • une politique et une procédure d’accommodement[579]

Dans sa publication intitulée Une introduction à la politique : Guide d’élaboration des politiques et procédures en matière de droits de la personne[580], la CODP offre des renseignements supplémentaires en vue d’aider les organisations à respecter leurs obligations en matière de droits de la personne et à s’assurer que leur milieu est exempt de discrimination et de harcèlement.

12.1 Compétence culturelle

Dans le cadre de leur obligation de maintenir des environnements libres de discrimination et de harcèlement, les employeurs, les fournisseurs de services (p. ex. professionnels de la santé, services de police et les services juridiques) et les fournisseurs de logements doivent veiller à ce que leur personnel ait les compétences culturelles (y compris en matière de religion) requises pour tenir compte des besoins des personnes issues de communautés de croyance diverses ayant une variété de dimensions identitaires uniques.

La compétence culturelle a été définie de la façon suivante : « ensemble de comportements, d’attitudes et de politiques qui forment un tout cohérent au sein d’un système, d’une organisation ou d’une groupe de professionnels et permettent à ce système, cette organisation ou ce groupe de professionnels de travailler efficacement en contexte interculturel »[581].

Il importe particulièrement que les organisations qui fournissent des services au grand public comptent des membres du personnel ayant des compétences culturelles (y compris en matière de religion). La satisfaction des besoins de différents groupes et communautés sur le plan des droits de la personne, y compris ceux des personnes issues de différentes communautés de croyance, dépend de la capacité d’interagir en toute aisance avec des personnes d’identités et d’antécédents variés en matière de croyance.

Exemple : Un hôpital offre une formation en compétence religieuse et culturelle à son personnel et s’assure de toujours mettre à la disposition des patients une variété de conseillers et d’aumôniers pour appuyer les soins de fin de vie offerts aux mourants issus de diverses communautés de croyance.

Au moment d’interagir avec des personnes, les organisations devraient adopter une approche personnalisée qui reconnaît l’identité singulière de chaque personne, sans se baser sur des notions préconçues, des suppositions ou des stéréotypes.

12.2 Procédures de recrutement et d’embauche

Il n’est pas acceptable de tenter d’obtenir directement ou indirectement des renseignements sur la croyance d’une personne durant le processus de recrutement ou d’embauche, à moins que cela concerne une exigence de bonne foi ou satisfasse aux autres exigences du Code en matière d’exemption.

Exemple : Il a été établi qu’un employeur qui avait posé à un candidat des questions sur la religion durant une entrevue pour déterminer s’il avait les mêmes « valeurs » et s’il « s’inscrirait » bien dans la culture de l’entreprise avait enfreint le paragraphe 23 (2) du Code qui interdit expressément de soumettre un candidat à une enquête orale ou écrite qui, directement ou indirectement, établit des catégories ou indique des qualités requises fondées sur un motif illicite de discrimination, y compris la croyance du candidat[582].

En règle générale, les offres d'emploi et les formules de demande d'emploi ne doivent pas contenir de questions:

  • sur la disponibilité pour le travail qui sont formulées de façon à révéler la croyance du candidat
  • conçues pour indiquer si des exigences religieuses pourraient entrer en conflit avec les horaires de travail ou la routine du milieu de travail de l'employeur
  • concernant l'appartenance religieuse, les lieux de culte fréquentés ou les coutumes observées.

Exemple : Une personne qui a fait application pour un poste de commis administratif dans un centre de soins aux patients a allégué que sa candidature avait été rejetée après qu’elle a indiqué, lors d’une entrevue téléphonique, qu’elle ne pouvait pas travailler les samedis pour des motifs religieux. Elle a affirmé que l’entrevue s’est terminée abruptement après qu’elle a révélé qu’elle était une adventiste du septième jour et que la samedi était jour du Sabbat. Le TDPO a conclu que l’incapacité de travailler le samedi avait joué un rôle dans la décision de l’employeur de ne pas lui accorder d’entrevue de suivi en personne étant donné que l’employeur était incapable de fournir assez d’éléments de preuve d’un motifs non discriminatoire de rejet de sa candidature après l’entrevue téléphonique[583].

L’obligation d’aviser son employeur des exigences religieuses qui ont un effet sur l'exercice de ses fonctions et de demander une mesure d'adaptation, au besoin, intervient seulement après l’offre d’un poste par l’employeur.

Exemple : Un candidat à un poste a réussi l’étape initiale de sélection liée à une offre d’emploi. Pendant sa formation, il a demandé à être libéré quelques heures pour la prière du vendredi en offrant d’effectuer plus tard ce soir-là un examen prévu pour le vendredi après-midi. L’employeur a refusé sa demande et lui a demandé s’il aurait besoin de ce temps libre tous les vendredis pour la prière s’il était embauché par l’entreprise. Après confirmation par le candidat de son besoin d’accommodement de la prière du vendredi, l’employeur l’a avisé qu’il « ne pouvait plus aller de l’avant avec sa candidature ». Le TDPO a conclu qu’il y avait eu discrimination et que l’employeur avait manqué à son obligation procédurale de prendre des mesures adéquates pour évaluer et explorer les mesures d’adaptation possibles, ce qu’il n’a pas fait. Le TDPO a également rejeté l’argument de l’employeur selon lequel le candidat à l’emploi était tenu de divulguer ce besoin en matière d’accommodement plus tôt durant le processus de recrutement et qu’il avait agi de manière trompeuse en ne le faisant pas[584].

Dans des cas exceptionnels, un candidat à un emploi peut devoir, dès le processus d’embauche, faire part à l’employeur des restrictions rattachées à sa croyance qui auraient un effet sur son emploi, lorsque l’observance de la croyance l’empêcherait clairement et sans équivoque de satisfaire aux exigences essentielles du poste (p. ex. obtenir un emploi à temps partiel lorsque l’offre d’emploi indique clairement que la personne devra travailler en exclusivité un jour de la semaine particulier, qui concorde avec le jour du Sabbat de la personne).

Rien n'empêche un employeur de poser des questions sur la croyance durant l’étape de recrutement ou d’embauche si les questions respectent le Code à tous les points de vue (par exemple, dans le cas d’une exemption). Les organisations qui ont entamé un processus d’embauche en vue d’un programme spécial (art. 14) ou d’un emploi particulier (art. 24), peuvent avoir droit à des exemptions[585]. Les organisations devraient informer les candidats à un emploi de toute qualité requise, restriction ou préférence de bonne foi (légitime) qui se rapporte à la croyance et concerne le poste, pourvu que ces restrictions ou préférences se conforment aux défenses prévues par le Code.

Exemple : Une offre d’emploi de professeur de religion du dimanche dans une église mennonite explique clairement aux candidats éventuels que l’église cherche spécifiquement une personne de foi mennonite pour enseigner le programme, conformément à l’article 24 du Code des droits de la personne de l’Ontario.

Les organisations qui ont un droit légitime d’imposer des qualités requises ou des restrictions en lien avec la croyance devraient s’assurer que les formulaires de demande et questions d’entrevue s’en tiennent aux renseignements raisonnables nécessaires pour évaluer la capacité du candidat à satisfaire à des qualités requises ou exigences de bonne foi en lien avec la croyance.

Exemple : Une école confessionnelle s'informe de l'appartenance religieuse des candidats à un poste d'enseignant étant donné que le poste comprend la communication de valeurs religieuses aux élèves. Bien que cela soit permis aux termes du Code, cela ne donne pas aux organisations la liberté de se renseigner sur les menus détails de la vie morale et religieuse personnelle des candidats durant le processus de recrutement et d’embauche. Les questions touchant la croyance devraient porter uniquement sur les aspects de la croyance qui s’avèrent pertinents pour évaluer la capacité des candidats à remplir des exigences de bonne foi en lien avec la croyance.


[570] Cet exemple est basé sur les directives sur l’accommodement religieux de 2014 du Conseil scolaire de district de la région de York, supra, note 280.

[571] Olarte v. DeFilippis and Commodore Business Machines Ltd. (No. 2) (1983), 4 C.H.R.R. D/1705 (Ont. Bd. Of Inq.), confirmé dans (1984), 49 O.R. (2d) 17 (Div. Ct.).

[572] Voir Payne v. Otsuka Pharmaceutical Co. (No. 3) (2002), 44 C.H.R.R. D/203 (Ont. Bd. Inq.), au par. 63 : « La nature du moment où un tiers ou une personne secondaire serait mêlé à la chaine de discrimination dépend des faits. Cependant, des principes généraux peuvent être établis. Le facteur clé est le contrôle ou le pouvoir que l’intimé incident ou indirect avait à l’égard du plaignant et de l’intimé principal. Plus le contrôle ou le pouvoir est grand sur la situation et sur les parties, plus impérative est l’obligation juridique de ne pas tolérer ou appuyer l’acte discriminatoire. Le pouvoir ou le contrôle est important, car il implique la capacité de rectifier la situation ou de faire quelque chose pour améliorer les conditions ».

[573] Voir Wamsley v. Ed Green Blueprinting, 2010 HRTO 1491 (CanLII).

[574] Kinexus Bioinformatics Corp. v. Asad, 2008 BCHRT 293; demande d’examen judiciaire rejetée Kinexus Bioinformatics Corporation v. Asad, 2010 BCSC 33 (CanLII). Voir aussi Dastghib v. Richmond Auto Body Ltd. (No. 2)supra, note 134.

[575] Wall v. University of Waterloo (1995), 27 C.H.R.R. D/44, aux par. 162-167 (Ont. Bd. Inq.). Ces facteurs aident à évaluer le caractère « raisonnable » de la réaction d’une organisation à du harcèlement, lequel peut avoir un effet sur les conséquences juridiques du harcèlement. Voir aussi Laskowska v. Marineland of Canada Inc., 2005 HRTO 30 (CanLII).

[576] Pour assurer un accès complet, il est nécessaire de veiller à ce que les nouvelles organisations et installations, et les nouveaux services et programmes ne renferment pas d’obstacles à l’emploi, au logement ou à l’obtention de services pour les adhérents à des religions et croyances diverses. Il faut aussi cerner et éliminer les obstacles existants. Tout processus d’élimination des obstacles devrait inclure l’examen de l’accessibilité, des politiques, des pratiques, des processus décisionnels et de la culture d’ensemble de l’organisation. Au moment d’assurer la conception inclusive et d’éliminer les obstacles, les organisations devraient consulter des adhérents à diverses croyances pour accroître leur compréhension de la diversité des besoins des gens et des façons les plus efficaces de combler ces besoins.

[577] L’éducation en matière de droits de la personne est la plus efficace quand elle s’accompagne d’une stratégie proactive solide de prévention et d’élimination des obstacles à la participation équitable, et de politiques et procédures efficaces de règlement des questions de droits de la personne qui surviennent. À elle seule, l’éducation sur les besoins en matière d’accommodement de la croyance ne suffit pas à modifier le comportement de personnes ou la culture d’une organisation. Les programmes qui mettent l’accent sur l’éducation, la sensibilisation et la modification des attitudes devraient aussi évaluer leur niveau de réussite en matière de modification des comportements à court et long terme, et les changements que cela a entraîné sur le plan des obstacles discriminatoires.

[578] La stigmatisation et les stéréotypes associés à certaines croyances, le manque de connaissance de ses droit et les peurs de représailles pourraient contribuer au fait que les gens ne savent pas comment déposer une plainte ou évitent de le faire, même s’ils sont d’avis que leurs droits de la personne ont été bafoués. Les organisations devraient veiller à fournir des renseignements et des formations adéquates sur le dépôt de plaintes, et indiquer clairement que les personnes qui déposent une plainte ne risquent aucunes représailles.

[579] Les stratégies générales de promotion des droits de la personne s’articulent habituellement autour de l’élaboration de politiques de lutte contre la discrimination et le harcèlement à l’interne et de politiques et de procédures d’accommodement. L’élaboration des politiques et procédures devraient prendre en considération les besoins spécifiques des adhérents à des religions et croyances diverses. Cela pourrait nécessiter l’élaboration d’une politique distincte et (ou) des lignes directrices traitant tout particulièrement des droits de la personne, de la croyance et de l’observance des pratiques rattachées à la croyance.

[581] Cross, T. L., Bazron, B. J., Dennis, K. W. et Isaacs, M. R. Towards a culturally competent system of care, Washington, DC, CAASP Technical Assistance Center, 1989. Dans cette optique, la compétence culturelle inclut non seulement les attitudes, la conscientisation, le savoir et les aptitudes sur le plan interpersonnel, mais aussi les politiques et structures sur le plan institutionnel et systémique qui permettent aux personnes et aux organisations de travailler de façon efficace en situations transculturelles. Cross et coll. qualifient la culture de « modèle intégré de comportement humain qui inclut les pensées, les styles de communication, les actions, les coutumes, les convictions, les valeurs et les institutions d’un groupe racial, ethnique, confessionnel ou social » (1989, p. 13). Des articles plus récents font aussi référence aux « cultures » LGBTQ, parmi d’autres sous-communautés culturelles.

[582] Streeter, supra, note 154, voir le par. 38 en particulier.

[583] Widdis v. Desjardins Group/Desjardins General Insurance, 2013 HRTO 1367 (CanLII).

[584] Qureshi v. G4Ssupra, note 276.

[585] Pour en savoir davantage sur les exemptions prévues au Code, voir la section 8. Pour en savoir davantage sur l’embauche en vue d’un programme spécial, voir le Guide des programmes spéciaux et du Code des droits de la personne de la CODP.

Annexe A : Objet des politiques de la CODP

L’article 30 du Code autorise la CODP à préparer, approuver et publier des politiques sur les droits de la personne pour fournir des directives quant à l’application des dispositions du Code. Les politiques et directives de la CODP établissent les normes concernant la ligne de conduite que doivent adopter les personnes, les employeurs, les fournisseurs de services et les décideurs pour se conformer au Code. Elles sont importantes parce qu’elles représentent la façon dont la CODP interprète le Code au moment de leur publication[586]. Enfin, elles favorisent une interprétation progressive des droits établis dans le Code.

L’article 45.5 du Code stipule que le Tribunal des droits de la personne de l’Ontario (TDPO) peut tenir compte des politiques approuvées par la CODP dans une instance devant lui. Lorsqu’une partie ou un intervenant à une instance en fait la demande, le TDPO doit tenir compte de la politique de la CODP citée. Lorsqu’une politique de la CODP est pertinente pour l’objet d’une requête en droits de la personne devant le TDPO, les parties et les intervenants sont encouragés à porter la politique à l’attention du TDPO pour qu’il en tienne compte.

Conformément à l’article 45.6 du Code, si le TDPO rend une décision ou une ordonnance définitive dans le cadre d’une instance à laquelle participait la CODP à titre de partie ou d’intervenant, et que la décision ou l’ordonnance n’est pas compatible avec une politique de la CODP, cette dernière peut présenter une requête au TDPO afin qu’il soumette un exposé de cause à la Cour divisionnaire à des fins d’examen du manque de conformité à la politique.

Les politiques de la CODP sont assujetties aux décisions des cours supérieures qui interprètent le Code. Les tribunaux judiciaires et le TDPO manifestent une grande déférence à l’égard des politiques de la CODP[587]. Celles-ci sont appliquées aux faits de la cause devant le tribunal judiciaire concerné ou le TDPO, et citées dans les décisions de ces tribunaux[588].


[586] Veuillez noter que les documents ne reflètent pas l’évolution de la jurisprudence, les modifications législatives et les changements de position de la Commission survenus après leur parution. Pour plus d’information, communiquer avec la Commission ontarienne des droits de la personne.

[587] Dans Quesnel v. London Educational Health Centre (1995), 28 C.H.R.R. D/474, au par. 53 (Ont. Bd. Inq.), la Commission d’enquête a appliqué la décision de la Cour suprême des États-Unis dans l’arrêt Griggs c. Duke Power Co., 401 U.S. 424 (4th Cir. 1971) pour conclure que les énoncés de politique de la CODP devraient être pris avec « beaucoup de révérence » s’ils sont conformes aux valeurs du Code et formulés conformément aux antécédents législatifs du Code lui-même. Cette dernière exigence a été interprétée comme signifiant qu’un processus de consultation publique doit faire partie intégrante du processus d’élaboration des politiques.

[588] Par exemple, la Cour de justice supérieure de l'Ontario a cité in extenso des extraits des travaux publiés par la CODP dans le domaine de la retraite obligatoire et déclaré que les efforts de la CODP avaient « profondément modifié » l'attitude à l’égard de la retraite obligatoire en Ontario. Les travaux de la CODP ont sensibilisé le public à cette question et ont, en partie, abouti à la décision du gouvernement de l'Ontario d'adopter une loi modifiant le Code pour interdire la discrimination fondée sur l'âge en matière d'emploi après l'âge de 65 ans, sous réserve de certaines exceptions. Cette modification, qui est entrée en vigueur en décembre 2006, a rendu illégales les politiques de retraite obligatoire de la plupart des employeurs de l'Ontario : Assn. of Justices of the Peace of Ontario v. Ontario (Attorney General) (2008), 92 O.R. (3d) 16, au par. 45 (Sup.Ct.). Voir aussi Krieger v. Toronto Police Services Board, supra, note 340 et Eagleson Co-Operative Homes, Inc. v. Théberge, [2006] O.J. No. 4584 (Sup.Ct. (Div.Ct.) dans lesquelles la CODP et le tribunal ont mis en application le document Politique et directives concernant le handicap et l'obligation d'accommodement de la CODP, accessible à :

http://www.ohrc.on.ca/fr/politique-et-directives-concernant-le-handicap-et-lobligation-daccommodement