Politique sur la suppression des obstacles liés à l’« expérience canadienne »

Version approuvée par la CODP : 1 février 2013
Disponible dans des formats accessibles sur demande.

1.Introduction

Le Canada accueille des immigrants[1] venus du monde entier. Considéré comme une terre de possibilités, de paix et de gouvernance démocratique, le Canada a pu attirer des immigrants hautement qualifiés. En retour, leurs contributions ont largement permis d’enrichir la culture, la société et l’économie canadiennes.

Compte tenu du vieillissement de la population, de la baisse du taux de natalité et de la pénurie de main-d’œuvre qualifiée, le Canada s’appuie sur les contributions des immigrants pour assurer son bien-être économique. Dans l’économie mondiale moderne, les immigrants ayant acquis une expérience à l’étranger peuvent renforcer la compétitivité du Canada à l’échelle internationale, et ce, en accroissant « l’avantage de la diversité[2] »dans le pays.

En conséquence, le niveau élevé des taux de sous-emploi et de chômage chez les nouveaux immigrants au Canada est extrêmement préoccupant. Statistique Canada a constaté qu’entre 1991 et 2006, « la proportion d’immigrants diplômés de l’université qui occupaient des postes de faible scolarité tels que commis, camionneurs, vendeurs, caissiers et chauffeurs de taxi a augmenté[3] ». Même après 15 ans au Canada, « les immigrants diplômés de l’université sont toujours plus susceptibles d’occuper un poste de faible scolarité[4] ».

Les groupes d’immigrants recensent de nombreux obstacles pour trouver un emploi correspondant à leur formation, à leurs compétences et à leur expérience. En voici une liste non exhaustive :

  • les employeurs ne reconnaissent pas l’expérience et les diplômes internationaux
  • difficultés linguistiques et de communication (en particulier vis-à-vis du « jargon professionnel[5] »)
  • les employeurs ne les aident pas à intégrer le milieu de travail et ne leur offrent pas de possibilités de formation liées à l’emploi;
  • on leur refuse des postes parce qu’on les juge « surqualifiés »
  • exigences arbitraires liées à l’« expérience canadienne[6] »
  • discrimination flagrante[7].

Si la Commission ontarienne des droits de la personne (CODP) reconnaît que tous les obstacles auxquels les nouveaux arrivants sont susceptibles de faire face en cherchant à accéder au marché du travail sont importants, la présente politique se focalise sur l’« expérience canadienne » en tant qu’exigence en matière d’emploi ou d’accréditation et en tant que pratique soulevant des préoccupations liées aux droits de la personne. La CODP estime qu’une exigence stricte liée à l’« expérience canadienne » constitue une discrimination prima facie (discrimination à première vue) et qu’on peut l’imposer uniquement dans de très rares circonstances. Il incombe aux employeurs et aux organismes de réglementation d’apporter la preuve qu’une exigence d’expérience professionnelle antérieure au Canada est établie de bonne foi, en fonction des critères juridiques énoncés dans la présente politique.

Le Code des droits de la personne de l’Ontario (ci-après le « Code ») stipule que « l’Ontario a pour principe de reconnaître la dignité et la valeur de toute personne et d’assurer à tous les mêmes droits et les mêmes chances, sans discrimination ». Le Code vise à créer un climat de compréhension et de respect mutuel, afin que chaque personne se sente partie intégrante de la collectivité et en mesure d’y contribuer.

Les employeurs, les syndicats, les organismes de réglementation, tous les ordres de gouvernement, les organismes de services sociaux pour les nouveaux arrivants, ainsi que les nouveaux arrivants eux-mêmes, ont tous un rôle à jouer pour s’assurer que
les obstacles à l’emploi sont désignés et supprimés. Un certain nombre de « pratiques exemplaires » ont vu le jour, qui sont susceptibles d’aider les organismes à faire en sorte de respecter le Code et les principes relatifs aux droits de la personne :

Pratiques exemplaires

Les employeurs, leurs représentants et les organismes de réglementation doivent faire ce qui suit :

  • Mener à bien un examen interne complet afin de cerner les obstacles éventuels pour les nouveaux arrivants et s’y attaquer en procédant à des changements opérationnels, par exemple en créant de nouvelles structures organisationnelles, en supprimant des pratiques ou des politiques anciennes qui soulèvent des préoccupations liées aux droits de la personne, en utilisant des procédures plus objectives et transparentes et en mettant l’accent sur des styles de leadership et de processus décisionnel plus inclusifs.

  • Examiner les exigences en matière d’emploi, les descriptions de poste, les pratiques de recrutement/d’embauche et les critères d’accréditation afin de s’assurer qu’ils ne comportent aucun obstacle pour les nouveaux arrivants qui se portent candidats.

  • Adopter une stratégie souple et personnalisée pour évaluer les qualifications et les compétences des candidats.

  • Donner aux candidats la possibilité de démontrer leurs qualifications par le biais de stages rémunérés, de contrats à court terme ou de postes assortis d’une période d’essai.

  • Offrir aux nouveaux arrivants des formations en cours d’emploi, des soutiens et des ressources qui leur permettront de combler les « écarts de compétences » (c.-à-d. d’acquérir toutes les compétences ou les connaissances qu’ils ne maîtrisent pas).

  • Recourir à des méthodes fondées sur la compétence pour déterminer si les candidats possèdent les aptitudes et les capacités nécessaires à l’emploi.

  •  Tenir compte de toute expérience professionnelle pertinente – quel que soit le lieu où elle a été acquise.

  • Formuler les qualifications nécessaires à l’emploi ou les critères de poste en termes de compétences ainsi que de connaissances et d’aptitudes liées à l’emploi.

  • Appuyer les initiatives visant à renforcer l’autonomie des nouveaux arrivants au sein et à l’extérieur de leurs organismes (par exemple, ententes de mentorat officielles, stages, possibilités de réseautage, autres types de programmes de transition, formation linguistique, etc.).

  • Suivre l’évolution du taux de diversité des nouvelles recrues afin de s’assurer qu’elles reflètent la diversité de l’ensemble des candidats compétents.

  • Mettre en œuvre des programmes spéciaux[8], des mesures correctives ou des initiatives de sensibilisation pour éviter que les nouveaux arrivants soient victimes d’injustices ou défavorisés.

  • Fournir aux nouveaux arrivants et aux organismes de services sociaux qui les servent des renseignements sur les normes en vigueur sur le lieu de travail, ainsi que sur les attentes et les possibilités au sein de l’organisme.

  • Maintenir une expertise externe afin de contribuer à supprimer les obstacles auxquels font face les nouveaux arrivants qui se portent candidats.

  • Conclure des partenariats avec d’autres organismes similaires qui sont susceptibles de contribuer à cerner des pratiques exemplaires supplémentaires.

  • Dispenser à tous les employés un enseignement et une formation obligatoires sur les droits de la personne et la compétence culturelle[9].

​Les employeurs, leurs représentants et les organismes de réglementation ne doivent pas faire ce qui suit :

  • Exiger que les candidats aient une expérience professionnelle antérieure au Canada pour être admissibles à un poste précis.

  • Supposer qu’un candidat n’est pas en mesure de réussir à un poste précis parce qu’il n’a pas d’expérience canadienne.

  • Réduire l’importance de l’expérience de travail à l’étranger d’un candidat ou lui accorder moins de poids qu’à son expérience de travail canadienne.

  • S’appuyer sur des concepts subjectifs pour évaluer la capacité d’un candidat de réussir sur le lieu de travail.

  • Inclure, dans l’annonce ou l’avis d’emploi, une exigence en matière d’expérience professionnelle antérieure au Canada ou de qualifications pouvant uniquement être obtenues en travaillant au Canada.

  • Exiger que les candidats indiquent leur pays d’origine ou le lieu où ils ont acquis leur expérience professionnelle sur le formulaire de demande d’emploi.

  • Poser aux candidats des questions susceptibles de révéler, directement ou indirectement, le lieu où ils ont acquis leur expérience professionnelle.

  • Accepter uniquement des références professionnelles locales.

Dans un rapport de 2003, Statistique Canada a constaté que le manque d’expérience canadienne était l’obstacle le plus courant pour les nouveaux arrivants cherchant à obtenir un emploi valorisant au Canada et que cet obstacle persistait deux ans après leur arrivée[10]. Selon une étude récente de l’Université de la Colombie-Britannique, les employeurs canadiens accordent plus de valeur à l’expérience de travail canadienne qu’à l’expérience de travail à l’étranger[11].

En 2012, la CODP a mené une enquête publique sur les exigences d’expérience canadienne dans le secteur de l’emploi. La CODP a reçu plus de 1 000 réponses de demandeurs d’emploi, de candidats à l’inscription auprès d’un organisme de réglementation[12], d’employeurs et d’autres personnes. Par ailleurs, la CODP a consulté un éventail d’organismes et de particuliers, y compris des organismes de services aux nouveaux arrivants, des employeurs, des organismes gouvernementaux et des organismes de réglementation. Ce travail préparatoire a révélé que les employeurs imposent des exigences d’expérience canadienne aux nouveaux arrivants qui sont à la recherche d’un emploi[13]. Les mêmes obstacles se retrouvent quand lesdits nouveaux arrivants essaient d’obtenir une accréditation professionnelle, dans la mesure où de nombreux organismes de réglementation n’acceptent pas de nouveaux membres qui n’ont pas d’expérience professionnelle antérieure au Canada[14].

L’exigence d’expérience canadienne place les nouveaux arrivants dans une situation extrêmement complexe : « ils ne peuvent pas décrocher un emploi sans avoir d’expérience acquise au Canada, mais ils ne peuvent pas acquérir de l’expérience au Canada sans d’abord obtenir un emploi[15] ». Les réponses à l’enquête de la CODP montrent que de nombreux nouveaux arrivants se rabattent sur un travail non rémunéré (p. ex. du bénévolat ou des stages) ou sur des « emplois de survie » – du travail peu spécialisé à l’extérieur de leur domaine d’expertise – afin de satisfaire à l’exigence d’expérience canadienne. À titre d’exemple, voici les réponses apportées par deux répondants à l’enquête :

[…] J’ai mis énormément de temps à décrocher un emploi, mais j’ai finalement pu le trouver grâce aux très nombreux mois au cours desquels j’ai travaillé sans relâche et durant de longues heures comme bénévole. L’emploi que j’exerce aujourd’hui n’a rien à voir avec les études que j’ai faites. Cette lutte, qui a été pour moi source de tristesse et de déprime, a également drainé mes ressources financières.

[…] Le principal motif qu’ils ont cité [pour justifier leur refus de m’embaucher] est le manque d’expérience canadienne. J’ai toutes les qualifications requises et plus de 12 années d’expérience dans un milieu de travail multiculturel et au rythme rapide, et je crois que j’ai aussi de solides compétences en communication. J’ai même proposé de travailler sans rémunération pendant quelques semaines pour que mes compétences et la qualité de mon travail puissent être évaluées. J’ai commencé à éprouver de la frustration et j’envisage de rentrer dans mon pays. Ils disent avoir besoin de travailleurs qualifiés, mais ils ne reconnaissent pas l’expérience acquise à l’étranger.

Un nouvel arrivant éprouvera davantage de difficultés à s’intégrer dans la société canadienne et à contribuer efficacement à sa nouvelle patrie s’il n’est pas en mesure de toucher une rémunération convenable[16]. Un emploi décent est nécessaire pour assurer le bien-être économique, ce qui a des répercussions en termes de santé, d’accès à l’éducation et d’accès aux services. Comme l’a constaté un tribunal des droits de la personne de la Colombie-Britannique : « personne n’a intérêt à ce que l’on continue d’accepter dans ce pays certains des professionnels les plus compétents et les plus intelligents originaires du monde entier, si c’est pour leur compliquer ensuite la tâche au point qu’il leur est virtuellement impossible de mettre à profit les compétences dont ils disposent[17] » [traduction libre].

Quand le plein potentiel des travailleurs n’est pas exploité, ce sont les nouveaux arrivants, les employeurs et la société canadienne dans son ensemble qui en pâtissent. Si les immigrants les plus qualifiés au monde estiment qu’il est impossible de décrocher un emploi convenable dans leur domaine au Canada, ou qu’ils risquent de devenir chauffeurs de taxi alors qu’ils sont titulaires d’un diplôme d’ingénieur ou d’un doctorat, beaucoup d’entre eux ne voudront plus s’installer dans notre pays. Ils choisiront tout simplement une autre destination.


[1] La Commission ontarienne des droits de la personne (CODP) reconnaît que cerner la meilleure façon de décrire les personnes comporte des défis inhérents. La terminologie est évolutive, et ce que nous considérons aujourd’hui comme approprié changera probablement au fil du temps. En outre, les membres d’un groupe peuvent ne pas s’accorder sur une définition et vouloir se décrire autrement. Dans la présente politique, les termes « immigrant » et « nouvel arrivant » sont utilisés au sens large pour désigner une personne dont la citoyenneté d’origine n’était pas canadienne, mais qui est entrée au Canada pour y vivre de façon permanente. Cette définition inclut les demandeurs d’asile, les résidents permanents et les personnes qui ont aujourd’hui la citoyenneté canadienne. La CODP reconnaît en outre que les expériences des nouveaux immigrants peuvent être uniques et différentes de celles des personnes qui vivent au Canada depuis plus longtemps, mais aussi de celles des Canadiennes et Canadiens de deuxième génération.

[2] Gail Larose et George Tillman, « Valoriser l’expérience acquise à l’étranger par les immigrants », Conseil canadien sur l’apprentissage, 2009, p. 10.

[3] Statistique Canada, « Scolarité des immigrants et compétences professionnelles requises », disponible en ligne à : www.statcan.gc.ca/pub/75-001-x/2008112/pdf/10766-fra.pdf (date de consultation : 24 mai 2012).

[4]Idem.

[5] Nan Weiner, « Breaking Down Barriers to Labour Market Integration of Newcomers in Toronto », Choix IRPP, vol. 14, n° 10, septembre 2008, p. 6.

[6] Veuillez noter que l’expression « expérience canadienne » est utilisée dans la présente politique pour désigner l’expérience professionnelle acquise au Canada. Ceci diffère de ce qu’on appelle la « catégorie de l’expérience canadienne », une catégorie d’immigration réservée aux travailleurs étrangers temporaires ou aux étudiants étrangers qui ont obtenu un diplôme au Canada, qui maîtrisent le français et/ou l’anglais et qui souhaitent devenir des résidents permanents. Pour de plus amples renseignements sur la « catégorie de l’expérience canadienne », consultez : www.cic.gc.ca/francais/immigrer/cec/index.asp.

[7] Pour obtenir des renseignements plus détaillés sur les obstacles à l’emploi auxquels les nouveaux arrivants font face, consultez par exemple : V. Kukushkin et D. Watt, « Immigrant-Friendly Businesses: Effective Practices for Attracting, Integrating, and Retaining Immigrants in Canadian Workplaces », Le Conference Board du Canada, 2009, p. 12, disponible en ligne à : www.conferenceboard.ca/temp/e5fa823a-e869-4bbe-910b-0fa8eef12ef3/10-041_CanCompete_ImmigrantBusiness_WEB1.pdf (date de consultation : 11 mai 2012); Weiner, voir plus haut, note 5; et « The Facts Are In! A study of the characteristics and experiences of immigrants seeking employment in regulated professions in Ontario », ministère de la Formation et des Collèges et Universités, 2002, p. 22, disponible en ligne à : www.edu.gov.on.ca/eng/document/reports/facts02.pdf (date de consultation : 13 novembre 2012).

[8] Pour obtenir de plus amples renseignements, consultez la publication de la CODP intitulée Les programmes spéciaux et le Code des droits de la personne de l’Ontario : Un guide pratique, 2012, disponible en ligne à : www.ohrc.on.ca/fr/les-programmes-spéciaux-et-le-code-des-droits-de-la-personne-de-lontario-un-guide-pratique.

[9] Wikipédia définit la « compétence culturelle » comme « la capacité d’interagir efficacement avec des personnes de cultures différentes, en particulier dans le cadre des ressources humaines, des organismes à but non lucratif et des organismes gouvernementaux dont les employés travaillent avec des personnes d’origines culturelles/ethniques variées. La compétence culturelle comprend quatre volets : (a) prise de conscience de sa propre vision culturelle du monde; (b) comportement face aux différences culturelles; (c) connaissance des différentes pratiques culturelles et visions culturelles du monde; et (d) compétences interculturelles. Renforcer la compétence culturelle donne la capacité de comprendre les personnes de toutes les cultures, ainsi que de communiquer et d’interagir efficacement avec elles » [traduction libre]. Voir : http://en.wikipedia.org/wiki/Cultural_competence (date de consultation : 10 novembre 2012).

[10] Statistique Canada, « Enquête longitudinale auprès des immigrants du Canada :Le processus, les progrès et les perspectives », 2003, p. 40, disponible en ligne à : www.statcan.gc.ca/pub/89-611-x/89-611-x2003001-fra.pdf (date de consultation : 29 mai 2012).

[11] À titre d’exemple, le taux de rappel par les employeurs des candidats dont le curriculum vitæ indiquait uniquement une expérience de travail à l’étranger était sensiblement inférieur au taux de rappel de ceux dont le curriculum vitæ incluait une expérience professionnelle au Canada. Voir : Philip Oreopoulos, « Why Do Skilled Immigrants Struggle in the Labor Market? A Field Experiment with Six Thousand Resumes », 2009, disponible en ligne à : www.nber.org/papers/w15036 (date de consultation :
28 mai 2012).

[12] Le terme « organisme de réglementation » est utilisé dans la présente politique pour désigner les organismes (d’origine législative ou non) qui supervisent une profession particulière dont ils régissent les membres dans l’intérêt du public. Certains organismes de réglementation délivrent des permis d’exercice à des professionnels qualifiés pour leur permettre de pratiquer leur profession dans la province de l’Ontario. Dans cette optique, ils contrôlent l’accès à leur profession ou à leur métier spécifique. D’autres organismes de réglementation ne remplissent pas cette fonction de « contrôle ». Bien que l’adhésion à ce type d’organisme de réglementation soit fondée sur le volontariat, elle peut s’accompagner de certains avantages pour les particuliers qui cherchent à exercer la profession concernée, comme une désignation, une certification ou une accréditation professionnelle. Comme mentionné précédemment, les pouvoirs statutaires de nombreux organismes de réglementation des professions sont fondés sur la législation. Il est important de noter qu’en tant que document quasi constitutionnel, le Code des droits de la personne a préséance sur la législation, sauf si celle-ci indique le contraire.

[13] Selon la rétroaction obtenue dans le cadre de l’enquête de la CODP, si certains employeurs précisent effectivement dans leurs annonces d’emploi qu’ils exigent une expérience canadienne, la majorité d’entre eux semblent formuler cette demande de façon plus subtile (par exemple lors d’entrevues personnelles ou par le biais d’agences de placement). Les organismes de services aux nouveaux arrivants ont indiqué à la CODP qu’il arrive parfois que les employeurs écartent un curriculum vitæ n’apportant pas la preuve d’une expérience canadienne, sans que le demandeur d’emploi ne sache jamais pourquoi il n’a pas été donné suite à sa candidature. En outre, dans certains cas, les employeurs formulent des conclusions sur le manque d’expérience canadienne d’un candidat car le format de son curriculum vitæ ou de sa lettre d’accompagnement est inhabituel, parce qu’il fait référence dans son curriculum vitæ à une expérience de travail acquise à l’étranger ou à des diplômes internationaux, compte tenu du style de communication écrite adopté, ou en raison d’autres facteurs.

[14] Le Bureau du commissaire à l’équité (BCE), un organisme autonome du gouvernement de l’Ontario, a été créé en 2007 pour faire en sorte que toutes les personnes ayant qualité pour exercer une profession réglementée en Ontario puissent obtenir un permis d’exercice dans la province. Le BCE examine les obstacles associés aux pratiques d’inscription de certains organismes de réglementation. À titre d’exemple, le BCE cherche à déterminer si l’expérience internationale est suffisante pour satisfaire aux objectifs liés au milieu de travail ou à l’exigence d’expérience clinique, et dans quelle mesure l’expérience canadienne ou ontarienne est nécessaire pour exercer une profession en Ontario. Pour de plus amples renseignements, consultez : www.fairnesscommissioner.ca/index_fr.php.

[15] Larose et Tillman, voir plus haut à la note 2, p. 3.

[16] Certains nouveaux arrivants qui parviennent à décrocher un emploi estiment cependant que leur manque d’expérience canadienne a des conséquences négatives sur leur barème de rémunération et/ou sur leurs possibilités de promotion et d’avancement au sein de l’organisme. À titre d’exemple, dans la Décision Clarke Institute of Psychiatry c. Ontario Nurses’ Assn, [2001] O.L.A.A. No. 184, le tribunal a accueilli un grief portant sur le fait que l’employeur des plaignants avait refusé de tenir compte de leur expérience à l’étranger sur la grille salariale, compte tenu de leur race et de leur lieu d’origine. Les politiques de l’employeur étaient discriminatoires car elles imposaient aux employés ayant acquis une expérience en Afrique d’en apporter la preuve à des fins de vérification, tandis que les employés ayant acquis une expérience en Irlande étaient dispensés de cette exigence. Voir également la Décision Re Eastern Ontario Health Unit and A.A.H.P.O., [1996] O.L.A.A. No. 898.

[17]Bitonti c. British Columbia (Ministry of Health) (No. 3) (1999), 36 C.H.R.R. D/263, paragr. 381.

 

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2. Le Code des droits de la personne de l’Ontario

Bon nombre d’immigrants qui ont choisi de s’établir au Canada se sont installés en Ontario. Statistique Canada constate qu’à Toronto, « près de la moitié de la population (47,3 %) est née à l’étranger; il s’agit de la plus forte proportion observée dans les grandes villes des pays développés, y compris New York, Miami et Sydney[18] ».

L’article 5 du Code stipule que toute personne en Ontario a droit à un traitement égal en matière d’emploi, sans discrimination fondée sur la race, l’ascendance, la couleur, le lieu d’origine et l’origine ethnique. Personne ne doit faire face à des obstacles à l’emploi fondés sur des caractéristiques qui sont associées à ces motifs.

L’article 6 du Code stipule que toute personne en Ontario a droit à un traitement égal en matière d’adhésion à un syndicat ou à une association professionnelle, ou en matière d’inscription à l’exercice d’une profession autonome, sans discrimination fondée sur la race, l’ascendance, la couleur, le lieu d’origine et l’origine ethnique. En conséquence, les organismes qui régissent les professions réglementées et les métiers à certificat obligatoire doivent éviter d’adopter des critères d’adhésion ou de délivrance de permis qui sont susceptibles d’établir une discrimination fondée sur ces motifs.

La discrimination en vertu du Code peut être directe, par exemple quand un employeur refuse de recruter une personne en raison de préjugés liés à son lieu d’origine. Toutefois, le Code interdit également la discrimination résultant d’exigences, de qualités requises ou de critères qui peuvent sembler neutres, mais dont l’effet est négatif pour les personnes désignées dans le Code. On parle souvent d’« effet préjudiciable » ou de discrimination « indirecte[19] ». Une annonce d’emploi ou une procédure de recrutement ou d’accréditation qui est réservée aux personnes ayant une expérience canadienne peut avoir un effet préjudiciable sur les nouveaux immigrants. La plupart des nouveaux arrivants au Canada n’ont pas encore d’expérience de travail canadienne, alors même qu’ils peuvent avoir acquis une expérience pertinente à l’étranger et être qualifiés pour obtenir un poste ou une accréditation professionnelle. Voici les propos d’un répondant à l’enquête de la CODP :

L’expérience particulière demandée dans les annonces d’emploi ne peut pas être acquise à l’extérieur du Canada. Par exemple, la plupart des postes dans mon domaine exigent de connaître les règlements bancaires canadiens, ce qui est bien sûr impossible puisque je n’ai pas travaillé ou fait mes études ici.

Toute distinction fondée sur le lieu d’acquisition de l’expérience professionnelle est susceptible d’établir indirectement une discrimination fondée sur des motifs prévus au Code, tels que la race, l’ascendance, la couleur, le lieu d’origine et l’origine ethnique.

Les obstacles en matière de recrutement, de sélection et d’embauche des employés ou dans le cadre des processus d’accréditation des organismes de réglementation sont susceptibles d’entraîner une discrimination systémique. On entend par discrimination systémique ou institutionnelle des formes de comportement, des politiques ou des pratiques en vigueur au sein d’un organisme qui créent ou qui perpétuent une situation de désavantage relatif pour les personnes désignées dans le Code[20]. Bien que ces attitudes, ces politiques et ces pratiques semblent neutres en apparence, elles peuvent avoir pour effet d’exclure les personnes visées par les motifs prévus au Code. La discrimination systémique ou institutionnelle peut constituer un obstacle important pour les nouveaux arrivants en Ontario qui essaient de décrocher un emploi convenable ou d’obtenir une accréditation dans leur profession.

Exemple : Un organisme de réglementation exige que tous les candidats effectuent un stage d’une durée de 10 mois au Canada dans le cadre du processus d’obtention de permis. Bien que tous les candidats doivent satisfaire à cette condition, nombreux sont les nouveaux arrivants au Canada qui éprouvent plus de difficultés à trouver un stage en raison de caractéristiques associées à la race, à l’ascendance, à la couleur, au lieu d’origine et à l’origine ethnique. En conséquence, il est probable que cette exigence aura un effet préjudiciable sur les nouveaux arrivants.

Les tribunaux ont souligné qu’il est important de garantir l’« égalité matérielle » dans la législation sur les droits de la personne. L’égalité matérielle recouvre l’impact des lois, des politiques ou des stratégies d’action sur les groupes défavorisés et a pour objectif de faire en sorte que les règles, les exigences ou les modes de traitement n’établissent pas indirectement de distinctions fondées sur des motifs illicites.

Le paragraphe 23(1) du Code interdit aux employeurs de publier ou d’afficher des annonces en matière d’emploi ou des invitations à poser sa candidature qui, directement ou indirectement, établissent des catégories ou indiquent des qualités requises fondées sur un motif illicite de discrimination. Les références à l’expérience canadienne dans les annonces d’emploi sont susceptibles de décourager les nouveaux arrivants de soumettre leur candidature, alors même qu’ils ont les qualités requises pour occuper le poste. Un employeur qui publie des annonces incluant des exigences d’expérience canadienne court le risque de contrevenir au Code.

Le paragraphe 23(2) du Code interdit d’utiliser un formulaire de demande d’emploi ou de poser au candidat des questions écrites ou orales ayant pour effet direct ou indirect d’établir des catégories fondées sur un motif illicite de discrimination. À l’étape de la candidature, les employeurs ne doivent pas demander aux candidats s’ils possèdent une expérience canadienne, afin d’éviter que des caractéristiques prévues au Code leur soient révélées. Les employeurs doivent uniquement demander aux candidats quelles sont leurs qualifications et leurs expériences antérieures pertinentes en fonction de la profession ou du métier visé(e), quel que soit leur lieu d’acquisition.

Aux termes du paragraphe 23(3) du Code, un employeur peut poser des questions concernant l’expérience canadienne lors d’une entrevue d’emploi ou préciser qu’il accorde une préférence à l’expérience canadienne, mais uniquement s’il peut prouver que l’expérience de travail au Canada est une exigence légitime et que toute adaptation lui causerait un préjudice injustifié. Les critères juridiques élevés qui visent ce type d’exigences sont détaillés ci-dessous. Dans le cas contraire, l’employeur ne doit pas demander au candidat où il a acquis son expérience.

Le paragraphe 23(4) du Code interdit aux employeurs de faire appel à une agence de placement pour recruter des personnes en fonction de préférences fondées sur les motifs prévus au Code. Certains répondants à l’enquête de la CODP ont déclaré que les obstacles rencontrés ont été érigés par des agences de placement. À titre d’exemple, une personne a indiqué : « un certain nombre de postes pour lesquels j’ai présenté directement ma candidature figuraient également sur les portails de certaines agences qui n’hésitaient pas à préciser que l’employeur recherchait des personnes ayant une expérience de travail canadienne ». Le paragraphe 23(4) interdit aux employeurs de faire appel à une agence de placement pour recruter, sélectionner, présélectionner ou embaucher des personnes en se fondant sur l’existence d’une expérience professionnelle antérieure au Canada.

Les employeurs et les organismes de réglementation doivent évaluer toute l’expérience professionnelle antérieure, quel que soit le lieu où elle a été acquise. Très souvent, il est facile d’évaluer les compétences et les capacités d’une personne sans pour autant communiquer avec une référence professionnelle canadienne ou exiger une expérience professionnelle antérieure au Canada.

Exemple : Un employeur recherche un(e) dactylographe/réceptionniste. Même si la personne a reçu sa formation dans un pays étranger, il existe plusieurs moyens permettant de vérifier ses compétences, comme des tests normalisés (par exemple des tests de dactylographie), des lettres de recommandation ou des périodes d’essai.

Les exigences et les responsabilités en matière d’emploi doivent être raisonnables, authentiques et directement liées à l’exercice du métier. De même, dans le cas des organismes de réglementation, les exigences en matière d’accréditation doivent être raisonnables, authentiques et directement liées à la compétence du candidat. La CODP estime qu’une exigence stricte liée à l’« expérience canadienne » constitue une discrimination à première vue et qu’on peut l’imposer uniquement dans de rares circonstances. Il incombe aux employeurs et aux organismes de réglementation d’apporter la preuve qu’une exigence d’expérience canadienne est établie de bonne foi, en fonction des critères juridiques énoncés ci-dessous.


[18] Garnett Picot, « Situation économique et sociale des immigrants au Canada : recherche et élaboration de données à Statistique Canada », Statistique Canada, 2008, disponible en ligne à : www.publications.gc.ca/collections/collection_2008/statcan/11F0019M/11f0019m2008319-fra.pdf
(date de consultation : 24 mai 2012).

[19] L’article 11 du Code autorise le particulier ou l’organisme auquel il incombe de tenir compte des besoins du groupe dont il fait partie de démontrer que « l’exigence, la qualité requise ou le critère est établi de façon raisonnable et de bonne foi », car il ne peut le faire sans subir lui-même un préjudice injustifié. Pour une analyse plus approfondie, consultez la section intitulée « Exigences légitimes en matière d’emploi ».

[20] Adapté de C. Agocs, « Racisme émergeant en milieu de travail : Preuves qualitatives et quantitatives d’une discrimination systémique », (2004) 3:3, Diversité canadienne, p. 25. D’autres définitions ont été proposées, par exemple :

…la discrimination s’entend des pratiques ou des attitudes qui, de par leur conception ou par voie de conséquence, gênent l’accès des particuliers ou des groupes à des possibilités d’emplois, en raison de caractéristiques qui leur sont prêtées à tort… [Extrait, Action Travail des Femmes c. Canadien National (1984), 5 C.H.R.R. D/2327 (C.H.R.T.), conf. (1987), 8 C.H.R.R. D/4210 (CSC)].

…la discrimination systémique [...] est issue des conséquences involontaires de systèmes et de pratiques d’emploi établis. Elle a pour effet de gêner l’accès à des possibilités d’emploi et à des avantages pour les membres de certains groupes. Puisque la discrimination n’est pas motivée par un acte conscient, elle est plus difficile à déceler et l’on doit se pencher sur les conséquences ou les résultats du système d’emploi en cause. [Extrait de Alliance de la Capitale nationale sur les relations inter-raciales c. Santé et Bien-être social Canada (1997), 28 C.H.R.R. D/179 (C.H.R.T.), paragr. 164].

 

3. Exigences légitimes en matière d’emploi

Les compétences que les employeurs ou les organismes de réglementation entendent évaluer lorsqu’ils imposent aux candidats une exigence d’expérience canadienne ne font l’objet d’aucune vision commune. Ceci peut s’avérer extrêmement frustrant pour les nouveaux arrivants qui n’ont pas encore travaillé au Canada et à qui l’on ne donne pas la possibilité de prouver leurs compétences, bien qu’ils soient qualifiés pour obtenir un poste ou une accréditation professionnelle. Beaucoup de nouveaux arrivants ont l’impression que l’approche adoptée par de nombreux employeurs canadiens « est arbitraire et les pénalise souvent inutilement à cause de leur manque d’expérience et de diplômes canadiens[21] ». Dans certains cas, le fait d’exiger que les candidats aient une expérience canadienne peut constituer une discrimination déguisée et un moyen de procéder à une sélection préliminaire, en excluant les nouveaux arrivants du processus de recrutement[22]. Voici les propos d’un répondant à l’enquête de la CODP :

J’ai travaillé un peu partout en Europe et je sais que l’« expérience européenne » ne pose aucun problème. Je pense que l’expérience canadienne est un obstacle créé de toutes pièces pour empêcher les immigrants hautement qualifiés d’occuper des postes de prestige et de toucher de fortes rémunérations.

Certains employeurs considèrent à tort que le seul moyen pour un demandeur d’emploi de prouver qu’il a « les capacités » d’être efficace ou de « s’intégrer » dans un milieu de travail canadien est de démontrer qu’il a déjà travaillé au Canada[23]. Ces employeurs s’imaginent que l’exigence d’expérience canadienne peut être utilisée comme raccourci, ou comme moyen de substitution, pour mesurer la compétence et les aptitudes d’une personne[24]. De même, certains organismes de réglementation estiment que le seul moyen pour un candidat de maîtriser les normes canadiennes relatives à son métier ou à sa profession spécifique consiste à acquérir une expérience professionnelle dans un environnement canadien ou à travailler sous la supervision d’une personne titulaire d’un permis d’exercer ladite profession au Canada.

Même lorsque les employeurs et les organismes de réglementation agissent de bonne foi, l’expérience canadienne d’un candidat, ou l’absence d’une telle expérience, ne constitue pas un moyen fiable d’évaluer les compétences ou les capacités d’une personne. En outre, le fait d’imposer des exigences de ce type est susceptible de contrevenir au Code. Les employeurs et les organismes de réglementation doivent indiquer clairement les qualifications particulières qu’ils recherchent, au lieu d’utiliser des expressions « générales » comme « expérience canadienne ». À titre d’exemple, si la capacité de communiquer efficacement est une qualité requise, ils doivent le préciser de façon claire et donner aux candidats la possibilité de prouver qu’ils maîtrisent cette compétence.

Une exigence d’expérience canadienne, même si elle est mise en œuvre de bonne foi, peut constituer un obstacle au recrutement, à la sélection, à l’embauche ou à l’accréditation et entraîner une discrimination. Aux termes du Code des droits de la personne, si l’existence d’une discrimination est attestée, l’organisme ou l’institution visé(e) par la plainte peut s’en défendre en démontrant que la politique, la règle ou l’exigence ayant entraîné un traitement inégal est légitime ou établie de bonne foi. Dans l’arrêt Meiorin[25], la Cour suprême du Canada a élaboré une méthode en trois étapes pour déterminer si une norme entraînant une discrimination peut se justifier en tant qu’exigence établie de façon raisonnable et de bonne foi.

Pour ce faire, il incombe à l’organisme ou à l’institution de prouver, selon la prépondérance des probabilités, que la norme, le critère, l’exigence ou la règle :

  1. a été adopté(e) dans un but ou objectif rationnellement lié aux fonctions exercées
  2. a été adopté(e) de bonne foi, en croyant qu’elle ou il était nécessaire pour réaliser ce but ou cet objectif; et
  3. est raisonnablement nécessaire pour réaliser ce but ou cet objectif, car il est impossible de composer avec les besoins du demandeur sans subir un préjudice injustifié.

Conformément à cette méthode, la règle ou la norme elle-même doit tenir compte des différences individuelles, dans la mesure du possible, au lieu de maintenir des normes discriminatoires incluant des mesures d’adaptation pour les personnes qui ne peuvent pas y satisfaire. Malgré tout, il peut s’avérer nécessaire de causer un préjudice injustifié pour tenir compte des différences individuelles. Ceci permet de s’assurer « que chaque personne est évaluée selon ses propres capacités personnelles plutôt qu’en fonction de présumées caractéristiques de groupe[26] ».

Afin qu’une exigence en matière d’emploi ou d’accréditation, par exemple une exigence d’expérience canadienne, soit considérée comme légitime ou « de bonne foi », l’organisme doit démontrer que ladite exigence est aussi inclusive que possible et que des mesures ont été prises pour tenir compte des besoins des candidats couverts par le Code. Ceci nécessite d’évaluer les candidats de façon individuelle, mais aussi de tenir compte de l’expérience non canadienne et des autres qualifications.

La procédure adoptée pour évaluer et réaliser l’adaptation est aussi importante que la teneur réelle de l’adaptation. Voici quelques-unes des questions à prendre en compte :

  • La personne responsable de l’adaptation a-t-elle cherché des solutions de remplacement qui n’ont pas d’effet discriminatoire?
  • Pourquoi des solutions de remplacement viables n’ont-elles pas été mises en œuvre?
  • Est-il possible d’établir des normes distinctes qui reflètent les différences et les capacités collectives ou individuelles?
  • Les objectifs légitimes de l’organisme peuvent-ils être atteints d’une manière moins discriminatoire?
  • La norme est-elle conçue pour s’assurer que le niveau de compétence requis est atteint sans qu’un fardeau injustifié soit imposé aux personnes visées?
  • Toutes les personnes qui sont tenues de participer à la recherche de mesures d’adaptation ont-elles joué leur rôle[27]?

Les décisions en matière de recrutement, de sélection, d’embauche et d’accréditation ne doivent pas se fonder sur des stéréotypes[28] visant les candidats ou sur des idées préconçues quant à la qualité de l’expérience professionnelle acquise à l’étranger. Il ne faut pas que les employeurs et les organismes de réglementation considèrent que l’absence d’expérience de travail au Canada équivaut, par exemple, à une expérience professionnelle négative ou à un avis négatif de la part d’un employeur. La tendance des employeurs à dévaluer l’expérience professionnelle acquise à l’étranger est un point essentiel qui se retrouve dans de nombreuses réponses à l’enquête de la CODP. Voici les propos d’un répondant :

On commence par me demander si j’ai une expérience canadienne ou, dans le pire des cas, si j’ai une expérience en Ontario. Aucun de mes autres antécédents professionnels ne compte… D’une certaine façon, on me force à tout recommencer à zéro et c’est ici que je dois acquérir toute mon expérience…

Si un candidat n’a pas d’expérience canadienne pour des raisons liées à un motif prévu au Code, il faut que les employeurs et les organismes de réglementation examinent les autres renseignements disponibles afin d’effectuer une évaluation raisonnable et équitable[29].

Les candidats doivent être évalués de façon individuelle, au lieu d’être exclus à l’issue d’une présélection fondée sur des règles générales. Les tribunaux qui se sont penchés sur l’accréditation des professionnels étrangers ont appliqué la méthode décrite dans l’arrêt Meiorin et ont conclu que les normes d’évaluation sont établies de bonne foi, quand elles se fondent sur des évaluations individuelles tenant compte de la formation effectivement reçue plutôt que sur des idées préconçues relatives à la supériorité de la formation au Canada[30].

Toute l’expérience professionnelle antérieure doit être évaluée, quel que soit le lieu où elle a été acquise. Il faut que les employeurs recherchent des qualifications liées à l’emploi (par exemple la capacité de planifier un projet et de le mener à bien dans les délais impartis ou celle de maîtriser les lois et les normes industrielles canadiennes). Les candidats doivent avoir la possibilité de prouver qu’ils possèdent une expérience et des compétences pertinentes de différentes façons. La question essentielle est de savoir si le candidat est qualifié pour occuper le poste proposé.

Exemple : Au lieu d’imposer une exigence générale d’expérience canadienne aux candidats ou d’exiger qu’ils aient tissé des liens d’affaires au plan local avant leur recrutement, une agence de publicité leur donne la possibilité de démontrer qu’ils sont capables de réaliser des affaires.

Exemple : Au lieu d’exiger que tous les candidats formés à l’étranger effectuent un stage pratique d’une durée de deux ans pour obtenir une désignation professionnelle, un organisme de réglementation donne aux candidats la possibilité de prouver leurs compétences et connaissances techniques en passant un test pratique axé sur les compétences.

Cette approche est conforme à la jurisprudence en matière d’évaluation des titres de compétences des professionnels formés à l’étranger. Dans la Décision Bitonti c. British Columbia (Ministry of Health), qui a été rendue dans une affaire portant sur les qualifications des diplômés internationaux en médecine, le tribunal a reconnu qu’il est important de mettre en place un mécanisme permettant aux diplômés de faire « évaluer leurs compétences en fonction du mérite et non d’idées préconçues, ainsi que de participer à un processus de sélection équitable » [traduction libre], et ce, au même
titre que les diplômés des écoles de médecine canadiennes[31]. Le tribunal a jugé problématique que les candidats n’aient pas « la capacité de démontrer l’équivalence de leurs qualifications[32] » [traduction libre].

Les processus décisionnels relatifs au recrutement ou à l’accréditation doivent être aussi transparents que possible. À titre d’exemple, il faut indiquer clairement dans les annonces d’emploi quelle expérience professionnelle et quelles compétences spécifiques sont exigées pour chacune des fonctions du poste, et les qualifications requises doivent avoir un lien avec le poste. Les candidats à l’emploi doivent avoir la possibilité de prouver leurs capacités lors d’une entrevue, voire dans le cadre d’une simulation de travail.

Les employeurs refusant régulièrement de recruter des personnes désignées par des motifs spécifiques prévus au Code peuvent être motivés par des attitudes négatives, des préjugés et/ou des stéréotypes. Dans le domaine de l’emploi, les agissements fondés sur des stéréotypes discriminatoires contreviennent au Code. Les employeurs doivent appuyer le processus de sélection des candidats sur des critères objectifs et normalisés afin d’éviter le plus possible que la discrimination entre en jeu. À titre d’exemple, les évaluations visant à déterminer si une personne est en mesure de « s’intégrer » à la culture d’une société ou d’un organisme ouvrent la porte à des préjugés et à des stéréotypes culturels qui sont susceptibles d’influer sur les décisions et d’exclure des personnes protégées par le Code. Un employeur qui reçoit plusieurs candidatures doit être en mesure d’expliquer son mode de sélection[33].

Il incombe à l’employeur ou à l’organisme de réglementation d’apporter la preuve qu’une exigence d’expérience de travail au Canada est établie de bonne foi et de façon raisonnable. Pour ce faire, il est indispensable de démontrer que l’on a adopté une approche souple pour évaluer les autres types d’expérience du candidat et en estimer la pertinence vis-à-vis des autres exigences.


[21] Jean Lock Kunz, et coll., « Inégalité d’accès : profil des différences entre les groupes ethnoculturels canadiens dans les domaines de l’emploi, du revenu et de l’éducation », p. 32, disponible en ligne à : www.crrf-fcrr.ca/images/stories/pdf/unequal/Frefin.pdf (date de consultation : 7 juin 2012).

[22]Dans une étude récente visant à déterminer pourquoi les immigrants admis au Canada en raison de leur compétence continuent d’éprouver des difficultés sur le marché du travail, des chercheurs de l’Université de la Colombie-Britannique ont constaté que les personnes dont le curriculum vitæ comporte un nom à consonance anglophone obtiennent plus souvent des demandes d’entrevue que les candidats ayant un nom chinois, indien ou pakistanais (dans une proportion s’élevant à 40 p. 100). L’auteur de l’étude tire la conclusion suivante : « Dans l’ensemble, les résultats donnent à penser que les employeurs font preuve d’une discrimination considérable à l’égard des candidats ayant un nom à consonance ethnique ou une expérience acquise dans des sociétés étrangères »[traduction libre]. Voir Oreopoulos, plus haut à la note 11, p. 6.

[23] Izumi Sakamoto, et coll., « “Canadian Experience,” Employment Challenges, and Skilled Immigrants: A Close Look Through “Tacit Knowledge” », 2010; disponible en ligne à : www.beyondcanadianexperience.com/sites/default/files/csw-sakamoto.pdf (date de consultation : 
19 mars 2013).

[24]À une époque marquée par le perfectionnement des communications internationales, la technologie moderne offre de multiples possibilités aux employeurs et aux autres intervenants pour consulter ou vérifier rapidement et facilement les diplômes ou les titres de compétences que les candidats ont acquis à l’étranger.

[25]Colombie-Britannique (Public Service Employee Relations Commission) c. BCGSEU [ci-après l’« arrêt Meiorin »], [1999] 3 R.C.S. 3.

[26]Colombie-Britannique (Superintendent of Motor Vehicles) c. Colombie-Britannique (Council of Human Rights), [ci-après l’« arrêt Grismer »], [1999] 3 R.C.S. 868, paragr. 19.

[27]Idem.

[28]Le stéréotypage peut être décrit comme un processus dans le cadre duquel des catégories sociales telles que la race, la couleur, l’origine ethnique, le lieu d’origine, etc. sont utilisées pour obtenir, traiter et mémoriser des renseignements sur d’autres personnes. Le stéréotypage consiste habituellement à attribuer les mêmes caractéristiques à tous les membres d’un groupe, sans tenir compte de leurs différences individuelles. Ce procédé se fonde souvent sur des idées fausses, une information incomplète et/ou des généralisations erronées.

[29]Cette stratégie est conforme à l’approche adoptée dans la Décision Ahmed c. 177061 Canada Ltd. (2002), 43 C.H.R.R. D/379 (Commission d’enquête de l’Ontario), qui stipule, dans le domaine du logement locatif, que le fait de prendre en compte l’absence d’antécédents de location de façon équivalente à des antécédents négatifs constitue une discrimination, dans la mesure où l’absence d’antécédents de location est liée à un motif prévu au Code, comme c’est le cas pour les nouveaux arrivants, les réfugiés et d’autres personnes.

[30]White c. National Committee on Accreditation, 2010 HRTO 1888 (CanLII).

[31]Bitonti c. British Columbia (Ministry of Health) (No. 3) (1999), 36 C.H.R.R. D/263, paragr. 381.

[32]Idem,paragr. 235.

[33]Voir les conclusions du tribunal dans la Décision Lasani c. Ontario (ministère des Services sociaux et communautaires)(No. 2) (1993), 21 C.H.R.R. D/415 (Commission d’enquête de l’Ontario), au paragraphe 54 : « Je suis entièrement d’accord avec le point de vue de la Commission : lorsque le préjugé ethnique est une réalité, même secrète et non admise, la commission d’enquête doit examiner attentivement les explications qu’on donne du défaut d’embaucher ou d’octroyer une promotion à des membres de communautés ethniques qui sont autrement qualifiés pour un poste, mais ne sont ni engagés ni promus » [traduction libre].

 

4. Responsabilité organisationnelle

Il incombe aux organismes et aux institutions de déterminer si leurs pratiques, politiques et programmes ont un impact négatif ou entraînent une discrimination systémique à l’égard de particuliers ou de groupes protégés par le Code. Du point de vue des droits de la personne, il n’est pas acceptable de fermer les yeux sur la possibilité qu’il existe de la discrimination ou du harcèlement, ou bien de faire abstraction de problèmes liés aux droits de la personne ou d’éviter d’agir à cet égard, et ce, qu’il y ait ou non plainte pour atteinte aux droits de la personne. Il est extrêmement fréquent que les décisions rendues dans le cadre de poursuites pour atteinte aux droits de la personne concluent à la responsabilité d’un organisme qui est condamné à verser des dommages-intérêts en raison de son défaut de répondre de façon appropriée à la discrimination.

Les organismes et les institutions exerçant des activités en Ontario doivent se donner des moyens de prévention et d’action à l’égard des infractions au Code. Ils ont l’obligation de prendre des mesures pour instaurer un milieu respectueux des droits de la personne. L’engagement et les efforts requis font partie des coûts de fonctionnement dans une province qui embrasse l’objectif de l’égalité à titre de politique publique formulée par le Code.

Les composantes d’un bon programme organisationnel de lutte contre la discrimination sont les suivantes[34] :

  1. un énoncé d’objectifs et une politique globale de lutte contre la discrimination
  2. une surveillance proactive continue
  3. des stratégies de mise en œuvre, et
  4. une évaluation.

La Cour suprême du Canada a indiqué clairement qu’il faut concevoir des systèmes incluant toutes les personnes[35]. La diversité ethnoraciale qui existe en Ontario doit se retrouver dans la structure des programmes et des pratiques en matière d’emploi et d’accréditation. Il incombe aux organismes de veiller à ce que leurs pratiques soient inclusives et ne reposent pas uniquement sur des exceptions permettant à certaines personnes de s’intégrer à un système existant. Pour prévenir les obstacles, il faut agir dès la phase de conception, y compris au moment d’élaborer des descriptions de poste et/ou des exigences en matière d’emploi ou d’accréditation. Dans le cadre des systèmes déjà établis, les organismes doivent être conscients du fait qu’ils peuvent comporter des obstacles systémiques et chercher activement à cerner et à supprimer ces obstacles.

Exemple : Un grand établissement bancaire veut s’assurer que les biais en faveur de l’expérience canadienne ne perturbent pas le processus de recrutement concurrentiel. Par mesure de précaution, la banque n’inclut pas de question sur le « pays d’origine » sur son formulaire de demande d’emploi.

Exemple : Un cabinet d’experts-comptables stipule que les candidats à l’emploi doivent être des comptables désignés, au lieu d’indiquer qu’ils doivent avoir le titre de CA, de CMA ou de CGA (des désignations locales excluant la plupart des comptables formés à l’étranger).

Pour s’assurer de satisfaire à leurs obligations en vertu du Code, les employeurs et les organismes de réglementation doivent connaître et respecter la charte de pratiques exemplaires qui est énoncée précédemment dans la présente politique. Ces pratiques exemplaires contribueront à faire en sorte que les nouveaux arrivants ne rencontrent pas d’obstacles discriminatoires au cours de leur recherche d’emploi ou du processus d’accréditation et qu’ils puissent décrocher un emploi faisant le meilleur usage possible de leurs compétences et de leurs qualifications.


[34]Pour obtenir des renseignements plus détaillés sur la prévention et la prise de mesures à l’égard du racisme et de la discrimination raciale, consultez la section 7 du document de la CODP intitulé Politique et directives sur le racisme et la discrimination raciale, disponible en ligne à la page suivante : www.ohrc.on.ca/sites/default/files/attachments/Policy_and_guidelines_on_racism_and_racial_discrimination_fr.pdf.

[35] Arrêt Meiorin, voir plus haut à la note 25, paragr. 38 (pour la question du genre); et arrêt Grismer, voir plus haut à la note 26, p. 880 (pour la question du handicap).

 

5. Conclusion - l’« expérience canadienne »

La CODP estime qu’une exigence stricte liée à l’« expérience canadienne » constitue une discrimination à première vue et qu’on peut l’imposer uniquement dans de rares circonstances. Il incombe aux employeurs et aux organismes de réglementation d’apporter la preuve qu’une exigence d’expérience professionnelle antérieure au Canada est établie de bonne foi, en fonction des critères juridiques énoncés dans la présente politique. Les exigences en matière d’emploi et d’accréditation doivent être claires, raisonnables, authentiques et directement liées à l’exercice du métier.

Le Code des droits de la personne de l’Ontario interdit de formuler des exigences en matière d’emploi et d’inscription auprès d’une association professionnelle, qui sont susceptibles d’avoir un effet préjudiciable fondé sur les motifs prévus au Code, tels que la race, l’ascendance, la couleur, le lieu d’origine et l’origine ethnique.

Il faut que les nouveaux arrivants puissent avoir des possibilités d’emploi correspondant à leur formation, à leurs compétences et à leur expérience, et qu’ils aient l’occasion de contribuer efficacement à leur nouvelle patrie. Les sociétés qui accueillent les nouveaux arrivants et investissent en leur faveur bénéficieront des compétences et de la grande expérience de ces travailleurs et renforceront leur compétitivité au sein de la nouvelle économie mondiale. En tant que nation, le Canada bénéficie des contributions des immigrants, et il a besoin de ces contributions pour assurer sa croissance et sa compétitivité économiques à l’avenir.

Annexe A : Objectif des politiques de la CODP

L’article 30 du Code des droits de la personne de l’Ontario autorise la CODP à élaborer, approuver et publier des politiques sur les droits de la personne pour fournir des directives quant à l’interprétation des dispositions du Code. Les politiques et directives de la CODP établissent des normes décrivant comment les particuliers, les employeurs, les fournisseurs de services et les décideurs doivent agir pour respecter le Code. Étant donné qu’elles constituent l’interprétation du Code par la CODP au moment de leur publication, ces politiques et directives sont essentielles[36]. En outre, elles permettent de promouvoir une interprétation progressive des droits énoncés dans le Code.

L’article 45.5 du Code stipule que le Tribunal des droits de la personne de l’Ontario (TDPO) peut tenir compte des politiques approuvées par la CODP dans le cadre d’une instance relative aux droits de la personne. Si une partie ou un intervenant à une instance en fait la demande, le TDPO doit tenir compte de la politique de la CODP citée. Si une politique de la CODP est pertinente pour l’objet de la requête en matière de droits de la personne, les parties et les intervenants sont encouragés à porter la politique à l’attention du TDPO pour qu’il en tienne compte.

L’article 45.6 du Code prévoit que si le TDPO rend une décision ou une ordonnance définitive dans le cadre d’une instance dans laquelle la CODP était une partie ou un intervenant et que la CODP estime que la décision ou l’ordonnance n’est pas compatible avec une politique qu’elle a approuvée, la CODP peut présenter une requête au TDPO afin que celui-ci soumette un exposé de cause à la Cour divisionnaire pour résoudre cette incompatibilité.

Les politiques de la CODP sont assujetties aux décisions des cours supérieures qui interprètent le Code. Les tribunaux judiciaires et le TDPO manifestent une grande déférence à l’égard des politiques de la CODP[37]. Celles-ci sont appliquées aux faits de la cause devant le tribunal judiciaire concerné ou le TDPO, et citées dans les décisions de ces tribunaux[38].


[36]Veuillez noter que la jurisprudence, les modifications législatives et/ou les changements de position
de la CODP sur ses propres politiques après la date de publication d’un document donné ne seront pas mentionné(e)s dans ledit document.

[37]Dans l’arrêt Quesnel c. London Educational Health Centre (1995), 28 C.H.R.R. D/474 (Commission d’enquête de l’Ontario),au paragr. 53, le tribunal a appliqué la décision rendue par la Cour suprême des États-Unis dans l’arrêt Griggs v. Duke Power Co., 401 U.S. 424 (4th Cir. 1971), pour conclure que les énoncés de politique de la CODP doivent bénéficier d’une « grande déférence », s’ils sont conformes aux valeurs du Code et si leur élaboration est compatible avec l’historique du Code lui-même. Cette dernière exigence a été interprétée comme signifiant que les politiques doivent être élaborées dans le cadre d’un processus de consultation publique.

[38] La Cour supérieure de justice de l’Ontario a cité in extenso des extraits de politiques publiées par la CODP dans le domaine de la retraite obligatoire et déclaré que les efforts de la CODP avaient apporté « d’énormes changements » dans l’attitude vis-à-vis de la retraite obligatoire en Ontario. Les travaux de la CODP sur la retraite obligatoire ont permis d’accroître la sensibilisation du public à l’égard de cette question et expliquent, au moins en partie, la décision du gouvernement de l’Ontario d’adopter une loi modifiant le Code, afin d’interdire la discrimination fondée sur l’âge en matière d’emploi après l’âge de 65 ans, sous réserve d’exceptions limitées. Cette modification, qui est entrée en vigueur en décembre 2006, a rendu illégales les politiques sur la retraite obligatoire pour la plupart des employeurs en Ontario : Assn. of Justices of the Peace of Ontario c. Ontario (Procureur général) (2008), 92 O.R. (3d) 16, paragr. 45. Voir aussi la Décision Eagleson Co-Operative Homes, Inc. c. Théberge, [2006] O.J. No. 4584 (Cour supérieure de justice [Cour divisionnaire]), dans laquelle la Cour supérieure de justice a appliqué les principes énoncés dans le document de la CODP intitulé Politique et directives concernant le handicap et l’obligation d’accommodement, disponible en ligne à la page suivante : www.ohrc.on.ca/fr/resources/policies/DisabilityPolicyFRENCH.

 

Annexe B : Obligations internationales

La législation internationale sur les droits de la personne reconnaît l’interdépendance entre la situation économique, la marginalisation, l’exclusion sociale et le racisme. Plusieurs instruments internationaux soulignent qu’il est important de supprimer les obstacles et de prendre des mesures correctives pour parvenir à une participation égale dans tous les aspects de la société[39]. La Cour suprême du Canada a décrété que les valeurs et principes consacrés par le droit international font partie intégrante du contexte juridique dans lequel les lois sont interprétées et appliquées[40]. En outre, les commissions des droits de la personne ont été reconnues comme des organismes clés pour la mise en œuvre et la protection des normes internationales en matière de droits de la personne. De fait, la CODP utilise les normes internationales applicables pour élaborer ses politiques et s’en inspire pour documenter la manière dont elle applique et interprète le Code.


[39] Voir par exemple : la Convention internationale sur l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale, 21 décembre 1965, 660 U.N.T.S. 195 (entrée en vigueur le 4 janvier 1969 et ratifiée par le Canada le 14 octobre 1970); le document Déclaration et Programme d’action de Viennede la Conférence mondiale sur les droits de l’homme, UN Doc. A/CONF. 157/23 (1993), ratifié par la GA Res. 48/121, UN Doc. A/RES/48/121 (1993); la Déclaration sur la race et les préjugés raciaux, adoptée et promulguée par la Conférence générale de l’Organisation des Nations Unies pour l’éducation, la science et la culture (UNESCO) le 27 novembre 1978, E/CN.4/Sub.2/1982/2/Add.1, annexe V, 1982; et le document Déclaration et Programme d’actionde la Conférence mondiale contre le racisme, la discrimination raciale, la xénophobie et l’intolérance qui y est associée, 25 janvier 2002, A/CONF.189/12.

[40] Voir la Décision Slaight Communications Inc. c. Davidson, [1989] 1 R.C.S. 1038 et l’arrêt Baker c. Canada (ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [1999] 2 R.C.S. 817, paragr. 70-71.