Guide des programmes spéciaux et du Code des droits de la personne

La Commission ontarienne des droits de la personne a approuvé le présent guide en mars 2010.
Mise à jour : août 2013
Également disponible en ligne à l’adresse : www.ohrc.on.ca/fr
Disponible sur demande dans divers formats accessibles

Nature des programmes spéciaux

Le Code des droits de la personne de l’Ontario (le Code) vise à créer un climat de compréhension et de respect mutuel de la dignité et de la valeur de toute personne, de façon que chacun se sente partie intégrante de la collectivité et apte à contribuer pleinement à celle-ci. En vertu des motifs du Code, chacun a droit à un traitement égal en matière d’emploi, de logement, de biens, de services ou d’installations, de contrat et d’adhésion à un syndicat ou à une association professionnelle. Dans ces domaines de la vie sociale, toute discrimination fondée sur les motifs suivants est interdite :

  • la race, la couleur ou l’origine ethnique
  • les croyances ou pratiques religieuses
  • l’ascendance
  • le lieu d’origine
  • la citoyenneté
  • le sexe (dont la grossesse)
  • l’identité sexuelle
  • l’expression de l’identité sexuelle
  • l’état familial
  • l’état matrimonial (y compris pour les personnes ayant un partenaire de même sexe)
  • le handicap
  • l’orientation sexuelle
  • l’âge
  • l’état d’assisté social (en matière de logement)
  • l’existence d’un casier judiciaire (en matière d’emploi).

En vertu du Code, chaque organisme est tenu d’interdire tout traitement inéquitable, d’éliminer les obstacles qui donnent lieu à une discrimination et d’y mettre fin lorsqu’une telle situation survient.

Par ailleurs, les organismes peuvent choisir d’élaborer des « programmes spéciaux » pour aider des groupes défavorisés à jouir de chances égales. Le Code et la Charte canadienne des droits et libertés[1] reconnaissent l’importance de rectifier les désavantages historiques et d’aider les groupes marginalisés en protégeant les programmes spéciaux. La Cour suprême du Canada a également statué qu’il était nécessaire de protéger les programmes instaurés en application de la législation et visant à s’adapter aux conditions d’un groupe défavorisé[2].

Le Code autorise la mise en œuvre de programmes destinés à aider des personnes qui font l’objet d’un préjudice, d’un désavantage économique, d’une inégalité ou d’une discrimination. Il vise également à protéger ces programmes de toute action en justice intentée par des personnes qui ne connaissent pas le même désavantage. Le présent guide décrit les modalités d’utilisation des programmes spéciaux, précise les cas dans lesquels ils sont autorisés et fournit des renseignements pratiques sur leur conception. La CODP encourage l’élaboration et l’utilisation de programmes spéciaux, car elle voit en eux un moyen efficace de rétablir l’égalité réelle en réduisant la discrimination ou en rectifiant un désavantage historique.

Aucune autorisation de la CODP n’est requise pour élaborer un programme spécial, ce qui permet une mise en place immédiate. Le présent guide a pour vocation de vous aider à concevoir des programmes spéciaux efficaces.

Principes visés par le Code

En vertu de l’article 14 du Code, la mise en œuvre d’un programme spécial ne constitue pas un acte discriminatoire si ce dernier est destiné :

  • à alléger un préjudice ou un désavantage économique
  • à aider des personnes ou des groupes défavorisés à jouir ou à essayer de jouir de chances égales ou
  • à favoriser l’élimination d’une discrimination.

En vertu du Code, un programme doit au moins satisfaire à l’un de ces points pour être qualifié de « programme spécial ». De nombreux types de programme peuvent être admissibles. Par exemple :

  • Une coopérative d’habitation réserve un certain nombre de logements aux femmes qui mettent un terme à une relation de violence
  • En réponse à une étude de Statistique Canada selon laquelle le taux de chômage est plus élevé chez les jeunes âgés de moins de 25 ans que dans d’autres groupes, le gouvernement finance un programme d’emplois pour les jeunes de ce groupe d’âge afin de lutter contre le chômage
  • Une clinique communautaire d’aide juridique financée par le gouvernement offre uniquement ses services aux personnes handicapées, afin de les aider à lutter contre les obstacles systémiques auxquels elles se heurtent.

Dans des circonstances exceptionnelles, la CODP est habilitée à déterminer si un programme donné satisfait aux exigences du Code en matière de programmes spéciaux[3].


[1] Le paragraphe 15(2) de la Charte canadienne des droits et libertés prévoit la protection des programmes de promotion sociale, afin d’éviter qu’une action en justice puisse être intentée par des personnes exclues de l’objet desdits programmes.

[2] Dans R. c. Kapp, (2008) 2 R.C.S. 483 (CanLII), la Cour a conclu qu’un permis de pêche commerciale qui accordait aux membres de trois bandes autochtones le droit exclusif de pêcher le saumon pendant une période supplémentaire de 24 heures n’était pas discriminatoire au sens de la Charte canadienne des droits et libertés, car il visait, en vertu du paragraphe 15(2) de la Charte, à améliorer la situation d’un groupe défavorisé.

[3] À cette fin, une requête peut être présentée à la CODP pour faire désigner un programme comme programme spécial ou la CODP peut décider d’entreprendre une enquête sur le programme. En 2006, la CODP s’est penchée sur la question des services parallèles de transport adapté et a conclu qu’ils ne constituaient pas des programmes spéciaux volontaires, mais s’inscrivaient au contraire dans l’obligation juridique d’adaptation aux besoins des usagers handicapés se trouvant dans l’incapacité d’emprunter le réseau régulier de transport en commun (pour obtenir de plus amples renseignements sur ce point, veuillez consulter la section Programmes spéciaux et obligation d’adaptation).

 

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Pourquoi les programmes spéciaux sont-ils protégés?

Dans l’affaire Commission ontarienne des droits de la personne c. Ontario (Roberts), la Cour d’appel de l’Ontario a déclaré que l’article 14 du Code a deux objets, à savoir :

  1. protéger les programmes d’action positive de façon qu’ils ne puissent être contestés par des personnes n’éprouvant pas de désavantage
  2. promouvoir l’égalité réelle pour éliminer les désavantages et la discrimination sous toutes ses formes.

Protection de l’action positive

À une époque, le terme « égalité » signifiait que tout le monde devait recevoir le même traitement ou un traitement similaire. C’est ce que l’on appelle souvent « l’égalité formelle ». Toutefois, cette forme d’égalité pose problème car elle fait fi des obstacles historiques et des obstacles permanents auxquels se heurtent certains groupes. En outre, elle ne tient pas compte des besoins particuliers et peut même perpétuer des inégalités.

Le principal objet de l’article 14 est de s’assurer que les programmes spéciaux, conçus pour aider un groupe défavorisé, ne puissent être contestés par des personnes qui ne connaissent pas le même désavantage[4]. En termes juridiques, l’article 14 protège les programmes spéciaux des contestations fondées sur les principes de l’« égalité formelle ».

Exemple : Une société par actions crée un fonds de bourses d’études pour aider financièrement les personnes handicapées qui entament des études postsecondaires. La société s’appuie sur le fait que les personnes handicapées sont traditionnellement sous-représentées dans l’enseignement supérieur et se heurtent à des obstacles financiers plus importants que d’autres groupes en raison des coûts liés à leur handicap. Ce programme fait donc une distinction fondée sur le handicap, laquelle semblerait illicite en vertu de l’article 1 du Code. Toutefois, ce programme constituerait un programme spécial aux termes de l’article 14 dudit Code, dont l’objet est de protéger les programmes « d’action positive » en empêchant les personnes non handicapées de faire valoir que leur exclusion du groupe défavorisé au profit duquel le fonds de bourses d’études a été créé constitue une atteinte aux droits de la personne les concernant.

Exemple : En s’appuyant sur des études et des statistiques démontrant que les femmes sont plus susceptibles d’être victimes d’agression sexuelle que les hommes, un centre communautaire d’aide aux victimes d’agression sexuelle réserve ses services aux femmes et aux femmes transgenres (personnes qui ont changé d’identité sexuelle, d’homme à femme).

Dans ces deux exemples, les organismes pourraient invoquer l’article 14 à titre de défense si leur programme était contesté[5].

Promotion de l’égalité réelle

Le second objet de l’article 14 du Code est de promouvoir l’égalité réelle.

On entend par « égalité réelle » le fait de comprendre les besoins de personnes ou de groupes défavorisés et d’y répondre en s’appuyant sur le contexte historique, juridique et social. L’égalité réelle tient compte des obstacles discriminatoires dans leurs maintes formes, toutes n’étant pas évidentes ou voulues. Par exemple, la discrimination peut s’inscrire dans le comportement, les pratiques et les politiques d’un organisme, ce qui peut entraîner pour certaines personnes un désavantage réel fondé sur un motif du Code. C’est ce que l’on appelle la discrimination systémique ou institutionnelle. Les organismes et les institutions ont l’obligation d’avoir connaissance de ces formes de discrimination. Lorsqu’une situation de discrimination systémique est constatée au sein d’un organisme, ce dernier doit modifier ses pratiques.

Pour éliminer toute discrimination systémique et promouvoir l’égalité réelle, les organismes peuvent également élaborer et mettre en place des programmes spéciaux.

Dans l’affaire Roberts[6], la Cour d’appel de l’Ontario a déclaré : « […] l’égalité réelle exige une action positive pour améliorer la situation des groupes profondément défavorisés. » [Traduction libre]

Exemple : Un service policier admet qu’il ne correspond pas à la collectivité ethniquement diverse qu’il dessert. La plupart de ses hauts gradés sont issus de groupes non racialisés. Si des personnes appartenant à des groupes racialisés (communautés se heurtant au racisme) sont enrôlées dans ce service policier, elles sont moins susceptibles de monter en grade et ont davantage tendance à démissionner précocement. Le service compte sur les recrues pour trouver des policiers plus expérimentés qui les conseilleront et les aideront ainsi à gravir les échelons. Toutefois, les recrues appartenant à des groupes racialisés peinent à trouver des mentors. Le service crée alors un programme spécial pour aider les policiers issus de groupes racialisés à profiter d’occasions de mentorat officielles.

Dans cet exemple, le programme de mentorat est expressément conçu dans le but d’éliminer une discrimination systémique au sein du service policier et vise à promouvoir l’égalité réelle. En vertu du Code, un programme de ce type n’exerce pas de discrimination dans la mesure où il a pour objet d’alléger un désavantage subi par les groupes racialisés. L’article 14 pourrait être invoqué à titre de défense si ce programme était contesté.

Toutefois, dans l’affaire Roberts, la Cour avertit également que :

« Les programmes spéciaux visant à aider une personne ou un groupe défavorisé(e) doivent être conçus de façon que les restrictions inhérentes au programme aient un lien rationnel avec ce dernier. À défaut, le prestataire du programme encouragera la persistance de l’inégalité et de l’injustice qu’il cherche à atténuer. » [Traduction libre]

L’affaire Roberts portait sur un programme gouvernemental octroyant une aide financière aux personnes ayant une déficience visuelle afin qu’elles puissent acheter le matériel qui les aidera. Toutefois, seules les personnes âgées de moins de 30 ans pouvaient présenter une demande. Cette exclusion a été contestée. Le gouvernement a dû justifier la pertinence de cette limite d’âge.

Dans Ball c. Ontario (Services sociaux et communautaires), le Tribunal des droits de la personne de l’Ontario a élargi la portée de la défense établie dans l’affaire Roberts, jugeant que les programmes spéciaux ne peuvent pas exercer une discrimination interne contre les personnes qu’ils sont censés servir. Les programmes spéciaux doivent satisfaire à la même norme de non-discrimination que les autres services qui ne constituent pas des programmes spéciaux.

Si une personne présente un désavantage pour l’élimination duquel un programme a été conçu, mais qu’elle en est exclue, ledit programme pourrait donc être jugé discriminatoire[7].


[4] Voir Carter c. Fédération des enseignantes et des enseignants de l’élémentaire de l’Ontario (2011) HRTO 1604, par. 24 (CanLII).

[5] Voir Young c. Lynwood Charlton Centre (2012) HRTO 1133, par. 17-23 (CanLII). Dans cette affaire, le Tribunal des droits de la personne de l’Ontario a statué que le programme concerné s’inscrivait dans le champ d’application de l’article 14(1) du Code et n’exerçait pas de discrimination dans la mesure où l’objet ou la raison d’être de ce dernier était d’alléger un désavantage; il apparaissait donc rationnel de conclure que le programme parviendrait à cette fin et que les besoins du demandeur ne correspondaient pas à l’objet en question.

[6] Roberts c. Ontario (ministère de la Santé) (n° 1) (1989), 10 C.H.R.R. D/6353 (Commission d’enquête de l’Ontario), confirmé dans 14 C.H.R.R. D/1 (C. div. Ont.), révisé dans (1994), 21 C.H.R.R. D/259 (C.A.).

[7] Voir XY c. Ontario (Services gouvernementaux et Services aux consommateurs) (2012) HRTO 726, par. 264-266 (CanLII). Dans cette affaire, le Tribunal des droits de la personne de l’Ontario a jugé que l’intimé n’était pas en mesure d’établir un fondement logique ou rationnel à l’appui d’une restriction discriminatoire réservant la modification du sexe figurant sur leur extrait de naissance aux personnes ayant subi une « inversion sexuelle chirurgicale ». Le Tribunal a donc statué que le ministère des Services gouvernementaux et des Services aux consommateurs ne pouvait pas invoquer l’article 14 pour écarter la plainte pour discrimination du requérant. Le Tribunal a jugé que les exigences législatives stipulant que la modification du sexe figurant sur l’extrait de naissance était uniquement possible pour les personnes ayant subi une « inversion sexuelle chirurgicale » étaient discriminatoires. Aux termes de cette décision, le ministère des Services gouvernementaux et des Services aux consommateurs de l’Ontario a été tenu d’annuler les dispositions en ce sens. Voir également A.T. et V.T. c. Directeur général de l’Assurance-santé de l’Ontario, (2010) ONSC 2398 (CanLII).

 

Programmes spéciaux et obligation d’adaptation

Les employeurs, les fournisseurs de services et les locateurs ont tous l’obligation de prendre des mesures d’adaptation pour répondre aux besoins associés à un handicap, une croyance, un état familial ou d’autres motifs, dans la mesure où cela n’occasionne pas un « préjudice injustifié ».

Dans certains cas, un programme apparemment « spécial » s’inscrit en fait dans l’obligation de prendre des mesures d’adaptation en vertu du Code. Ces initiatives ne doivent pas être considérées comme des programmes spéciaux.

Exemple : Un fournisseur de services de transport en commun instaure un service parallèle de transport adapté en autobus, de façon que les personnes handicapées qui rencontrent des obstacles au sein du réseau régulier aient accès au service de transport en commun déjà à la disposition des personnes non handicapées. De ce fait, le service parallèle de transport adapté s’inscrit dans l’obligation d’adaptation et ne constitue pas un programme spécial.

 

Programmes spéciaux et autres exceptions visées par le Code

Outre l’article 14, certains autres articles du Code permettent d’accorder un traitement préférentiel à des groupes particuliers, si certains critères sont remplis. Les dispositions sur le groupement sélectif (article 18), l’emploi particulier (article 24) et l’âge de soixante-cinq ans ou plus (article 15) prévoient toutes des exceptions ou des défenses particulières au droit à l’absence de discrimination en vertu de la partie I du Code. Toutefois, ces dispositions diffèrent de l’article 14 de la façon suivante.

L’article 14 s’applique lorsqu’un « programme » est l’enjeu et qu’un besoin peut être démontré. L’article 18 traite de l’acceptation préférentielle des membres ou participants à un groupement sélectif. L’article 24 s’applique seulement aux pratiques d’embauche préférentielles dans le domaine de l’emploi, lorsque l’identification à un motif du Code est réellement une qualité requise pour le poste. La disposition du Code sur l’âge de soixante-cinq ans ou plus (article 15) permet d’accorder un traitement préférentiel à des personnes appartenant à ce groupe d’âge.

Dans certains cas, différentes parties du Code s’appliquent au même organisme, mais de différentes manières :

Exemple 1 : Un centre de loisirs sociaux qui compte des installations de conditionnement physique, une piscine, un service de garde de jour, une bibliothèque et un café, limite l’adhésion et l’accès à ces services aux femmes et aux femmes transgenres (personnes qui ont changé d’identité sexuelle, d’homme à femme). Selon toute probabilité, ce centre serait protégé en vertu de l’article 18 du Code, à titre de « groupement sélectif », ou éventuellement en vertu du paragraphe 20(3) en tant que « club de loisirs ».

Exemple 2 : Ce centre pour femmes accorde un traitement préférentiel à ses membres âgées d’au moins 65 ans en leur accordant des tarifs d’adhésion réduits. Il est autorisé à le faire en vertu de l’article 15 du Code.

Exemple 3 : Le centre offre également des programmes de dynamique de la vie et d’orientation exclusivement destinés aux membres qui sont des réfugiées au Canada et qui ont subi des traumatismes et des mauvais traitements. En s’appuyant sur la recherche pour démontrer que ce groupe est beaucoup plus défavorisé que d’autres, le centre justifie cette restriction d’accès aux services à titre de « programme spécial » en vertu de l’article 14 du Code.

Exemple 4 : Pour les programmes de dynamique de la vie et d’orientation, le centre n’embauche que des conseillères qualifiées. Il est autorisé à le faire en vertu des dispositions du Code sur l’emploi particulier (article 24).

 

Lignes directrices régissant l’élaboration d’un programme spécial

La conception d’un programme spécial doit s’appuyer sur un processus de consultation. Pour établir un plan adapté à cette fin, il convient de définir la raison d’être du programme, de fournir des données complémentaires à l’appui et de préciser les critères d’admissibilité et la méthode d’évaluation applicables. Une fois ces éléments en place, un programme s’avèrera moins susceptible de faire l’objet de contestations judiciaires de la part de personnes le jugeant discriminatoire en vertu de la partie I du Code et pourra donc être mieux défendu à titre de « programme spécial », le cas échéant.

Les locateurs, les fournisseurs de services et d’autres organismes peuvent instaurer leurs propres programmes spéciaux. Aucune autorisation spécifique ou préalable de la CODP n’est requise.

Consultation

Il convient de toujours consulter les personnes que le programme spécial prévu est susceptible de toucher, à savoir les personnes et les groupes cibles, les syndicats ou associations d’employés, les associations de locataires, les utilisateurs de services ou les organismes communautaires. Voici les éléments qu’il convient de garder à l’esprit lors de l’élaboration d’un plan.

Définition de la raison d’être du programme

On entend tout simplement par raison d’être d’un programme spécial la raison pour laquelle il est créé. La raison d’être sert de principe sur lequel repose la conception du reste du programme. Elle facilite ainsi l’élaboration des critères d’admissibilité et permet une évaluation constructive du programme après son lancement. De plus, la définition d’une raison d’être précise aide les utilisateurs du programme à mieux comprendre l’objet de ce dernier.

Dans cette optique, la raison d’être doit :

  • préciser qui tirera parti du programme
  • expliquer pourquoi le public cible est considéré comme faisant l’objet d’un préjudice, d’un désavantage économique, d’une inégalité ou d’une discrimination. Les preuves doivent être objectives et non subjectives, c’est-à-dire qu’elles ne doivent pas se fonder sur des impressions personnelles. Il convient de rappeler qu’un programme spécial vise à résoudre un problème réel, dont l’existence doit être démontrée. Il est souvent possible de consulter facilement certaines recherches, comme les données du recensement, qui contribuent à définir le problème. Parfois, une collecte de données s’impose
  • expliquer comment et pourquoi le programme devrait atténuer le préjudice, |e désavantage économique, l’inégalité ou la discrimination, en précisant notamment les avantages, les objectifs, le calendrier et les résultats attendus
  • indiquer la durée prévue du programme.

Exemple : Sur la base d’études démontrant que les personnes d’origine sud-asiatique à faible revenu rencontrent des difficultés pour accéder au système juridique, le gouvernement crée et finance une clinique d’aide juridique pour conseiller gratuitement ce groupe et lui offrir une représentation juridique. L’une des raisons d’être à l’appui de ce programme est d’aider ce groupe à obtenir plus facilement une représentation juridique, au regard de son désavantage dans le système juridique.

La définition d’une raison d’être précise aide les organismes à fixer les objectifs du programme et les critères qui serviront à évaluer les progrès réalisés et à déterminer quand les objectifs ont été atteints (reportez-vous à la section Évaluation d’un programme spécial).

Collecte de données

En règle générale, l’utilisation de questions ayant trait aux motifs illicites dans les domaines de l’emploi, des services, du logement, des contrats ou de l’adhésion aux associations professionnelles est jugée discriminatoire en vertu de la partie I du Code. Toutefois, le Code autorise la collecte de données en vue de surveiller, d’évaluer et d’éliminer la discrimination systémique ou d’autres formes de discrimination. La collecte de données peut constituer en elle-même un programme spécial si elle a pour vocation de lutter contre une discrimination systémique.

La collecte de données qualitatives ou quantitatives est une bonne façon de déterminer si un programme spécial est nécessaire. Il est possible de recueillir des données pour savoir si certains groupes sont sous-représentés ou s’il existe d’autres formes de préjudice, d’inégalité ou de désavantage[8].

Exemple : Avant d’étoffer ses effectifs en embauchant de nouvelles recrues, un employeur effectue un sondage en milieu de travail pour déterminer si son personnel reflète la collectivité qu’il dessert. Il demande aux employés de se définir selon leur sexe, race, handicap, croyance, etc., et de soumettre les renseignements de façon anonyme. Sur la base de ces résultats, l’entreprise s’efforce de recruter davantage de femmes à des postes de gestion.

Les organismes sont susceptibles de recueillir ponctuellement des données pour évaluer les résultats des programmes spéciaux et décider ainsi s’il convient d’élargir le programme, de revoir l’admissibilité des personnes qui n’en ont plus besoin ou d’abandonner le programme une fois que les objectifs en matière d’équité ont été atteints.

Exemple : Un organisme crée un programme spécial d’une durée de quatre ans en vue d’offrir un logement à des sans-abri ayant une déficience mentale ou des problèmes de toxicomanie. Des données sont recueillies pendant la durée et à la fin du programme pour déterminer si la qualité de vie, les perspectives d’emploi et de bénévolat, ainsi que l’état de santé physique et mentale des pensionnaires, se sont améliorés. Sur la base de ces résultats, l’organisme modifie ses objectifs en poursuivant le programme et en offrant des soutiens supplémentaires aux clients masculins âgés.

Les organismes peuvent également rassembler des données pour déterminer si leurs méthodes d’emploi et de prestation de service sont équitables, ou pour régler un problème connu en interne ou au sein du secteur. Une collecte de données effectuée
à ces fins aide les organismes à cerner et à éliminer de possibles violations du Code.

Exemple : Un conseil scolaire est informé des recherches, menées dans d’autres territoires de compétence, qui mettent en évidence l’effet négatif des politiques disciplinaires visant à assurer la sécurité dans les écoles sur les élèves racialisés et les élèves handicapés. Les parents de certains élèves appartenant à ces groupes ont fait part de leurs préoccupations au conseil scolaire, jugeant que les mesures disciplinaires prises contre leurs enfants sont inappropriées. Le conseil scolaire veut savoir s’il s’agit d’un problème systémique. Il élabore un programme de collecte de données pour connaître la race et le handicap des élèves sanctionnés, ainsi que la nature de l’infraction et le type de mesures disciplinaires prises, et déterminer ainsi si des traitements discriminatoires existent.

Le Code ne prévoit pas les modalités de collecte des données. Toutefois, il existe quelques méthodes exemplaires permettant d’identifier les groupes constitutifs d’un organisme ou desservis par ce dernier :

  • questionnaires d’auto-identification
  • recours à un(e) employé(e) dûment formé(e) ou à un/une spécialiste en externe pour consigner des données par le biais de l’observation
  • recours à une conseillère/un conseiller ou à un/une spécialiste en externe pour rassembler des données.

En général, les questionnaires d’auto-identification anonymes ou à participation volontaire sont une bonne façon de recueillir des renseignements, mais les organismes doivent opter pour la méthode qui leur convient le mieux.

Dans le cadre d’une collecte de données, il est impératif de tenir compte de la protection de la vie privée et de la dignité. Les organismes assujettis aux lois sur l’accès à l’information et la protection de la vie privée doivent veiller à ce que la méthode choisie soit conforme aux exigences législatives en vigueur en la matière[9]. La collecte de données doit être menée dans le respect de la dignité et de la vie privée et les organismes doivent élaborer des politiques internes à ce sujet. Il peut s’avérer nécessaire de garantir l’anonymat pour tenir compte des préoccupations
liées à la protection de la vie privée et à la confidentialité. Les fournisseurs de services, les employeurs, les locateurs et d’autres organes responsables doivent consulter les collectivités concernées à propos de l’utilité de la collecte de données
et de la méthodologie à adopter.

Il convient d’indiquer systématiquement aux participants les raisons motivant la collecte de données, la façon dont ces dernières seront utilisées, les avantages découlant de leur participation à la collecte, et les mesures qui seront prises pour protéger leur vie privée et la confidentialité de leurs renseignements personnels. Les données recueillies dans le cadre de programmes spéciaux doivent uniquement servir aux fins de ces programmes.

Pour en savoir plus, veuillez consulter le document intitulé Comptez-moi! Collecte de données relatives aux droits de la personne, disponible sur le site Web de la CODP.

Critères d’admissibilité

La raison d’être d’un programme spécial orientera l’admissibilité à ce dernier. Comme mentionné précédemment, les critères d’un programme spécial ne doivent se rapporter qu’à l’objet de ce dernier et ne peuvent pas exercer une discrimination fondée sur d’autres motifs du Code.

L’application de critères trop étroits limite fortement l’éventail des personnes susceptibles de profiter du programme, ce qui peut mettre en échec la raison d’être du programme
en excluant des personnes auxquelles il était censé venir en aide. De la même façon, l’application de critères trop larges peut donner lieu à la prestation d’avantages au profit de personnes qui n’en ont pas besoin.

Exemple : Sur la base d’études démontrant que les personnes d’origine sud-asiatique à faible revenu rencontrent des difficultés pour accéder au système juridique, le gouvernement finance une clinique d’aide juridique pour conseiller gratuitement ce groupe et lui offrir une représentation juridique.

Critères trop larges : En décidant qui peut utiliser ses services, la clinique d’aide juridique se donne la possibilité d’aider toutes les personnes d’origine sud-asiatique. Le programme aurait toutefois une portée trop large, car des personnes ayant un revenu moyen ou élevé pourraient en bénéficier. La raison d’être du programme, qui consiste à aider les personnes d’origine sud-asiatique à faible revenu, serait alors partiellement mise en échec.

Critères trop étroits ou sans lien avec l’objet du programme : La clinique d’aide juridique pourrait seulement fournir des services aux personnes dont le revenu est inférieur à un certain montant, qui sont issues de la communauté sud-asiatique et qui pratiquent une certaine religion. Ces critères seraient alors trop étroits, car le programme vise à aider toutes les personnes d’origine sud-asiatique à faible revenu et, en restreignant l’accès aux personnes appartenant à une religion particulière, il exclurait de fait les autres personnes d’origine sud-asiatique à faible revenu. En outre, le programme pourrait faire l’objet d’une contestation en vertu du Code pour discrimination fondée sur la croyance.

Les personnes participant à un programme spécial sont protégées contre la discrimination, comme elles le sont lorsqu’elles reçoivent un service qui ne fait pas partie d’un programme spécial. Les règles ou les restrictions s’appliquant aux personnes participant au programme spécial ne doivent pas désavantager des personnes au regard des motifs du Code.

Les ressources des programmes spéciaux sont souvent limitées. Il pourrait donc s’avérer tentant de restreindre l’admissibilité en vue de les préserver au mieux. Toutefois, les contraintes financières n’éliminent pas à elles seules l’obligation de justifier le lien entre l’admissibilité et la raison d’être du programme. Les ressources doivent être octroyées de façon à favoriser l’objet du programme, tout en respectant l’esprit du Code.

Avant tout, les critères d’admissibilité doivent découler naturellement de la raison d’être du programme et se fonder sur les données probantes à l’appui. Les critères qui ne se rapportent pas clairement à l’objet du programme contreviendront probablement à la partie I du Code[10].

De plus, même si le programme spécial vise à aider des personnes appartenant à des groupes protégés par le Code, il est important de faire remarquer que la participation à un programme spécial n’est pas obligatoire.

Enfin, il convient de faire connaître l’existence d’un programme spécial, d’expliquer les restrictions ou les limites d’admissibilité et d’indiquer s’il s’agit d’un programme dans le domaine des services, de l’emploi ou du logement.

Exemple : Les annonces d’un programme d’emploi du gouvernement destiné aux jeunes âgés de moins de 25 ans expliquent clairement aux candidats éventuels et au public que l’emploi s’inscrit dans un programme spécial visant à aider les jeunes défavorisés.

Évaluation d’un programme spécial

Il est important de surveiller un programme spécial, car cela peut aider à :

  • évaluer son efficacité
  • circonscrire les possibilités d’amélioration et d’expansion
  • promouvoir la responsabilité au sein de l’organisme
  • légitimer les demandes de financement
  • communiquer les résultats du programme à l’organisme et à ses clients
  • obtenir l’appui de décideurs et d’intervenants clés.

L’évaluation du fonctionnement d’un programme peut exiger la collecte de données, comme expliqué précédemment.

Exemple : Un organisme de santé mentale communautaire et une banque instaurent un programme spécial à l’intention des personnes ayant de graves problèmes de santé mentale qui bénéficient de l’aide sociale. Ce programme les aide à ouvrir un compte bancaire sans frais. La raison d’être du programme indique que certaines personnes ayant des problèmes de santé mentale se heurtent entre autres à des obstacles financiers pour ouvrir et utiliser un compte bancaire, ce qui crée un préjudice financier et contribue à leur isolement social.

Le programme spécial vise à aider les personnes ayant des problèmes de santé mentale en améliorant l’accès aux services bancaires. Les organismes établissent des critères pour atteindre cet objectif et se fixent un nombre minimum de participants à atteindre. Ils prévoient également de demander aux participants s’ils ont l’impression d’être davantage à l’abri financièrement et de mieux maîtriser leur situation financière.

Les organismes utilisent des données qualitatives et quantitatives pour évaluer le programme. Ils constatent que les participants ont augmenté leur revenu, sont en mesure d’acheter plus de provisions, gèrent mieux le paiement de leurs factures et ont l’impression d’appartenir à la collectivité. D’après ces renseignements, les organismes décident que le programme a atteint son objectif et envisagent de l’étendre à d’autres régions.


[8] Voir Carter c. Fédération des enseignantes et des enseignants de l’élémentaire de l’Ontario (2011) HRTO 1604 (CanLII). Dans cette affaire, la Fédération des enseignantes et des enseignants de l’élémentaire de l’Ontario a fourni des statistiques sur lesquelles le Tribunal s’est appuyé pour trancher, considérant ainsi valable l’argument selon lequel les femmes sont sous-représentées aux postes de direction au sein de la fédération et jugeant que la création de programmes et de postes de cadre réservés aux femmes vise à éliminer une discrimination systémique fondée sur le sexe à l’encontre des enseignantes, dans l’optique de promouvoir l’égalité des chances.

[9] La législation relative à la protection de la vie privée applicable comprend la Loi sur l’accès à l’information et la protection de la vie privée et la Loi sur l’accès à l’information municipale et la protection de la vie privée de l’Ontario, ainsi que la Loi sur la protection des renseignements personnels et les documents électroniques du gouvernement fédéral. Pour obtenir de plus amples renseignements, veuillez consulter le site Web du Bureau du commissaire à l’information et à la protection de la vie privée. (www.ipc.on.ca/french/home-page/default.aspx)

[10] Voir XY c. Ontario (Services gouvernementaux et Services aux consommateurs) (2012) HRTO 726, par. 264-268 (CanLII).

 

Prise en compte des préoccupations relatives aux programmes spéciaux

Un programme spécial se conforme aux valeurs du Code s’il répond aux critères décrits ci-dessus. Toutefois, la décision d’un organisme d’instaurer un programme spécial peut faire naître certaines questions et préoccupations, par exemple : « Le programme spécial entraînera-t-il une “discrimination à rebours” c’est-à-dire que moins de personnes qualifiées auront un emploi ou recevront une aide? ».

Il est courant que les programmes spéciaux se heurtent à une résistance, la perception étant qu’ils se contentent de déplacer la discrimination vers d’autres personnes. Les programmes spéciaux doivent répondre à un besoin avéré et à un désavantage réel.
La discrimination systémique est souvent cachée. Les personnes appartenant à des groupes traditionnellement défavorisés (p.ex., les personnes issues d’un groupe racialisé, les femmes et les personnes handicapées) ne jouissent souvent pas des mêmes possibilités que les autres. Les programmes spéciaux aident à rétablir l’équité.

Les organismes doivent énoncer clairement l’objet et les objectifs d’un programme spécial. Afin d’encourager des actions de soutien, les organismes peuvent également inviter des personnes en interne et en externe à poser des questions et à donner leur rétroaction.

Exemple : Un conseil scolaire a rassemblé des données et s’est rendu compte qu’il comptait très peu d’enseignantes et enseignants représentant les Premières Nations, les Métis et les Inuits, par rapport aux bénéficiaires de l’enseignement. Il crée alors un programme d’équité en matière d’emploi pour se doter d’un vaste vivier de candidats autochtones, qu’il pourra embaucher pour pourvoir les postes vacants. Lors de l’élaboration du programme, il consulte de nombreux groupes différents, y compris des syndicats, des ordres des enseignantes et enseignants, des parents, des membres du personnel et des personnes appartenant aux communautés locales autochtones et non autochtones. Il énonce des objectifs précis à court et à long terme pour augmenter la représentation des Autochtones au sein du corps enseignant. Lors des réunions du conseil scolaire et dans son rapport annuel, il fait des mises à jour sur les progrès réalisés dans le cadre du programme.

Autre question qui peut être adressée à un organisme : « Un programme spécial peut-il être conçu pour certaines personnes appartenant à un groupe protégé par le Code, et pas pour d’autres? »

Oui. Les programmes spéciaux doivent être conçus pour répondre aux besoins spécifiques et immédiats de groupes particuliers. Il se peut qu’un programme soit particulièrement nécessaire dans un contexte donné. Selon les besoins des personnes

qu’il tente de servir, un organisme a le droit de choisir quel programme spécial sera
le plus efficace, ce qui peut impliquer la conception d’un programme s’adressant à seulement quelques personnes au sein d’un groupe déjà marginalisé et protégé par
le Code[11].

Exemple : Un centre communautaire offrant des services aux personnes lesbiennes, homosexuelles, bisexuelles et transgenres (LGBT) souhaite établir un groupe de soutien à l’intention des bisexuels et des personnes remettant en question leur sexualité pour parler de la question de la biphobie (la peur irrationnelle des bisexuels). Le centre communautaire répond ainsi aux inquiétudes exprimées par ses clients bisexuels, à savoir qu’ils se sentent invisibles et se heurtent à des stéréotypes dans les communautés hétérosexuelle et LGBT.

Comme mentionné précédemment, toute restriction d’admissibilité doit s’appuyer sur des données probantes et sur la raison d’être du programme. Les programmes spéciaux ne peuvent pas tenir à l’écart, sans raison, des personnes appartenant à
un groupe susceptible d’en bénéficier[12].

Les organismes peuvent répondre aux objections dont font l’objet les programmes spéciaux en suivant les recommandations du présent guide : établir une raison d’être valable, fournir des données probantes sur un problème, fixer des exigences qui n’excluent pas inutilement des personnes et vérifier dans quelle mesure le programme porte ses fruits. Les organismes doivent énoncer clairement la raison d’être du programme, expliquer les avantages et faire des mises à jour sur les progrès accomplis.


[11] Larromana c. Directeur du Programme ontarien de soutien aux personnes handicapées, 2010 ONSC 1243, par.  6 (CanLII). Dans cet arrêt, la Cour a statué que le choix du gouvernement d’offrir une prestation à l’intention d’un groupe identifié par un motif illicite de discrimination (par exemple, le handicap) n’impose pas d’élargir ladite prestation à l’ensemble des membres de cette classe au sens large. Dans cette affaire, la Cour a ainsi jugé que le programme était conçu au profit d’un groupe défavorisé plus restreint, à savoir les personnes présentant des déficiences lourdes. Voir également Alberta (Aboriginal Affairs and Northern Development) v. Cunningham, [2011] 2 SCR 670 (CanLII).

[12] Voir XY c. Ontario (Services gouvernementaux et Services aux consommateurs) (2012) HRTO 726, par. 41-45 (CanLII).

 

Lignes directrices régissant l’élaboration d’un programme spécial – Liste de vérification

Les renseignements ci-dessus visent à vous aider à comprendre les programmes spéciaux et certains des critères requis pour qu’un programme soit reconnu en vertu de l’article 14 du Code. Il est important de bien s’informer avant de planifier et de mettre en œuvre un programme spécial. Dans le doute, demandez un avis juridique. Pour vous aider, nous avons établi la liste de vérification ci-dessous.

Raison d’être du programme

  • Le groupe ou les groupes cibles qui sont censés bénéficier du programme sont circonscrits
  • Le problème que rencontre le groupe cible est défini
  • Le problème est lié à un préjudice, un désavantage économique, une discrimination ou une atteinte à l’égalité des chances subi(e) par le groupe cible
  • Il existe des données probantes concernant le problème
  • Les objectifs du programme ont été déterminés
  • Les avantages offerts par le programme visent à résoudre le problème défini et à favoriser la concrétisation des objectifs
  • Le programme a été conçu pour aider les groupes défavorisés au-delà de l’obligation d’adaptation incombant à l’organisme en vertu du Code
  • La durée prévue du programme a été établie, le cas échéant.

Collecte de données

  • Une méthode permettant d’accéder aux données existantes ou de recueillir les nouvelles données nécessaires à l’établissement de la raison d’être du programme a été mise au point, ainsi qu’un système de surveillance et d’évaluation régulier
  • Toutes les données nécessaires ont été recueillies en tenant compte des questions d’anonymat et de confidentialité
  • Le mode de collecte des données est conforme aux exigences pertinentes de l’organisme en matière de protection de la vie privée et aux lois en vigueur en la matière.

Conditions d’admissibilité

  • Des critères précis régissant l’admissibilité des bénéficiaires du programme ont été définis
  • Toutes les conditions d’admissibilité, en particulier celles fondées sur des motifs illicites, se rapportent directement à la raison d’être du programme
  • Les critères d’admissibilité ne sont pas trop larges (ne comprennent pas des groupes qui ne sont pas censés bénéficier du programme)
  • Les conditions d’admissibilité ne sont pas trop étroites (n’excluent pas des personnes censées bénéficier du programme)
  • Les critères se rapportent directement à la raison d’être du programme, sans tenir compte d’une quelconque limite relative aux coûts
  • Le programme n’exerce pas de discrimination contre les participants, de manière intentionnelle ou non
  • Un système d’annonce des critères d’admissibilité aux parties prenantes concernées a été mis en place.

Évaluation du programme

  • Un système permettant d’évaluer l’efficacité du programme a été élaboré
  • Les données nécessaires à l’évaluation des objectifs du programme ont été définies
  • Des mesures permettant de modifier le programme au regard des données recueillies ont été envisagées
  • La durée du programme a été établie ou les critères d’achèvement du programme ont été précisés.

Planification et consultation

  • Les parties prenantes concernées et les collectivités visées ont été circonscrites et consultées. Leurs opinions ont été prises en compte lors de la conception du programme
  • Un plan de mise en œuvre du programme se fondant sur les lignes directrices a été élaboré
  • Les stratégies permanentes nécessaires à la gestion du programme en matière de ressources humaines, comme la formation du personnel, ont été prévues
  • Le cas échéant, un plan a été élaboré en vue d’informer les groupes cibles, les autres employés, les clients et le public des objectifs et de la mise en œuvre du programme, et de répondre aux préoccupations exprimées.

 

Article 14 du Code

Programme spécial

14.(1) Ne constitue pas une atteinte à un droit reconnu dans la partie I la mise en œuvre d’un programme spécial destiné à alléger un préjudice ou un désavantage économique ou à aider des personnes ou des groupes défavorisés à jouir ou à essayer de jouir de chances égales, ou qui favorisera probablement l’élimination d’une atteinte à des droits reconnus dans la partie I. L.R.O. 1990, chap. H.19, par. 14 (1)

Présentation d’une requête à la Commission

(2) Toute personne peut présenter une requête à la Commission pour faire désigner un programme comme programme spécial pour l’application du paragraphe (1). 2006, chap. 30, art. 1.

Désignation faite par la Commission

(3) Sur réception d’une requête, la Commission peut :

  1. soit désigner le programme comme programme spécial si elle estime qu’il satisfait aux exigences du paragraphe (1);
  2. soit désigner le programme comme programme spécial à la condition que celui-ci apporte les modifications précisées dans la désignation afin de satisfaire aux exigences du paragraphe (1). 2006, chap. 30, art. 1.

Enquêtes entreprises par la Commission

(4) La Commission peut, de son propre chef, enquêter sur un ou plusieurs programmes pour déterminer s’ils sont des programmes spéciaux pour l’application du paragraphe (1). 2006, chap. 30, art. 1.

Fin de l’enquête

(5) À l’issue d’une enquête visée au paragraphe (4), la Commission peut désigner comme programme spécial tout programme faisant l’objet d’une enquête si elle estime qu’il satisfait aux exigences du paragraphe (1). 2006, chap. 30, art. 1.

Expiration de la désignation

(6) Une désignation faite en vertu du paragraphe (3) ou (5) expire cinq ans après le jour où elle est faite ou à la date antérieure que précise la Commission. 2006, chap. 30, art. 1.

Renouvellement de la désignation

(7) Si une demande de renouvellement de la désignation d’un programme comme programme spécial est présentée à la Commission avant son expiration aux termes
du paragraphe (6), la Commission peut :

  1. soit renouveler la désignation si elle estime que le programme satisfait toujours aux exigences du paragraphe (1);
  2. soit renouveler la désignation à la condition que le programme apporte les modifications précisées dans la désignation afin de satisfaire aux exigences du paragraphe (1). 2006, chap. 30, art. 1.

Effet de la désignation ou non-désignation

(8) Dans une instance :

  1. d’une part, la preuve qu’un programme a été désigné comme programme spécial en vertu du présent article constitue la preuve, en l’absence de preuve contraire, que le programme est un programme spécial pour l’application du paragraphe (1);
  2. d’autre part, la preuve que la Commission a envisagé mais a refusé de désigner un programme comme programme spécial en vertu du présent article constitue la preuve, en l’absence de preuve contraire, que le programme n’est pas un programme spécial pour l’application du paragraphe (1). 2006, chap. 30, art. 1.

Programmes de la Couronne

(9) Les paragraphes (2) à (8) ne s’appliquent pas à un programme mis en œuvre par la Couronne ou un de ses organismes. 2006, chap. 30, art. 1.

Conclusion du Tribunal

(10) Aux fins d’une instance dont il est saisi, le Tribunal peut conclure qu’un programme satisfait aux exigences d’un programme spécial aux termes du paragraphe (1), même si la Commission ne l’a pas désigné comme programme spécial en vertu du présent article, sous réserve de l’alinéa (8) (b). 2006, chap. 30, art. 1.

 

Objet des politiques de la CODP

L’article 30 du Code des droits de la personne de l’Ontario (le Code) autorise la Commission ontarienne des droits de la personne (CODP) à élaborer, approuver et publier des politiques en matière de droits de la personne pour fournir des directives quant à l’interprétation des dispositions du Code. Les politiques et directives de la CODP établissent des normes décrivant comment les particuliers, les employeurs, les fournisseurs de services et les décisionnaires doivent agir pour se conformer au Code. Elles sont importantes car elles représentent l’interprétation du Code faite par la CODP au moment de leur publication[13]. De plus, elles expliquent les droits prévus par le Code.

L’article 45.5 du Code stipule que le Tribunal des droits de la personne de l’Ontario (le Tribunal) peut tenir compte des politiques approuvées par la CODP dans une instance dont il est saisi. Lorsqu’une partie ou un intervenant à une instance en fait la demande, le Tribunal doit tenir compte de la politique de la CODP citée. Lorsqu’une politique de la CODP est pertinente pour l’objet de la requête en droits de la personne, les parties et les intervenants sont encouragés à porter la politique à l’attention du Tribunal pour qu’il en tienne compte.

L’article 45.6 du Code prévoit que si le Tribunal rend une décision ou une ordonnance définitive contraire à une politique de la CODP dans le cadre d’une instance dans laquelle la CODP était une partie ou une intervenante, la CODP peut présenter une requête au Tribunal afin que celui-ci soumette un exposé de cause à la Cour divisionnaire pour résoudre cette incohérence.

Les politiques de la CODP sont assujetties aux décisions des cours supérieures qui interprètent le Code. Les politiques de la CODP sont prises au sérieux par les cours de justice et le Tribunal[14], appliquées aux faits de la cause devant la cour de justice ou le Tribunal et citées dans les décisions de ces instances[15].

Pour en savoir plus sur le système ontarien des droits de la personne, rendez-vous sur le site Web : www.ontario.ca/droitsdelapersonne

Pour déposer une plainte pour atteinte aux droits de la personne (appelée « requête »), veuillez communiquer avec le Tribunal des droits de la personne de l’Ontario.

Numéro sans frais : 1 866 598-0322
Numéro ATS sans frais : 1 866 607-1240
Site Web : www.hrto.ca

Pour parler de vos droits ou obtenir de l’aide juridique, veuillez communiquer avec
le Centre d’assistance juridique en matière de droits de la personne.

Numéro sans frais : 1 866 625-5179
Numéro ATS sans frais : 1 866 612-8627
Site Web : www.hrlsc.on.ca

Pour consulter les politiques et directives en matière de droits de la personne et obtenir d’autres renseignements, rendez-vous sur le site Web de la Commission ontarienne des droits de la personne, à l’adresse www.ohrc.on.ca/fr.

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[13] Il convient de noter que la jurisprudence, les modifications législatives et les changements de position de la CODP sur ses propres politiques qui ont lieu après la date de publication d’un document ne seront pas reflétés dans ce dernier. Pour en savoir plus, veuillez communiquer avec la Commission ontarienne des droits de la personne.

[14] Dans l’arrêt Quesnel c. London Educational Health Centre (1995), 28 C.H.R.R. D/474, par. 53 (Commission d’enquête de l’Ontario), le tribunal a appliqué la décision de la Cour suprême des États-Unis dans l’arrêt Griggs v. Duke Power Co., 401 U.S. 424 (4th Cir. 1971) pour conclure que les énoncés de politique de la CODP devraient bénéficier d’une « grande déférence » s’ils sont compatibles avec les valeurs du Code et si leur élaboration est compatible avec l’historique législatif du Code lui-même. Cette dernière exigence a été interprétée comme signifiant qu’un processus de consultation publique doit faire partie intégrante du processus d’élaboration des politiques.

[15] La Cour de justice supérieure de l’Ontario a cité in extenso des extraits des travaux publiés de la CODP dans le domaine de la retraite obligatoire et déclaré que les efforts de la CODP avaient apporté « d’énormes changements » dans l’attitude face à la retraite obligatoire en Ontario. Les travaux de la CODP sur la retraite obligatoire ont sensibilisé le public à cette question et ont, en partie, abouti à la décision du gouvernement de l’Ontario d’adopter une loi modifiant le Code pour interdire la discrimination fondée sur l’âge en matière d’emploi après 65 ans, sous réserve de certaines exceptions. Cette modification, qui est entrée en vigueur en décembre 2006, a rendu illégales les politiques sur la retraite obligatoire pour la plupart des employeurs en Ontario : Assoc. des juges de l’Ontario c. Ontario (Procureur général) (2008), 92 O.R. (3d) 16, par. 45. Voir également l’arrêt Eagleson Co-Operative Homes, Inc. v. Théberge, [2006] O.J. No. 4584 (C. sup. [C. div.]) dans lequel la Cour a appliqué le document de la CODP intitulé Politique et directives concernant le handicap et l’obligation d’accommodement, accessible à l’adresse : www.ohrc.on.ca/fr/politique-et-directives-concernant-le-handicap-et-lobligation-daccommodement.