Direction des services juridiques

En 2001‑2002, la Direction des services juridiques a reçu les décisions suivantes : 6 décisions et 30 règlements de la commission d’enquête, 6 décisions résultant d’un recours en révision, 10 décisions en appel et un arrêt de la Cour suprême du Canada.

À la fin de l’exercice 2001-2002, la Direction des services juridiques s'occupait des affaires suivantes : 87 plaintes renvoyées à la commission d'enquête, 14 recours en révision, 8 décisions portées en appel et un pourvoi devant la Cour suprême du Canada.

Les pages qui suivent présentent les grandes lignes de quelques‑unes des affaires et des décisions qui ont marqué l’exercice écoulé.

Appels

Ford Motor Co. of Canada v. Ontario (Human Rights Commission),
Cour d’appel de l’Ontario – décision rendue le 14 décembre 2001

Le plaignant, Mike Naraine, a travaillé neuf ans comme électricien chez Ford. Pendant cette période, il a constamment été l'objet de harcèlement racial. Ce climat de travail causait de plus en plus de frustration à M. Naraine, qui a acquis au fil des années un important dossier disciplinaire, incluant des incidents d’insubordination. Il a été congédié en 1985.

Décision de la commission d’enquête : La commission d’enquête a conclu que le licenciement de M. Naraine était injustifié, du fait que Ford avait négligé de tenir compte des répercussions sur M. Naraine de l'atmosphère de travail empoisonnée. Ford a porté la décision de la commission d'enquête en appel devant la Cour divisionnaire.

Décision de la Cour divisionnaire : Dans une décision unanime, la Cour divisionnaire a rejeté l'appel. Sur la question du délai, la Cour a fait remarquer que la commission d'enquête, après avoir entendu tous les éléments de la preuve, était en excellente position pour déterminer si Ford subirait des préjudices. La Cour s’est par ailleurs rangée à l’avis de la commission d'enquête selon lequel il convient de réexaminer les questions traitées par l'arbitre du travail  pour trancher les questions relatives aux droits de la personne. La Cour a en outre conclu que la commission d'enquête était en droit d'exclure comme non pertinent tout élément de preuve relatif à des incidents survenus après le congédiement de M. Naraine par Ford. Enfin, la Cour maintenu la décision de la commission d'enquête de rendre la compagnie Ford responsable du harcèlement racial, parce qu'elle n'a rien fait pour mettre fin aux propos raciaux et aux graffitis à son usine de Windsor. Ford a demandé l’autorisation d’en appeler de la décision de la Cour divisionnaire. L’autorisation d’appel lui a été accordée, mais sur le seul point de savoir si la commission d’enquête avait eu tort d’ordonner la réintégration de M. Naraine, compte tenu de la décision arbitrale antérieure confirmant son congédiement.

Décision de la Cour d’appel :  La Cour d’appel a conclu que la commission d’enquête avait compétence pour entendre la plainte de M. Naraine pour atteinte aux droits de la personne et pour statuer sur celle‑ci sans être liée par la décision arbitrale antérieure confirmant le congédiement du plaignant. Tout en reconnaissant que, suite à une modification apportée en 1992 à la Loi sur les relations de travail, les arbitres ont aujourd’hui le droit « d'interpréter et d'appliquer les lois ayant trait aux droits de la personne ainsi que les autres lois ayant trait à l'emploi », la Cour d’appel a estimé que cette modification ne donnait aucune compétence exclusive à l’arbitre, pas plus qu’elle ne limitait la compétence de la Commission. En l’espèce, les plaintes déposées par M. Naraine étaient antérieures à la fois à cette révision de la Loi sur les relations de travail et aux modifications apportées au Code des droits de la personne ayant eu pour effet de permettre à la Commission de décider de ne pas traiter une plainte, mais de s’en remettre sur un autre tribunal. L’actuelle compétence concurrente n’existait pas à l’époque où l’arbitre a entendu le grief de M. Naraine : en conséquence, M. Naraine n’avait eu d’autre choix que de saisir la Commission de sa plainte pour non‑respect des dispositions du Code

La Cour d’appel a conclu par ailleurs qu’imposer la réintégration du plaignant dans les circonstances n’était pas défendable. Elle a annulé à la fois la décision de la Cour divisionnaire et l’ordonnance de la commission d’enquête en ce qui a trait à la réintégration de M. Naraine. Sur tous les autres points, la Cour d’appel a confirmé la décision de la commission d’enquête.

Situation actuelle : La Commission et le plaignant ont demandé l’autorisation d’en appeler à la Cour suprême du Canada de la décision de la Cour d’appel de refuser la réintégration du plaignant.

OHRC v.  Mr. A and Mr. B, Mr. C and D Ltd.
Cour d’appel de l’Ontario – décision rendue le 14 novembre 2000

Le plaignant A était employé de D Ltd. B était vice-président et directeur de D Ltd, superviseur direct et frère de la conjointe de A (autrement dit, beau‑frère de A). D Ltd était la propriété de C, qui était lui aussi un frère de la conjointe de A.

A a travaillé pour D Ltd pendant 26 ans sans incident. Juste avant son congédiement, sa fille a déclaré, en sa présence et en présence de sa conjointe, qu’elle s’était souvenue en cours de thérapie que B l’avait sexuellement agressée quand elle était enfant. La conjointe de A et sa fille ont confronté B (le frère de la conjointe de A) chez lui un vendredi soir. Bien que A ait conduit sa conjointe et sa fille en voiture jusqu’au domicile de B ce soir‑là, il n’avait pris aucune part à la confrontation. Le lundi, lorsque A est allé à son travail comme d’habitude, B l’a renvoyé.

Décision de la commission d’enquête : La commission d’enquête a conclu qu’il était un fait établi que A était capable de séparer sa vie privée de sa vie professionnelle. Elle a ensuite conclu qu’en l’absence de toute autre explication, A avait été renvoyé en raison des actions de sa conjointe et des accusations portées par sa fille, et que cette situation constituait une discrimination fondée sur l’état familial ou matrimonial.

Décision de la Cour divisionnaire : La Cour divisionnaire a confirmé ces conclusions de fait, mais elle a rejeté la conclusion selon laquelle les faits relevaient d’une discrimination fondée sur l’état familial ou matrimonial, malgré les liens de parenté par alliance entre les parties.

Décision de la Cour d’appel : La Cour d’appel a accueilli l’appel interjeté par la Commission, étant d’accord avec l’argument de celle‑ci suivant lequel les motifs illicites de discrimination que sont l’état matrimonial et l’état familial englobent non seulement le fait ou non d’être marié et d’avoir des enfants, mais aussi l’identité des conjoints et des enfants.

Situation actuelle : Les intimés ont formé un pourvoi en appel devant la Cour Suprême du Canada. Les deux parties ont déposé leur preuve et attendent l’arrêt de la Cour.

Cour divisionnaire

Brillinger and the Canadian Lesbian and Gay Archives v. Imaging Excellence Inc. et al.
Commission d’enquête – décisions rendues le 29 septembre 1999 et le  24 février 2000

Le plaignant, Ray Brillinger, a demandé des services d'impression - enveloppes, papier à en-tête et cartes de visite - à la partie intimée, Imaging Excellence Inc., au nom de Canadian Lesbian and Gay Archives (les «Archives»). Le président de la société Imaging Excellence, Scott Brockie, a refusé de fournir les services demandés en raison de ses croyances religieuses. Scott Brockie croit que l'homosexualité est contraire aux enseignements de la Bible. M. Brockie a fait valoir que son droit à la liberté de religion en vertu de l'alinéa 2 a) de la Charte canadienne des droits et libertés (la Charte) justifiait son refus de fournir les services demandés.

L'audience s'est déroulée en deux étapes : la première étape a porté sur la violation du Code et la seconde, sur le moyen de défense fondé sur l'alinéa 2 a) de la Charte.

Décision de la commission d'enquête (première étape) : La commission d'enquête a conclu que le Code protège la Canadian Lesbian and Gay Archives contre toute discrimination fondée sur l'orientation sexuelle. La commission d'enquête a déterminé que les organisations comme les Archives sont tellement imprégnées de l'identité et du caractère particulier de leurs membres, ou représentent si nettement un groupe de personnes identifié par un motif illicite de discrimination prévu par le Code, qu'elles ne peuvent être séparées de leurs membres et qu'elles endossent elles-mêmes les caractéristiques faisant l'objet de mesures de protection.

La commission d'enquête a donc conclu que tant Ray Brillinger que les Archives s'étaient vus refuser des services d'impression en violation de l'article 1 du Code. Elle a conclu que Ray Brillinger, en raison de son association avec les Archives, avait été indirectement victime de discrimination en tant que membre des Archives et en tant que président de l'organisation à l'époque. La commission d'enquête a conclu que les Archives avaient été victimes de discrimination directement et par association.

Décision de la commission d'enquête (seconde étape) : La commission d'enquête a ordonné aux mis en cause d'offrir des services d'impression aux gais et aux lesbiennes comme aux organismes qui existent pour leur avantage. Elle a accepté la concession de la Commission et du plaignant qu'une telle ordonnance allait à l’encontre de la liberté de religion que lui garantit l’alinéa 2 a) de la Charte canadienne des droits et libertés, mais elle a conclu que cette atteinte à sa liberté était raisonnablement justifiée aux termes de l’article 1 de la Charte.

La commission d'enquête a ordonné à M. Brockie et à Imaging Excellence de payer à Ray Brillinger et aux Archives des dommages-intérêts généraux de 5 000 $, montant jugé nécessaire pour souligner la gravité de la violation de droits commise.

Situation actuelle : La partie intimée a porté la décision en appel devant la Cour divisionnaire. La Cour divisionnaire a statué de façon préliminaire que la commission d’enquête n’avait pas compétence pour joindre Canadian Lesbian and Gay Archives à l’instance comme partie plaignante. Elle a toutefois décidé que la suppression des Archives comme partie à l’instance ne suffisait pas à régler l’appel. Les deux côtés ont présenté leurs arguments et attendent désormais la décision de la Cour divisionnaire.

Service Employees International Union, Local 528 v. Ontario Jockey Club
Cour divisionnaire – décision rendue le 8 novembre 2001

L’organisme connu sous le nom Ontario Jockey Club et le syndicat Service Employees International Union ont demandé la révision judiciaire des décisions contradictoires de deux arbitres. L’affaire concerne deux employés atteints de lésions professionnelles d’amorce graduelle qui ne sont pas prévues par leur convention collective. Les employés et leur syndicat ont fait valoir que cette omission constituait une forme de discrimination fondée sur l’existence d’un handicap en contravention du Code.

Le premier arbitre avait conclu qu’un régime d’assurance dont les prestations sont limitées aux employés atteints d’une lésion attribuable à un incident particulier ne portait pas atteinte au Code. Le second arbitre a, lui, décidé que les employés atteints d’une lésion d’amorce graduelle vivent la même diminution de leurs capacités que les employés atteints d’une lésion attribuable à un incident particulier, et que les uns comme les autres ont donc pareillement besoin de prestations de remplacement du revenu. Le second arbitre a décidé que le régime d’assurance constituait une forme de discrimination envers les auteurs du grief fondée sur l’existence d’un handicap, en contravention du paragraphe 5(1) du Code.

Décision de la Cour divisionnaire : La Commission est intervenue pour le compte du syndicat. Dans une décision unanime, la Cour divisionnaire a accordé au syndicat l’annulation de la sentence arbitrale défavorable et rejeté l’appel du Jockey Club. La  Cour divisionnaire a confirmé la décision du second arbitre.

Situation actuelle : La décision de la Cour divisionnaire n’a pas été portée en appel. 

Commission d’enquête

Turnbull, Chapman, Fragale, Wong-Ward, Macaulay v. Famous Players Inc.,
Commission d’enquête – décision rendue le 10 septembre 2001

Les cinq parties plaignantes, qui se déplacent en fauteuil roulant, ont allégué que Famous Players contrevenait au Code parce que ses salles de cinéma ne sont pas toutes accessibles aux personnes comme elles, parce que les personnes en fauteuil roulant sont interdites d’accès dans celles des salles de Famous Players qui ne sont pas aménagés sans obstacle et parce que les personnes qui accompagnent les spectateurs et spectatrices en fauteuil roulant dans ses salles accessibles doivent signer un registre si elles veulent obtenir un billet d’admission gratuit.

Décision de la commission d’enquête : La commission d’enquête a conclu que le défaut de Famous Players de faire en sorte que toutes ses salles soient aménagées sans obstacle constituait une contravention prima facie de l’article 1 du Code. Elle a conclu qu’en l’espèce, le préjudice injustifié causé par les mesures d’adaptation aux besoins des personnes handicapées n’était pas une défense admissible et l’a donc rejetée. En ce qui a trait à la politique d’interdiction d’accès, la commission d’enquête a également rejeté la défense basée sur des considérations de santé et de sécurité. Par contre, elle a estimé que l’exigence selon laquelle les personnes accompagnant une spectatrice ou un spectateur en fauteuil roulant doivent signer un registre pour obtenir un billet d’admission gratuit n’était pas contraire au Code, vu qu’il leur était possible de refuser d’indiquer leur nom et leur numéro de téléphone sans pour autant être privées de billet gratuit. De plus, la commission d’enquête a constaté que les autres bénéficiaires de billets gratuits étaient également tenus de signer le registre, autrement dit que les accompagnatrices et accompagnateurs de personnes en fauteuil roulant n’était pas soumis à une politique distincte.

L’une des mesures de redressement ordonnées par la commission d’enquête était que Famous Players fasse le nécessaire pour graduellement rendre les salles de cinéma visées par la plainte accessibles aux personnes en fauteuil roulant. La commission d’enquête a par ailleurs ordonné que tout film projeté dans les salles inaccessibles devait aussi, faute de l’être déjà, être projeté dans une salle facile d’accès si une spectatrice ou un spectateur en fauteuil roulant en faisait la demande. Enfin, la commission d’enquête a ordonné à Famous Players de passer en revue son programme de formation des membres de son personnel, afin de les sensibiliser aux besoins des personnes handicapées. Elle a ordonné à Famous Players le versement de dommages‑intérêts à chacune des parties plaignantes situés entre 8 000 $ et 10 000 $ pour atteinte à leurs droits, plus 2 000 $ de dommages‑intérêts à l’une des parties plaignantes pour souffrance morale causée par la conduite insouciante de l’intimé. 

Situation actuelle : Certaines questions touchant la compensation demeurent en suspend ´ la Commission d’enquÃte.

Fuller v. Daoud and Desquilbet
Commission d’enquête – décision rendue le 17 août 2001

Le plaignant, qui est Noir, est devenu locataire des intimés lorsqu'il a loué d’eux un appartement de sous-sol en mars 1999.

Peu après qu'il ait emménagé dans cet appartement, le plaignant a été sujet à des entrées non autorisées, à du harcèlement racial et au bruit excessivement lourd de pas sur son plafond (le plancher de l'intimé). La plaignant a finalement été expulsé de son logement suite à de fausses accusations. 

Décision de la commission d’enquête : La commission d'enquête a conclu que le plaignant avait été victime de harcèlement et de discrimination à cause de sa race. La commission d’enquête a adopté une approche globale de l’évaluation du montant des dommages‑intérêts payables au plaignant. Elle a conclu qu’à première vue, l’alinéa 41(1) b) du Code ne plafonne pas les dommages‑intérêts dont il lui est possible d’ordonner le paiement en cas d’atteinte au droit à un traitement égal en matière de services sans discrimination ni harcèlement. Le seul plafond établi par cet alinéa concerne l’indemnisation financière envisageable pour dommages moraux : dans pareil cas, les dommages‑intérêts ne doivent pas dépasser 10 000 $ et la commission d’enquête ne peut en ordonner le paiement qu’à condition d’être convaincue que l’atteinte aux droits a été volontaire ou commise avec insouciance. En l’espèce, la commission d’enquête a ordonné le paiement de 15 000 $ de dommages‑intérêts pour la perte consécutive à l’atteinte aux paragraphes 2(1) et 2(2) du Code et de 10 000 $ pour dommages moraux. 

Situation actuelle : La décision de la commission d’enquête n’a pas été portée en appel et la Commission fait le nécessaire pour s’assurer du respect de l’ordonnance de la commission d’enquête.