1. Introduction

Le Code des droits de la personne de l’Ontario stipule que l’Ontario a pour principe de reconnaître la dignité et la valeur de toute personne et d’assurer à tous les mêmes droits et les mêmes chances, sans discrimination. Le Code vise à créer un climat de compréhension et de respect mutuel de la dignité et de la valeur de toute personne de façon que chacun se sente partie intégrante de la collectivité et apte à contribuer pleinement à son bien-être.

Le Code interdit la discrimination fondée sur le sexe. Cela inclut le droit à un traitement égal sans discrimination fondée sur le fait qu'une femme [2] est ou a été enceinte, qu’elle peut le devenir ou qu’elle a accouché[3].

Le fait d’avoir des enfants bénéficie à l’ensemble de la société. Par conséquent, les femmes ne devraient pas subir de désavantage parce qu’elles sont enceintes ou l’ont été. En reconnaissance du fait que les femmes ne devraient pas être entièrement responsables du fardeau social et financier associé au fait d’avoir des enfants, la Cour suprême du Canada a indiqué ce qui suit : « Il semble aller de soi que celles qui donnent naissance à des enfants et favorisent ainsi l'ensemble de la société ne devraient pas en subir un désavantage économique ou social[4]. »

Le Canada est signataire de plusieurs ententes et conventions internationales qui renferment des dispositions concernant les périodes prénatale et postnatale. Le paragraphe 10 (2) du Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels stipule qu’une protection spéciale doit être accordée aux mères pendant une période de temps raisonnable avant et après la naissance des enfants. Les mères qui travaillent doivent bénéficier, pendant ce temps, d’un congé payé ou d’un congé accompagné de prestations d’aide sociale adéquates[5]. La Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination contre les femmes stipule que les femmes doivent pouvoir obtenir des services adéquats en ce qui concerne la grossesse et l’allaitement maternel, y compris un congé de maternité et des protections contre la perte de leur emploi[6]. Ces conventions reconnaissent l’importance sociale de la maternité et exigent que les états signataires, comme le Canada, sensibilisent leurs populations à la fonction sociale que constitue la maternité et fassent en sorte que les responsabilités parentales des femmes ne les empêchent pas d’atteindre leur plein potentiel, particulièrement en matière d’emploi.

Malgré les progrès considérables effectués en matière d’égalité des sexes, la discrimination à l’égard des femmes fondée sur la grossesse reste malheureusement chose courante dans notre société, en particulier dans le domaine de l’emploi. Le Tribunal des droits de la personne de l’Ontario (TDPO) a affirmé ce qui suit :

De nos jours, il est encore surprenant d’entendre qu’une employée enceinte possédant de la documentation médicale indiquant qu’elle est en mesure de travailler toute la durée de sa grossesse se fait imposer unilatéralement des modifications à son emploi, comme la réduction de ses heures et quarts de travail, ou est tout simplement congédiée pour la seule raison qu’elle est enceinte[7].

Quantité de femmes qui sont ou risquent de devenir enceintes craignent que leur employeur réagisse négativement à l’annonce de leur grossesse. Cette incertitude leur cause souvent beaucoup de stress. Malheureusement, leurs craintes se réalisent fréquemment et elles perdent leur emploi. De plus, les femmes qui allaitent se heurtent souvent aux attitudes négatives d’employeurs ou d’autres parties, au moment d’utiliser des services ou des installations. Elles peuvent avoir de la difficulté à trouver un endroit approprié pour allaiter leurs enfants. Les femmes enceintes peuvent avoir plus de peine à trouver un logement parce que certains propriétaires, convaincus que les enfants sont bruyants, destructeurs et dérangeants, ne veulent pas d’enfants dans leurs immeubles. Les logements « pour adultes seulement » sont encore très répandus malgré qu’ils soient interdits aux termes du Code.

La politique présente la position de la CODP en matière de discrimination fondée sur la grossesse et l’allaitement maternel à la date de la publication. Elle traite principalement de questions qui relèvent de la compétence du Code de l’Ontario et qui peuvent former l’objet d’une requête en matière de droits de la personne. La politique interprète également les protections prévues par le Code d’une manière ouverte, conforme au principe selon lequel le caractère quasi constitutionnel du Code fait en sorte qu’il doit être interprété d’une manière libérale qui assure le mieux l’atteinte de ses objectifs antidiscriminatoires.

Les politiques de la CODP contribuent à établir une culture des droits de la personne en Ontario. La présente politique peut aider les membres du public à comprendre comment le Code protège les femmes contre la discrimination et le harcèlement fondés sur la grossesse et l’allaitement maternel. Elle a aussi été conçue de façon à aider les particuliers, employeurs, organisations, fournisseurs de services et de logements, et décideurs, à prendre conscience de leurs responsabilités et des gestes qu’ils doivent poser pour veiller à se conformer au Code. 

L’analyse et les exemples utilisés dans la présente politique se fondent sur les recherches menées par la CODP, les normes internationales, les requêtes en matière de droits de la personne déposées et les décisions prises par les tribunaux judiciaires et administratifs. Voir l’Annexe A pour en savoir davantage sur l’objectif des politiques de la CODP.


[2] La jurisprudence reconnaît la discrimination particulière à laquelle peuvent se heurter les femmes en raison de leur capacité à devenir enceintes. C’est pourquoi cette politique porte sur le vécu particulier des femmes et utilise les pronoms « elle » et « elles ». Cependant, les personnes trans ou à identités sexuelles variées qui ne s’identifient pas nécessairement aux femmes mais dont le sexe à la naissance est féminin peuvent avoir un appareil reproductif qui leur permet de devenir enceinte et d’allaiter. De plus, certaines personnes trans et à identités sexuelles variées dont le sexe à la naissance est masculin peuvent allaiter.  Voir également Santé arc-en-ciel Ontario, Reproductive Options for Trans People, fiche de renseignements en ligne, Santé arc-en-ciel Ontario www.rainbowhealthontario.ca/admin/contentEngine/contentDocuments/Reproductive_Options__for_Trans_People.pdf. Le mot « trans » est un terme générique qualifiant des personnes à identités sexuelles et expressions de l’identité sexuelle variées s’écartant des idées stéréotypées de ce que signifie être une fille/femme ou un garçon/homme au sein de la société. Le terme « trans » peut signifier « aller au-delà » des catégories hommes/femmes, passer d’une catégorie à l’autre ou se situer en quelque part entre les deux. Il inclut sans s’y limiter les personnes qui se définissent comme des personnes transgenres ou transsexuelles, des travestis, ou des personnes non conformistes (queer, hors norme ou à identités variées) sur le plan du sexe. Par « personnes à identités sexuelles variées », on entend des personnes qui ne suivent pas les stéréotypes sexospécifiques correspondant au sexe leur ayant été assigné à la naissance. Ces personnes peuvent se définir comme des « hommes féminins », des « femmes masculines », ou des « personnes androgynes » se situant à l’extérieur des catégories d’ « homme/garçon » ou de « femme/fille », ou exprimer ainsi leur identité sexuelle. Elles peuvent ou non s’identifier aux personnes trans. Pour un examen de l’intersection de la discrimination fondée sur l’identité sexuelle et son expression, le sexe et la grossesse, voir la section 3.3. sur la grossesse, l’identité sexuelle et son expression. Voir également la Politique sur la prévention de la discrimination fondée sur l’identité sexuelle et l’expression de l’identité sexuelle de 2014 de la Commission ontarienne des droits de la personne (CODP), accessible en ligne à l’adresse : CODP  www.ohrc.on.ca/fr/politique-sur-la-pr%C3%A9vention-de-la-discrimination-....

[3] Pour une analyse détaillée des décisions sur la discrimination fondée sur la grossesse et l’allaitement rendues par les tribunaux juridiques et administratifs depuis 2008, voir le document de 2014 de la CODP intitulé Obligations relatives aux droits de la personne en matière de grossesse et d’allaitement : examen de la jurisprudence, accessible en ligne à l’adresse : CODP www.ohrc.on.ca/fr/obligations-relatives-aux-droits-de-la-personne-en-mati%C3%A8re-de-grossesse-et-d%E2%80%99allaitement-examen-de

[4] Brooks c. Canada Safeway Ltd., [1989] 1 R.S.C. 1219, à 1243.

[5] 16 décembre 1966, 993 U.N.T.S. 3, Can. T.S. 1976 No. 46 (en vigueur depuis le 3 septembre 1981, adhésion par le Canada le 19 mai 1976).

[6] 16 décembre 1966, 993 U.N.T.S. 3, Can. T.S. 1982 No. 31 (en vigueur depuis le 3 septembre 1981, adhésion par le Canada le 9 janvier 1982).

[7]Bickell v. The Country Grill (No.4), 2011 HRTO 1333 (CanLII), au par. 40, et aussi Graham v. 3022366 Canada Inc., 2011 HRTO 1470 (CanLII), aux par. 49-50.